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A cette date, le 104è R.I.T. est dans le secteur du Luxembourg, Villers- Franqueux, Brimont, Toussicourt puis le secteur des Marquises, de la Source, de Mourmelon, de Jonchery et de Saint-Hilaire
d’après Le Chtimiste.
- 104e régiment d’infanterie territoriale dans la Marne (janvier à juin 1915)
- Source : Géoportail.gouv
Le 104è s’initie progressivement à la garde des tranchées et au service des guetteurs. Il devient expert dans la construction et l’aménagement de tranchées, boyaux et abris de toutes sortes [. . . ] Il prend part aux patrouilles exécutées en avant de la ligne et subit de très fréquents bombardements sans broncher, tant aux tranchées qu’aux cantonnements de repos. Tout en s’habituant peu à peu au contact de l’ennemi, les territoriaux améliorent progressivement les conditions de leur existence, malgré les rigueurs de l’hiver et les obligations du service [ . . . ] Le régiment entreprend une longue suite de travaux (création de postes d’eau, de fontaines, consolidation d’abris). Historique du 104e d’infanterie territoriale. |
Janvier 1915
Gaspard s’inquiète, sa fille Célina est malade. Inquiétude, certes attendue chez un père, mais amplifiée par l’éloignement et le deuil de Francine, sa fille aînée, décédée à l’âge de huit ans. Les premiers jours de l’année ont été marqués par la poursuite incessante de son travail de pionnier sous les bombardements. La quête de « réconfort » se poursuit.
Le 3 janvier 1915
Chère femme,
Ta lettre en main je m’empresse de te passer un mot de lettre pour que tu me donne des nouvelles de m’a chère Célina par retour du courrier dit moi si elle va mieux et tous les jours dit moi comme ça va ; pour moi je me porte toujours bien mais voici quelques temps que lon nous a fait turbiné heureusement que j’ai pu trouver quelques petites bricoles pour me soutenir mais comme je ne suis pas riche je ne peux pas aller a grand frais j’ai travaillé le jour du premier de l’an comme les autres jours nous avons été bombardé toutes la journée par les Boches il y a eu quelques blessés mais pas de tué je te direz aussi que nous sommes relevés aujourd’hui nous rentrons dans nos compagnies je te direz m’a nouvelle situation aussitôt que je la saurais je viens de faire mon sac pour partir j’ai toujours bon espoir de m’en tirer je n’ai encore pas reçu de nouvelles de mes frères j’en attend tous les jours,
Tu remerciera bien Monsieur Terrenoire* pour moi il m’a envoyé une jolie petite étrenne de cinq francs je lui ait écrit aussi une lettre de remerciement tu donneras le bonjour au mitron** et aux amies enfin ce que je te recommande c’est notre chère enfant soigne la du mieux que tu pourras et ainsi que toi chère femme ait du courage le jour de la délivrance viendra ou nous pourrons nous causer de vive voix. En attendant ce jour si désiré Je t’embrasse bien de tout mon cœur.
Ton mari. Morel Gaspard
Chère petite fille
Cela m’a beaucoup frappé de voir que tu est malade j’espère que cela ne dureras pas écoute bien les soins que la maman te donne et tu verras que tu seras vite rétablie si tu ne peux pas écrire mes lettres ne te gêne pas la maman fera bien et je suis été bien content de sa lettre en attendant vivement de tes nouvelles je t’envoie mille baisers. Ton petit papa qui voudrait te voir guérie. Morel Gaspard
* Monsieur Terrenoire. François Terrenoire. Classe 1899. Instituteur de Lavoine. ** mitron. Antoine Lagnieu, son cousin. Classe 1898. Boulanger du bourg de Lavoine. |
Le retour aux tranchées est pour demain. Le plus dur est de passer la nuit dehors, sous la pluie, les pieds dans la boue. Gaspard reste optimiste. Il apprécie l’envoi de colis et d’argent et reste préoccupé par le retard du versement de l’allocation due à son épouse Claudia.
Le 5 janvier 1915
[. . . ]
Voici deux jours que j’attendai avec impatience des nouvelles de Célina* je suis été heureux de recevoir votre lettre du 31 écoulé me disant que cela allait mieux et que ce n’était qu’une indigestion
pour quand a moi je suis toujours en bonne santée pour le moment [. . . ]
Je vous avais dit que j’étais bien tranquille voilà un mois mais a partir d’aujourd’hui nous rentrons dans nos compagnies pour aller au tranchées ça va changé de tournure mais j’espère m’en tirer quand même le plus dur ce seras de passer les nuits dehors et a la pluie l’eau jusqu’au chevilles il faut que les hommes sois plus durs que les chevaux pour supporter toutes ces fatigues.
Chère femme, tu me dit que tu veux m’envoyer un autre colis qui contiendra beaucoup de chocolat mais ce n’est pas la peine car je ne pourrai plus le faire sur le feu et comme ça je n’y tient pas et puis le chocolat on en trouve encore facilement tu m’enverras qu’une chemise et deux mouchoirs de poches pour le papier a lettre j’en ait bien assez pour le moment.
J’ai reçu le petit cadeau de Monsieur Terrenoire et je n’ai pas manqué de l’en remercier mais pour le mandat je ne sait encore pas quand je le toucherai car c’est très difficile il y en a qui reste un mois sans les toucher si tu peux envois moi donc 10 francs pour que je puisse m’acheter les petites choses que j’aurais besoin dans ton colis tu me mettra un petit bout de fromage ou de saucisson tu n’as pas besoin de le déclarer tous les camarades en reçoivent bien il y en a qui ont reçu même du beurre dans des petites boîtes mais j’en veux pas et puis si çà te gêne envois moi que ce que je te demande une chemise et deux mouchoirs.
Nous payons le vin 18 sous** et le rhum 5 francs le litre malgré cela quand ont peux en trouver on n’est bien content surtout dans les tranchées.
Enfin je ne veux pas trop t’en mettre pour aujourd’hui car je ménage ma bougie pour une autre fois je suis déjà a la dernière de celle que tu m’a envoyée
Mes chères petites ce que je vous recommande c’est de ne pas vous faire de mauvais sang et de vous soigner du mieux que vous pourrez et ce qui m’étonne c’est que tu n’as pas été payé ton premier moi*** tu devrais t’en renseigner il paraît que c’est même très sérieux tu aurais du toucher le premier mois
Je vous dirais que je suis été très content de recevoir une lettre du petit ami Simon**** un de ces jours je veux lui faire une réponse
j’ai oublié de te dire de me mettre un crayon ou deux dans ton colis [. . . ]
Morel Gaspard
J’ai écrit au père il ne m’a pas fait réponse [. . . ]
* Célina. Sa fille, 11 ans. ** le vin 18 sous. 20 sous = 1 F. *** ton premier moi(s). Versement de l’allocation aux familles des mobilisés. **** petit ami Simon. Simon, 13 ans, fils de Joseph Vallas et Marie Vallas, cultivateurs du bourg de Lavoine. |
Lettre de Claude Morel Le Jeune
L’écriture n’est pas celle de Claude. Sans en faire mention, il a fait appel à un camarade plus instruit. Il fait des vœux pour une fin prochaine de la guerre et un retour heureux.
Le 9 janvier 1915
Chere belle soeur,
Je vais réponse a votre lettre bien content de savoir de vos bonnes nouvelles ainsi que de mon frère Gaspard pour moi ça va bien aussi espérons qu’on aurré la santé jusqu’au bout
Malgré notre souffrance on s’en fait pas trop de mauvais sang. A tout les jours on approche de la fin.
Espérons que la fin on se retrouve tous en famille et on fétera joyeusement notre retour.
