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Mon jour le plus long

Le jeudi 14 avril 2016, par † Michel Carcenac

— Michel, lève-toi ! Vite ! Ils arrivent ! Viens voir !

Une claque sur les fesses encore douloureuses achève de me réveiller.

De la fenêtre de la cuisine on aperçoit un incendie en haut de la côte du Coux, à Saint-Georges, à dix kilomètres de Belvès. Les Allemands sont polis et n’aiment pas surprendre les gens au petit matin : ils mettent le feu à quelques granges, histoire de prévenir de leur arrivée. Je suis vite habillé mais ma mère refuse de me donner mon pantalon préféré, tout percé. J’enfile un short, une chemise kaki, des espadrilles et me voici en tenue de combat, le colt dans la ceinture.

Six jours de repos à l’hôpital familial ont cicatrisé mes blessures, blessures très honorifiques pour la famille et moins traumatisantes que le sérum antitétanique injecté par le docteur Mathet.

Soleil avait rendu visite à ses blessés et je savais où se trouvait son dernier P.C. Après cinq minutes de marche hésitante, à cause de mes fesses, je suis capable de courir et de monter rapidement sur la colline de Pesset, en face de Belvès. En haut de la côte, chez Cavard à Mouret, je trouve Soleil attablé devant des œufs au jambon avec de belles tranches de pain blanc. Madame Cavard fait le service.

— Ah, te voilà Michel ! Très bien, j’ai besoin de toi. Tu vas prévenir Rasemottes qui est sur les rochers d’Urval ; ensuite Maurice au château de Siorac. Tu leur diras que les Boches vont les prendre à revers, qu’ils sont passés par le pont de Saint-Cyprien. Dis-leur qu’ils se replient tout de suite à Campagnac-lès-Quercy. Vas-y et fais vite !... José, prends-le avec la traction et mène-le le plus loin possible ; après, il se démerdera.

Investi de cette mission délicate, je demande si je ne pourrais pas déguster l’œuf que je lorgne. Je n’ai rien dans l’estomac et la journée s’annonce longue, la plus longue de l’année, nous sommes le 24 juin 1944. Déjà, madame Cavard dispose une assiette supplémentaire.

— T’as pas le temps... Fous le camp et vite. Laisse ton pétard, il te gênerait pour courir.

Fier de cette marque de confiance, je pars dans la traction à la recherche des adjoints de Soleil. Après Fongauffier, sur la route de Siorac, je crois retrouver la débâcle de 40. La route est encombrée de civils chargés de sacs, de paniers. Des maquisards plus ou moins armés se replient. Tous nous crient que les Boches vont arriver et qu’il faut faire demi-tour. A la Lénotte, mon chauffeur refuse d’aller plus loin et me laisse en plan, face au flot des fuyards. J’interpelle un type en vélo, mitraillette en bandoulière :

— Passe-moi ton vélo, ordre de Soleil !
— Mais...mais...
— Si tu ne le fais pas tout de suite, ça te coûtera cher !

Avec ce vélo sans dérailleur, je prends la première route à gauche et j’arrive à Bonarme, sur le plateau.

Soleil a fait prévenir les Sioracois qu’il allait livrer bataille. Les habitants ont abandonné leurs maisons et escaladé la colline, à pied bien entendu. Ils se sont planqués dans les bois près des deux dolmens. Comme ils n’ont pas eu le temps de déjeuner, ils cassent la croûte sous les châtaigniers centenaires.

J’entrevois des paniers de provisions, des bonbonnes, des bouteilles. Quand un Périgourdin se déplace, surtout à l’aventure, il assure lui-même son intendance ; il ne fait confiance à personne pour cela. Je suis ahuri par cette kermesse.

On veut m’empêcher d’aller vers Siorac où la mort m’attend paraît-il. Enfin, je rencontre Pierrot Fournet, le champion de la pêche à la main.

— Pierrot... où se trouvent les rochers de Castelréal ? Il faut que j’y aille en vitesse. Quand je me retrouve dans les caillasses, les genévriers, la pente raide, j’abandonne le vélo. Je descends la colline en courant, jusqu’au moulin du Pic, la remonte en pestant contre Rasemottes qui est si bien planqué.

