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Mars 1915
Gaspard est heureux d’apprendre que l’état de santé de Célina, sa fille, s’améliore. La santé de ses voisins et amis le préoccupe aussi.
Un changement d’affectation est envisagé.
Avec pudeur, il évoque les disparus, morts au combat, dont son ami Joseph.
Le 2 Mars 1915
Chère femme et chère fille
Je vous écrit deux mots de lettres pour vous donner de mes nouvelles je me porte toujour bien pour le moment et je désire que ma présente lettre vous trouve de même
je suis très heureux de voir que Célina va de mieux en mieux ma chère petite tu doit avoir beaucoup souffert de cette vilaine fièvre
j’ai appris aussi que Mr Lebrou* était malade c’est Mr Dubreuil** qui me l’a dit mais je crois que c’est sa maladie d’habitude
Vous me direz aussi si le Mitron*** va mieux vous lui donnerez bien le bonjour j’ai reçu des nouvelles du Dode**** mais le Claudi**** ne m’a pas fait de réponse [. . .]
Chère femme et chère fille il fait un vilain temps ou je suis voici quelques jours il ne cesse de faire des giboulées de neige et il ne fait pas chaud ce n’est pas bien agréable d’aller au bois par ce temp mais je m’en tire quand même [. . .]
j’ai une autre place en vue [. . .] c’est pour travailler aux réparations des automobiles comme charron [. . .] Pérard ***** y travaille comme maréchal il m’a même prévenu par lettre qu’il manqué des ouvriers [. . .] je vous tiendrais au courant
je voudrais bien aussi que vous me disiez si vous avais ramassé mes outils si vous ne les laisser pas rouiller et si vous vendez toujours quelques bouteilles de vin vous ne m’avais pas donner de nouvelles de Claude Roche****** [. . .] du pauvre Joseph******* j’ose pas vous en parler car je craint fort qu’il soi mort vous ne savez donc pas mes chères amies que voici plus de trois mois que nous en avons qui sont mort sur le champ de bataille impossible d’aller les chercher et cependant les pauvres malheureux il ne sont qu’a peine cinquante mètres de nos lignes je ne vous en dit pas plus long et ne dites rien de m’a lettre a personne surtout a la Mariette******* elle a toujours le temps de savoir [. . .]
Vous donnerez bien le bonjour de m’a part aux parents et amis pour moi.
* Mr Lebrou. Dr Achille Lebrou. Médecin du Mayet-de-Montagne. ** Mr Dubreuil. Antoine Dubreuil. Classe 1898. Conducteur des Ponts et Chaussées au Mayet-de-Montagne. *** Mitron. Son cousin Antoine Lagnieu, boulanger de Lavoine. **** Dode et Claudi. Ses deux frères Claude mobilisés. ***** Pérard. Claude Camille Pérard. Classe 1895. Maréchal-ferrant de Lavoine. ****** Claude Roche. Claude Roche. Classe 1904. Débitant à l’hôtel de la gare de Lavoine. Beau-frère de Joseph Lagnier : ******* pauvre Joseph. Joseph Lagnier. Classe 1901. Sabotier de Lavoine. Mobilisé. Porté disparu le 1/12/1914. Mariette : Marie Antoinette Roche son épouse. |
Quelques échanges de courrier sont dominés par la prévision d’une offensive.
Gaspard entrevoit une fin victorieuse de la guerre.
Le 3 Mars 1915
Chère femme et chère fille
Votre aimable lettre du 27 écoulé en main je m’empresse de vous écrire [. . .] en même temp que votre lettre je viens d’en recevoir une du Claude Mondière de sur l’eau* il me dit qu’il est presque guérit et qu’il désirerait bien avoir une convalescence mais il attend en même temp j’en ai reçu une de mon frère Claude il se porte bien et il me dit qu’il y a un mois qu’ils sont au repos [. . .]
je crois bien qu’un de ces jours l’on va essayer de chasser ces maudits Boches de chez nous la tâche sera lourde et difficile mais il faut que ça se fasse la guerre de 1915 va commencer et ce seras chaud car il faut que cela en finisse [. . .]
Du courage nous y arriverons pour mol je l’espère et que d’ici peu l’on puisse crier vive la France et ses alliés ce sera ce cri qui nous conduira a la délivrance espérons le.