Vous enverrez de mes nouvelles a mon frère et vous me donnerez des siennes toute les fois que vous pourrez
Bien le bonjour à vous et à ma nièce.[. . . ] Claude Morel Jeune
Gaspard s’adresse à Célina, sa fille, heureux de la savoir proche de sa maman. Il est toujours éprouvé par son affectation dans les tranchées. Il en dit peu, la censure veille. A son grand regret, il doit être muté. Il laisse percer de la lassitude dans ses propos.
Le 9 janvier 1915
Chère petite fille
Je m’empresse de faire réponse a ton aimable lettre du 2 qui m’a fait plaisir d’apprendre que vous étiez toujours en bonne santé pour quand a moi je me porte toujours bien pour le moment [. . . ]
si tu savais combien je suis heureux de voir que vous êtes si d’accord toi et la maman [. . . ] je souhaite de tout mon cœur que la guerre se termine bientôt pour que je puisse participer a votre petit bonheur là j’aurais bien des choses a vous raconter pour aujourd’hui je ne peux rien vous dire que je suis tous les jours dans l’eau et la boue le jour et la nuit heureusement que dans deux jours nous irons nous reposer huit jours.
J’ai retardé un peu a vous écrire car je suis été nommé pour aller au génie définitivement et je ne suis pas encore parti et je n’y tiens pas beaucoup car je n’aurais plus de connaissance et il faut toujours marcher de l’avant ce n’est pas agréable c’est un bien dur métier pour le moment je ne pense plus au chocolat je suis bien heureux de manger un peu de soupe une fois par jour enfin je ne vous en dit pas davantage je ne peux pas ne vous faites pas de mauvais sang au moment ou je vous écrit il y a un mort et un blessé [. . . ]
Le courrier, les colis familiaux acheminés ponctuellement sont appréciés. Par contre, l’unité de Gaspard ne bénéficie pas de colis de l’État, ni des collectes de vêtements organisées à l’arrière.
Le 11 janvier 1915
[. . . ]
Vous me demandé si j’ai reçu votre colis ainsi qe la lettre de Monsieur Terrenoire* [. . . ] je reçois toujours bien ce que vous m’envoyé vous me dites que le linge que l’on a apporté au régiment est payé je le sais parfaitement bien mais jamais personnes n’ont rien reçu au sujet des colis qui ont été distribués aux militaires j’ai eu pour ma part une boite d’allumettes tison** vous voyez que je peux aller loin avec ça.
- Allumettes Tisons
- « Allumettes dont la flamme résiste au vent. »
Je vous dirai que je ne ne vois plus Blettery*** nous sommes trop éloignés l’un de l’autre [. . . ] pour l’argent que je t’ai demandé il ne faut pas te gener je ferais comme je pourrais si tu m’envois un petit colis tu ferais bien de mettre un petit flacon d’acide phénique**** car il y en a qui ont les fièvres et cela me serait utile. Voici quinze jours que j’ai écrit a mon frère Dode***** et je n’ai pas reçu de ses nouvelles [. . . ]
Enfin Chère petites amies ne vous faites pas de mauvais sang le jour de la délivrance viendra peut-être bien tôt
j’ai reçu une lettre du Mitron****** auquel je fait réponse en même temps que la votre vous me parliez aussi de vous renvoyer mon linge sale il m’est impossible c’est défendu et les gares sont trop loin [. . . ]
Vous donnerez bien le bonjour de ma part aux parents et amis qui s’intéressent a moi.
* Monsieur Terrenoire. François Terrenoire. Classe 1899. Instituteur de Lavoine. ** allumettes tison. Allumettes Tisons. « Allumettes dont la flamme résiste au vent. » *** Blettery. Antoine Blettery, classe 1894. Cultivateur de Lavoine. **** un petit flacon d’acide phénique. Puissant antiseptique. ***** mon frère Dode. Claude Morel, classe 1897. ****** Mitron. Antoine Lagnieu, son cousin. Classe 1898. Boulanger du bourg de Lavoine. |
Lettre de Claude Morel Le Dode
Les deux frères Claude sont en 1re ligne. En plein hiver, leur situation est déplorable. Deux des enfants du Dode sont toujours accueillis chez Claudia sa belle-sœur.
le 12 janvier 1915
cher belles soeur et nies (nièces),
Je fait reponse a votre lettre qui ma fait bien plaisir de savoir de vos nouvelle et de ma petite famille aussi et en même temp pour vous en doner des maine qui son toujour a peu pré bonne [. . . ] et Claudi aussi et toujour en bonne santer je lui et parler se matin et il vous en voit bien le bon jour et un grand baissér [. . . ]
[. . . ] avec le temp qu’il fait c’est bien dur pour nous c’est aurible de nous voir démoment vive ment que sa finis car tout le monde en non a sait [. . . ]
cher belle seeur je lui ecrit 3 lettres à Gaspard et il ma dit quil avet pas ressut de mais nouvelle [. . . ]
cher belle soeur c’est pas la paine de te parler de notre situassion car c’est toujour a peupré toujour la meme chose se qu il y a de plus malheur c’est qui tonbe de l’eaux tout les jour.
cher belles soeur et nies je va finir pour aujourd’hui car je n’est pas le temp den maitre plus [. . . ]
cher belles seeur et nies vous en brasserent bien mais 2 enfant pour moi
Votre beaux frères et oncle pour la vie Morel Claude
Avec les pionniers, Gaspard est aussi en 1re ligne. Il replonge dans un milieu terriblement hostile et fait preuve d’une grande résilience. Sans nouvelles récentes de ses frères, il s’inquiète. Il est soucieux lui-même d’écrire à ses proches, mais se heurte aux conditions matérielles si défavorables.
Le 13 janvier 1915
Chère femme et chère fille
Je repond a votre lettre du 8 courant qui m’a fait un sensible plaisir d’apprendre de vos nouvelles et que vous pourrez avoir un peu d’argent pour vous servir quand a moi je suis toujours en bonne santé [. . . ]
Chère femme, tu me dit que tu m’as envoyé 10 fr je ne les ait pas encore reçu [. . . ] les mandats il faut très longtemps pour les toucher, tu me demandes si j’ai fait rentrer Barraud* au bois avec moi non car je n’y travaille plus [. . . ] l’équipe que l’on avais formé pour le bois n’existe plus, je fait partit des pioniers et je suis tout près des Boches il y a des jours que j’en suis a deux cents mètres malgré cela et leurs fusils je ne crains rien je suis avec Dubreuil** nous ne nous faisons pas de mauvais sang malgré la misère que l’on a car il ne cesse de tomber de l’eau tous les jours nous avons la boues jusqu’au genoux nos habits ne sèches plus nous sommes mouillés la nuit comme le jour mais ont s’y habitue.
Tu me demandes comment s’appelle le bois ou je travaillé c’est le bois de Toussicourt nous sommes a la ferme de Luxembourg voici trois mois de campagne que je fait et le temps commence déja a bien me durer et cela n’a pas l’air de finir encore enfin pourvu que j’ai la santée c’est tout ce que je demande et surtout le bonheur de vous revoir j’aurais bien des choses a vous raconter.
Cher femme, question de sabots comme tu me parles il me serait bien utiles mais c’est la question de les poster laisse donc faire quelque temp je te dirai bien s’il faut m’envoyer le linge il en faut pas trop le plus utile c’est le manger mais cet tout a fait trop cher l’on ne trouve rien Je vous avais dit que j’étais nommé pour aller au Génie [. . . ] peut-être que je ne changerai pas. [. . . ]
vous me donnerez des nouvelles de mes frères*** ainsi que l’adresse de Bonnet*** j’ai écrit a mon frère Dode*** le 26 décembre il ne m’a pas fait de réponse et le temp me dure bien, tu me dit que tu n’a pas reçu de mes nouvelles depuis le 31 décembre cependant j’écris tous les deux trois jours.