Rasemottes est un dur, venu de Port-Saint-Louis-du-Rhône comme Soleil. Avant le débarquement, pour récupérer des armes, il montait dans le train à Siorac ou à Belvès et piquait le revolver des gendarmes qu’il rencontrait. Enfin je le trouve.

Les rochers qui surplombent la route Siorac-Le Buisson sont minés. L’endroit est bien choisi : la route est coincée entre la falaise et un marécage, le Bouch de Siorac, qui a mauvaise réputation. Plusieurs charrettes s’y sont englouties sans que l’on retrouve ni les bêtes ni les conducteurs.

Le plan de Rasemottes est bien calculé. Les rochers tomberont sur la colonne ennemie, comme à Roncevaux. Ceux qui voudront s’enfuir par le marécage seront aspirés par la vase. Pour compléter, on balancera des grenades Gammon et, aux extrémités du coupe-gorge, quelques gars attendront avec des mitrailleuses.

Mais voilà... les Allemands qui arrivent de Bergerac n’ont pas pris la bonne route. Ils ont fait un grand détour par Saint-Georges, en haut de la côte du Coux. Pourquoi n’ont-ils pas pris la route normale, ils sont pourtant accompagnés de guides qualifiés, de bons Français ? Ces derniers se méfieraient-ils des falaises ?

L’ordre de repli sur Campagnac-lès-Quercy transmis, je me mets en devoir de remplir la deuxième partie de ma mission.

Partant du moulin du Pic, j’emprunte la route, on ne peut faire autrement. Au lavoir de Foncaude, j’opte pour le train, ou plutôt la voie ferrée qui me mènera au centre de Siorac sans risques de rencontrer un véhicule ennemi. La course sur les traverses de chemin de fer n’est pas facile. Je suis obligé de regarder où je mets les pieds et je surveille mal les environs. Je me fie à l’oreille pour apprécier la distance et la direction des coups de feu qui claquent dans la vallée et je fonce. Enfin, arrêt en gare de Siorac, déserte. Personne, pas même le chef de gare.

Bon ! Allons au château, mais attention, j’ai une mission d’importance à remplir, je ne dois pas me faire zigouiller avant.

De la gare, j’avance vers la poste, passant d’un tilleul à l’autre, scrutant de chaque côté de l’angle mort formé par l’alignement des arbres. Au dernier tilleul, je découvre, à vingt mètres un char allemand, un Tigre je suppose, pour moi tous les chars allemands sont des Tigre. Ses canons sont braqués vers le Sud. Les Chleuhs me tournent le dos, l’un est perché sur la tourelle. A côté du char, un civil, un Français, interpelle quelqu’un :

— Hep ! là-bas ! où allez-vous ?

J’ai un instant de rage folle. Soleil a confisqué mon pétard et ne m’a pas donné une seule grenade. Si j’en avais, je faisais sauter le Tigre.

L’héroïsme flanche vite devant l’instinct de conservation. Je rebrousse chemin à reculons, toujours derrière les tilleuls, et me retrouve en gare de Siorac. Quand je traverse les rails, ils me voient et la mitrailleuse du char claque. Je suis assez loin et les balles ne font que m’accompagner, brillantes dans le soleil. Tout en trottant, je fais le point de la situation, Maurice ne peut être au château, du moins vivant. Il va de soi qu’il a filé en direction de Belvès ; en faisant de même je devrais le rattraper.

Je me rapproche de la nationale, mais après réflexion je préfère reprendre la voie ferrée, où les engins blindés allemands ne circulent pas d’habitude. Une petite route encaissée ne m’inspire pas confiance et me fait penser à une souricière ; je m’engage sur le Pont-des-Sœurs, le viaduc à une seule arche qui l’enjambe. Arrivé en son milieu, je m’arrête un instant de viser les traverses pour jeter un coup d’œil circulaire et je découvre un blindé arrêté au-dessous. Trois Allemands regardent vers le foirail, là où j’aurais dû passer si je n’avais pas pris le rail. Encore une fois, je peste de ne pas avoir de grenades. De mon perchoir je pourrais démolir l’engin et les trois ennemis. Il ne me vient pas un instant à l’idée que ces grenades, par ricochet, mettraient le feu à Siorac, je ne pense qu’à cette belle occasion manquée.

