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8/ La Grande Guerre et les Morel de Lavoine : correspondance familiale et témoignage historique.

8e épisode Mai - Juin 1915

Le vendredi 25 avril 2025, par Jean Magnier

La guerre de tranchée est désormais solidement établie. Avec ses bûcherons, le caporal Gaspard Morel assure une part de maintenance. Ses trois frères sont en première ligne. Une grande offensive se prépare-t-elle ?

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En Champagne, le printemps est là, éclatant, et la « guerre de taupe » s’enracine.
A la tête de son équipe de bûcherons du 104è Régiment d’Infanterie territoriale, sous la canonnade, mais favorisé par sa promotion, le caporal Gaspard Morel s’est aménagé une zone de relatif confort. Son chantier, dans le secteur de Villers-Franqueux, près de Reims, est un peu en retrait des violents affrontements.
Ses frères, les deux Claude au 398è Régiment d’Infanterie et Bonnet au 53è Bataillon de Chasseurs alpins sont en pleins combats.

30 avril
Une vingtaine d’obus ont été tirés sur le village de Villers-Franqueux de 15h30 à 16h.
1er mai
Vers 6h40 plusieurs obus de 130 ont été tirés sur le plateau de Villers-Franqueux et vers 8h30 une 12e obus de 130 ont été tirés sur les abords des gourbis de la route de Thil et abords du plateau de Villers-Franqueux.
Vers 10h30 3 obus de 77 ont été tirés sur le bas du village de Villers-Franqueux 2 obus ont éclaté sur une maison du village.
Vers 15h30 à 16 h = 6 obus de 130, vers 17h = 2 obus 77 ont été tirés sur le village
Vers 17h50 à 18h20 = 40 obus environ 77 ou 88 ont été tirés sur le village et le plateau de Villers-Franqueux.
J.M.O du 104è d’Infanterie territoriale

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Villers-Franqueux Toussicourt

Gaspard épargne à sa famille les échos des combats, il s’est laissé attendrir par la lecture de la dernière lettre de sa fille Célina. Il rêve d’échapper à la guerre, mais dans l’attente d’une fin heureuse il fait face à l’adversité . . . et quête un petit billet pour améliorer l’ordinaire.

Le 2 Mai 1915
Chère femme et chère fille
Je vous écrit quelques lignes pour vous donner de mes nouvelles qui sont toujours bonnes pour le moment et je désire que m’a présente lettre vous trouve de même.
Chères petites amies vous ne croirai jamais combien je suis été heureux en recevant ta lettre chère Célina qui m’a apporter un doux souvenir vos deux pensées auxquels vous avez confié la mission de m’apporter vos doux baisers [ . . . ] je n’ai pu m’empêcher d’échapper une larme [ . . . ]
je songe bien souvent quels moyens je pourrai employer pour être évacuer et pour avoir une permission mais il m’est impossible je continuerai donc a avoir confiance a l’avenir et supporter avec patience toutes les ennuies de cette maudite guerre [ . . . ] en attendant le jour heureux de la délivrance [ . . . ]
Pour l’argent envoyez moi cinq francs dans une lettre cela ne risque de rien

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Ta bien cher petite fille pour la vie. Célina Morel

Un orage a permis une pause chez les bûcherons, Gaspard et ses hommes l’apprécient. Le vin est revenu à un prix raisonnable. Notre caporal profite des circonstances pour avancer sa correspondance et formuler plus ou moins ouvertement quelques souhaits.

Le 5 Mai 1915
[ . . . ] il fait temp de chaleur étouffant les arbres sont étés couverts de leur feuilles en un clin d’œil et je vous assure qu’on a soif dans le bois on n’y trouve point d’eau et ont n’est très content de pouvoir trouver quelques bidons de vin de temp en temp nous le payons 14 sous* tenez au moment ou je vous écrit je suis en train de boire un litre avec l’adjudant car il a fait un orage et nous n’avons pas été au bois ce soir mais les hommes en sont pas fachés ils se reposent et eux aussi ils peuvent faire leur petite corespondance
Chère femme tu me dit que tu veux me faire un colis tu vois bien que ça te coûte trop enfin fait donc comme tu voudra je ne te contrarie pas si tu peux tu m’enverra 2 paires de chaussettes de coton car je peux en avoir besoin une boîte pastilles Guyot un flacon d’eau de cologne un peu de camphre pour préserver les épidémies question de manger tu peux mettre un peu de figues fromage et saucisson les autres reçoivent la goute mais je ne peux pas faire comme eux et puis je pourrai bien m’en passer seulement comme nous sommes ensemble avec l’adjudant nous mangeons ensemble et couchons ensemble se n’est pas toujour au même a payer
Enfin vite que çà finisse [ . . . ] seulement il n’y a rien à comprendre dans ce qui se passe et d’abord pour déloger les Boches ils sont malins mais je crois que nous les aurons quand même Je termine en vous recommandant de bien vous soigner [ . . . ]

*14 sous. Peu avant le vin valait 20 sous (1F) le litre. Un soldat perçoit 5 sous par jour.

Le contraste est saisissant. Dans un cadre bucolique, Gaspard, si sensible à la beauté de la nature, enregistre sans émotion le fracas des obus et observe avec un détachement amusé le duel mortel des aviateurs. La proximité d’une gare réactive le rêve de retour à la paix.

Le 8 Mai 1915
[ . . . ] Chères petites amies il fait un temp épatant ou je suis tout les jours il y a des orages cela n’empêche pas qu’il fait une chaleur insupportable surtout dans ces bois qui sont maintenant couvert de feuillages enfin tout cela c’est le printemps c’est la belle saison c’est le gazouillement des oiseaux le chant du rossignol et du pinson le roucoulement des pigeons ramiers et les beaux champs de muguet tout cela est notre seul égayement a part les quelques obus de gros calibre que les Boches lancent au dessus de nos têtes et qui vont éclater derrière nous avec un fracas infernal heureusement il ne peuvent pas nous atteindre car nous sommes derrière une montagne non loin de la gare de Muizon cette gare que je regarde si souvent c’est celle ci que j’ai débarqué je me demande si l’heure et proche ou je pourrai remettre le pied dans le wagon quelle joie lorsque ce jour arrivera autre chose qui est très intéressant a voir c’est le ronflement des aéroplanes qui commence a quatre heures du matin jusqu’a la nuit c’est un véritable bourdonnement et le plus amusant c’est quand deux avions se battent ensemble enfin c’est la guerre et vivement qu’elle finisse et que chacun s’en retourne dans sa chaumière c’est m’a seul pensée et avec bon espoir je souhaite que ce soi bientôt pour le bonheur de la France et de ses enfants malheureusement lorsque ce jour viendra il y en aura trop de manquants il y en auras trop qui resteront endormis ils seront peut être plus heureux que ceux qui se rentourneront.
Mes chères petites j’ai reçu vos cinq francs et je vous en remercie vous me dites que vous n’avez pas acheté de cochons mais s’ils sont si chers laisser faire quelques temps encore vous savez bien que nous n’avons pas de chance avec ces bêtes la.[ . . . ]

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Muizon vue générale
Collection JM

Création artisanale dans les tranchées : Gaspard a commandé une bague pour sa fille Célina à son ami Pérard.
A nouveau, il s’irrite : l’allocation due à sa famille n’est pas totalement versée.