[. . . ]
Chère femme et chère fille, vous ne manquerez pas de donner le bonjour de ma part aux parents des Bicons**** car je n’ai pas le temp d’écrire surtout qu’il faut écrire que la nuit pour cela il faut de la bougie et c’est ce que l’on ne peus pas avoir.
Chère petite fille continue de toujour de bien apprendre en classe et d’être toujours bien obéissante a la maman [. . . ] Morel Gaspard 104e territorial 1er bataillon 2e cie (secteur 155)
* Barraud. Mathieu Barraud. Classe 1898. Cultivateur de Lavoine. ** Dubreuil. Antoine Dubreuil. Classe 1898. Conducteur des Ponts et Chaussées au Mayet-de-Montagne. *** mes frères : Bonnet le plus jeune, Claude dit Le Dode, Claude dit Claudi ou Le Jeune. **** Les Bicons. Lieu-dit de la maison familiale à Lavoine. |
Dans un contexte épuisant, le mode d’envoi d’argent devient un sujet de fâcherie feutrée et remontrances . . . ce qui n’exclut pas les remerciements !
Le 14 janvier 1915
[. . . ] Je répond a votre lettre du 9 courant qui contient 5 francs sans être recommandée et tu me dit qu’elle est recommandée tu me dit aussi que tu m’as envoyé dix francs par mandat pourquoi tu ne me l’as pas envoyée par billet dans une lettre recommandée j’en ai pas encore de nouvelles de cette lettre ni non plus si je la reçois je ne serais pas prêt a toucher le mandat je te l’avais dit il y a longtemps enfin tu ne me dit pas la date que tu me l’as envoyé ni ton colis non plus heureusement que mon père m’a envoyé cinq francs dans une lettre recommandée et tes cinq francs sans être recommandé cela me fait 10 francs j’avais encore 10 sous et je ne pouvais plus acheter chopine cela ne fait rien ce que je te recommande ne perd pas ton talon des 10 fr que tu me dit et quand tu m’enverras de l’argent ne m’envois plus de mandat cinq francs dans une lettre et cela suffit [. . . ]
Enfin je te remercie bien et ne vous faites pas de mauvais sang je me porte toujours bien [. . . ]
- Enveloppe pour Gaspard (1915)
Claudia méconnaît encore le caporal !
Gaspard écrit au verso : Voici ton enveloppe tu vois qu’elle n’est pas recommandé et j’ai reçu ton argent de suite.
La situation ne cesse de se dégrader. Gaspard rapporte les conditions matérielles désastreuses, mais tait les combats. Courrier et colis lui apportent un grand réconfort.
Le 19 janvier 1915
[. . . ] si je ne vous ait pas écrit plus tôt c’est qu’il m’a été impossible et je n’ai pas encore le temp non plus mais ne vous inquietté pas pour cela d’ici quelques jours j’aurais peut-être mieux le temp.
Chère femme j’ai reçu ton colis et ton mandat le 16 et rien n’a été dérangé ton colis m’a très bien servis car voilà quelques jours que l’on a pas trop a bouffer et surtout le plus que l’on manque c’est l’eau a peine si nous en avons pour faire la soupe nous avons resté deux jours sans en manger nous souffrons beaucoup la soif j’espère que cela ne vas pas durer longtemp [. . . ]
j’ai suffisamment d’argent pour le moment a l’endroit ou je me trouve une autre fois tu m’enverras un petit billet de cinq francs dans une lettre c’est le meilleur moyen d’avoir de l’argent et je vous recommande de bien vous soigner et de ne pas vous faire de mauvais sang et merci pour vos bons fromages et saucisson [. . . ]
Vous donnerez bien le bonjour a Monsieur Terrenoire* de m’a part et aux parents et amis qui s’intéressent a moi.
*Monsieur Terrenoire. François Terrenoire. Classe 1899. Instituteur de Lavoine. |
Sa nouvelle affectation dans une zone de combats n’améliore pas le sort de Gaspard. Il en apprécie d’autant mieux les colis. Le versement de l’allocation due à Célina reste un sujet d’irritation.
Le 20 janvier 1915
[. . . ] voici quatre jours que je suis versé au Génie [. . . ]
Pour le travail c’est très pénible car il faut travailler la nuit comme le jour et toujour en première ligne ce n’est pas agréable d’aller si près des Boches car ils ne dorment guère et quand ils peuvent nous surprendre ils ne manques pas mais ont ne les craint pas.
Nous sommes logés dans un bois dans des gourbis sous terre pour avoir de l’eau ce n’est pas facile et encore moins pour avoir du vin ton colis est arrivé juste au bon moment il m’a fait plus plaisir qu’autre chose [. . . ] ne m’envoie plus de linge il y a que mes mitaines que j’ai perdues si tu pouvais m’envoyer des gants tu me ferais plaisir.
Tu me disais que Célina n’a touché que pour un mois ça doit être la faute du Percepteur [. . . ] c’est un droit pour cela tu lui diras que je te l’ai écrit fait toi faire l’explication par Monsieur Terrenoire* [. . . ] tu dois toucher 52,50 fr au lieu de 49 fr il faudra lui le dire aussi s’il ne veux pas marcher je m’adresserai au Préfet [. . . ] vous me donnerez bien les nouveaux du pays de Joseph** si vous en savez.
Bien le bonjour aux parents et amis [. . . ] voici mon adresse Morel Gaspard au 3e Génie auxiliaire compagnie 3/3 3e section secteur Postal 95
* Monsieur Terrenoire. François Terrenoire. Classe 1899. Instituteur de Lavoine. **Joseph. Joseph Lagnier. Classe 1901. Sabotier de Lavoine, porté disparu le 1er décembre 1914. |
« le Régiment fait bonne figure à côté de l’active à laquelle il est d’abord amalgamé, puis dont on le sépare pour lui confier la garde des parties de la ligne formant courtine, à la route 44 et au Luxembourg.
Il reçoit des éloges pour sa vigilance dans les gardes de nuit, prend part aux patrouilles exécutées en avant de la ligne et subit, sans broncher, de très fréquents bombardements soit aux tranchées, soit dans ses cantonnements dits de repos, notamment le 21 janvier 1915 à Villers-Franqueux où plusieurs foyers d’incendie sont allumés par les obus allemands. »
Le Chtimiste. 104è R.I.T.
- Plan extrait du JMO du 104e RIT
- Janvier 1915
"Violent bombardement du village de Villers-Franqueux de 11h30 à 13h. Plus de 150 obus, dont beaucoup incendiaires, sont tombés sur le village (3 foyers d’incendie)."JMO du 21 janvier 1915
Les conditions de vie sont abominables, les colis de Claudia un véritable réconfort. Triste nouvelle, la mort d’une petite nièce.
Le 23 janvier 1915 Chère petite fille
Je fais réponse à ton aimable lettre du 14 courant [. . . ] pour quand a moi je suis toujours en bonne santé
[. . . ]
je n’ai pas beaucoup de temp pour écrire et en même temp il faut beaucoup de temp pour que nos lettres parviennent au train et je n’ai pas gagner a changer de régiment car a l’endroit ou je me trouve ce n’est pas gai nous manquons de tout il y a même pas d’eau pour se débarbouillé et pour faire un peu de soupe et pour boire nous la prenons dans des trous ou il y a de l’eau qui tombe du ciel et souvent il y a un Boche d’enterré dedans qui montre son casque et ses bottes malgré cela l’on n’est bien content
quand vous pourrez me faire un petit colis tachez de me mettre un flacon d’alcool de menthe pour couper l’eau et surtout quelques boites d’allumettes c’est ce qui fait le plus défaut.
