- Carte d’une partie des opérations de la guerre entre Paris et Tours, 1870-1871
dessinée par le Major von der Lochau, 1895
Saclas est niché le long de la Juine à 10 km au Sud d’Etampes dans l’ancien département de la Seine-et-Oise.
Charles Tiffagnon, 37 ans, s’y trouve mentionné en 1866 lors du recensement de Saclas, avec sa femme Honorine Heurteur, institutrice en disponibilité, 35 ans, et leurs enfants Marie Ursule Emilie, 10 ans, ainsi que George Henri Marius. Celui-ci est né le 21 juin 1864 à Septeuil, où son père était instituteur depuis 1862.
La famille reste seulement pendant deux ans, de 1862 et 1864, dans cette localité. Cependant, pendant ce court temps, il a pu fonder un orphéon d’adultes et de jeunes gens [1].
Sa prochaine affectation sera le village de Saclas, où il restera sept ans avant de partir pour une seule année comme instituteur à Montalet-le-Bois [2]. Il n’est pas étonnant que Charles Tiffagnon n’y enseigne qu’une année si on sait que ce village n’a qu’environ 180 habitants contre 740 à Saclas à la même époque.
- Signature de Charles Tiffagnon
- Acte de naissance de sa fille Caroline Estelle Isabelle
le 12 septembre 1867 à Saclas
La famille Tiffagnon, qui s’agrandit d’un troisième enfant en 1867 avec la naissance de leur fille Caroline, vit donc pendant la guerre franco-allemande à Saclas, où le couple s’est pleinement investi pendant ce temps douloureux pour la population française.
Un brouillon de lettre [3] rédigé par l’instituteur, et ceci probablement après la guerre, à une date et à une personne inconnues, décrit parfaitement ce que vécurent les habitants de Saclas durant la guerre franco-allemande.
Début du brouillon de Charles Tiffagnon
Je ne me suis jamais de ma vie mêlé d’élections. J’ai toujours eu le bon esprit de me tenir à l’écart de ces luttes et je m’en suis toujours bien trouvé. Ce n’est donc pas aujourd’hui que je vais commencer.
Je ne me suis uni en quoi que ce soit avec personnes, j’ai gardé mon opinion pour moi et ne l’ai communiqué à qui que ce soit.
Si je me suis aliéné l’esprit de deux ou trois personnes riches par conséquent influentes, cela ne vient donc pas de là, ceci n’était qu’un prétexte ; il y a des personnes qui veulent toujours avoir le dessus ; non contentes d’avoir la fortune, les honneurs, elles ne souffrent pas aisément que les faibles et les petits les surpassent en générosité, en grandeur d’âme, en désintéressement, c’est ce qui arrive.
- Extrait du brouillon de la lettre de Charles Tiffagnon
« ... Quand les Prussiens occupaient nos pays que dans certaines maisons, ils maltraitaient les habitants, les chassaient de chez eux ou exigeaient qu’on leur donnât ce qu’ils ne possédait pas, qui allait-on chercher pour obtenir la paix, la tranquillité..? le maire ? non ; il avait trop affaire [sic], on venait chercher l’Instituteur, sa femme [Louise Antoinette Honorine Heurteur] y allait et obtenait, par sa fermeté, son courage, que les choses se passassent plus convenablement ?
Quand des prisonniers français au nombre de plus de 80 ont passé par Saclas, s’étant évadés d’Etampes, c’était chez l’instituteur qu’ils venaient, c’était lui et sa femme qui s’occupaient de leur trouver un logement dans le village, bien accueilli dans des maisons, rebuté dans d’autres.
En outre, par le vent et dans la neige jusqu’aux genoux, pendant 8 jours la femme de l’Instituteur a couru de village en village frappant à toutes les portes et quêtant des vêtements pour nos pauvres prisonniers afin de les déguiser pour pouvoir se sauver ; c’est ainsi que nous avons envoyé à Etampes plus de 50 vêtements complets.
En outre ma femme a fait évader au péril de sa vie, de l’hospice d’Etampes, un Capitaine d’Infanterie au nom de Mattei et un lieutenant de francs-tireurs, le nommé [blanc] qui, un jour plus tard, partaient pour la Prusse, si toutefois on ne les avait pas fusillés ainsi qu’ils l’ont pensé et nous l’ont dit parce que le lieutenant avait pris en parlementaire.
- "La plupart pris et fusillés séance tenante"
Illustration tirée du livre "Souvenirs d’un prisonnier de guerre en Allemagne, 1870-1871" par Désiré Louis (consultable sur Gallica). |
Ils sont arrivés chez nous vers 1 heure du matin et le lendemain, grâce à ma femme, ils étaient à 12 lieues [53 km] d’Etampes ; il a fallu quêter une voiture pour les conduire, le capitaine avait reçu 9 balles dans les membres.
Il y aurait encore beaucoup à raconter là-dessus, mais j’ai honte de me louer moi-même.... ».
Pour nous, 150 ans après les faits, pour appréhender mieux la vie lors de la guerre 1870-1871, n’aurions nous pas aimé que Charles Tiffagnon nous en raconte plus sur les épreuves que les Saclasiens avaient à surmonter ?
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