Vous me dites que vous voulez me faire un colis et bien mettez moi peu de chose car pour le moment je n’ai besoin de rien et ça pourrez m’embarassé de l’argent j’en ai pas besoin non plus pour le moment tout ce que je vous recommande c’est de ne pas vous faire de mauvais sang et de bien vous soignier pour moi je ne ne m’en fait pas au sujet de la guerre il n’y a qu’a vous deux que je pense pour le moment mais j’espère qu’avant six mois je serais a coté de vous et j’espère y rentrer sain et sauf [. . .]
* Claude Mondière de sur l’eau. « de sur l’eau » : lire « de sur l’or ». Claude Mondière. Classe 1907. Cultivateur de Lavoine. Mobilisé au 6e Régiment d’Infanterie Coloniale. |
C’est avec grand regret que Gaspard voit son ami « Monsieur Dubreuil » quitter le régiment.
Il faut s’attendre à une importante perturbation dans l’acheminement du courrier. Désordre en lien avec une proche offensive ?
Le 4 Mars 1915
[. . .] si tu vas au Mayet le 8 comme tu me disais et que tu ait l’occation de voir la mère de Monsieur Dubreuil* tu lui diras qu’il se porte très bien et qu’il a une très grande chance car il part du 104 il n’a plus peur des balles il s’en va a Grenoble il part demain vendredi [. . .] il aura le plaisir de pouvoir voir sa famille cela m’a même beaucoup émotionné car nous étions bien ensemble si nous avions pu trouver quelque chose a boire nous aurions bu un bon coup mais nous n’avons rien trouver enfin c’est toujours un ami que je regrette bien [. . .]
mes chères amies je viens vous prévenir qu’il faudrait pas vous émotionnée ni vous en faire du mauvais sang car il pourrait bien se faire qu’un de ces jours que tous ceux qui sont sur le front ne recevions plus de nouvelles ni d’un coté ni de l’autre durant quelques jours [. . .]
Vous donnerez bien le bonjour au Mitron et a Francine** [. . .] au parents et amis et voisins [. . .]
* la mère de Monsieur Dubreuil. Françoise Massat, mère d’Antoine Dubreuil, conducteur des Ponts et Chaussées au Mayet-de-Montagne. ** Mitron et Francine. Son cousin Antoine Lagnieu, boulanger de Lavoine et Francesca Basmaison, son épouse. |
A l’annonce du décès de son beau-père, Gaspard adresse des condoléances à sa belle-famille.
Des renforts viennent d’arriver, parmi eux des « pays ». Gaspard en profite pour lancer une flèche à l’encontre des embusqués !
Le 6 Mars 1915 [. . .]
Chère femme ta lettre me surprend bien en m’annonçant la mort de ton père* j’en suis très ému mais enfin que veux tu le pauvre homme a fait son temps sans doute il est parti avec le regret de ne pas avoir ses enfants auprès de lui et de même ses enfants n’ont pas eu le bonheur de l’assister a sa dernière heure [. . .] tu diras a Eliza** que je me joins a toi et que j’exprime un grand regret du malheur qui vient de nous frapper dans la mort de notre père [. . .] que je désire aussi que mes beaux-frères*** ait le bonheur de se tirer de cette maudite guerre sain et sauf
[. . .] aujourd’hui il nous est arrivé un détachement de Roanne des classes 13 - 12 - et 11**** parmi ceux-ci j’ai vu Emile Paput***** Pommery du village Vernoix****** je suis été au bois quand ils sont arrivé je ne sais encore pas quand je pourrai les revoirs [. . .] il serrai les oreilles comme des lapins en entendant tonner le canon [. . .] ils n’ont pas encore resté 5 mois comme nous sur le front enfin ont les habituras bien et ce n’est pas dommage car il y a bien trop d’embusqué dans l’armée.
[. . .] j’ai assez d’argent pour le moment je ne dépense que environ 20 sous****** par semaine 2 fr très rares [. . .]
* la mort de ton père. Claude Bigay, 69 ans, décédé le 21/02/1915 à Montboudif. Cantal. ** Eliza. Elisabeth Bigay, sœur de Claudia. *** mes beaux-frères. Henri Bigay. Classe 1908. François Bigay. Classe 1912. **** classes 13 - 12 - et 11. Lire classes 93 - 92 – 91. **** Emile Paput. Claude Émile Paput. Classe 1893. Tailleur de Ferrières. Rappelé, mobilisé le 25/09/1914. ***** Pommery du village Vernoix. Pierre Pommery. Classe 1892. Cultivateur. Rappelé, mobilisé au 104è RIT le 25.10.1914. Les Vernois village de Laprugne. ****** 20 sous. 1Fr soit approximativement le prix d’un litre de vin. |
Les modalités d’envoi d’argent sont à nouveau sources de récriminations.