Chère femme ton colis m’a fait grand plaisir quand j’arrive a minuit je mange un bout de saucisson ou de fromage cela me donne des forces pour quand au chocolat j’en trouve encore facillement je le paye 1,25 fr la tablette
Célina me dit sur sa lettre que le cousin mitron n’a pas encore reçu m’a réponse [. . . ]
C’est bien malheureux pour ma sœur d’avoir perdu sa petite fille* [. . . ] c’est triste pour les parents.
* sa petite fille. Marcelline, fille de Marie Morel et d’André Barret, âgée de quatre ans, décédée le 13 janvier. |
- Réclame parue dans "L’Illustration" du 26 décembre 1914.
La détermination de Gaspard est intacte. Le travail est pénible mais estimé nécessaire. L’environnement est devenu moins hostile. Après quatre mois de mobilisation, l’espoir d’une paix prochaine est évoqué.
Le 24 janvier 1915
[. . . ] Mais chères amies sur vos lettres vous me dites que je me fait de l’ennuie [. . . ] mais je ne m’en fait pas n’en soyez pas en peine malgré que la guerre ne sois pas apétissante surtout a mon âge de travailler la nuit mais le travail que l’on fait est utile car il faut chasser ces maudits Boches de chez nous seulement il nous faut du temp et du courage
Vous me dites aussi que vous m’envoyez un autre colis il ne pressé pas bien j’ai du linge et du manger pour quelques jours il n’y a que mes pantalons qui ne valens plus rien ils sont tout en trous et surtout entre les jambes [. . . ] Enfin tout ce que je vous conseille c’est de bien vous soigner.
Chère je suis été très content que c’est toi qui m’a écrit mais sur ça je craint que Célina soit malade il faudrait me le dire, je te dirai que cela a déjà bien changé depuis huit jours nous sommes bien mieux nourris et surtout que nous avons de l’eau a volonté et nous sommes dans une cave et je désire que cela dure et que la guerre termine bientôt car voila déjà quatre mois que j’y suis et cela durera peut-être bien encore autres quatre mois mais avec la patience le jours heureux viendra peut-être plus tôt que l’on pense [. . . ]
Gaspard envoie deux lettres ce même jour
Il a changé d’unité mais sa localisation en Champagne reste Villers-Franqueux, village désormais en ruines, à une dizaine de kilomètres, au nord-est de Reims. Il s’affiche comme un soldat inconditionnellement discipliné.
L’hiver est toujours présent, mais l’environnement matériel s’est amélioré.
Le 26 janvier 1915
[. . . ]
Chère femme je vois sur tes lettres que tu crois que je me fait du mauvais sang soyez tranquille de cela je n’en fait pas du tout l’on me dit de faire ceci je le fait l’on me dit d’aller la bas j’y vas car il n’y a rien a dire il n’y a qu’a marcher c’est pour cela qu’il ne faut pas chercher a comprendre et celui qui veux faire le malin je le plains mais moi je suis toujours content et je fait des camarades partout car je suis tout seul du pays vue que je ne fait plus partie du 104 mais j’espère bien y retourner et quand j’aurais besoin de quelque chose je vous le demanderai pour le tabac j’en ai suffisament ce qui me ferais le plus besoin ce seras un pair de bas ne te dérange pas pour les gants j’ai retrouvé mes mitaines tu m’enverras un flacon d’alcool de menthe et des allumettes quelques bougies les allumettes tu les mettras dans une petite boîte en fer blanc et tu mettras le colis en gare de Lavoine [. . . ] ce n’est pas la peine que je t’explique ce que je fait tu ne peux pas le comprendre si j’ai le bonheur de m’en rentourner je vous en ferez l’explication [. . . ]
Le 26 janvier 1915
Chère femme et chère fille
Je m’empresse de faire réponse a votre aimable lettre du 21 courant [. . . ] vous me demandez le temps qu’il fait en Champagne car je suis dans la Champagne eh bien il ne se passe pas de jour sans qu’il pleuve la neige n’a presque pas pris [. . . ] il gèle que les nuits et c’est justement la nuit que je travaille mais quand l’on est fourré dans les tranchées on se réchauffe bien
le jour je me repose dans une cave car l’on ne peux pas sortir a cause des bombardements au village ou je me trouve qui est gros comme le Mayet il ne reste presque plus de maisons debout mais dans les caves on ne risque rien.
Pour le moment nous ne sommes pas mal la nourriture est passable seulement c’est un peu loin pour aller au travail donc vous voyez qu’il ne faut pas vous faire de mauvais sang [. . . ] a présent comme je vous le dit plus haut tout va mieux le tabac ne manque pas il n’y a que le vin que l’on ne peux pas trouver
J’ai bien reçu ton mandat [. . . ] je ne sait pas quand je pourrai le toucher mais j’en ait pas besoin pour le moment [. . . ]
tout ce que je désirerai le plus c’est la fuite car il me semble qu’il y a plus d’un an que je vous ait quitté et le temp commence beaucoup a me durer mais j’ai bon espoir et tout ce que je souhaite c’est que Dieu me donne la santé ainsi qu’a vous deux avec tout cela et la patience le jour heureux de la délivrance viendra
Mes chéries ne vous négligée pas surtout c’est ce que je vous recommande Vous direz aux vieux amis Badinguet* que je lui souhaite bien le bonjour et que je le remercie bien de la peine qu’il prend pour vous et quand je serai de retour nous boirons un bon coup ensemble.
Comment se fait-il que vous ne me parlez pas du Jean de la Grande** (rue) es que le Tonin*** n’est pas des premiers a partir vous leurs donnerez bien le bonjour pour moi [. . . ]
vous direz au Mitron**** qu’il m’écrive un peu pour me raconter sa campagne maintenant qu’il est de la classe [. . . ]
* Badinguet. Surnom de Mary Basmaison. Classe 1888. Cultivateur de Lavoine. ** Jean de la Grande (rue). Jean Dubois. Classe 1886. Perruquier du bourg du Mayet-de-Montagne. *** Tonin. Antoine Basmaison. Classe 1915. Mobilisé le 09/04/1915. Mort pour la France le 24 novembre 1916. **** Mitron. Antoine Lagnieu, son cousin boulanger. Classe 1898. Réformé temporaire le 26 décembre 1914. |
Lettre de Claude Morel Le Jeune.
A nouveau, il a fait appel à un camarade pour écrire sa lettre. Dans un contexte infernal, il évoque des signes de fraternité avec l’ennemi ?
Le 26 janvier 1915
Cher Belle Sœur
[. . . ] Je suis était content de savoir des bonnes nouvelles de mon frère tu me dit que la guerre serra bientôt finit ça serait a souhaiter car c’est plus tenable nous sommes monter dans les tranchées on avait de la boue jusqu’au ventre nous sommes a 20 mètres des boches on se jette des paquets de tabac les uns les autres [. . . ] J’ai vu mon frère Dode ces jours ci il et en bonne santé aussi.[. . . ] Morel Claude Jeune
Gaspard doit s’équiper pour faire face à l’hiver. Il s’habitue à son nouveau poste, mais le courrier a du mal à suivre.
