Le nom des rues de la ville (la rue du 24 Novembre, les rues de La Tour-Maubourg, du capitaine de Bussières, du capitaine O Gilvy) rappellent les combats. On peut encore voir, dans l’église, des traces et des vues de la bataille de Ladon.
Un trou dans le mur d’une travée et la cassure d’un pilier du chœur sont visibles. Ils furent causés par un obus qui, malgré la présence de paroissiens dans la nef, ne fit aucune victime, selon la tradition.
- Passage d’un obus allemand
Mais plus encore, grâce aux vitraux, vous pouvez revivre la bataille et ses suites. Datés de 1894, ils furent réalisés par Lorin, un verrier de Chartres. L’artiste chercha, c’est certain, à mettre en valeur la bravoure, l’abnégation, le patriotisme des soldats, et l’aide apportée par les habitants du village.
- Premier vitrail
Sur le premier vitrail, on aperçoit, au fond, la grande route et, arrivant de Montargis, les prussiens, avec leur casque à pointe. Ils sont peints en camaïeu de gris. Les uniformes des troupes françaises, au premier plan, sont, au contraire, variés et colorés : des culottes, les casquettes et une chéchia rouge vif, du bleu ciel, du bleu marine, le doré des épaulettes ou des galons. Selon l’inscription, les français défendirent Ladon contre 8000 allemands. Les canons fument. Un artilleur se meurt derrière l’un d’eux.
Maire de la commune et médecin, Michel Pillard, portant une croix rouge sur la manche de sa veste, soutient un vaillant capitaine expirant dans ses bras. D’autres tombent aussi, la caquette et l’épée ou le fusil à leur côté. On reconnaît sans peine les maisons du village aux fenêtres desquelles des soldats tirent sur l’ennemi.
L’abbé Bougaud, dans un discours qu’il prononça le 23 novembre 1876, lors de la bénédiction de la chapelle funéraire sous laquelle furent inhumés les soldats, précisa que les français n’étaient que 1430 face à 7700 prussiens. Ceux-ci avaient, selon lui, une puissante artillerie, alors que les français ne possédaient qu’un malheureux canon . Pourtant, dès le premier jour, ces derniers infligèrent à l’ennemi une perte de mille cinq cents hommes [1].
- Second vitrail
Sur le second vitrail, la bataille est finie. On soigne les blessés réunis sur la place de l’église, identique à ce qu’elle est aujourd’hui encore. Les habitants du village, dont plusieurs femmes, sont là, prêtant main-forte. Un blessé est porté sur le dos d’un homme ayant lui-même, un pansement à la tête. On voit une charrette où des militaires sont assis, un panier de provisions abandonné, à demi couvert d’un linge blanc, des cantines oubliées. On réconforte ceux qui se sont battus. On donne à boire. On appelle les brancardiers. Des mains se tendent pour apaiser. Au fond de l’image, des blessés sont transportés, à l’abri, dans l’église.
A la gauche du bâtiment, près du presbytère, on remarque un ecclésiastique parlant à deux cavaliers dont l’un ne serait autre que le kronprinz en personne. La tradition voudrait que le curé de Ladon ait refusé de lui serrer la main. L’officier aurait répondu au prêtre que s’il ne voulait pas serrer la main d’un allemand, il serrerait bien la main d’un chrétien. Où s’arrête la vérité et où commence la légende ?
Les hommes des troupes françaises ayant péri au cours et des suites de la bataille furent enterrés, sous l’église, dans une crypte. Leurs noms et leurs départements ou pays d’origine furent gravés dans la pierre, sous les vitraux . Les soldats prussiens tués , eux, furent regroupés au cimetière du village.
- Vue partielle de la « chapelle des soldats »
- "A la mémoire des soldats morts au combat de Ladon le 24 9bre 1870"
Liste des soldats enterrés dans l’église de Ladon, dans l’ordre de l’inscription.
Dans un premier temps, je m’étais contentée de relever les inscriptions de la chapelle, mais sur une suggestion de Michel Guironnet, j’ai consulté le site des Archives départementales du Loiret, pour les comparer aux actes de décès des registres d’état-civil de Ladon [2] et des localités voisines.