Gaspard est inquiet, le bruit court que le régiment de ses frères Claude, dont il est sans nouvelles, aurait été fait prisonnier.
A la réflexion, la perspective d’être promu caporal, voire sergent, devient enviable.
Le 6 Mars 1915
[. . .] Chères petites je suis été bien surpris de recevoir un mandat dans votre lettre car je vous avez dit que ce ne serait pas commode pour moi de toucher un mandat vous me dites que c’est défendu de mettre de l’argent dans une lettre c’est une pure blague [. . .] il n’y a pas dix hommes pour cent qui reçoivent des mandats c’est tout par billet enfin il ne faut pas croire que je vous en veux pour cela une seule chose que je vous demande quand vous m’enverrez de l’argent mettez moi un billet de cinq francs ll y en a assez et puis pour le moment j’en ait pas besoin
Dites moi donc si vous savez des nouvelles de mes frères j’en suis très inquiet il doit se passer ces jours ci vers eux quelque chose de pas ordinaire
ne dites rien a personne pour le moment je vous prie ne dites rien ne faites pas voir ma lettre a personne
Je leur envois a tout les deux chacun une lettre pour savoir de leurs nouvelles [. . .] ne vous effrayez pas le bruit court que le régiment a été fait prisonnier je ne le crois pas [. . .] tout ce que je vous recommande c’est de ne rien dire jusqu’à nouvel ordre j’espère que vous serez sérieuses [. . .]
si Joséphine* savait cela qui n’est probablement pas vrai car il en a été de même pour le 104 et ce n’était pas vrai
Allons mes chères petites du courage je suis bien tranquille pour le moment je ne voulez pas être caporal et maintenant j’en suis très content et si je peux arriver sergent je ferai mon possible [. . .] pour cela il faut être sérieux et faire son service comme il faut vous ne savez pas mes amies qu’un sergent touche tout les 10 jours 17,25 fr cela fait un joli petit mois tandis qu’un caporal ne touche que 2,20 fr et un soldat 50 centimes vous voyez la différence [. . .]
*Joséphine. Annette Joséphine Couperier, épouse de son frère Claude dit Le Dode. |
- Source : Banque de France
Les nouvelles reçues de la maison sont meilleures.
Le courrier lui apporte aussi des manifestations de sympathie.
Gaspard est réconforté par la présence à ses côtés de camarades du pays.
La perspective d’une importante action offensive est encore évoquée.
Gaspard assure de sa bonne santé et clôt sa lettre en plaisantant.
Le 7 Mars 1915
[. . .] je viens de recevoir vos deux lettres du 2 et du 4 courant [. . .]
Chère Célina tu me dit que tu vas retourner en classe mais m’a chérie il faut pas abuser de tes forces tâche de ne pas trop te fatiguer [. . .]
Eh toi chère femme soigne toi bien et ne porte pas peine de moi [. . .] je ne suis pas malheureux et je ne suis jamais malade et je ne désire pas y devenir je vois tous les jours des camarades du pays sois de Lavoine de Ferrières ou du Mayet cela fait que le temp ne me dure pas
j’ai reçu aujourd’hui des nouvelles de mon frère Bonnet il se porte bien mais sa lettre a mis 12 jours pour venir j’ai reçu aussi deux cartes de nos petits voisins* qui m’ont fait un très grand plaisir la vue du pays m’a réjoui surtout le bourg de Lavoine vous leur donnerez bien le bonjour pour moi et a toute la maison ainsi qu’au Mitron et a Francine le petit Ernest** doit avoir grandi il me semble le voir le petit bonhomme avec son éguillon a toucher ses bœufs [. . .] vous donnerez bien le bonjour aussi a Mr et Madame Ternoire*** ainsi qu’aux parents des Bicons vous avez due savoir que le Mathieu Barraud**** a été évacué [. . .]
soigné vous bien ne vous faites pas de mauvais sang un de ses jours nous allons cogner dur et ferme avec l’espoir de chasser et vaincre ces maudits Boches. [. . .]
Encore aujourd’hui on nous a envoyé 75 Auvergnats de la classe 1891 qui viennent de Clermont-Ferrand.
Bonsoir dormez bien je vas me coucher il est 9 heures mon lit n’est pas fait je crois que ma vieille l’a oublier oh je la gronderai la pauvre vieille.