Le 31 janvier 1915
[. . . ] Je vous ait écrit trois lettres depuis le vingt et je n’ai encore pas reçu de réponse a ma nouvelle adresse, je crois que nos lettres prennent une fausse direction ou restent dans les bureaux de la compagnie je vous prie donc de changer l’adresse et m’envoyer mes lettres à l’adresse en dessous :
Morel Gaspard au 104e territorial 1er bataillon 2e compagnie
secteur postal 155 (compagnie auxiliaire du Génie)
[. . . ] il fait un froid terrible pour le moment ça essaye de neiger mais il fait trop froid ma sœur Maria m’a écrit aussi et elle me dit qu’il neige a Ferrières a Lavoine il doit y avoir beaucoup [. . . ]
Je vous direz que je me suis commandé deux galoches a ma sœur tu iras les lui payer car c’est ce qui me soulagera les pieds et puis je serai plus chaud tu m’enverras aussi un pair de bas mais bien fin [. . . ]
je vous direz aussi que j’ai fini votre fromage il était très dur et il était aussi moisi dedans mais vous en étiez pas la cause, pour le moment je travaille toujours la nuit pour faire des tranchées et je me trouve bien mieux que les premiers temps
Chère femme et chère fille l’on parle bien tous les jours de retirer le régiment en arrière mais depuis le temp qu’on le dit je n’y ait plus confiance cependant ce serais bien juste depuis le temp que l’on est sur le front [. . . ]
Je voudrais bien aussi que vous me donniez des nouvelles du Claude de sur l’eau* et son adresse ainsi que tous les nouveaux du pays [. . . ] Chère femme tu ne m’enverra plus de papier a lettre pour le moment car celui que j’ai s’abime
* Claude de sur l’eau. Sur l’eau, lire "sur l’or". Claude Mondière. Classe 1907. Cultivateur de Lavoine. Mobilisé au 6e Régiment d’Infanterie Coloniale. |
- « je me suis commandé deux galoches a ma sœur »
Février 1915
Gaspard est très inquiet, le courrier ne lui parvient plus. Il a repris son travail de bûcheronnage et l’apprécie malgré la persistance du danger. Il écarte la perspective d’une promotion.
Le 7 Février 1915
[. . . ]
Voici bientôt quinze jours que je ne reçois plus de vos nouvelles [. . . ] rien depuis le vingt janvier [. . . ] êtes vous malades enfin dites moi ce qu’il y a car le temp me dure trop [. . . ]
J’ai le plaisir de vous dire que malgré que je suis au Génie j’ai repris mon ancien travail du bois je ne travaille que le jour c’est bien moins fatiguant que de faire des tranchées la nuit sous le nez des Boches ; je risque bien moins des balles il n’y a que les obus [. . . ] j’en entend siffler des centaines par jour [. . . ]
le sergent qui commande et qui a la direction des bois [. . . ] vas être nommé adjudant et l’on m’a offert sa place mais je n’y tient pas surtout au galon [. . . ] il faut d’abord que je commence par être caporal [. . . ] sergent peut-être au bout de quinze jours comme Mr Dubreuil* [ . . ] on vient de le nommé adjudant [. . . ] si je peux m’en éviter j’en serait pas faché [. . . ]
Vous n’oublierez pas de me dire les nouveaux du pays [. . . ]
* Mr Dubreuil. Antoine Dubreuil. Classe 1898. Conducteur des Ponts et Chaussées au Mayet-de-Montagne. |
Enfin une lettre lui est parvenue. Gaspard reste inquiet. Le mauvais acheminement du courrier continue de provoquer de l’agacement. Les conseils de soins sont prodigués à la mère et à la fille.
Le 7 Février 1915 (?)
Chère femme
Je m’empresse de faire réponse a ta lettre du 7 courant (?) qui m’a fait plaisir de savoir des nouvelles de Célina ainsi que des tiennes ta lettre m’a un peu soulagé mais je ne suis pas encore rassuré au sujet de la maladie car je crains que tu me caches quelque chose mais enfin tu me dit qu’elle va m’écrire une petite lettre cela me fait plaisir quand même mais ce que je te recommande c’est de ne pas l’a laisser prendre froid et surtout bien lui faire les remèdes nécessaire pour moi chère femme je me porte toujours bien [. . . ]
tu me dit que tu m’a envoyé cinq francs dans une lettre datée du 2 Février et bien je ne l’ai pas reçu j’ai reçu le colis et point de lettre sauf celle d’aujourd’hui et celle du 5 courant je n’ai plus reçu de vos nouvelles depuis votre lettre datée du 21 janvier [. . . ] je crains que tes cinq francs seront perdus une autre fois tu m’enverras un mandat [. . . ] mais conserve ton argent car je n’en ait pas besoin [. . . ] tu ne me dit pas non plus si tu as toucher ton mois et celui de Célina.
Chère femme tu m’écrira tous les jours pour me dire les nouvelles de Célina le temp me durera bien moins pour le reste je ne me plains pas je ne fait pas beaucoup de travail pourvu que ça dure et que la guerre se termine vite [. . . ] nous pourrons nous parler de vive voix quel heureux jours c’est pour cela qu’il faut bien te soignier et soigné bien Célina
tu me donneras aussi des nouvelles de mes frères il y a longtemps que j’en ait pas reçu enfin je termine a demain [. . . ]
Chère Célina
Je suis très heureux d’apprendre que tu vas mieux tache de bien écouter la maman et fait bien ce qu’elle te diras prend bien tes remèdes et surtout tient toi bien chaude [. . . ] comme la maman tu m’enverra une toute petite lettre mais ne te fatigue pas allons tient toi bien chaude et dépèche toi de guérir [. . . ]
Chère femme je t’avais dit de payer deux galoches a ma sœur Maria quand tu irez a Ferrières mais je ne l’es ait pas reçu [. . . ] aussitôt que je les aurais reçu je te le direz.
Un colis copieux apporte un peu de réconfort à Gaspard toujours affecté par le retard du courrier. Sans se plaindre, il rappelle les conditions dans lesquelles il écrit.
Le 8 Février 1915
[. . . ]
Aujourd’hui lundi 7 heures du soir
je viens de recevoir votre colis avec son contenu fromage saucisson sardines déjeuner du chasseur allumettes bonnet de coton mouchoir bougies pastilles enfin le tout très intact le tout m’a fait grand plaisir et je ne peux que vous remercier de tout mon cœur
Mais mes chères amies le plus qui m’aurait fait plaisir ce serait était de recevoir de vos nouvelles car voici quinze jours que j’en ait point reçu j’en suis tourmenté cependant quand j’ai vu que votre colis m’avait été expédié a la date du 2 février j’ai pris courage je me suis dit il y a peut-être un mot de lettre dedans j’ai fouillé vite tous les objets et rien du tout [. . . ]
j’espère que depuis le 21 janvier vous avez bien due m’écrire [. . . ] il pourra se faire qu’un jour ou l’autre je les recevrez toute a la fois je ne vous en veux pas car je vois bien que vous vous gêné bien trop pour moi et j’ai peur que vous ayez faute pour du linge j’en ait assez j’ai même trop de mouchoirs
[. . . ] enfin mes chères amies ne vous tourmentés pas je me porte bien j’ai bon appétit [. . . ] je serai encore bien mieux auprès de vous mais si Dieu le veux j’ai bon espoir que ce jour tant désiré par moi viendra mais ce sera long comme je vous le disait avant de partir que cette guerre pourrait bien durer un an ayons donc du courage et de la patience et tout viendra
Chère femme et bien chère fille je serais content aussi de savoir des nouvelles de mes trois frères [. . . ] vous me direz aussi si les parents des Bicons* se portent bien et quel temp qu’il fait chez nous ou je suis le temp est passable il ne fait pas trop froid sauf qu’il pleut souvent. J’ai vu le Jean mary de la Pierre d’argent** ainsi que le Mondière de chez Pion*** [. . . ]
vous devez peut-être bien trouver que mes lettres sont mal écrites mais que voulez vous je les écrits sur mes genoux a la bougie et a la cave [. . . ]
le temp que j’ai resté sans nouvelles de vous m’a durer un siècle.