On y trouve 46 actes de décès tant de français (39 dont 9 inconnus) que d’allemands (7 dont 5 inconnus). Les actes relatifs aux militaires furent séparés de ceux habitants de la commune. Ils bénéficièrent également de leur propre table récapitulative.
Leur examen fut l’occasion de découvertes surprenantes
Les noms figurant sur les registres et dans la chapelle ne concordent pas.
Si nous trouvons les noms de la plupart des morts, à la fois sur l’état-civil et dans l’église, force est de constater qu’il en manque de part et d’autre. L’ orthographe des noms aussi est parfois différente : « Bussières (de) » est devenu « Renouard de Bussièrre Jean Frédéric », « Beaurain » est devenu « Beaurin », « Talairact » s’est transformé en « Talayrach ». Plusieurs soldats ont retrouvé un prénom.
Il est vrai qu’entre l’inscription sur les registres et celle des murs de la chapelle, plusieurs années se sont écoulées. Familles et état-major ont pu faire les rectifications nécessaires.
Parmi les militaires inhumés dans la crypte, nous notons la présence d’André Lamotte dont l’acte de décès fut rédigé à Villemoutiers, une commune voisine [3]. En revanche, la dépouille d’un second soldat, un nommé Antoine Dautrey (ou Dutrey), soldat au 7e régiment de cuirassiers et mort à l’ambulance de Villemoutiers, ne semble pas avoir bénéficié du même sort. A moins qu’il ne s’agisse du chasseur d’Afrique Dutrey (sans prénom) ? Mais l’un est cuirassier et l’autre chasseur d’Afrique. Un doute subsiste.
Une question reste sans réponse : pour quelles raisons le registre d’état-civil ne porte-t-il pas mention du décès de l’officier dont le nom fut inscrit en premier lieu, au-dessous des vitraux : Juste de Fay de la Tour Maubourg, sous-lieutenant ?
Les enfants de Ladon
Pourquoi les Ladonnais dont le nom est gravé dans l’église, Georges Thillou, Désiré Anceau, Louis Barnault et Charles Pinaux, ne se retrouvent pas sur le registre de la mairie ? Un petit ouvrage intitulé « Souvenirs d’un vieux ladonnais, récits inédits sur le combat de Ladon » [4], écrit trente ans après les faits, nous donne quelques explications pour certains d’entre eux.
Bien que morts pendant la guerre, ce n’est pas à Ladon qu’ils finirent leurs jours. Ainsi :
- Louis Barnault, 20ans, est mort dans le Wurtemberg, des suites d’une maladie contractée au régiment,
- Désiré Anceau, 20 ou 21 ans, est mort dans un combat dont le lieu n’est pas précisé,
- Les parents de Charles Pineau (et non Pinaux), porté disparu, dépensèrent une fortune pour retrouver leur fils, sans succès.
Il ne cite pas Georges Thillou parmi les enfants de Ladon, mais Vincent Dudois, 20 ou 21 ans, qui mourut à Montbéliard, des suites d’une maladie contractée au régiment, comme Barnault.
Il évoque aussi un nommé Petipa (nom ? surnom ?), âgé de 26 ans. Le jeune homme, blessé à la rotule, rentra chez ses parents où il mourut quelques mois plus tard. A noter que, bien que mort à Ladon, selon l’auteur, il n’apparaît pas davantage sur le registre d’état-civil de Ladon que sur les inscriptions de l’église.
- L’eglise de Ladon
Rétablir l’identité des hommes morts sur le territoire de la commune : un travail de bénédictin.
Il fut particulièrement difficile de rétablir l’identité des soldats tués tant sur le champ de bataille que décédés, plus tard, à l’ambulance ou chez l’habitant. Le secrétaire de mairie, un huissier, des médecins, un conseiller municipal, se chargèrent tour à tour et en binôme, de cette triste besogne.
Quatorze soldats ne reçurent pour toute appellation, sur le registre d’état-civil, que « militaire français » ou « militaire prussien ». Il est noté que 46 des soldats inhumés dans la crypte de l’église étaient inconnus.