Le 10 Mai 1915
[ . . . ] Je ne vois pas grand chose a vous dire pour le moment qu’il fait toujour une chaleur terrible ou je suis s’il en est de même ver vous vous pouvez travailler les pommes de terres.
J’ai commandé une bague pour toi chère Célina c’est Pérard* qui les faits s’il a le temp il en feras une pour la maman aussi [ . . . ] j’ai occation de le voir tous les jours il se porte bien mais le temp lui dure bien lui aussi tous les camarades se portes bien
J’ai reçu des nouvelles de mon frère Dode et du Bonnet** ils se portent bien eux aussi mais ils se plaignent qu’ils en vois des cruelles enfin c’est comme partout souhaitons que ça finisse bientôt.
Chère femme tu m’a dit souvent que tu touché que 49 pour ton allocation c’est un tort qui t’ai fait car par ordre du Ministre il ne doit y avoir aucune retenu tu doit touché 52,50 f tu le diras au Maire car avec les Préfets ils sont chargés de veiller a ces erreurs et le Percepteur et forcé de te payer même ce qu’il t’a retenu jusqu’à ce jour.
Quand tu iras toucher ton allocation tu demandera a Monsieur le Maire un mot écrit et signé par lui si le Percepteur refuse je saurai a qui m’adresser. [ . . . ]

* Pérard. Claude Camille Pérard. Classe 1895. Maréchal-ferrant de Lavoine.
** Bonnet. Son jeune frère mobilisé. Classe 1901.
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Courrier de l’Allier
Archives de l’Allier

Gaspard est inquiet, il craint que lui soit caché l’état de santé de son épouse.

Le 11 Mai 1915
Chère femme et chère fille
Je viens de recevoir vos deux lettres a la fois celle du 6 et 7 mai celle du 6 me dit que tu est malade chère femme et celle de Célina me dit que tu est guérie laquelle croire pour moi c’est que tu est malade et que tu ne veux pas me le dire et pourquoi vous me cachez la vérité veuillez donc me dire tout et franchement et toi m’a Célina écrit moi vite si la maman est guérie pour le sur ?
Je vous direz qu’il fait toujour une grande chaleur ou je suis la végétation est très avancée et malgré le manque d’hommes la culture se fait quand même pour aujourd’hui je n’ai pas le temps je ne peux pas vous faire une longue lettre tout ce que je demande c’est vite de recevoir de vos nouvelles pour quand a moi je suis toujour en bonne santée je me porte bien et je désire de tout mon cœur que vous en soyez de même.
Vous me dites que le Jean* est malade mais vous ne me dites pas si c’est dangereux je serai content d’avoir son adresse [ . . . ]
Allons j’espère que ma lettre te trouvera en bonne santée chère femme ainsi que toi petite mignonne
vous donnerez bien le bonjour au voisin et amis. [ . . . ]

* le Jean. Jean Mondière ?

Pour Claudia et Célina, la confection d’un colis occasionne un déplacement à la foire du Mayet-de-Montagne.
Gaspard se satisfait pleinement de la situation présente, en particulier « question de nourriture ». A son tour, il va envoyer un colis à la maison.

Le 13 mai 1915
[ . . . ] Sur votre dernière lettre vous me dites que vous irez a la foire au Mayet pour m’envoyer un colis c’est a dire pour acheter ce que je vous demande il ne fallait pas vous géner car ça ne presse pas j’ai bien pour me suffir au contraire je voudrez que vous soyez auprès de moi rien ne vous manquerez jamais je ne suis si bien été chez moi question de nourriture grâce au cuisinier que nous avons
je souhaite qu’une chose que je puisse rester ou je suis jusqu’à la fin de la guerre et vivement que cette fin arrive c’est mon seul désir.
Chères petites amies aujourd’hui j’ai fait un colis que je vais vous expédier demain ?
Et qui contient 1 cache nez 2 paires chausettes un caleçon mes souliers 1 chargeur Allemand mes mitaines ou vous trouverez une petite bague attaché après pour toi m’a Célina en souvenir de la guerre c’est Pérard* qui l’a faite et il m’a promis de t’en faire une pour toi chère femme vous devez savoir que je sai les faires moi aussi mais je n’ai pas la commoditée il m’est impossible [ . . . ] je l’expédirai franço gare Lavoine Laprugne j’espère bien qu’il vous parviendra
Pour aujourd’hui je n’ai pas d’autres nouveaux a vous dire
vous donnerez bien le bonjour a Mr Ternoire** au cousin Mitron*** ainsi qu’a tous les amis et voisins [ . . . ]

* Pérard. Claude Camille Pérard. Classe 1895. Maréchal-ferrant de Lavoine.
** Mr Ternoire. François Terrenoire. Classe 1899. Instituteur de Lavoine.
*** cousin Mitron. Antoine Lagnieu. Classe 1898. Boulanger de Lavoine.
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Foire Le Mayet en Montagne
Collection JM

Les combats ont repris avec intensité dans le secteur de Soissons où se trouvent les frères de Gaspard. La menace s’approche et les pertes seront nombreuses. Maigre consolation : les pensions qui seront versées aux veuves.
Date anniversaire ! Gaspard a 42 ans.

Le 15 5 1915
[ . . . ] Sur vos dernières lettres vous ne me parlez pas si vous avez reçu des nouvelles de mes frères il y a déjà longtemp que je n’en ait point reçu ça doit tapper dur ver eux ces temp ci et je crois que notre tour se prépare pour un de ces jours enfin les Boches ont toujour pris quelques chose pour leur rhume mais il y a bien des notres qui ont rester au champ d’honneur combien de ces pauvres veuves en France ce sera incroyable après la guerre heureusement qu’elle toucherons une petite pension mais tous cela ne rendras pas leurs époux ces pensions vont varier selon les grades une veuve de simple soldat touchera 600 francs caporal un peu mieux et ainsi de suite
Vous me dites que vous avez semer deux loges de pommes de terre cela va vous donner bien du travail pour les travailler surtout si elles sont mauvaises.
Sur votre prochaine lettre vous me direz si le cousin Mitron a passer le conseil de révision ainsi que les petits conscrit de la classe 17* car il me semble que c’est dans ce mois qu’ils doivent passer
je me demande comment vous pourrez ramasser les récoltes cette année car comme je vois ce n’est pas finit encore
Allons mes chères petites amies je termine pour aujourd’hui car c’est temp de rassembler mes hommes pour aller au travail.
Je suis pour la vie votre petit mari de 42 ans** qui vous aime et vous embrasse mille fois bien fort [ . . . ]

* conscrit de la classe 17. La conscription est passée de 20 à 18 ans.
** mari de 42 ans. Anniversaire. Gaspard est né le 16 mai 1873.

Gaspard est surmené. Seul et à pied, il vient d’assurer à travers bois une liaison avec d’autres unités de son régiment. Malgré le danger, sensible à la beauté de l’environnement, il a apprécié l’escapade.

Le 17 5 1915
[ . . . ] Veuillez m’excuser si j’ai tardé un peu a vous écrire je suis tellement occupé pour le moment que j’ai juste le temp pour me reposer un peu je ne me couche jamais avant dix heures du soir les matins en me levant il faut que je m’occupe de faire faire les corvées ensuite nous partons au bois et j’ai souvent de trois a quatres équipes a surveiller ce qui fait que je suis toujour au galop hier j’ai fait une belle promenade j’ai traversé tout le bois pour aller a Vilers Franqueux j’étais tout seul la traversée était d’une heure et demie par des sentiers que je n’avais jamais passé mais a la guerre on ne regarde pas ça tu est commandé il faut marcher et sans rispoter enfin a la sortie du grand bois j’arrive sur une hauteur qui domine toute la plaine la j’ai contempler pendant un moment cette admirable plaine toute couverte de verdure car il n’y a aucun champ de cultivé la seule culture que l’on peut voir c’est les tranchées a perte de vue qui sillonnent ce(t) admirable paysage c’est la que les Boches sont nez a nez avec les notres c’était beau a voir mais il ne fallait pas que je reste longtemp car j’était exposé a recevoir quelques crapouillots* je m’enfonce dans la fourrée broussailleuse par un santier tortueux qui me conduit vers la ferme de Toucicourt (Toussicourt) ou je trouve un Bataillon du 104 qui est cantonné je prend la route qui me conduit a Villers Franqueux je fais mes commission et déjeune avec un sergent et un caporal que je connais a midi je reprend ma route et j’arrive au cantonnement heureux de mon voyage sans que rien ne me sois arrivé.[ . . . ]

* crapouillots. Munitions des éponymes mortiers de tranchée.
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Carte des lieux cités
Source : Géoportail.gouv

La mobilisation a écarté Gaspard le charron de son atelier. Un ami client est venu reprendre son matériel en réparation. Pas de nouvelles des frères au front. Un petit billet serait bienvenu.