Ces Boches qui sont à quatre mètres au-dessous de moi... Ils ne songent pas à lever la tête ! Où ont-ils donc appris à faire la guerre ?

Je finis de traverser le petit Pont-des-Sœurs, qui me paraît bien long, en marchant doucement sur les traverses, surtout pas sur le ballast. Quelques mètres plus loin je me faufile dans le taillis d’acacias, penché en avant sous les ronces, comme un chercheur de champignons. Les Chleuhs n’oseront pas s’aventurer dans un fourré. Moment d’émotion quand je me trouve nez à nez avec Maurice. Nous marchons ensemble en silence, puis je lui délivre mon message.

— Heureusement que je ne t’ai pas attendu. Nous étions dans la cour du château et on devait balancer les Gammon sur la gueule des Boches, mais ces salauds ne sont pas passés sous la muraille. Quand nous avons entendu leurs engins derrière nous, nous nous sommes barrés en vitesse. Maintenant, pars à Campagnac ; je reste planqué ici un moment pour voir comment ça se goupille.

Par les collines boisées, je prends la direction du Sud. Les Allemands avancent à la même vitesse que moi, pour autant que je puisse en juger par leurs canons qui déblaient la route nationale en tirant sur les barrages d’arbres. Derrière ces défenses préhistoriques il n’y a plus personne.

La journée est superbe, le ciel d’un bleu sans tache. Mais quelle chaleur ! Les cigales font plus de vacarme que le canon.

De Pech-Bracou, la ligne de crête me ramène à Bonarme où je retrouve les Sioracois. Ils sont tout heureux de me revoir en vie. C’est bon de s’asseoir quelques minutes, le dos appuyé contre un châtaignier en dégustant un verre de vin et un quignon de pain. Ce ne sont plus les cigales qui font du bruit, mais les Sioracois qui veulent savoir ce qui se passe chez eu. Je leur conseille de ne pas rester si près de la route et de s’enfoncer loin dans les bois, vers le Camp-de-César.

Je ne m’attarde pas, le canon se fait toujours entendre dans la vallée où pourtant personne ne résiste. C’est à croire que les Allemands font tout ce boucan pour prévenir les Belvésois de leur arrivée.

Je descends par la route vers le ruisseau du Moulinal, dans un état second, car la fatigue, la chaleur et deux ou trois verres de vin ont un effet désastreux. J’ai bien réclamé de l’eau aux gens du dolmen, mais si les Sioracois se sont chargés de bonbonnes de vin, ils n’ont pas gaspillé leur énergie à transporter de l’eau.

Dans le petit vallon, au carrefour de la route de Monplaisant, je suis vite dégrisé. Une traction que j’avais repérée à mon premier passage est toujours là, mais incendiée. Les Boches sont passés par ici et ne sont peut-être pas loin. Je gagne les bois, bien maigres à mon gré sur le coteau calcaire de Monplaisant et progresse toujours vers le sud.

Je ressens une impression bizarre d’être ici, abandonné à moi-même, faisant la guerre seul, et sans armes. Mais cela ne me déplaît pas. Pas de discussion sur le chemin à prendre, je marche ou trotte à mon rythme sans m’occuper de personne. L’entraînement d’éclaireur m’est utile, le grand jeu, je le joue pour de vrai aujourd’hui. Si les Allemands m’aperçoivent, je suis mort.

En approchant de Belvès, les bois disparaissent, remplacés par des cultures.Pas un jardinier. Tout le monde s’est replié dans les bois.

Dans cette ancienne zone de feu entre France et Angleterre, pendant trois cents ans les habitants ont su que leur salut se trouvait dans la forêt. Jacquou le Croquant a trouvé refuge dans la Forêt Barade et dans la Forêt de la Bessède. L’antique réflexe a encore joué.