* Les Bicons. Lieu-dit de la maison familiale à Lavoine. ** Jean mary de la Pierre d’argent. Jean Fradin dit Jean Mary. Classe 1896. Cultivateur. La Pierre d’Argent : village de Lavoine. *** Mondière de chez Pion. Jean Mondière ? Chez Pion village de Lavoine. |
Si la situation de Gaspard s’améliore, il reste très préoccupé par la santé de sa fille. Une perspective de permission semble se dessiner ?
Le 11 Février 1915
Chère femme
Au reçu de ta lettre du 5 courant qui m’a très impressionné d’apprendre que Célina était malade il faut donc que tous les malheurs nous arrive a la fois c’est bien triste pour moi d’avoir mon enfant malade [. . . ] tu me dit bien que sa maladie ne sera pas grave mais cela n’empêche pas que je suis fort inquiet je voyais bien qu’il y avait quelque chose qui ne marchait pas bien a la maison car voici quelques temp je faisais de mauvais rêves ce qui m’embêtait le plus c’était de ne pas recevoir de nouvelles [. . . ] pourvu que notre chère enfant aille mieux tâche donc de la soigner du mieux que tu pourras et en même temp soigne toi toi même tu dois être bien fatiguer de passer tes nuits et tient moi bien au courant de la maladie [. . . ]
Comme je serais heureux chère femme d’être auprès de toi pour t’aider mais il m’est impossible surmonte toi bien par la nourriture principalement il y a que ça qui puisse te venir en aide [. . . ]
pour moi c’est un miracle je me porte très bien [. . . ] je mange beaucoup et jamais je ne suis été malade eh bien suis mon conseil et soigne bien notre chère petite et écrit moi tous les jours et surtout ne me cache rien
[. . . ]
ton colis n’a mis que 6 jours pour venir il a été aussi vite qu’une lettre et j’ai bien pour manger un moment ne m’envoie plus rien encore tout ce qui me fait le plus faute c’est le fil mais tu pourras m’en mettre dans une lettre pour les bas ne te dérange pas j’en ait assez pour le moment et ne soit pas inquiète pour moi pour le moment je suis bien et je ne turbine pas trop tout ce que je voudrais c’est de savoir si Célina vas mieux encore une fois écrit moi tous les jours
Chère petite Célina
La maman me dit que tu es bien malade mon chérie cela me fait bien de la peine de ne pas être auprès de toi pour aider ta petite maman a te soigner
[. . . ] a Pâques j’irez vous voir et je serais très content de vous trouver toute deux en bonne santé [. . . ]
Gaspard est rassuré, le courrier lui arrive enfin, sa fille se rétablit. Il glisse une mauvaise plaisanterie avant d’échanger des nouvelles.
Le 13 Février 1915
[. . . ] En réponse a votre lettre du 8 courant qui me fait plaisir d’apprendre de vos nouvelles surtout que Célina vas mieux [. . . ]
aujourd’hui je viens de recevoir dix lettres a la fois 7 des vôtres une de mon frère Bonnet une de mon père une de ma sœur Maria avec un pair de galoches ainsi que tes cinq francs dans ta lettre du 2 Février je suis été très content de recevoir ce courrier a la fois
[. . . ] au sujet du bois que tu me parle tu peus bien te faire marquer un petit lot de bois de brule* car le bois n’est jamais de trop
tu diras au Badinguet** que je lui souhaite bien le bonjour mais pour sa femme Boche qu’il me dit de lui amener je ne l’ai pas encore choisi et je pourrai peut-être bien finir la guerre sans en voir mais a défaut de Boches je lui procurerai une Française car après la guerre elle ne manquerons pas.
Tu donneras aussi bien le bonjour au Mitron*** et dit lui de vite guérir [. . . ] j’ai appris que le Tonin**** allait être bientôt papa [. . . ] tu me dit aussi que les fils Pannetier***** sont au 104 [. . . ] nous sommes a 12 kilomètres de Reims j’ai vu Laurent de Ferrières****** même plusieurs fois il m’a raconté son malheur il est même très abbatu [. . . ]
N’oublie pas de donner le bonjour de ma part a Mr Terrenoire******* ainsi qu’au parent et amis.
* lot de bois de brule. Pratique de l’affouage : le droit de récolter du bois de chauffage dans les forêts communales. ** Badinguet. Surnom de Mary Basmaison. Classe 1901. Célibataire. Cultivateur du bourg de Lavoine. *** Mitron. Antoine Lagnieu, son cousin boulanger. Classe 1898. Malade et réformé temporaire. **** Tonin. Antoine Basmaison. Classe 1916. Mobilisé le 9 avril 1915. Mort pour la France le 24 novembre 1916. Autre Tonin ? ***** les fils Pannetier. Le père Jean Pannetier, horloger du Mayet-de-Montagne. Trois de ses fils sont au front. ***** Laurent de Ferrières. Annet Laurent. Classe 1893. Menuisier de Ferrières. Son épouse Claudine Thévenet est décédée à l’hôpital d’Yzeure le 19 janvier. ******* Mr Terrenoire. François Terrenoire. Classe 1899. Instituteur de Lavoine. |
L’état de santé de Célina est toujours préoccupant. Un petit moment de détente en bonne compagnie. Les échanges de photographies ne sont pas à l’ordre du jour.
Le 14 Février 1915
[. . . ] surtout je désire que Célina soit vite guérie aujourd’hui je n’ai pas reçu de vos nouvelles et j’en attendai cependant bien mais j’espère que demain j’en recevrez [. . . ] tant que Célina ne seras pas guérie [. . . ] je vois que sa maladie sera longue [. . . ] tiens moi bien au courant tous les jours [. . . ]
je vas tous les jours au bois [. . . ] j’ai pris un lapin et nous l’avons mangé avec Monsieur Dubreuil* nous étions six et nous avons fait un bon petit souper. [. . . ]
Tu me dit que Bonnet** s’est fait photographier et que tu voudrais bien avoir la mienne mais ma chère amie il m’est impossible la position de mon frère n’est pas la mienne pour le moment [. . . ] je tiendrais beaucoup a avoir la votre mais tant que je peux croire nous en avons qu’une a la maison [. . . ]
songeons pour le moment a la guérison de notre petite [. . . ] voici déjà 141 jours aujourd’hui que nous nous sommes pas vue [. . . ]
Célina je te recommande de bien te tenir chaude pour te guérire bien vite. [. . . ] bonjour au parents et amis a Mr et Mme Terrenoire*** et au Mitron et a Francine**** Tu me diras si le Mitron va mieux
* Monsieur Dubreuil. Antoine Dubreuil. Classe 1898. Conducteur des Ponts et Chaussées au Mayet-de-Montagne. ** Bonnet . Son jeune frère. *** Mr et Mme Terrenoire. Instituteurs de Lavoine. **** Mitron et Francine. Cousins boulangers. Antoine Lagnieu est malade et réformé temporaire. |
Célina va mieux. Démarche pathétique, Mariette Roche et la fille du maire tentent de se rassurer à la suite de la « disparition » de leur époux. Gaspard plaisante en évoquant son retour au foyer. Ses responsabilités sur le chantier ont changé.
Le 15 Février 1915
[. . . ] grand plaisir a apprendre que Célina allait mieux cela me console un peu tâche donc de la bien soigner pour qu’elle soit vite guérie et toi chère femme soigne toi bien aussi après cette rude épreuve tu dois bien être fatiguée surtout ne te fait pas de mauvais sang a cause de moi je suis bien et pour le moment je ne risque rien j’ai même entendu dire qu’on allait nous retirer en arrière pour nous reposer [. . . ] je te dit cela sous toute réserve car dans l’armée les ordres sont vites changés [. . . ]
tu me dit qu’il neige chez nous et qu’il ne fait pas froid cela a fait la même chose ou je suis [. . . ]
chère femme tu me dit que la Mariette Roche et la fille du Maire* sont allés au sorcier et que leurs maris ne sont pas morts c’est ce que je leurs souhaite [. . . ] enfin qu’il plaise a Dieu que ce soit vrai.