Le 21 Mai 1915
[ . . . ] Au sujet du travail du vieux ami Jacques s’il trouve le moyen de le faire finir qu’il prenne donc tout ce qui pourra lui servir pour l’enchatre* il y aura peut-être le timon* a changé mais s’il peut servir comme ça ont n’y arrangera a mon retour si j’ai le bonheur de me rentourner je crois même que les brides était commencée enfin fait le servir de tout ce qu’il y aura tu le marquera et nous réglerons ça plus tard c’est bien embêtant pour lui de trimbaler ce fourbis ailleurs mais enfin c’est la guerre tu lui donneras bien le bonjour de ma part.
Chère femme et chère fille voilà longtemp que je n’ai pas reçu de nouvelles de mes frères si vous en savez vous me le direz sur votre prochaine lettre pour le moment je suis toujour au même endroit et j’espère y rester encore quelques jours si vous pouvez m’envoyer un peu d’argent vous m’en enverrai c’est comme vous dites il ne faut pas attendre le dernier moment si vous craignez vous ferez recommander la lettre je n’ai pas encore reçu votre colis il ne sera pas arrivé au dépôt de Roanne assez tôt [ . . . ] ça le retarde de huit jours mais je n’ai pas peur qu’il n’arrive pas rien ne se perd [ . . . ]

* l’enchatre et le timon. Pièces d’un attelage.

Calme avant la tempête ? Les bombardements se font plus rares. Le temps est orageux, les moustiques agressifs !

Le 23 Mai 1915
[ . . . ] Je vous dirai que voici quelques jours que c’est bien calme les Boches ne disent rien je ne sai pas ce qu’ils font ils envoient que quelques coups de canon de temp en temp c’est peut-être la frottée qu’ils ont reçu ces derniers temp qui les fait taires mais ils n’ont pas vus ce qu’ils vont voirs car le monde entier leur veux mal et ils ne récolteront que ce qu’ils auront semer ce peuple barbare il faut qu’ils sois châtier espérons le.
Chères petites amies voici deux trois jours qu’il a tomber de l’eau mais ce n’est que des orages cela n’empêche pas qu’il fait une chaleur étouffante nous sommes dévorer par les moustics dans les gourbis il y a pas moyen de dormir ces vilains moucherons nous piquent et nous font enfler c’est fort désagréable je ne sait pas ce que nous allons faire si ça continue car la picure de ces sales bêtes et si mauvaise que celle des abeilles enfin tant que ce seras que les moustics nous les combatterons bien. Chères amies j’avais envoyé une carte au Mitron il ne m’a pas fait de réponse se serait-il qu’il est toujours malade ou qu’il ne l’auras pas reçue. [ . . . ]

Alerte ! Le travail d’abattage est suspendu. Serait-ce en prévision d’une attaque ?

Le 25 Mai 1915
[ . . . ] Je suis toujour a l’abatage des bois mais je crois qu’il vat y avoir du changement car a 11 heures du soir nous avons reçu une note de suspendre les travaux pour 48 heures ce ne sera peut-être rien mais en tout cas je vous le direz demain pour aujourd’hui je ne peux rien vous dire
Chères petites amies je n’ai pas encore reçu votre colis j’ai espoir de le recevoir demain il fait toujour une chaleur étouffante les nuits sont très fraîches ne vous émotionnées pas de ce que je vous dit car il faut bien qu’il y ait une fin c’est déjà bien beau d’avoir passer 2 mois tranquille ne vous faites pas de mauvais sang soigné vous bien en attendant prenons courage avec espoir que ça finisse bientôt car je commence a y trouver bien long et je ne suis pas le seul tout ce que je désire c’est de me rentourner sain et sauf c’est mon seul désir [ . . . ]

Fausse alerte. Le travail habituel peut reprendre avec les félicitations de la hiérarchie. L’acheminement des colis est fortement ralenti. Quant à une issue rapide de la guerre, Gaspard reste réservé, mais la victoire est attendue. L’attachement aux siens est rappelé, l’éloignement de la vie civile devient pesant.

Le 27 Mai 1915
Chère femme et chère fille
Je répond a vos deux lettres que vous m’avais envoyé datée du 23 et 22 courant je suis heureux de vous voir toute deux en bonnes santées et surtout de voir que vous vous occupée a la culture [ . . . ]
hier je vous ait écrit que notre travail été suspendu et bien mes chères petites je suis heureux de vous dire que nous allons continuer avec des grandes félicitations pour le travail que nous faisons tant que le régiment restera sur le front je crois rester au même endroit.
Pour le colis que je vous ait expédier cela demande du temp [ . . . ] je n’ai pas encore reçu le votre voici quinze jours que personnes n’en reçoivent je ne sai pas d’ou ça vient mais vous pouvez être tranquilles rien ne se perd .
Vous me dites sur une de vos lettres que la guerre seras peut-être bientôt finit mais rappelé vous des paroles que je vous ait dit elle durera plus d’un an malgré que l’Italie s’y soi mise** mais il ne faut pas vous faire du mauvais sang songé qu’un jour nous aurons la victoire et que votre petit ami ne vous oublie pas oui mes chéries je peux le dire il ne se passe pas une minute du jour sans que m’a penser soit tourné vers vous vous autres vous avez les parents les amis les voisins que vous voyez tous les jours mais moi je n’ai personnes
quand nous voyons un civil nous courrons le regarder comme vous autres vous verriez un militaire je ne peux pas vous donner une idée de ce qui est la guerre il faut y voir pour y croire enfin tout ce passe bien en famille
Je termine pour aujourd’hui [. . . ] dans le colis que je vous envois il y a un petit paquet pour Mondière**

* l’Italie s’y soi mise. 23 mai, l’Italie a rejoint les Alliés.
** Mondière. Jean Mondière ?

Le dernier colis reçu est particulièrement apprécié. Célina passe quelques jours chez sa tante Jeanne aux Bicons. La perspective si heureuse d’un retour au foyer s’invite fugacement.

Le 30 5 15
[ . . . ] Chère petite femme je viens de recevoir ton colis et très bien intact rien ne manqué je t’assure que nous avons fait honneur a ton fromage l’adjudant l’a trouvé excellent il y a longtemp que j’ai pas mangé le pareil car il s’est engraissé en route figure toi qu’il a mis 19 jours pour venir cela fait ton rhum été très bon aussi et nous avons bu un bon café ce n’est pas souvent que nous en buvons du café au rhum.
Comme je vois ma chérie tu n’est que toute seule puisque Célina me dit qu’elle est au Bicon* comment tu peux faire toi qui ne pouvait coucher seule et qui avait peur tu est donc venue hardi tu as bien raison tu ne risque pas plus seule qu’en compagnie.
Tu me dit que tu serai bien contente si je t’annoncer de venir m’attendre a la gare oh ma chérie prend patience cela viendras et peut-être se sera bientot souhaitons le en attendant ne te fais pas de mauvais sang songeons a ce jour heureux qui sera plus beau que le jour de notre mariage soigne toi bien en attendant.
[ . . . ] et n’oublie pas de donner le bonjour a la voisine mari(e) aux voisins Vallas** et a tous les parents.
Tu diras a la Marie Vallas que j’ai trouvé son cousin (?) [ . . . ]
Chère femme tu ne mettras plus sur mon adresse secteur 155 tu mettras 143 car nous avons changé.

* Bicon. Les Bicons. Lieu-dit familial au village Le Bois de Vial à Lavoine.
** voisins Vallas. Joseph Vallas et Marie Vallas, cultivateurs du bourg de Lavoine.

Les deux frères Claude Morel (le Dode et le Jeune) sont au front dans la même section. C’est le Jeune qui tient le crayon malgré ses difficultés de rédaction. Dans les tranchées, ils sont en première ligne, au contact direct avec l’ennemi.