A Belvès il ne reste que le vieux pharmacien Joseph Laporte, qui se promène devant la halle avec son petit fils de cinq ans. Surpris de n’avoir rencontré aucune résistance, l’officier allemand commandant la colonne demande pourquoi le village est déserté : Joseph Laporte explique avec aisance que le 24 juin, jour de la Saint-Jean, les habitants se rendent à la campagne pour pique-niquer et le soir faire des feux de joie sur les collines.

L’officier doit apprécier, en fait de feux de joie, il s’y connaît.

J’arrive à la Croix-de-Bordeaux, l’entrée de Belvès. Calme plat. Personne, plus de cigales, pas un chien, une chaleur écrasante. La trouille m’envahit, ce serait si bête de se faire canarder chez soi. Je n’entends plus le canon et le silence est oppressant. Il me faut encore foncer vers le sud, au-delà du village.

Quand on est dans le bourg, il est difficile d’en sortir sans se faire repérer. Moi qui connais tous les carreyrous, je n’ai rien à craindre. J’ai assez joué dans les ruelles pour savoir comment semer des poursuivants. On ne m’aura pas facilement.

En haut de la rue du Barris, je m’engage dans la rue de la Peyrière, une ruelle bordée de hautes murailles. La route de Monpazier est vite traversée. Au Bout-du-Monde, j’enfile à droite le chemin creux qui aboutit à Landrou. Aucun véhicule ne l’empruntera, il est trop étroit. Les hautes murailles me protègent mais m’empêchent de voir. Je dévale la pente raide et d’un coup, plus de murailles. Je suis sur la route, à quelques mètres au-dessus de la fontaine de Landrou.

Derrière moi, des rafales d’armes automatiques partent, ça claque sec. Les Boches sont sur la route, tout près. Ils me tirent dessus. La route est en pente assez forte, ce qui me permet de passer le grand braquet. A toute vitesse je franchis les cinquante mètres de goudron, contourne le rocher sur lequel est perché la maison des Pelleterie et prends l’étroit sentier qui mène à Font-de-Brague.

A droite de ce chemin, le talus protecteur ; à gauche en contrebas, le vallon et des prés. Au premier bois de chênes, j’oblique à gauche sans regarder si je suis poursuivi. Bientôt je n’entends plus de détonations.

Je grimpe au Martoulet, à la Bousquette, traverse l’étroite mais dégagée vallée de la Crout et, par Rivié, je gagne enfin l’abri des bois du Bugassou et de la Belle-Etoile. Mon cœur bat très fort. Je ne cherche pas à réaliser ce qui s’est passé, je m’en moque, je les ai eus et ça me suffit. Le rugby m’a aidé, en un clin d’œil il faut évaluer la situation, saisir l’opportunité et foncer comme une brute sans hésiter. C’est ce que j’ai fait, j’ai marqué un bel essai, il me reste à le transformer.

Je prends un peu de repos en marchant sur les hauteurs de la Belle-Etoile et de Monroudier. Les quelques obus qui éclatent par-ci par-là dans le bois, ne m’inquiètent guère. Arrivé à Marquisie, j’ai une superbe vue sur Belvès que je domine. J’entends toujours le bruit des chenilles et du canon et j’aperçois des fumées qui s’élèvent bien droit dans le ciel pur.

— Les salauds ! Ils mettent le feu ! Mes bouquins !

Ma première pensée est pour mes livres.

Extrait du livre : Les Combats d’un Ingénu , Michel Carcenac, Éditions du Hérisson 24170 BELVÈS

Mon jour le plus long. A QUOI ÇA TIENT…

L’image des trois Allemands que je contemplais du haut du Pont des Sœurs ne s’est jamais effacée de mon esprit, je les avais photographiés. Mais, il y a quelques mois, je me suis demandé ce qu’ils faisaient là. Leur véhicule était arrêté sur cette petite route, ils étaient appuyés sur le capot et semblaient attendre quelqu’un. Il m’a fallu soixante-dix ans pour qu’enfin je réalise que c’était moi qu’ils attendaient. Quand je suis passé au dessus d’eux, je me suis simplement dit : s’ils tournent la tête, ils te verront. Bien sûr qu’ils m’auraient vu, me détachant sur le ciel bleu sans un nuage ce jour de la Saint-Jean. J’ai continué de marcher en douce sur les traverses, évitant de faire crisser les cailloux du ballast. Pourquoi se trouvaient-ils à cet endroit précis ?