* nos petits voisins. Simon et Gaspard Vallas, 13 et 9 ans. ** Le Mitron Francine le petit Ernest. Les cousins Lagnieu, boulangers. Leur fils Ernest 4 ans. *** Mr et Madame Ternoire. Terrenoire. Instituteurs de Lavoine. **** Mathieu Barraud. Mathieu Barraud. Classe 1898. Cultivateur de Lavoine. |
- Lavoine, la place de l’église
- Collection J.M
Il fait très froid sur le front comme à Lavoine.
Quelques conseils sont donnés sur la gestion des réserves de bois.
De prochaines manœuvres offensives sont encore sous-entendues.
Le 10 Mars 1915
[. . .] Je vous dirai que voici quelques jours il a fait froid terrible et il a tombé de la neige seulement je crois que ça ne durera pas mais il vaut mieux du froid que la pluie au moment ou j’écris ma lettre Mondière* et avec moi et il se porte bien j’ai vu ce matin le grand Laplace de chez Boudet** il se porte bien aussi tu me demandes s’il faut que tu fasse bruler ces morceaux de fayard*** qui sont devant la porte mais bien sur le bois a bien le temp soigner vous et surtout chauffé vous bien pour le bois de travail s’il ne mouille pas trop il faut attendre encore quelques temp car c’est un travail qui est plus dur que tu ne crois enfin ne vous faites pas de mauvais sang pour le moment tout vas bien
j’espère que nous aurons la victoire seulement nous en avons pour longtemps encore [. . .] espérons que tout tourneras a notre avantage je ne peux pas vous en dire davantage pour aujourd’hui d’ailleurs vous voyez les journaux et vous devez voir ce qui se passe
Donnez bien le bonjour aux parents et amis de m’a part [. . .] je fais toujours le même travail du bois.
* Mondière. Jean ? De Chez Pion à Lavoine ? ** le grand Laplace de chez Boudet. Jean Laplace. Classe 1902. Cultivateur. Le grand : sur son matricule : 1,80 m ! Chez Boudet : village de Ferrières. *** morceaux de fayard. Chutes de bois dur. |
13 mars. Vers 3h du matin, une violente fusillade accompagnée du canon, se fit entendre dans le secteur du Luxembourg. Une attaque allemande s’y prononçait. L’attaque allemande était définitivement repoussée vers 5h du matin.
J.M.O du 104è R.I.T.
- Villers Franqueux 1915
- Collection J.M
Le 13 mars, au matin, une attaque ennemie est repoussée au secteur du Luxembourg dans les tranchées duquel cinq hommes du bataillon sont encore blessés.
Les abris de la première ligne, ceux de la route 44, et de la route de Thil sont complétés, consolidés, et aménagés ce qui permet d’évacuer presque complètement le village de Villers-Franqueux très fréquemment bombardé.
Le Chtimiste.
Gaspard ne dira rien de cette attaque. Son courrier est marqué par des manifestations d’affection.
Le 13 Mars 1915
[. . .] je suis toujours en bonne santé [. . .]
Chère Célina je suis heureux d’avoir reçu ta chère lettre qui m’a fait plaisir de savoir que tu retourne a l’école tu diras aussi au Mitron* que je suis très content qu’il vas mieux je voudrais bien lui écrire mais le n’ai pas bien le temp voici quelques jours enfin fait bien attention de ne pas prendre chaud et froid car si tu rechuté se serait très mauvais.
Chère femme tu me dit que tu m’envois un colis tu prend bien trop de peine car pour le moment nous sommes pas trop mal nourris une autre fois tu ne m’enverras pas de sardines car ont nous en donne souvent [. . .] tu me diras aussi si ça coûte bien cher pour envoyer un colis.
Mes chères petites amies moi je ne peux rien vous envoyer mais j’ai penser de cueillir une violette et vous en envoyer chacune sur ces modestes fleurs j’ai déposé deux baisers pour qu’elles vous les transporte j’espère qu’elles seront les bien venues [. . .] je vois beaucoup d’amis du pays cela me d’é ennnuis bien je vois Mondière** Blettery*** Moutet le buraliste du Mayet**** deux du village Vernoix***** et combien d’autres des environs [. . .]