Lettre de Claude Morel le Jeune.

Le 1er Juin 1915
Cher belles sœur et nies
Je fait réponse a votres lettre qui ma fait plaisir de savoir de vos nouvelles semment vous maixcuyerent que jais un peu tarder a vous faire réponse car comme vous saver que je ne c’est pas écrir c’et des foix bien painible pour faire faire son travaille enfin je suis toujour en bonne santer et dode* aussi commes nous sommes tout les deux a la même compagnie maitenant je suis a la compagnie de dode* nous sommes tout les deux a la même section et le temp nos dure pas temp
cher belles sœur nous sommes en se moment en trancher il y a des fouax çon va bien proches des modie camarades est même çon se cosse sellement on ne conpran pas tout se qui disse et il non pas envie de finir la guerre encore a leurs dire.
cher belles sœur je te dirent qu’ il fais bien chaux hou nous sommes et nous sommes loger dans une abri qui et completement dans terre
Je te dirent aussi que Gaspard nous ecri il y a pas longtemps et il et toujour en bonne santer lui aussi et il nous dit que c’est traveaux sont arrétent pour le moment il a toujour passe 3 mois bien trancuil
enfin vivement que c’este triste geurre finis bien vite pour nous parler en vive voiix
Cher belles sœur et nies nous alons finir c’est deux mot pour aujourd’hui en vous soitent bien le bon jour et un profon baisser de tout notre ceur deux beaux frères pour la vie Morel
tu maitera la dresse 20e compagnie 2e section secteur postal N° 58
tache donc de nous faire réponse au plutop et les nouveaux du pays

J.M.O. du 398è Régiment d’Infanterie : 25 mai Soissons - Le régiment va relever le 305è en première ligne.

Bonnet, le plus jeune frère, écrit le même jour. Lui aussi a retrouvé les tranchées en Alsace après dix jours de repos. Il salue l’entrée en guerre de l’Italie comme un atout pour une fin plus rapide du conflit.

|Historique du 53e Bataillon de Chasseurs alpins : « [ . . . ] jusqu’au 14 juin il occupe des secteurs à organiser et fourni un travail considérable, notamment au Langenfeldkopf. »|

Lettre de Bonnet Morel

Le 1er Juin 1915
Cher belle sœur et niece
[ . . . ] mon frère Gaspard mas écrit il me dit qu’il est en bonne santée et les deux autres aussi enfin mas situation et toujour la même J’ai tirer 10 jours de repos en narrière mais maintenant j’ai repris les tranchées dans ses triste sapin mais pour le moment c’est assez calme et vivement que sa finisse car sa devient long a quant l’heure et le jour con sera délivrez pour serevoir tous en semble pour trinquer un ver mais comme l’italie marche avec nous sa pourra avancer la chose il signe M.B.
53e Bataillon de Chasseur alpin 8e compagnie 2e section secteur postal N°141[ . . . ]

Gaspard est déprimé, les contrariétés s’accumulent. Le courrier est suspendu, le chantier interrompu et un redouté retour aux tranchées est prévu. S’ajoute un changement de compagnie.

Le 1er Juin 1915
Chère femme et chère fille
Depuis trois jours je n’ai pas reçu de vos nouvelles le temp me dure beaucoup et savoir ce qui se passe êtes vous malades ou bien vous m’oublier je vous avez dit de m’envoyer un peu d’argent je ne reçois ni argent ni réponse comment cela se fait-il Célina me dit qu’elle est au Bicon et me promet de m’écrire je ne vois rien toi chère femme tu ne m’en parle pas que c’est-il donc passer c’est ce que je serai content de savoir c’est la déveine pour moi j’ai écrit a mes trois frères ils ne m’ont point fait de réponse je n’y comprend plus rien pour comble nous sommes arrêtés de couper du bois aujourd’hui ou demain nous allons rentrer dans nos compagnies c’est ce qui m’embête le plus et surtout je suis changé de compagnie je suis versé a la 7e compagnie.
Je me porte toujours bien et je désire que vous en soyez de même pour aujourd’hui je ne vous en mets pas plus long demain je vous écrirez pour vous dire comment ça marche ne vous étonné pas si je suis changé de compagnie car les gradés c’est ça ils sont une fois ici une fois ailleurs ce qui m’embête le plus c’est de reprendre les tranchées et je n’y suis pas encore parti tâcher donc de m’écrire un peu plus souvent il y a que moi qui ne reçoi pas de lettres ces temps et ça me grossi le cœur enfin vos travaux presses peut-être plus je n’en sai rien en tout cas il y a bien quelque chose Je termine m’a lettre en vous envoyant mille baisers de tout mon cœur [ . . . ] Morel Gaspard Caporal a la 7e compagnie secteur postal n° 143

|104e régiment d’infanterie territoriale. Préparation du terrain pour l’attaque de septembre : Aubérive (juin-novembre) Le Chtimiste|

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Aubérive. Environs du Camp de Chalons.
Collection J.M

Le courrier est rétabli, mais les nouvelles sont encore contrariantes. Gaspard craint une mésentente entre la mère et la fille et manifeste un peu d’aigreur. Il envoie une photo de son équipe et se prépare à rejoindre les tranchées.

Le 6 Juin 1915
Chère femme
Depuis le 29 que tu m’a écrit j’ai encore reçu trois lettres non je me trompe quatre sur celle du 29 c’est toi qui m’écrit en me disant que tu a donné ta carte au facteur pour toucher ton allocation tu me dit demain je t’enverrai de l’argent le demain a bien passer mais rien ne m’arive que des lettres toi tu me dit que tu fait toucher ton allocation par le facteur Célina m’écrit de Ferrières que vous êtes allé la toucher toute les deux et que toi tu t’est rentournée par le train du soir et que Célina reste jusqu’a jeudi* je vois bien que Célina te gêne et il y a déja longtemps car avec vos lettres vous vous découpé et moi si je n’ai pas d’argent je pense m’en tapper et bien je ferai comme je pourrai demain je part au tranchées de première ligne il pourrait se faire que je sois toucher la je n’aurai plus besoin de rien tu pourra louer Célina et tu seras tranquille.
Je t’envoie une photographie de toute l’équipe c’est mal réusi mais tu me reconnaitra peut-être bien l’adjudant est au milieu et Jean Mary** est entre ses jambes moi je suis a sa gauche Basmaison*** lui aussi et a ma gauche Mondière**** et le Greuselle**** sont derrière lui Mondière a son képi sur l’oreille les autres tu ne les connais pas celui que j’ai devant moi c’est le cuisinier ainsi que le petit qui est a la gauche de l’adjudant
Chère femme c’est tout ce que je peux t’envoyer comme souvenir je suis bien content de retourner au tranchées pour voir les Boches et j’espère que Dieu me gardera je t’ai déjà dit que j’avais changé de compagnie je suis a la 7e je rentre demain avec Jean Mary car il est lui aussi a la 7e et nous avons le n° du secteur 143 tu dois avoir reçu le colis que je t’ai envoyé il y a une bague pour Célina après les mitaines
Je termine pour aujourd’hui et un de ces jours je t’anoncerai m’a nouvelle situation
Je t’embrasse mille fois bien fort ton mari qui t’aime et pense mille fois du jour a toi tu me diras si vos Boches***** sont bien beaux

* Célina reste jusqu’a jeudi. Chez sa tante Maria à Ferrières.
**Jean Mary. Jean Fradin dit Jean Mary. Classe 1896. Cultivateur de Lavoine.
*** Basmaison. Nicolas Basmaison. Classe 1890. Cultivateur de La Guillermie.
**** Mondière et le Greuselle. ??
***** vos Boches. Prisonniers affectés aux communes pour les travaux agricoles.
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L’équipe de bûcherons du 104e R.I.T
Archives familiales

C’est une lettre de remontrances que Gaspard envoie à sa fille. Il s’inquiète de l’évolution de sa scolarité. Il ne manque pas toutefois de lui rappeler son affection.