[. . . ] c’est bien ennuyeux aussi pour le pauvre Mitron** de se voir malade [. . . ]
si j’ai le bonheur de m’en retourner je veux coucher a la cave pour commencer et après a la cuisine et ainsi de suite allons ne fait pas attention a mes blagues c’est tout pour rigoler vivement que ça finisse cela vaudrat mieux et vivement que m’a chère Célina guérisse. Tu me diras aussi des nouvelles de mes frères [. . . ]
Chère femme voici quelque temp je ne travaille pas trop je ne fait que surveiller le chantier il y a des moments que j’ai 50 hommes a commander ce n’est pas trop pénible mais il y en a toujour qui tire au renard [. . . ] cela me fait un fourbi quand même [. . . ]
* Mariette Roche et la fille du Maire. Marie Antoinette Roche et Marie Vallas, leurs époux sont portés disparus. ** Mitron. Antoine Lagnieu, son cousin boulanger. Classe 1898. Malade et réformé temporaire. |
Lettre de Claude Morel Le Jeune
Le 15 février 1915 Cher Belle Sœur
[. . . ] maintenant je suis en repot pourvu que ça dure tout vas bien on ne fait pas grand chose on fait quelque marche et on ce voi avec mon frère* et le jendre du picot de chez pion** et Claude* on ce voi tout les jours tu me dit que ça fait mauvais chez moi ou je suis on a pas vu de neige quel que fois de la pluie mes ca ne fait pas froid mon frère cadichon*** ma écrit et il et en bonne santé
tu donra bien le bonjour a mon frère**** et a tout la famille [. . . ]
Morel jeune
tu donneras bien le bonjour a la belle-mère et bout de choux*****.
* mon frère Claude. Il évoque son frère Claude dit Le Dode, ils sont mobilisés dans la même unité. ** le jendre du picot de chez pion. ?? *** frère cadichon. Son jeune frère Bonnet. **** mon frère. Son frère aîné Gaspard. ***** la belle-mère et bout de choux. ?? |
Le 16 février, une diversion est tentée sur le front du Secteur par trois bataillons des 5e, 39e et 148e R.I. avec mission d’enlever les bois parallèles du Luxembourg et de réoccuper, si possible, la ligne du canal. Pendant l’action, qui ne donne malheureusement pas le résultat espéré, le 3e bataillon occupe les tranchées du Luxembourg et le 1er, celles de la route 44. La 10e compagnie et vingt brancardiers du 104e T. envoyés de Villers-Franqueux travaillent toute la nuit au transport des blessés dont un grand nombre est soigné par le docteur Fumoux, du 3e bataillon, dans son poste de secours. Un homme du 3e bataillon est tué et 3 sont blessés. Historique du 104è d’infanterie territoriale. Voir ci-dessus le plan du 104e RIT dans le J.M.O du 21 janvier 1915. |
Gaspard se réjouit, l’état de santé de Célina et celui de Claudia s’améliorent. Bien que cela lui pèse, il supporte courageusement les épreuves des combats de première ligne, dont il attend la fin avec impatience.
La mauvaise santé de son cousin « le Mitron » le préoccupe.
Le 17 Février 1915
Chère femme et chère fille
Je répond a vos deux lettres du 12 et du 13 courant qui m’ont donné une grande joie de voir que tu était presque guérit m’a chère Célina [. . . ] et toi chère femme tu ne m’avais pas dit que tu avais eu la grippe hélas tu a due être bien fatiguée pour passer tant de nuit comme tu as passée et bien maintenant que vous allait mieux toute deux tâcher donc de bien vous soigner et aider vous l’une et l’autre ne vous faites pas de mauvais sang moi je me porte bien pour le moment je ne suis jamais été malade le plus qui m’embête c’est un cor au petit doigt de pied qui me fait bien souffrir je le coupe de temp en temp et puis en avant ce n’est pas la peine de vous dire que le temp me dure [. . . ]
jamais je n’aurais cru rester si longtemp sur le front il y a déjà quatre mois que j’ai reçu le Baptême du feu cela commence a devenir ennuyeux surtout a mon âge mais je puis vous assurer que j’ai endurer courageusement déjà bien des misères mais pourvu que Dieu me donne la santé j’endurerai jusqu’au jour de la délivrance
Ah ce seras ce jour que nous serons heureux je l’attend avec impatience je pourrez alors vous parler de la guerre oui ce jour heureux je l’attend avec impatience [. . . ]
Chère femme tu me demande si j’ai reçu tes cinq francs [. . . ] je les avais reçus ainsi que dix lettres a la fois j’ai brulé toute une de tes petites bougies pour lire ne te dérange pas pour m’envoyer quelque chose pour le moment [. . . ] commencer par vous soigner vous deux vous devez en avoir besoin.
Mes chères amies je suis bien embêté aussi que le pauvre Mitron* soit malade il n’a pas de la chance lui qui était délivré des griffes de la guerre
il faut aller le voir souvent si tu peux leur être utile car la pauvre Francine** doit être fatiguée elle aussi [. . . ] Pour les camarades du pays je n’en vois pas souvent je suis tout seul du canton [. . . ]
Bien le bonjour de ma part a Mr Terrenoire*** et aux amis et voisins Vallas**** vous direz au Simon***** de venir me remplacer [. . . ]
* Mitron. Antoine Lagnieu, son cousin. Classe 1898. Boulanger du bourg de Lavoine. Temporairement réformé. ** Francine. Francesca Basmaison, épouse d’Antoine Lagneux. *** Mr Terrenoire. François Terrenoire. Classe 1899. Instituteur de Lavoine. **** Vallas. Joseph Vallas et Marie Vallas, voisins. ***** Simon. Simon, 13 ans, fils des voisins Joseph et Marie Vallas. |
Gaspard a reçu des nouvelles rassurantes de la maison. Dans son secteur, les combats font rage. La censure lui interdit de les évoquer précisément. L’ordinaire n’est pas fameux et se procurer du vin tourne à la foire d’empoigne !
Le 20 Février 1915
Chère femme et chère fille
Je répond a vos deux lettres du 14 et 15 courant qui m’a fait plaisir de voir que la maladie de Célina vas de mieux en mieux et que toi chère femme tu te porte bien pour moi je suis toujours en bonne santé [. . . ]
Chères petites amies vous me dites que vous n’avez pas fait le mardi gras avec joie ni moi non plus car depuis que je suis a la guerre je n’avais vu un bombardement pareil tout sauté en l’air mais mon régiment n’y a pas pris part mais ce n’était pas beau a voir ni entendre je ne peux plus vous en dire soyez tranquille mol je ne risque rien je suis toujours a mon même travail et j’ai mes nuits tranquille sauf quelques fois et je ne suis pas mal nourris seulement toujours la même chose cela devient ennuyeux soupe et bœuf matin et soir un peu de vin a midi mais pas beaucoup si ont pouvait en trouver a acheter cela donnerez un peu de forces mais l’on n’en trouve point que quelques fois le vendredi mais ont se l’arache des mains
les camarades du pays j’en vois pas souvent [. . . ] car vous devez bien comprendre que l’on se promène pas comme dans les rues de Lavoine [. . . ] si nous sommes a la guerre ce n’est pas pour nous promener il y a des moments que l’on est à 50 mètres les uns des autres sans se savoir enfin tout ce que je vous recommande c’est de bien vous soigner et de ne pas vous faire du mauvais sang il viendra peut-être bien un jour que cela finiras
[. . . ]
Le 21 Février 1915 [. . . ]
Votre aimable lettre du 17 courant en main je m’empresse de vous écrire deux mots pour vous dire que je suis toujours en bonne santé pour le moment et je suis très content d’apprendre que tu vas mieux ma chère Célina tâche de ne pas faire d’imprudence et toi chère femme soigne toi bien toi aussi car tu doit bien être fatiguée
[. . . ]
Je suis très content aussi de savoir que le cousin Mitron vas un peu mieux [. . . ]
j’ai touché mon mandat le 10 ainsi que vos 5 fr et toutes les lettres que vous m’avais envoyé rien ne se perd j’ai reçu aussi les deux galoches que ma sœur Maria m’a envoyé c’est dommage qu’elle soi un peu juste mais elles feront bien.