Obéissant aux ordres de Soleil, mon chef, je m’étais avancé à quelques mètres d’un char arrêté devant la poste de Siorac-en-Périgord. Les soldats et un civil, grand et de noir vêtu, me tournaient le dos eux aussi. C’était pour sûr un Français qui criait sans accent : « Hep là-bas, où allez-vous ? » Peut-être était-ce le journaliste de la Petite Gironde qui a fait l’article relatant cette chasse aux terroristes à Siorac ? Ce discours ne m’étant pas destiné, je profitais de cette diversion pour battre en retraite dans la seule voie possible, l’allée de platanes qui mène à la gare, une véritable nasse.

Ils m’ont vu au dernier moment et la pétarade a commencée. Mais les bâtiments de la gare m’ont camouflé le temps que je traverse les voies. Ensuite les maisons me cacheraient mais je n’allais pas rester dans ce quartier, attendre qu’ils viennent me chercher. J’attaquais la colline pour prendre le large mais pour le coup j’étais bien visible et les balles brillaient dans le soleil autour de moi. Je réalisais que je n’arriverai pas au bout de la côte et je suis redescendu. De là, cap à l’Est vers le pont, le seul accès à la route de Belvès. Ça tiraillait toujours.

De leur observatoire à la poste, les Allemands me suivaient à la jumelle, ils savaient que je n’avais pas d’autre aboutissant que le pont et ils ont envoyé trois hommes pour me cueillir. Ainsi postés, entourés de hautes murailles, ils avaient quelques quatre à cinq mètres de visibilité sur la route et aucune sur leur environ immédiat. En sortant du trou, ils auraient eu une parfaite vue sur la rue par laquelle j’arrivais et sur les voies ferrées de Sarlat et de Belvès. Mais moi je les aurais aperçus, c’est pour cela qu’ils ont préféré me guetter dans la fosse. Ils n’avaient ramassé aucun homme à Siorac, j’étais le seul gibier à leur portée.

Quant à moi, je continuais à courir vers mon destin et dans moins de cent mètres, à la sortie du grand virage entouré de hautes murailles, je serais littéralement tombé dans les bras des ennemis.

Arrivant par la rue de Pechbracou, je me trouvais à la jonction avec la rue du Pont des Sœurs et, quelques mètres au-delà, les rails brillaient en amorçant le virage vers Belvès. Une idée surgit, me donnait un ordre : « Prends le train, sur la route, il y a toujours des voitures, des chars, des Boches. »

J’étais tout près des Allemands. Si je n’avais pas réagi sur le champ, il y aurait une ligne de plus sur le monument au Bas de la Côte, à Belvès. Les hommes ramassés ce jour-là par les Allemands un peu partout, à Saint-Cyprien, ont été amenés à cet endroit pour y être fusillés.

Les Allemands venaient de Bergerac pour se frotter au groupe Soleil, ils n’ont trouvé personne à Siorac, j’étais le seul Français parmi eux et maquisard par-dessus le marché.

Soleil avait donné l’ordre de replis sur Campagnac-Les-Quercy. Mais il avait oublié de prévenir Rasemotte, perché sur les rochers de Castelréal ; à l’époque il n’y avait pas de téléphones portables et j’arrivais au bon moment pour me voir confier cette mission, pendant que lui, Soleil, dégustait des œufs au plat avant de prendre la route de Campagnac avec la traction. Il savait que Siorac était investi par les ennemis.

Et surtout, je suis parti en mission au milieu des Allemands en connaissant le lieu de ralliement, en haut d’une colline, à une vingtaine de kilomètres. Capturé, sous la torture j’aurais parlé, et alors c’eut été, à Campagnac-les-Quercy le massacre du Groupe Soleil.

Quand un soldat s’en va-t-en guerre il a
Des tas de chansons et des fleurs sous ses pas
Quand un soldat revient de guerre il a
Simplement eu d’la veine et puis voilà...