Le 6 Juin 1915
Chère Célina
[ . . . ] Chère fille comment cela se fait-il que tu ne va plus a l’école et que tu est toujours partie d’un côté ou d’autres cependant je m’aperçoi que tu n’est pas bien calée en écriture tu fait beaucoup de faute et même je trouve que tu écrit bien plus mal que il y a huit mois au lieu de faire des progrès tu n’a que diminuer en ortographe et en écriture j’en ait la preuve sur moi car j’ai de tes lettres depuis le commencement c’est une renontrance que je fait il y avait longtemp que je voulai te la faire et c’est mon devoir je ne vois pas pourquoi tu ne fréquente pas mieux l’école c’est ce que je voudrai savoir et vai m’en occuper des aujourd’hui ne m’en veux pas pour cette chose la car c’est dans ton intérêt que je parle et c’est le devoir d’un père de s’occuper de son enfant.
Allons m’a chérie j’espère que tu prendra bonne note de ce que je te dit et que tu progressera du mieux que tu pourras
j’espère que tu aura reçu ta bague et tu me diras si elle te vat demain je quitte le bois pour prendre les tranchées pour 14 jours heureusement qu’il fait beau et que les nuits ne sont pas longues mais c’est cette guerre que je trouve longue
Comme souvenir je t’envois a toi aussi une photographie de toute l’équipe tu me dira si tu me reconnais ce n’est pas bien fait car le soleil gené l’appareil et j’ai tout un côté de blanc Je termine en t’embrassant mille fois bien fort et embrasse bien la maman pour moi je ne vous demanderai plus d’argent car je vois bien que vous en avez point
Ton papa qui t’aime et qui ne t’oubliera jamais

Ordre et contre-ordre ! L’activité de bûcheronnage va-t-elle se maintenir ? Gaspard adresse des photos-souvenirs qu’il commentera à son retour.
Il a retrouvé son ancienne compagnie et sa position à Toussicourt. Il regrette les reproches de ses dernières lettres.

Le 10 Juin 1915
Chère femme et chère fille
[ . . . ] Chères petites amies voici quelque temp je suis été bien embêté nous avons quitté le bois et je croyais retourner au tranchée heureusement que le Colonel était content de nous et probablement que nous continurons de faire le même travail Voici quelques jours pour le moment notre équipe n’est pas dissoute c’est a dire que nous sommes toujour ensemble et nous fabriquons des paniers le travail n’est pas trop pénible au moment ou je vous écrit il est question que le régiment part mais personnes ne savent ou ?
Chères petites vous me dites que vous m’avez envoyé cinq francs en deux fois j’en ait reçu que cinq c’est ce que je trouve bien drôle enfin elle ne sera peut-être pas perdue.
Je vous envois trois autres photographie celle de l’adjudant une d’une ferme détruite par les Allemands et l’autre c’est celle de Jean Mary* qui grimpe après un arbre a reculons regardez s’il est beau garçon enfin il faut bien un souvenir de la guerre si j’ai le bonheur de me rentourner je pourrai vous distraire en faisant des explications sur nos tours de force.
Pour le moment je suis a la ferme de Touxicourt (Toussicourt) et j’ai vue tous les amis de mon ancienne compagnie
Chères petites si la mémoire ne me fait pas défaut je crois bien vous avoir écrit une lettre qui vous a causer de la peine ne m’en voulez pas en ce moment j’avais peut-être bien le cerveau tracassé [ . . . ] enfin n’en parlons plus
veuillez donc toujour bien me dire les nouveaux du pays vos lettres ne sont pas bien longues peut être que vous trouvée que je vous écrit trop souvent [ . . . ]

* Jean Mary. Jean Fradin dit Jean Mary. Classe 1896. Cultivateur de Lavoine.

|Dans la nuit du 11 au 12 : le Régiment quitte ses cantonnements et se transporte ; 1er et 2è Bataillon et E.M. À Pévy.
12 juin : [. . . ] sont pris par des autobus pour être transportés à Fismes [. . . ] à 14h50 et arrive à Fismes à 16 heures. Embarquement dans la nuit du 12 au 13 juin.
J.M.O du 104è d’Infanterie territoriale|

Le départ a bien eu lieu occasionnant beaucoup de tracas au caporal ! L’unité de Gaspard est partie à pied en pleine nuit, de Toussicourt jusqu’à Pévy, et de là en camion jusqu’à la gare de Fismes. Elle attend le train à minuit qui les emmènera vers une destination incertaine.

Le 12 Juin 1915
[ . . . ] J’ai un peu tardé a vous écrire eh bien vous pouvez me croire je n’ai eu le temps je suis rentré a ma compagnie et quand ont a une compagnie qu’on ne connait pas c’est un gros changement d’abord l’on ne connais pas ses hommes et pour en finir le régiment change je vous assure que ça en fait un remumment toute la journée d’hier nous avons eu revue sur revue et quand on a une escouade et que lon a fait toute les distributions un caporal n’a pas de temp de reste enfin mes chéries nous sommes partis a une heure du matin pour nous rendre a Pévy la nous avons fait le café et mangé un peu de soupe de la nous sommes partis jusque un endroit ou des camions automobiles nous ont pris pour nous conduire j’usqu’a Fiseme (Fismes) ou au moment ou je vous écrit nous attendons le train qui part a minuit mais nous ne savons pas dans quelle direction l’on va nous conduire les uns disent dans le Nord les autres dans l’Est enfin il n’y a rien a y comprendre pour moi je crois que nous irons au repos car le régiment est bien fatiguer et puis il n’y a pas un régiment Territorial qui ait resté si longtemp sur le front que le 104 enfin demain je vous écrirez soi dans le train ou en arrivant a destination mais ce que je désirerez c’est que l’on nous envoie chez nous.
Chères petites je vous direz que j’ai rencontré le Gaspard du Jean Chasseur* ce matin a Pévy il se porte bien et si vous avez l’occation de voir ses parents vous leur direz que je l’ai vu je lui ait payé un bon quart de vin .
Chères amies je vous direz qu’il y a bien du changement avec mon bois mais s’il y a besoin de bois ou nous allons je pourrai y retourner
allons ne vous faites pas de mauvais sang peut être que nous aurons le bonheur de nous revoir bientôt Allons je termine car il faut que j’aille a la distribution [ . . . ]

* Gaspard du Jean Chasseur. Chasseur : surnom de la famille BARRAUD du Puy, village de Lavoine. Gaspard Barraud, classe 1913. Sergent au 43è Régiment d’Infanterie. Mort pour la France le 23/9/1916 à Combles dans la Somme.

Lettre de Bonnet Morel

Bonnet remercie sa belle-sœur pour l’accueil de son petit garçon, alors que sa femme Jeanne est en difficulté.
Il est toujours dans les tranchées.

Samedi 12 Juin 1915
Cher belle sœur
Je fait réponse a ta lettre que j’ai reçu aujourd hui qui mas fait un grand plaisir de savoir de vos nouvel et les nouvels de mes frère aussi parceque voilà quelque tent qu’il mon pas écrit
cher belle sœur je suis toujours en bonne santée et que mas lettre vous trouve de même inssi que mon petit Gaston*. Je suis tres content que tu a pris mon petit car Jaenne** était assez entravez comme il n’a pas gardez sa servante*** qui ses en nallez et aussi pour les travaux des champ maintenant qu’il vont arivez et la guerre fini pas vite
pourtant vivement que sa finisse sa devient bien long pour tous
enfin cher belle sœur pour mas situation ses toujour la même a combatre jour et nuit dans les tranchée pour (veuiller ?) les boches. Je m’avez écrire a mon frère Gaspard aujourd’hui
Je fini en atendent de recevoir de tes nouvel et de mon petit. Je vous embrasse tout les trois de tout mon coeur ton baux frère pour la vie. il signe MB

* mon petit Gaston. Son fils âgé d’un an.
** Jaenne. Marie Jeanne Brugièregarde, son épouse. Éprouvée par la perte d’un bébé en 1913, désormais seule, elle doit faire face aux travaux de la ferme.
*** il n’a pas gardez sa servante. « Il » : son père, Gilbert Morel, qui a quitté sa maison, où Jeanne, sa belle-fille reste seule.