* Mitron. Son cousin Antoine Lagnieu, boulanger du Bourg de Lavoine. ** Mondière. Jean ? De Chez Pion à Lavoine ? *** Blettery. Gilbert Blettery. Classe 1899. Sabotier de Lavoine. Rappelé, mobilisé le 03/08/1914. **** Moutet le buraliste du Mayet. Jacques Joseph Moutet. Classe 1897. Rappelé, mobilisé le 03/08/1914. ***** deux du village Vernoix. Pierre Pommery. Cultivateur. Classe 1892. Rappelé, mobilisé au 104è RIT le 25.10.1914. et ? ? Village Les Vernois de Laprugne. |
C’est avec un certain flegme et humour que Gaspard dépeint sa situation pourtant périlleuse.
Le 15 Mars 1915
[. . .] vous me dites sur votre lettre d’aujourd’hui que le Mathieu Barraud* doit s’en aller en permission il se peut car il a été évacuer mais il peut se méfier car au bout de sa permission il pourrait bien se faire qu’on l’envoie dans un régiment d’active c’est le cas qui arrive tous les jours enfin pour aller en permission il faut être malade et j’aime encore mieux rester encore quelques mois de plus et pas être malade
Vous me demandé aussi si je suis toujour au même bois et comment il s’appelle je suis toujour dans le même mais il est tellement grand qu’il y en a pour longtemp il s’appelle bois de Toussicourt et j’ai toujour coucher dans la même cave depuis le 25 janvier le patelain s’appelle Villers Frangueux** les maisons sont complètement détruites et de temp en temp les Boches nous envois des obus qui nous font pas grand mal il y en a toujour quelqu’ins de blessés ou de morts mais pas trop souvent
J’ai passé la journée d’aujourd’hui au bois avec le petit Cors*** qui avait resté au Garet et le Olier de chez Robin**** le Mondière***** qui vient coucher les soirs avec moi dans la cave mais il n’y a pas de vin il ne s’en manque guère qu’il n’y ait pas d’eau car c’est bien la plus humide que j’ai coucher si j’ai le bonheur de me retourner je ne sait pas comment je vais faire pour coucher dans un lit il faudras que tu m’y habitue chère femme enfin pour le moment je ne me fais pas de mauvais sang et je voudrais pas non plus que de votre côté vous vous en fassiez il viendra peut-être bien une fin.
Vous donnerez bien le bonjour au parents et amis pour moi [. . .]
* Mathieu Barraud. Mathieu Barraud. Classe 1898. Cultivateur de Lavoine. ** Villers Frangueux. Villers-Franqueux, à 8 km au sud-ouest de Reims. *** le petit Cors au Garet. Claude Corre. Classe 1896. Domestique au Mayet-de-Montagne.. Rappelé, mobilisé le 8/8/1914 au 104è RIT. **** Olier de chez Robin. Gilbert Ollier. Classe 1896. Domestique. Rappelé, mobilisé le 3/08-/1914 au 104è RIT. Chez Robin : village de La Guillermie. ***** Mondière. Jean ? Du village Chez Pion à Lavoine ? |
De la classe 1901, Bonnet, le jeune frère de Gaspard, avait été exempté pour faiblesse lors de la conscription.
Il vient d’être appelé et mobilisé, il découvre la rude vie militaire. Il est soucieux de maintenir un lien avec ses frères.
Lettre de Bonnet Maurel
St Paul trois châteaux Le 20 mars 1915
Cher belle sœur et nièce
[. . . ] mon frère* ma ecri la semaine passer il me dit qu’il est toujour en bonne santer mais que le tent lui dur et moi aussi ça commence à m’abétter comme maintenant qu on n est mobilisable enfin espéron que sa finisse a bientôt maintenant il y a des convoit tout les huit quinze jour de vieux et de jeunne mais pour nous on ne part pas si vite
Dode et Claudit** mon écrit aussi leur nouvel sont toujour bonne [. . . ]
cher belle sœur si j’ai retarder a t écrire ses que on n est toujour parti nuit et jour marche et faire les manœuvre de guerre. enfin ses bien dur pour tous enfin le grand jour arrive que sa puisse changer de reculer ses boches enfin, [. . . ] il signe MB
* mon frère. Gaspard son aîné. ** Dode et Claudit. Ses deux frères Claude : le Dode et Claudi. |
Courrier assez laconique de Gaspard qui compte sur son camarade en permission à Lavoine pour dépeindre leur situation.
Le 20 Mars 1915
[. . .] Je n’ai pas encore reçu votre colis car ils partent les vendredi de Roanne pour cela il aurai fallut que vous lussiez expédier le lundi de Lavoine je ne l’aurai que lundi ou mardi
Vous me dites que la femme de Barraud* vous a donner de mes nouvelles je l’en remercie bien vous voyez que je ne vous cache rien de ma situation vous pouvez avoir confiance a ce que je vous dit je ne me fait pas de mauvais sang et je ne voudrez pas que vous vous en fassiez vous deux aussi je vois des copins tous les jours et le temp me dure bien moins.