Belvès le 12 avril 2016.

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6 Messages

  • Mon jour le plus long 12 octobre 18:05, par Colette Boulard

    Il m’est difficile de commenter un article aussi poignant. Juste : Merci ! Et parce que ce comm se positionnera pour l’instant en haut des comm. Pas en bas : nous laisserons tous le dernier mot à Michel Carcenac.

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  • Mon jour le plus long 11 octobre 17:40, par J.J.Bonnin

    "Il m’a fallu soixante-dix ans pour qu’enfin je réalise que c’était moi qu’ils attendaient."

    Et moi il m’a fallu quatre vingt ans pour me rendre compte que je n’avais pas été à la hauteur. Quand je me suis trouvé en face des soldats en armes qui barraient la rue, et nous ont fait mettre à l’abri, je n’ai pas eu le reflexe de les saluer, de les remercier, je suis resté bêtement à les regarder. Je m’en veux .

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  • Mon jour le plus long 11 octobre 10:29, par Jean-Claude DRION

    Très belle histoire, bien racontée...
    Merci du partage
    Et bravo pour cette héroïque aventure

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  • Mon jour le plus long 11 octobre 10:20, par Jocelyne Cathelineau

    Bonjour
    Au détour d’un article de Michel Carcenac, je vois évoqué le maquis de Bir-Hakeim, qui oeuvrait dans la région d’Angoulême, Chasseneuil sur Bonnieure... et qui a retardé l’avancée des troupes ennemies parties en renfort en Normandie, après le débarquement du 6 juin 1944. Entre autres.
    Hommage à ces braves et particulièrement à un oublié, lequel devait être le plus jeune : Claude Magret dit Coco, de Chasseneuil, engagé dans le maquis à 16 ans et demi "parce qu’il voulait retrouver son frère aîné parti avant lui" m’a-t-il dit. Il n’avait jamais tenu un fusil mais il a libéré Angoulême avec ses camarades. Claude Magret né le 30 mars 1927 à Soyaux (16) est décédé le 27 mars 2017 à Chasseneuil, après avoir consacré la fin de sa vie au souvenir de la Résistance : il était porte-drapeau, s’occupait des "bonnes oeuvres" chez les anciens combattants, faisait visiter le petit musée de la Résistance de Chasseneuil où il avait donné son calot. Récemment, le bulletin municipal de Chasseneuil sur Bonnieure énumérait la liste des résistants, en l’oubliant, je répare cet oubli.

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  • Mon jour le plus long 15 avril 2016 17:49, par J.J.

    Le groupe Soleil !
    Je pense que c’est le même groupe Soleil qui était à Angoulême le 31 août 1944 (avec la S S S, Bir Hakeim et quelques autres !) .
    Et moi, je me trouvais derrière la colonne allemande qui fuyait Angoulême, et le groupe Soleil qui a ouvert le feu à ce moment là. Ça m’a sifflé aux oreilles ! Je n’avais que 7 ans, mais je m’en souviens encore.

    Un grand merci pour tous ces braves qui sont venus nous délivrer (peut-être en faisiez vous partie ?).
    Un souvenir ému aussi pour tous ceux, trop nombreux, qui y ont laissé la vie !

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    • Mon jour le plus long 27 avril 2016 20:58, par Michel Carcenac

      Bonjour ami d’Angoulême, oui j’y étais et j’avais dix ans de plus que vous.
      J’étais le secrétaire du commandant Soleil et mon devoir était aussi de veiller sur lui.
      Nous étions partis de Périgueux avec camions, voitures, autobus, la plupart à gazogène !
      A Sainte-Catherine nous étions regroupés en une colonne qui n’avait rien à voir avec une colonne allemande. Le centre d’Angoulême était à 10 kilomètres et Soleil bouillait d’impatience en attendant les ordres. Quatre des nôtres se font tuer ; la veille six étaient morts à Neuvic.
      Les aventures ne s’arrêtent pas chez vous, nous sommes vite partis faire le siège de la Rochelle. Lisez « Les Combats d’un Ingénu », ça vous rajeunira.

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