Ces monuments étaient le plus souvent réalisés par des artistes confirmés et de ce fait souvent moins banals que ceux érigés après la Première Guerre Mondiale.
Lors d’un de mes passages aux archives départementales de Dijon, j’ai trouvé une lettre que François Rodier, vigneron et maire de Villars-Fontaine, en Côte d’Or, a adressé le 4 avril 1896 aux Conseillers Généraux [1] au sujet du monument aux morts que sa commune désirait ériger. Un croquis du monument y était joint.
Villars-Fontaine 4 avril 1896
« Messieurs les Conseillers généraux,
La petite commune de Villars-Fontaine [2] voulant perpétuer le souvenir de l’échec subi par les Allemands le 18 Xbre 1870, a décidé d’élever à l’entrée du village une statue commémorative.
Ce succès de nos troupes improvisées à l’heure du désespoir fut d’une grande importance, car il empêcha la colonne badoise du général Degenfe[l]d de prendre à revers la division Cremer engagé dans la plaine de Nuits. Aussi nous n’avons pas voulu laisser dans l’oubli l’une des belles, mais malheureusement trop rares, pages de l’année terrible.
Nous venons donc, Messieurs les Conseillers Généraux, faire appel à votre générosité et à votre patriotisme, persuadés que vous nous encouragerez dans l’œuvre que nous poursuivons pour l’honneur de nos braves et courageux défenseurs.
Votre souscription sera pour nous un encouragement précieux et impérissable que nous poursuivons par devoir pour la Patrie.
Veuillez agréer, Messieurs les Conseillers généraux, avec nos remerciements anticipés, l’assurance de nos sentiments patriotiques et dévoués.
Pour le Comité, Le Maire Président Fr Rodier »
- Croquis du monument
En effet, c’est à partir de la loi de 1890 confiant l’érection des monuments commémoratifs à l’initiative des communes, que l’on voit se multiplier les monuments aux morts érigés en souvenir aux hommes tombés lors de la guerre franco-allemande de 1870/1871, et ceci soit sur les emplacements de batailles, soit sur les places publiques dans les villes et villages.
Pour le soldat en position d’attaque, que les habitants de Villars-Fontaine désirent installer chez eux, il s’agit d’une des figures du monument à la mémoire du Général Chanzy et de l’armée de la Loire réalisé par le sculpteur ardennais Aristide Onézime Croisy. Ce monument se trouve au Mans.
- Bas relief de la statue du Général Chanzy au Mans
(carte postale ancienne déposée sur Geneanet)
Les villageois avec un budget serré ne pouvaient pas, bien sûr, se permettre d’installer une sculpture originale chez eux. Ils choisissaient donc dans le catalogue des fondeurs des répliques moins onéreuses. Ainsi trouvons-nous par exemple la même sculpture sélectionnée par Villars-Fontaine dans beaucoup d’autres villages comme par exemple à Rimogne (Ardennes), Arras (Pas de Calais), Choisy-le-Roi (Val -de- Marne), Bar-sur-Aube (Aube) ou Nontron (Dordogne).
On remarquera que la direction de la tête du soldat tenant son fusil a été légèrement modifiée. Sortie du groupe et ainsi seul sur le piédestal, il fallait que le soldat regarde plutôt en avant que derrière lui.
- Le Monument
Photo de Jean Pierre Petit extraite du très beau site Web https://monumentsmorts.univ-lille.fr/ avec son aimable autorisation. |
À Villars-Fontaine, leur monument aux morts a été inauguré le 16 août 1896, donc seulement quatre mois après l’envoi de la lettre du maire.
Une plaque de couleur orange sur le socle du monument aux morts indique :
’’Dans cette commune le 18 décembre 1870 une colonne Allemande venant d’Urcy et se dirigeant sur Nuits a été repoussée par les braves du 32e de marche 1er et 3e ba[taill]ons et du 9e d’artillerie, 22e batterie. Après plusieurs heures de lutte le g[énér]al Degenfeld blessé voyant tomber les officiers qui l’entouraient battait en retraite sur l’étang Vergy.
A nous le souvenir, à eux l’immortalité."
Le général Brugère, commandant le 8e corps, avait autorisé la troupe à prêter son concours à la cérémonie. Le cortège comprenait un détachement du 27e de ligne venu de Dijon, une délégation du 9e régiment d’artillerie, actuellement en garnison à Castres, conduite par le commandant Pastoureau de Labesse, le capitaine Bourdeux ; un grand nombre de Sociétés d’anciens combattants, des sapeurs-pompiers en armes et des chasseurs forestiers. Extrait du journal « La Petite Gironde » du 18 août 1896 [3]. |
Le nom du soldat Vincent Rey, tombé lors de cette bataille y est inscrit. Sa mère portait le même nom que le Maire qui avait écrit sa lettre en 1896.
Il s’agit de Vincent Rey, fils de Jacques, vigneron, et de Catherine Rodier, dont le mariage a été célébré à Villars-Fontaine le 18 novembre 1844. La naissance de Vincent n’est pas marquée dans l’état civil. Cependant, on trouve dans le recensement de 1866 un Vincent Rey, âgé de 20 ans, fils aîné de Jacques et Catherine Rodier. Le jeune soldat avait donc 24 ans quand il est tombé. [4]