J’ai reçu des nouvelles de Bonnet** hier il se porte bien et aujourd’hui j’en ait reçu de Claudis** il se porte toujours bien lui aussi.
J’espère que vous aurez reçu ma lettre que j’avais mis chacune deux violettes de la Champagne.
Voici deux jours qu’il fait une bise qui grille tout mais il ne tombe rien c’est le principal
rien de nouveau a vous dire pour le moment [. . .]
* la femme de Barraud. Marie-Antoinette Barraud épouse de Mathieu Barraud, malade, en permission. ** Bonnet Claudis. Bonnet et Claudi le Jeune, ses frères. |
Claudi le Jeune a fait appel à un camarade pour écrire sa lettre, à laquelle, lui aussi, joint des violettes. Il nourrit l’espoir d’heureuses retrouvailles familiales.
Le 22 mars 1915
- Quelques fleurs...
Chère belle sœur et nièce [. . . ]
J’ai tardé a te faire réponse sai que j’attendai une réponse de mon frère Gaspard je lui ai envoyé deux lettres et je n’ai pas reçu de réponse.
Quand à mon frère Dode il y a déjà quelques jours que je ne l’ai pas vu [. . .]
Nous sommes dans la tranchée tout près des boches mais nous ne sommes pas mal quand même surtout maintenant il fait un temps très beau [. . .]
si le bonheur veut que je me tire sain de cette terrible guerre ainsi que mes frères espérons que nous aurons le bonheur de nous voirent tous ensemble et nous raconter les misères que nous aurons endurées
[. . .] Claude Jeune Je t’envoie un petit bouquet que tu garderas comme souvenir.
Événement du jour, Gaspard a reçu son galon de caporal. Il affiche un enthousiasme modéré.
Le 22 Mars 1915
[. . .] Chères amies aujourd’hui 22 mars je suis été nommé caporal malgré que je n’y tenais pas bien car cela vas me faire un entrain de plus je vais faire abatre du bois a 6 kilomètres plus en arrière d’ou je suis sur un coté c’est une bonne chose car je serai en suretée des obus et c’est presque tous des amis du pays que j’ai fait rentré avec moi aujourd’hui je n’ai pas le temp de vous dire tous les noms mais demain je vous les nommerai
[. . .] si je trouve du vin il faudrat bien que j’arose mes galons je ne suis plus au Génie auxiliaire l’on m’a nommé a ma compagnie [. . .] 104e Territorial 2e Compagnie Secteur postal n° 155 [. . .]
soyez tranquilles je ne suis pas le plus malheureux du 104 mais je serais bien plus heureux si j’étais auprès de vous. [. . .]
Écartées les réticences ! Soudain pragmatique, Gaspard se félicite de sa promotion.
Le 25 Mars 1915
[. . .] Chères petites j’ai pris les fonctions de caporal le 22 mars et j’en suis très content pour le moment j’ai bien plus d’ennui qu’avant mais je ne travaille plus et j’ai un bon sergent avec moi d’ailleur c’est lui qui m’a fait nommé
j’aurais l’occation de voir Pérard* presque tous les jours car nous sommes qu’a 500 mètres les uns des autres je l’ai vu hier et il doit venir me voir ce soir et il y aura bien un litre a boire car maintenant nous trouvons du vin a volonté je vous assure que j’ai bien arrosé mes galons et mes hommes était très contents je ne vous ait pas dit que j’avais touché mon mandat et mon colis le 22 tout bien intact les œufs était très bons et il n’y en avait qu’un de cassé quand vous voudrez m’envoyer de l’argent maintenant vous me mettrez un billet de cinq francs dans une lettre [. . .]
mon équipe est formé presque de tout d’hommes du pays.
J’ai vu Mondière** Fradin Jean Mary*** Basmaison de la Zazette de Bèchemore**** le Greuzel***** et les autres sont presque tous de St Alban ou de Villemontais c’est tout des bons gars et maintenant au lieu de gagner un sous par jour******* j’ai 22 centimes ce qui me fait 44 sous par prêt au lieu de 10 sous et j’ai occation de boire de bons coups enfin je ne suis pas trop malheureux pour le moment pourvu que ça dure.
[. . .]