Après un périple particulièrement éprouvant, Gaspard trouve un peu de repos en dépit de conditions détestables. Le mouvement de troupe est intense, il inclue de très jeunes recrues.
Les dernières lettres reçues ont été douloureusement perçues. Une nouvelle fois le mode d’envoi d’argent est sujet à critique.

Le 14 Juin 1915
Chère femme et chère fille
Je vous disait sur ma dernière lettre que le régiment changé eh bien nous avons fait un beau voyage en auto ou en chemin de fer tout le monde était content quand nous avons cru qu’on nous dirigé sur Paris mais quelle surprise lorsque nous sommes arrivés a Chateau-Thierry ça a été tout le contraire ont nous tourne sur Châlons ce qui fait que nous sommes au camp de Châlons sur Marne rien que pour deux jours et quand nous avons descendu du train il nous a fallut faire 20 kilomètres a pied par une chaleur insupportable enfin nous sommes arrivé a la nuit tout le monde était éreintés nous avons mangé quelques boîtes de conserves et nous nous sommes coucher dans de mauvais gourbis qui avait été fait probablement par les Boches
enfin nous avons bien dormis quand même car il y avait plus de cinq nuits que nous ne dormions rien dans le train nous étions empilés dans des wagons de bestiaux tout les uns sur les autres ce qui nous tourmentés le plus c’est la soif et pour ces deux jours nous n’avions qu’une mauvaise pompe pour tout le régiment pour faire boire les chevaux il faut faire 6 kilomètres maintenant demain pour nous rendre a destination il paraît que nous avons 20 kilomètres a faire jamais de ma vie je n’ait vu un si grand remument de troupe ça arrive a plein train si vous voyez ces petits bleus ont direz des gosses pour cela mes chères petites il ne faut pas vous faire de mauvais sang car il parait que nous n’allons qu’en 2e ligne au moment ou je donné m’a dernière lettre au vaguemestre j’en ai reçu deux des votres sur celle ci je ne peux pas vous dire le chagrin qu’elles m’on fait oh non Chères petites tout les jours je tâcherai de vous écrire pour le moment je suis toujour en bonne santé et je désire que vous en soyez de même pour l’argent que tu m’a envoyé chère femme je t’avais bien dit de recommander les lettres que ce serait plus sur car sur les dix francs je n’ai reçu que cinq francs cela fait que les autres cinq francs vont être perdu il ne faut pas t’en faire de mauvais sang pour cela je ménagerai un peu plus
Pour aujourd’hui je termine m’a lettre en vous embrassant [ . . . ]

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Gare du Camp de Chalons
Collection JM
16 juin [. . . ] Le 2è Bataillon va cantonner à Mourmelon-le-Grand. J.M.O du 104è d’Infanterie territoriale
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Carte du périple de Gaspard

C’est épuisé que Gaspard arrive au camp de Mourmelon-le-Grand, terme provisoire du déplacement.
Avec retard le billet de cinq francs égaré est finalement bien arrivé.
Satisfait de la composition de sa nouvelle équipe, Gaspard s’alarme à propos de l’état de santé de Claudia, il a fait cependant un rêve qu’il voudrait prémonitoire.

Le 16 Juin 1915
Chère petite femme et chère fille
C’est avec empressement que je viens vous raconter mon voyage nous sommes parti ce matin a 2 heures nous avons traverser le camp de Châlons et nous sommes arrivés au cantonnement a 8 heures le pays s’appelle au grand Mourmelon c’est un très joli pays nous sommes au moins a 6 kilomètres des Boches nous sommes pour le moment loin du danger il paraît que nous allons y rester 15 jours d’ici ce temp la guerre a le temp de finir ce qu’il y a de bon c’est que nous sommes logés dans des baraquements seulement au moment ou je t’écris la nuit s’aproche et nous n’avons pas encore toucher de pailles cependant nous prendrions bien de dormir un peu car voici une dizaine de jours que nous ne dormons presque rien enfin il faut espérer que nous nous ratrapperons
Chère amie je viens de recevoir ta lettre du 3 juin avec ton petit billet de cinq francs qui m’a fait bien plaisir je me demande ou cette lettre a pu rester car elle porte le cachet de Ferrières en date du 10 Juin tu vois bien qu’il y a quelque chose
Chère femme je ne suis pas faché d’avoir changé de compagnie j’ai une bonne escouade mes hommes sont très gentils et je me trouve tout aussi bien qu’au bois car jamais le temp m’a tant durer de m’a vie quoique je n’étais pas mal il n’y a qu’une chose qui me tourmente maintenant c’est toi sur la lettre de compliment que j’ai reçu de Célina me disant que tu étée si abattue et que tu étée malade et que si je te voyais je ne te reconnaitrai plus m’a pauvre petite pourquoi te laisse tu aller comme ça mais il faut te remonter et songer qu’un jour nous aurons le bonheur de nous revoir ah ma chérie si tu savais le beau rêve que j’ai fait cette nuit j’étais auprès de toi et pense combien j’étais heureux malheureusement je n’avais que 2 heures de permission hélas que j’étais embêté enfin c’est peut-être bon signe promets moi ma chérie de ne plus te faire de mauvais sang et d’avoir bon courage et soigne toi bien [ . . . ]
Voici mon adresse Morel Gaspard Caporal au 104e d’infanterie territorial 7e cie secteur postal n° 70

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Camp de Chalons
Collection JM

Lettre des frères Claude Morel (Le Dode et Claudi le Jeune).

Maintenus dans les tranchées du secteur de Soissons, ils expriment leur lassitude et l’espoir d’un heureux retour au foyer. Envoi d’une photo peu flatteuse ?

Le 17 Juin 1915
Cher belles sœur et niese
Nous fessions réponse a votre lettre qui nous a fait bien plaisir [ . . . ] Cher belle sœur tu nous xcuzera si j’ais un peux tarder a te faire réponse car ce n’est pas de ma faute c’est con na pas beaucou de temps a nous [ . . . ] a faire des traveaux jour et nuit et il fait très chaux
ma cher belle sœur cantèse que va finir ce maitier la tout le monde comasse an avoir souper de c’este geurre [ . . . ] vivement que sa finis pour con puise tous rentrés dans notre petite famille et pour se revoir tous en sembles hau quel bonheur quele joix ce jour la
cher belle sœur je temvoix ma fotographie mais ce n’est pas un homme de maitier je ne suit pas bien [ . . . ] vos deux beaux frères et oncle pour la vie Morel Claude et Morel Claudi

Claudia et Célina répondent au dos de la lettre. Elles transmettent les nouvelles familiales et ajoutent un fait-divers sordide !

Lavoine le (?) juin 1915

Cher beau frère et cher oncle
Nous répondons a ton aimable lettre qui nous a fait bien plaisir de savoir de tes nouvelles. Quant à nous deux nous sommes toujours en bonne santé et nous désirons de tout notre cœur que notre lettre te trouve de même et Claude aussi.
Cher beau frère Gaspard a écrit aujourd’hui il dit qu’il est toujours dans le bois et qu’il se porte bien. Bonnet nous a écrit hier et il est toujours en bonne santé. Monsieur Ternoire* l’instituteur est parti hier comme auxiliaire La Catherine de Matelote** a tué sa patronne a coup de cailloux.
Tu donneras bien le bonjour au beau frère Claude de notre part et tu lui diras aussi que l’embrassons bien fort.
Enfin cher beau frère et cher oncle nous ne voyons pas grand nouveaux à te dire pour aujourd’hui tout ce que nous souhaitons c’est que vous reveniez tous sains et saufs [ . . . ]
Ta belle sœur et ta nièce pour la vie. Morel Claudia Célina Morel

* Monsieur Ternoire. François Terrenoire. Classe 1899.
** La Catherine de Matelote. ??