Beaucoup de soldats, en effet, ne portaient sur eux, aucun document permettant de les identifier. Le secrétaire de mairie et l’ huissier, principalement, se rendirent sur le champ de bataille, le 24 novembre. Ils cherchèrent sous les tuniques, les lettres, livrets ou autres documents susceptibles de contenir un nom, une adresse ou un numéro de matricule. L’uniforme était de nature à rattacher le soldat tué à un régiment. Pour en savoir plus, ils interrogèrent leurs camarades de combat, relevèrent des initiales dans un képi ou sur le chaton d’une bague, à la quête du moindre indice.
Un acte concerne un « mobile de la Loire » et huit , portent la mention « militaire français » sans autre indication que la date du décès. Le numéro de matricule, recopié sur l’acte de décès, permit, peut-être, ultérieurement, de restituer un nom à ces morts.
Le registre d’état-civil fait état du décès d’un capitaine d’artillerie française, sur lequel on n’a rien trouvé de nature à établir son identité. Toutefois, un capitaine de francs-tireurs aurait dit qu’il était de « race irlandaise ; celui-ci, de même race, probablement, l’ayant reconnu comme son plus intime ami ». Il s’agit, certainement, de Stewart O Gilvy, David, irlandais, officier d’artillerie, selon l’inscription de la chapelle des soldats.
Florent Mignard, un jeune garde-mobile du Cher, de 21ans, mourut à l’ambulance, le 4 décembre, où il fut reconnu par… son père. Il est vrai qu’il était originaire du sud du département du Loiret et que ses parents vivaient à Barlieu, dans le Cher. C’est sans doute cette proximité (toute relative à cette époque) qui permit à Louis Alexandre Mignard, de se rendre au chevet de son fils, à Ladon. C’est sans doute grâce à lui que nous apprenons qu’il n’avait été incorporé que quelques mois plus tôt, le 1er juillet.
Les lieux de naissance ou du domicile sont souvent approximatifs :
un garde-mobile de la Loire serait né à « Cervens ». Un rectificatif, en marge de l’acte, précise qu’il s’agit de Cervières. Pléné-Jugon est, en réalité Plénée-Jugon. Il s’agit de Lusigny et non de Lésigny, dans l’Aube, de Violay près de Néronde, dans la Loire, et non Violais...
Pour les militaires qui moururent dans les jours ou les semaines qui suivirent, les informations ne furent pas beaucoup plus fournies. Elles furent généralement recueillies par un médecin de Ladon, Armand Lafond, rattaché à l’ambulance, et par un conseiller municipal , Jean Martin-Chambon.
Pour les mobiles de la Loire, une recherche sur les registres de matricules militaires des subdivisions de Montbrison et de Roanne [5] permit d’apporter quelques compléments aux inscriptions, tant du registre d’état-civil que du mur de la chapelle des soldats, voire quelques rectifications.
- Ainsi « Chalandon », se prénommait Jean et était le fils de Jacques et d’Antoinette [Noirie (selon l’acte de naissance)], domiciliés à Saint-Rambert (Loire). Il était né le 6 août 1847. Le registre des matricules mentionne son décès à la bataille de Ladon [6].
- Simon Durant (et non Durand) était né le 22 septembre 1848, à Luriecq, dans le canton de Saint-Jean-Soleymieux (arrondissement de Montbrison). Ses parents, Antoine Durant et Jeanne Couchard, y étaient domiciliés. Simon exerçait le métier de serrurier. Il lisait mais ne savait pas écrire. Il mesurait 1m66. Le registre des matricules note son décès au combat de Ladon.
- Pour Jean-Marie Verdier, les informations furent beaucoup plus surprenantes : voir l’encadré qui lui est consacré.
- Charles Néel [7], était le fils de Mathieu et de Jeanne-Marie Mathevon, domiciliés à Essertines-en-Chatelneuf (Loire). Né le 1er octobre 1849, il était charpentier. Nous savons, par une mention du registre qu’il est « mort à la guerre », le renseignement ayant été « donné par la gendarmerie de Montbrison ».