* Pérard. Claude Camille Pérard. Classe 1895, maréchal-ferrant de Lavoine. ** Mondière. Jean ? Du village Chez Pion à Lavoine ? *** Fradin Jean Mary. Jean Fradin dit Jean Mary. Classe 1896. Cultivateur de Lavoine. **** Basmaison de la Zazette de Bèchemore. Nicolas Basmaison. Classe 1890. Cultivateur. Fils d’Elisabeth Blettery. Bèchemore : village de La Guillermie. ***** le Greuzel. ?? ****** un sous par jour. 1 sou = 5 centimes. |
Après quelques jours de travail intense, Gaspard a trouvé le calme et la sécurité. Il souhaiterait avoir ses frères à ses côtés et rêve d’heureuses retrouvailles.
Consulté sur l’opportunité de semer des pommes de terre, il donne un avis réservé.
Le 28 Mars 1915
[. . .] vous me dites que je ne vous écrit pas assez souvent c’est que je n’ai pas eu le temp jusqu’à présent car il a fallut que je turbine mais a présent c’est finit et je vous écrirez tous les deux jours je suis très content d’être ou je suis car je ne risque plus rien j’y finirai bien la guerre si l’on veux m’y laisser et puis j’ai une équipe qui marche très bien je suis très content d’eux mais je serai bien encore plus content si ce soir ont me disait la guerre et finit il faut partir mais malheureusement il y en a encore pour longtem mais que voulez vous c’est comme ça ; ah si vous saviez que je serez heureux si j’avais mes frères auprès de mol il serais bien content eux aussi de ne plus prendre les tranchées mais ce n’est pas commode pour les avoirs enfin il faut espérer qu’ils reviendront sain et sauf et que tous les quatres nous puissions nous revoirs ensembles quelle joie pour toute la famille espérons le
Chère femme tu me demande s’il faut que tu sème deux sacs de pommes de terres fait comme tu voudra mais s’il faut que tu les achètes tu n’aura pas un gros bénéfice et puis tu sait qu’il y a du travail pour deux sacs de pommes de terre enfin tu vois bien c’est toi le chef de la maison fait pour le mieux je ne peux absolument rien te conseiller ce que j’ai a vous dire a toute les deux c’est de ne pas vous faire du mauvais sang car vous voyez que je ne risque rien pour le moment faites votre petit travail soigné vous du mieux que vous pourrez en attendant il viendra des jours meilleurs
[. . .] N’oubliez pas de donner de mes nouvelles aux parents des Bicons* ainsi qu’a tous les amis
* Bicons. Lieu-dit de la maison familiale. |
L’emplacement du chantier est moins à l’abri que prévu, néanmoins Gaspard se veut rassurant.
Il commence à mesurer les avantages et inconvénients de sa promotion. Pour bien tenir son rang, il demande l’envoi de produits d’entretien !
Lundi 29 Mars 1915
[. . .] Chère femme malgré que je me trouve bien pour le moment le temp me dure bien de ne pas être auprès de vous vous me dites que vous n’avais rien pour vous distraire que mes lettres et bien moi aussi ce ne sont que vos lettres qui me réjouisse un peu vous deux vous avez le travail de votre ménage et même a présent celui de dehors mais moi c’est toujours la même chose et cela ne me rapporte rien tandis que vous vous pouvez faire quelque chose d’utile pour vous oh que c’est beau de travailler quand ont est a l’abri de tout accident aujourd’hui ces sales Boches nous ont repérer ils ont envoyé des obus pas loin de nous et ils ont fait plusieurs victimes du 74 et 78 mais nous nous sommes bien cachés nous couchons dans le bois dans des abris et je ne crois pas qu’ils puissent nous dénicher n’ayez crainte de rien je ne vous cache rien je vous dirais toujours la vérité.
Chères petites amies si vous pouviez m’envoyer une boîte de pastilles Guyot comme celles que vous m’avez envoyez vous me feriez plaisir ainsi qu’une boîte de cirage ou deux une brosse un rasoir car maintenant qu’il fait beau et que je suis obligé de sortir et me présenter devant les officiers tout les jours il faut bien se tenir propre quelques cabrillons* s’il y en a si vous pouvez envoyez moi un caleçon aussi si cela vous gêne je ferez comme je pourrez après que m’a journée et faite je pars tous les soirs a la distribution a cinq heures a Chalon-sur-Nesle c’est a un kilomètre du cantonnement et j’ai occation de voir Pérard** tous les jours cela me fait bien mal de ne pas être avec lui si je n’avez pas été nommé caporal j’y serez été mais sur un coté j’y gagne je ne suis pas trop géné et j’ai les galons cela change quand même je vous expliquerai ça plus tard [. . .]