Le courrier de reproches que Gaspard a adressé à sa fille Célina a provoqué incompréhension et colère. Des soucis financiers apparaissent à la maison et le conflit de voisinage perdure aux Bicons*. Gaspard se veut conciliant.

Le 17 Juin 1915
Chère femme et chère fille
A l’instant le viens de recevoir vos deux lettres qui sont dattée l’une du13 l’autre du 14 sur celle du 13 je vois bien que vous avez une grosse rancune contre moi car c’est moi qui ait tors je ne comprend même pas le sens de vos lettres sur ce que vous voulez dire vous m’afligé et vous vous accusée vous même j’ai fait une petite remontrance a Célina car je me suis apperçu qu’elle ne faisait pas de progrès a l’école c’est ce qui m’embête le plus et oui j’ai dit que je m’en renseignerai et je ne me suis jamais dérangé de rien pour toi ma chérie [ . . . ] si j’ai peut-être dit une parole de trop c’est que au moment j’était tout démoralisé [ . . . ] enfin vous êtes bien méchante vous ne cherchez guère a me consoler d’ailleur vous me cachez beaucoup de chose ce n’est que la colère qui vous a fait dire que vous étiez malheureuse que vous aviez a peine a vivre que le Percepteur ne veux pas vous donner d’alocation sans payer les impots** eh bien mes chéries qu’el impots il peux vous faire payer vous ne lui devez rien qu’il vienne me réclamer a moi adressé vous au maire il vous mettra au courant.
Allons mes chéries ne parlons plus de toutes ces bêtises dites moi bien vos petites misères et je vous direz les miennes et nous partagerons nos misères ensemble et surtout soignez vous bien et ne vous faites pas de mauvais sang le jour heureux de la délivrance viendra bien ou nous pourrons nous causer de vive voix une autre que je voudrai vous dire c’est de ne pas trop vous méler des affaires qui se passe au Bicons* laisser les faires pour avoir pris mon petit filleul vous avez bien fait pour l’acompte que vous me dites sur la maison vous voyez bien ce que vous pouvez faire ce ne serait que 10 francs vous leur feriez plaisir mais tachez de garder pour vous les premières.[ . . . ] votre bien dévoué mari et papa qui vous oublie pas et surtout ne vous porte pas rancune.

* Bicons. Les Bicons. Lieu-dit familial..
** les impots. Une grande partie des contribuables mobilisés a obtenu des délais de paiement ou des exemptions (loi du 5 août 1914, décrets de septembre et octobre 1914).

Claudia adresse un courrier de réclamations au Percepteur.

Lettre non datée de Claudia Morel (brouillon ?)
Monsieur le Percepteur
Il m’est impossible de payer les impots de mon mari qui est mobilisés. Comme je ne possede rien est que ma fille est malade mon allocation mest absolument nécessaire pour vivre Morel Claudia

|"Le soldat CHEVENIER Jean, 9e Compagnie, est blessé mortellement par éclat d’obus, le (dimanche) 20 juin au soir à Mourmelon-le-Grand"
"Le soldat MARTIN Jean (9e Compagnie) est tué par éclat d’obus, le (dimanche) 20 juin au soir à Mourmelon-le-Grand"
"Le soldat MILLOT Jean Baptiste est blessé par éclat d’obus, le (dimanche) 20 juin au soir à Mourmelon-le-Grand. (9e Compagnie)"
Extraits du J.M.O. du 104è d’Infanterie territoriale|

21 juin : "La 8e Compagnie se porte aux bivouacs entre Bouy et Les Grandes-Loges (compagnie de bûcherons pour la coupe des bois)" J.M.O. du 104è d’Infanterie territoriale

Même si Gaspard est un peu en retrait des premières lignes, le souhait de Claudia et Célina de lui rendre visite n’est pas réaliste. Malgré une forte charge de travail et le manque d’eau, le caporal apprécie d’être en sécurité.
Il approuve l’accueil du petit Gaston et décline l’offre d’envoi d’un colis.

Le 23 Juin 1915
Chère femme et chère fille
Je viens de recevoir votre lettre du 17 courant qui m’a fait plaisir d’apprendre que vous êtes toujours en bonne santé pour quand a moi je me porte toujours bien [ . . . ]
Chères amies vous me dites que si le 104 n’était pas trop loin vous viendrez me voir oh chères petites combien je serait content mais c’est impossible nous avons une distance qui nous sépare de au moins 600 kilomètres et puis d’abord aucun civil ne peut rentrer au lieu de nous avoirs retirer c’est la même chose comme avant il va falloir que le régiment reprenne les tranchées comme avant pour moi si ça dure je n’ai pas a me plaindre bien que j’ai 4 fois plus de travail qu’a la compagnie enfin cela n’y fait rien je suis toujours en sûreté pour le moment et j’espère que ça continuera j’ai toujour avec moi la même équipe tout ce qui nous manque c’est l’eau il faut faire 3 kilomètres au moins pour en avoir en plus de l’équipe il y a une compagnie qui campe avec nous c’est elle qui se charge de nous procurer l’eau et la nourriture mais c’est tout juste si nous en avons pour faire la soupe et le jus il y en a que la soif dévore enfin on ne peut qu’y prendre comme ça vient il viendras peut-être bien un jour que ça finiras en attendant ce jour soignier vous bien [ . . . ]
Je suis très content que vous avez mon petit filleul* il doit bien vous amuser vous l’embrasserai bien pour moi Allons mes chéries pour aujourd’hui je termine
vous me parlez de colis ne faites pas ça car maintenant il faut trop lontemp pour venir et bien souvent ce qu’il y a dedans est tout gâté
envoyez moi un peu d’argent de temp en temp pour m’acheter un peu de vin cela me soutiendra [ . . . ]
j’espère bien que vous aurez mes cartes tout les jours je vous en vois une.

* mon petit filleul. Gaspard dit Gaston, fils de son frère Bonnet.

|Historique du 53è Bataillon de Chasseurs alpins : « Le lendemain 18 juin [ . . . ] un Bataillon [ . . . ] (7è et 8è du 53è) [ . . . ] monte de nouveau à l’assaut et atteint tous ses objectifs. « Les 7è et 8è se sont tout particulièrement distinguées. »|

Lettre de Bonnet Morel
Après des séquences éprouvantes, Bonnet est passé de première en seconde ligne. Il quête en particulier des nouvelles de son frère Gaspard et de son petit garçon.

Mercredi le 23 Juin 1915
Cher belle sœur et nièce
Je t’écrit ses deux mots de lettre pour te donnez de mes nouvel qui sont toujour bonne pour le môment et je désire que vous en ette de même mon petit* aussi.
Cher belle sœur faite moi donc passer des nouvel de mon frère Gaspard car voilà quelque tent qu il m’as pas donner de ses nouvel
le dode et le Claudit** mon écrit ses jour dernier leur nouvel sont toujour bonne. Moi voilà 3 jour con n’est en seconde ligne mais sa a passer quelque jour pas trot bon car sa taper fort enfin que sa finisse donc bien vite car il n’y aurait bien assez pour tous.
Cher belle sœur et niece j’ai fini pour aujourd’hui en attendant de vos nouvel
Je vous embrasse de tout cœur vous embrasserait mon petit pour moi ton baux frère pour la vie. M.B.

* mon petit. Son fils Gaspard dit Gaston
** le dode et le Claudit. Ses deux frères Claude.

La perception d’un mandat tarde sans que Gaspard mette en cause la fiabilité du service. Un proche bombardement a fait plusieurs victimes.

Le 24 Juin 1915
Chère femme et chère fille
Je m’empresse de faire réponse a votre lettre d’hier [ . . . ] en même temp j’ai reçu votre mandat mais comme je ne suis pas avec la compagnie mais je ne sais pas quand je pourrai le toucher ce qu’il y a de sur c’est que je le toucherai tôt ou tard
J’ai bien du travail pour le moment mais je me trouve heureux de ne pas être exposé dimanche denier il y a des pauvres malheureux qui sortis a Mourmelon ils sont été bombardés il y a eu pas mal mort [ . . . ]
N’oublie pas de mettre secteur postal 70

Gaspard a la responsabilité d’un nouveau chantier de bûcheronnage à proximité de Mourmelon-le-Grand. Malgré la charge de travail, il se félicite d’être à l’écart des tranchées.
Il demande des nouvelles d’amis et parents.