- Sur le registre des matricules des gardes-mobiles de la subdivision de Roanne, en 1868 [8], nous trouvons mention d’un soldat né le 28 février 1848, à Souternon, canton de Saint-Germain-Laval (Loire) : Antoine Perche. Ceci est corroboré par son acte de naissance. Toutefois, le registre des matricules affirme qu’il est mort le 17 juillet 1871, « acte de décès à l’appui », est-il précisé, dans la commune de Lézigneux (ou de Lérigneux ?). Toutefois, les registres d’état-civil de ces deux communes ne contiennent, ni l’une, ni l’autre, ce fameux acte de décès. Erreur administrative ? Ou s’agit-il réellement de deux gardes-mobiles différents. Le doute persiste.
- C’est aussi sur le registre du « contingent départemental » de la subdivision de Roanne que nous en savons un peu plus sur Jean-Benoît Valois [9]. Il était fils de Joseph et de feu Madeleine Darcey, domiciliés dans à Violay dans le canton de Néronde, tout comme Jean-François Darcey, également inhumé dans l’église de Ladon.
Jean-Benoît était né le 6 mars 1849. Le registre en trace le portrait : cheveux châtains, yeux gris, front découvert, bouche et nez moyens. Il avait été appelé le 12 août 1870 et, selon le registre des matricules, avait été tué au combat de Beaune-la-Rolande (localité proche de Ladon), le 28 novembre 1870. On ne le retrouve pas, néanmoins parmi les nombreux soldats morts à Beaune-la-Rolande et inscrits sur la marge du registre d’état-civil [10]. - Jean-Emile Avril (et non Emile) portait le numéro de matricule 1497 bis. Il n’est pas mort à Ladon, le 24 novembre, mais comme Valois, à Beaune la Rolande, le 28. Cette information fut notée sur le registre de matricules de la garde-mobile de 1867 (subdivision de Montbrison). Toutefois, nous ne trouvons pas trace du décès d’Emile sur le registre d’état-civil de Beaune la Rolande. Il naquit à Craponne (sur-Arzon), en Haute-Loire, le 2 septembre 1847. Il était le fils de Jean et de Jeanne-Marie Doutre, domiciliés à Saint-Bonnet-le-Château (Loire). Il mesurait 1m 67, savait lire et écrire. Il était, faits notables, employé du chemin de fer et résidait en Suisse, à Neufchâtel.
Figurent également parmi les morts inhumés dans la chapelle, un certain Ligou de Cottance. On ne peut que s’interroger, sachant que Cottance est une localité ligérienne, proche de Feurs sur la réalité de ce patronyme. La consultation du registre d’état-civil [11] permet de constater qu’il y a, parmi les habitants, des Ligout et, notamment, un enfant prénommé Joseph, né le 24 février 1849, qui aurait pu être de la classe 1869. Le père, Pierre, tisserand, n’a pas su signer l’acte d’état-civil de naissance. Rien ne permet d’affirmer, toutefois, que ce Joseph Ligout serait indiscutablement le soldat inhumé à Ladon.
Nous avons vu qu’un soldat mort à Villemoutiers, deux morts à Beaune-la-Rolande, avaient été inhumés à Ladon. D’autres corps de soldats y ont peut-être été amenés, sans être morts sur la localité et donc, sans être enregistrés à l’état-civil. Cela expliquerait que de nombreux noms gravés ne se retrouvent pas sur le registre de la commune.
Le cas Verdier : une enquête difficile résolue grâce à des échanges fructueux
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Le lieu et les causes de la mort
Comme nous l’avons vu, la plupart des soldats moururent, soit sur le champ de bataille, soit à l’ambulance. D’autres furent conduits chez l’habitant. Le soldat de Cervières, nommé Faye, mourut chez un maçon du bourg.