Chères femme je n’ai pas encore tout mangé ce qu’il y avait dans ton colis le saucisson est exellent tu diras a la personne qui me la envoyé que je la remercie bien [. . . ]
tu donneras bien le bonjour aux voisins Vallas et Mr et Mme Terrenoire a tous les parents et amis.
J’ai vu le Gilbert de chez Massonnet* il se porte bien [. . . ] vous me dites que vous avais fait le mardi gras avec un poulet au 104 nous l’avons fait a coup de boulet c’était rigolo.[. . . ]
* Gilbert de chez Massonnet. Massonnet : village de Lavoine. Gilbert Blettery. Sabotier. Classe 1899. |
De part et d’autre les nouvelles restent bonnes. Gaspard souhaiterait vérifier l’affectation d’un voisin dans son régiment. La santé de son cousin boulanger le préoccupe encore.
Le 22 Février 1915 [. . . ]
Au reçu de votre lettre du 18 courant qui ma fait plaisir de voir que vous êtes en bonne santé maintenant pour moi je me porte toujours bien [. . . ]
en même temp j’ai reçu votre colis de fil qui vas bien me faire plaisir car je suis tout décousu pour les aiguilles il faudrat plus m’en envoyer car maintenant j’en ait bien pour 10 ans [. . . ]
Chère femme tu me dit que le Gibus* est au 104 je voudrais bien savoir a quelle compagnie il est je voudrez bien le voir sur ta prochaine lettre tu me diras sa compagnie
Vous donnerez bien le bonjour au Mitron pour moi ainsi qu’a Francine vous lui direz de se dépécher a guérir
[. . . ] vous donnerez bien le bonjour aussi au parents et amis pour moi [. . . ]
* Gibus. Surnom de Gilbert Fradin. Cultivateur de Lavoine. Classe 1892. |
24 Février : "Une Compagnie du 102e est mise à la disposition du secteur pour soulager dans le service aux tranchées les compagnies dont le nombre de disponibles est réduit par suite d’une épidémie de grippe"
JMO du 24/02/1915
La distribution du courrier est à nouveau perturbée. La météo est mauvaise et l’état de santé des hommes s’en ressent. Gaspard tient bon, il s’enquiert de la santé et de la situation de la famille, des voisins et amis.
Le 25 Février 1915
[. . . ] voila 2 trois jours que j’ai pas reçu de vos nouvelles j’espère bien que Célina n’est pas retombée et que tous les jours elle vas de mieux en mieux, cela n’empêche pas que je suis bien ennuyé de ne pas recevoir de nouvelles
Cher femme tu m’avais dit que le Gibus* était au 104 et qu’il avait vu son frère Jean Mary ce n’est pas vrai aujourd’hui même j’ai parlé a Jean Mary il se porte bien mais pour quand au Gibus personnes ne l’ont vu au moment ou je vous écrit il neige et il fait bien froid mais j’espère que ça ne durera pas car nous en avons pas besoin ces temps ci j’ai encore bien vu des pays le Laurent Annet** de Ferrières le beau-frère du toine*** des Claudes*** et bien d’autres que je ne me rappelle pas de leurs noms et tous commencent a s’ennuyer et il y a beaucoup de malades au 104 tous les jours il y en a d’évacuer heureusement pour moi je me porte bien [. . . ]
Vous ne me parlez jamais du Bel**** ou si vous aimez mieux du Gilbert**** ni du Bourut***** ainsi que du gendre au Cuidon ****** que sont-ils devenus vous me direz si le Mitron vas mieux [. . . ] vous m’enverrez une enveloppe pour faire réponse a chaque lettre que vous m’écrirez car j’en ai plus bien [. . . ]
* le Gibus son frère Jean Mary. Gilbert et Jean Fradin du village La Pierre d’Argent de Lavoine. ** Laurent Annet. Annet Laurent. Classe 1893. Menuisier de Ferrières. *** le beau-frère du Toine. ?? *** des Claudes. Famille des frères Claude Blettery, cultivateurs du bourg de Lavoine. **** Bel Gilbert. Gilbert Faure. Classe 1901. Cultivateur du bourg de Lavoine. ***** Bourut ?? ****** gendre au Cuidon. Jean Cuidon, garde-champêtre de Lavoine. Son gendre : Claude Mondière. Classe 1906. Rappelé mobilisé à compter du 3 août 1914. |
Les nouvelles de la maison sont rassurantes. Au front, l’hiver sévit encore, l’équipement se détériore, les colis apportent du réconfort, la petite goutte du matin est particulièrement appréciée !
De grandes manœuvres s’annoncent ? Départ imminent ? Les amis ne sont pas oubliés.
Le 28 Février 1915
[. . .] je suis très heureux chère Célina de voir que tu vas toujours de mieux en mieux j’espère que aussi que la maman se porte bien et surtout ne vous faites pas de mauvais sang au sujet de moi je vois bien que je fais faute a la maison mais que voulez vous ça reviendra et puis je ne ne suis pas trop malheureux pour le moment pour quand a mon pantalon ne vous inquiétée pas je l’ai bien racommodé [. . .] et puis l’on n’est pas fier en ce moment car nous sommes habiller de toutes couleurs
Vous me dites que vous voulez me faire un colis faites comme vous voudrez
[. . .] si vous me mettez des œufs il faut bien les emballer avec de la sciure de bois si tu veux tu me mettra une chopine de rhum ou d’eau de vie mais pas de doux le rhum c’est le meilleur tu vois bien que j’aime bien boire ma petite goutte le matin mais ou je suis c’est difficile pour le chocolat je le mange le matin sec avant de partir les matins et j’en trouve encore facilement du sucre j’en ait pas besoin pour le bois que tu me parlé si tu avais pu attendre quelques mois de plus des fois je serais de retour et cela te donnerez moins d’embarras enfin fait pour le mieux et surtout ne vous privé pas pour m’envoyer ne me faites pas non plus un trop gros colis car s’il fallait partir [. . .] je ne pourrez pas y trainer je suis déjà assez embarassé de ce que j’ai comme les grands jours approches je crois bien qu’il vas se faire un grand coup pour cela il ne faut pas être trop embarassé nous pouvons y attendre de jour en jour [. . .]
bien le bonjour au Mitron* [. . .] bien le bonjour aux parents et amis en attendant l’heureux jours ou je pourrez vous écrire je part [. . .] bien le bonjour a l’ami Badinguet** [. . .]
* Mitron. Antoine Lagnieu, son cousin. Classe 1898. Boulanger du bourg de Lavoine. ** Badinguet. Surnom de Mary Basmaison. Classe 1888. Cultivateur de Lavoine. |
A suivre ; prochain épisode : En fin d’hiver, recrudescence des offensives. Gaspard est conforté dans son rôle de bûcheron (mars - avril 1915)