Le 26 Juin 1915
Chère femme et chère fille
Je suis retourné au bois comme je vous l’ai relaté sur mes autres lettres et tout marche bien pour le moment il n’y a que j’ai beaucoup a faire a part des 22 hommes que j’ai sous ma direction j’ai une autre corvée de 40 hommes a metre au travail malgré qu’ils sont sous la direction de gradés plus hauts que moi c’est moi qui dirige le travail
[ . . . ] figuré vous quand tout ce monde est éparpillé dans un bois il y a de quoi ouvrir l’œil il faut en faire des pas dans une journée le soir je prend bien de dormir malgré tout je suis content car nous sommes a 18 ou 20 kilomètres de l’ennemi cela n’empêche pas que le régiment et sur les lignes et prend les tranchées a partir du 1er juillet c’est un grand bonheur pour nous d’en être exemptés je souhaite que ça dure.
Pour vous mes chères petites il ne faut pas vous faire du mauvais sang il ne faut pas non plus chère femme tant travailler ces pommes de terres tant a bien trop semer cela te fait trop de travail il faut songer a ta santée avant tout.
Vous me dites que Mr Ternoire est allé en permission et qu’il vous a dit que le 104 allé a Villers Franqueux il a du se tromper ou bien vous avez mal compris car c’est de Villers Franqueux que nous venons et maintenant le régiment est partagé par Bataillon dans les parages de Mourmelon le Grand je vous ait envoyé une carte de ce pays vous me direz si vous l’avez reçu.
vous me donnerez aussi des nouvelles des copains du pays du Jean et du Tonnin du Bourru* du grand de sur l’eau** et enfin de tout ce qui se passe et en même temp vous donnerez bien le bonjour aux amis Vallas a la voisine Marie et a tous les amis et souhaitons tous en cœur que cette vie insupportable finisse bientôt .
Je me porte toujours bien pour le moment [ . . . ]
Morel Gaspard Caporal au 104e territorial 7e compagnie Secteur postal n° 70 (équipe de Bucherons)

* du Jean et du Tonnin du Bourru. ??
** grand de sur l’eau. lire « de sur l’or ». Claude Mondière. Classe 1907. Cultivateur de Lavoine.
Arrêt sur image
27 juin. Carte postale de Maria Morel qui a fait l’objet d’une publication :
https://www.histoire-genealogie.com/Sur-fond-de-guerre-une-etrange-rumeur

|Historique du 53è Bataillon de Chasseurs alpins : « Du 21 juin au 3 septembre, le Bataillon occupe un secteur dans la vallée de la Lauch. »|

Lettre de Bonnet Morel.
Il s’enquiert de la santé de son frère Gaspard et de son petit garçon. Maintenu en Alsace, il combat durement au front. Il s’inquiète de la situation de Jeanne, sa femme, sans aide pour la fenaison.

Dimanche le 27 Juin
Cher belle sœur
Je répond a ta lettre qui mas fait un grand plaisir de savoir de vos nouvel et de mon petit aussi et de mon frère aussi car voila quelque tent qu’il mas pas écrit cher belle sœur pour quant a moi je suit toujour en bonne santée et je désire que vous en soyer de même. Cher belle sœur sa a passer 10 jours pas trot bon qui barder dur . enfin j’ai ut un peut de repôt 4 jour con a travailler en nairrière et maintenant jeai repris les trancher enfin espérons donc que sa finisse pour tous car tout le monde en devient sout
Cher belle sœur tu me dit que tu aura bien le soin de mon petit oui je ses bien que tu ne veut pas le négliger il est aussi bien vert toi comme vert mas femme si tu a besoin de lait il faut envoyer ma nièce en chercher enfin je ne ses pas comme Jaenne vas faire pour ramasez le foin comme il y a personne [ . . . ] M.B.

Lettre de Claudia Bigay et sa fille Célina adressée aux Claude Morel.
Elles accusent réception d’une photographie et transmettent quelques nouvelles, en particulier de permissionnaires.

Lavoine le 27 Juin 1915
Chers beaux frères et chers oncles [ . . . ]
Cher beau frère Claude nous avons été très contentes de recevoir ta photographie car il n’y avait plus que la tienne que nous n’avions pas et cher beau frère nous t’en remercions de tout notre cœur
Chers beaux frères votre frère Gaspard nous a écrit aujourd’hui et il dit toujours en bonne santé Bonnet aussi nous a écrit et il dit lui aussi qu’il est toujours en bonne santé.
Le Meunier* est venu en permission pour 15 jours, le François de chez Pautin**, le Mathieu du petit Louis*** sont venus pour 15 jours. Il n’y a pas grand nouveau au pays.[ . . . ]
Votre belle sœur et nièce pour la vie. Morel Claudia Célina Morel

* Le Meunier. ??
** le François de chez Pautin. Famille du métayer François Fradin. Cet autre François : un de ses petits-fils ? Chez Pothin : village de Lavoine.
*** le Mathieu du petit Louis. Mathieu Barraud. Classe 1898. Cultivateur de Lavoine.

Tous les trois ont sans doute bénéficié d’une permission pour travaux agricoles.

Les récoltes de Claudia ont subi la grêle. Gaspard tente de la réconforter. Il lance une longue diatribe contre la guerre et prodigue des encouragements.

Le 30 Juin 1915
Chères petites femmes
[ . . . ] Chères petites amies cela m’embête bien de voir sur votre lettre que ça a grêler votre petite récolte c’est bien ennuyeux pour vous de voir emporter le fruit de votre travail toi ma chérie qui a du tant peiné pour mettre a ce point c’est donc la malchance qui vous en veux enfin prenez donc courage ce ne seras peut-être pas tout perdu c’est encore de bonne heure ça pourra repousser il faut l’espérer que la providence vous viendra en aide il ne faut jamais se décourager que voulez vous c’est la guerre partout.
Oui chères petites amies c’est la guerre cruelle guerre maudite guerre qui sépare tant de familles qui fait verser tant de sang qui fait couler tant de larmes a quand finirat-elle personnes ne peus le dire non personnes ah que je crains que nous en avions encore pour longtemp cependant tout le monde commence a s’impatienter tout le monde crie que c’est trop long oui c’est trop long pour des vieux comme moi et tant d’autres coucher sur la terre dans les caves dans les courants d’airs il faut être plus dûr que les bêtes enfin ce n’est plus une existence ce n’est pas une guerre c’est une guerre d’usure une guerre de siège enfin une guerre comme il en a jamais exister je m’arrête sur ce point car ce n’est pas permis de tout dire qui vivra verra.
Tout ce que je vous recommande a vous c’est d’être courageuses ne pas vous faire de mauvais sang malgré que je ne soi pas auprès de vous mon cœur y est ainsi que m’a pensée et j’ai le bonheur malgré le travail et la peine de ne pas être exposé c’est ce qui doit vous consoler [ . . . ] et la chose la plus essencielle c’est de prendre sa nourriture bien manger c’est le meilleur des soulagements pour l’instant voyez vous si ont se laisse aller au découragement c’est la maladie eh bien c’est ce qu’il faut éviter suivez bien mon conseil et vous verrez que le temp vous durera moins et que le jour heureux viendra plus vite.
Chère femme je regrette beaucoup de ne pouvoir te dire le nom du bois ou nous sommes car je ne le sait même pas tout ce que je peux te dire c’est que nous nous sommes a côté du camp de Châlons sur Marne.
[ . . . ] Morel Gaspard Caporal au 104e territorial 7e compagnie Secteur postal n° 70 (subsistant à la 8e Cie)

A suivre...

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