Un lieutenant du 53e de ligne et un garde-mobile de la Loire trépassèrent chez des « propriétaires » de la commune ; un soldat du 88e de ligne, mourut le 27 novembre chez le vétérinaire ; un capitaine de mobiles s’éteignit, le 28 novembre, chez un médecin, Georges Sédillot. Un garde-mobile de la Loire fut recueilli au château de Ladon. C’est Pierre Misson, premier régisseur, et Antoine Thierry, second jardinier, qui vinrent déclarer son décès en mairie. Un fusilier mourut chez un « [marchand ?] de nouveautés ».
Les causes de la mort furent, naturellement, les blessures de guerre. La localisation de la blessure est rarement mentionnée sur le registre d’état-civil. Nous relevons cependant : « est décédé des suites d’une blessure au ventre » ; a reçu une « balle au genou de la jambe droite » ; ou encore : « par suite d’une blessure à la tête et de la fracture du bras droit ».
Toutefois, la cause de la mort est parfois liée aux conditions de vie des soldats et des blessés, leur manque d’hygiène, la promiscuité favorisant la contagion :
- Jules Moussy, natif de Lyon, mourut de la « [petite ?] vérole », autrement dit, la variole.
- A Bellegarde, localité voisine, plusieurs soldats en furent victimes. On peut noter également, un cas de typhus [16].
Il est également surprenant de noter qu’à l’ambulance, la presque totalité des soldats mourraient le matin, voire aux premières heures du jour. Ne serait-ce pas, tout simplement, parce que c’était le moment où le médecin faisait sa visite des blessés dont certains avaient pu mourir pendant la nuit ?
Acte n°63, 5 heures du matin, n°64, 7 heures du matin ; n°65, 5 heures du matin ; n° 66, 6 heures du matin ; n°67, 7 heures du matin ; n°68, idem, ; n°69, 9 heures du matin ; n°70, idem ; n°71, 5 heures du matin ; n°72, 7 heures du matin ; n°73, 6 heures du matin ; n°74, 5 heures du matin ; n°75, 6 heures du matin ; n°76, 5 heures du matin ; n°77, 5 heures du matin ; n°78, 5 heures du matin. Les actes 63, 66, 76 et 77 sont relatifs à des soldats prussiens). Un seul acte (le n°79) fait état d’un décès à l’ambulance, à 9 heures du soir. |
D’autres précisions sont apportées par le tableau comparatif ci-dessous :
Dans son discours, lors de la bénédiction de la crypte de la chapelle des soldats, en 1876, l’abbé Bougaud fut sélectif : « Je regarde quelques-unes de ces nobles victimes : monsieur de la Tour Maubourg, par exemple, ou le jeune baron de Bussières, tombés tous deux dans vos rues. Ils étaient jeunes, riches, ils avaient un grand nom, un bel avenir [...] ».
Sans rien enlever au mérite de ces jeunes hommes particulièrement courageux, il ne faut pas oublier tous les autres qui, s’ils n’étaient ni riches, ni promis à un brillant avenir, donnèrent aussi leur vie pour leur pays. Si les soldats dont les âges ou dates de naissance sont portés sur le registre de la mairie, forment un échantillon représentatif des combattants, la jeunesse des troupes est indéniable. Le plus vieux des simples soldats n’avait pas 30ans et leur âge moyen est de 25 ans environ. Cette grande jeunesse explique, peut-être, que si, parfois, il est fait mention des parents, à aucun moment n’apparaît le nom d’une épouse ou d’enfants.
Le refrain de la chanson pacifiste « Le vin de Marsala », écrite en 1860, à l’occasion des guerres de l’indépendance italienne, aurait pu être chanté à Ladon, le 24 novembre 1870 : « Ah ! Que maudite soit la guerre qui fait faire de ces coups-là [...] ».
Le cas Verdier (suite) Rappel : les dossiers d’absents militaires de 1846 à 1893 forment les séries BB14 1001 à 1052 et BB30 667 et 668, aux Archives Nationales. Les familles déposaient un dossier avec des pièces justificatives au parquet du dernier domicile connu du disparu. Celui-ci transmettait le dossier au ministère de la Justice qui le transmettait à celui de la Guerre (ou de la Marine). Ce dépôt faisait l’objet d’une mention au Journal Officiel. Les ministères faisaient des recherches et transmettaient leurs découvertes au tribunal de 1re instance du dernier domicile de l’absent qui rendait un jugement. Il en fut ainsi pour Jean-Marie Verdier Suite à la parution de l’article « Ladon, un paisible village du Loiret en novembre 1870 », une lectrice parisienne, Mme Augarde, s’est rendue aux Archives Nationales afin de consulter les dossiers d’absents militaires dont Jean-Marie Verdier faisait partie. Par un document, daté du 4 novembre 1882, nous apprenons que la requête introductive d’instance, à l’effet d’obtenir soit la déclaration d’absence, soit une constatation de décès, avait été déposée par le sieur Verdier, le père de Jean-Marie. Cette requête pouvait avoir un double intérêt : 1) Rendre l’honneur perdu de son fils, déclaré insoumis, en 1875, en d’autres termes déserteur, mais aussi 2) Anticiper d’éventuels problèmes de succession, au décès des parents Verdier. Nous savons que Jean-Marie avait un frère et deux sœurs. Reconnaître son décès à la guerre permettrait d’écarter tous litiges et considérations sur son hypothétique retour. La direction des Affaires civiles du ministère de la Justice ouvrit un dossier, au nom de Jean-Marie, le 7 mai 1880, le disant « disparu pendant la guerre ». Ce qualificatif était sans doute censé à couvrir toutes les situations. Une feuille volante du dossier, signée d’initiales illisibles, et datée du 8 mai 1880, nous informe que : « Ladite requête est régulière, la procédure parait bien engagée. Je propose la publication au Journal Officiel […] ». Ce qui fut fait le 7 juillet 1880. Nous apprenons également qu’entre l’ouverture du dossier en 1880 et les documents de 1882, un jugement avait été rendu en 1881. Il n’avait sans doute pas abouti au résultat attendu par les parents. « Il se peut que le jugement qui a été rendu en 1881, ait seulement déclaré l’absence de ce militaire, ce qui pourrait expliquer l’utilité de cette nouvelle instance ; mais je vous prie de me renseigner à cet égard », peut-on lire dans un courrier du 4 novembre 1882, émanant de la direction des Affaires civiles. Il est vrai qu’un document du 12 juillet 1880, émanant du ministère de la Guerre et transmis au tribunal de Montbrison, n’avait pas été de nature à informer les juges sans ambigüité : « En réponse à votre demande relative au sieur Verdier […], j’ai l’honneur de vous informer que les Archives de la Guerre n’ont pu recueillir d’autres renseignements que ceux contenus dans la lettre ministérielle adressée le 23 avril 1880 à M. le Maire de la Chamba (Loire). » Les parents auraient-ils réitéré leur requête en 1882, pour que leur fils soit définitivement déclaré « mort à la guerre » et pas seulement « absent » ? Il semble qu’en novembre 1882, on ignorait toujours le décès de Jean-Marie Verdier à la bataille de Ladon, tel qu’inscrit sur le registre d’état-civil de cette commune, et tel que noté ultérieurement, sur le registre des matricules, en mars1883. On peut donc supposer qu’entre novembre 1882 et le jugement du 28 décembre de la même année, une enquête fut diligentée par le ministère de la Guerre et que l’inscription sur le registre de l’état-civil de Ladon, fut enfin découverte. L’enquête mentionnait-elle d’autres informations ? Malheureusement, le dossier ne contient pas les pièces réclamées par les écrits de novembre 1882, ultérieurement communiquées par le ministère de la Guerre, et qui permirent d’aboutir au jugement rendu par le tribunal d’instance de Montbrison, du 28 décembre 1882, mentionné sur le registre des matricules : « Rayé au contrôle des recherches (CM du 30 août 1879) Décédé le 24 9bre 1870. Rayé des contrôles le 21 mars 1883 après jugement rendu par le tribunal de 1re instance à Montbrison, le 28 Xbre 1882 » [17] |
(Toutes les photos et l’aquarelle sont de Jacqueline Besson-Le Huédé)