* cabrillons. Fromages de chèvre. ** Pérard. Claude Camille Pérard. Classe 1895. Maréchal-ferrant de Lavoine. |
- Carte en franchise militaire
A noter en haut de la carte, l’avertissement rappelant les mesures de censure.
Simple signe de présence, la teneur de cette carte, limitée par la censure, se résume à quelques formules convenues.
Le 31 Mars 1915
Chère femme et chère fille
Je vous envois deux mots pour vous donner de mes nouvelles qui sont toujours bonnes pour le moment je me porte bien et je désire que m’a présente lettre vous trouve de même.
Bien le bonjour aux parents et amis Mitron* a Mr et Mme Ternoire** Votre mari et papa qui vous embrasse de tout cœur et pense mille fois du jour a vous Morel Gaspard
* Mitron. Son cousin Antoine Lagnieu, boulanger de Lavoine. ** Mr et Mme Ternoire. Mr et Mme Terrenoire. Instituteurs de Lavoine. |
Une interruption dans la réception du courrier provoque de l’inquiétude et atteint le moral de Gaspard. Toutefois, bénéfice de sa promotion, il se félicite d’être dispensé d’efforts physiques et constate avec satisfaction l’augmentation de son prêt.
Le 1er avril 1915
[ . . . ] Chères petites amies voici cinq jours que je ne n’ai pas reçu de vos nouvelles et le temps me dure beaucoup que vous et il arrivé êtes vous malades dites le moi donc quand je vois les camarades qui reçoivent tous les jours des lettres cela me fait bien de la peine enfin j’ai espoir que demain je recevrez quelques choses
sur votre dernière lettre vous me disiez qu’il faisait un temps splendide chez nous voici quelques temp ou je suis il fait un temps très sec il gèle fort les nuits mais le temps ne déconvient pas pour faire le travail que nous faisons pour moi je n’en fiche pas bien lourd depuis que j’ai les galons il faut bien que je me ménage un peu vous ne saurez jamais combien le tems me dure de ne pas vous voir oh comme tu dois avoir grandi chère Célina depuis que je suis partis et comme je serais content de pouvoir aller faire un tour mais c’est impossible
[ . . . ] aujourd’hui j’ai touché mon prêt* au lieu de 10 sous j’ai touché 45 sous cela m’aidera a acheter quelques chopines [ . . . ]
*prêt Prestation en argent à laquelle ont droit les soldats. Perçu tous les 10 jours. |
- Célina et ses deux cousines
- (archives familiales)
Célina Morel avec ses deux cousines germaines : Clotilde, 4 ans, fille de Claude le Jeune et Eva, 3 ans, fille de Maria. |
Les conditions matérielles se sont bien améliorées. La nourriture est bonne et copieuse.
Les hommes se sont appliqués à respecter le jeûne du vendredi saint, Gaspard s’y est aussi astreint . . . avec les meilleurs substituts possibles.
Pas un jour sans une goutte de bonne blanche, décidément, son galon lui apporte nombre de bénéfices secondaires !
Le 3 mars 1915 (erreur de date : 3 avril ) [ . . . ]
vous me dites que le Jean Lampiste* et parti mais vous ne me dites pas ou il est allé sur votre lettre vous me le direz.
Vous me dites aussi que vous voulez m’envoyer un autre colis ne vous dérangé pas j’ai tout ce qu’il me faut question de nourriture j’ai plus a manger qu’il en faut rien ne manque
Je trouve du vin a volontée mais j’en achète pas souvent et j’en bois de bon coup quand même pour le jour du vendredi saint nous n’avons pas touché de maigre cela n’empêche pas que nos hommes n’ont pas fait gras le Sergent et moi nous nous sommes débrouillés a nous procurer ce qu’il fallait pour faire maigre et nous avons été très bien nourris car nous avons un bon cuisinier c’est un maître d’hôtel de Villemontais**.
Voici le menu de la journée : au réveil café, a 10 heures soupe au beure avec oignons sardines riz et macaroni et fromage un bon jus après et j’oublie le quart de vin ; le soir soupe comme le matin purée de pommes de terres riz salade et fromage vous voyez que nous avons étés très bien et encore j’oublie les deux quarts de vin et le café car figuré vous que nous le buvons trois fois du jour ce vieux jus et puis il est bon nous le ménageons pas je touche toujour 2 kilos de café par jour pour 25 hommes vous voyez que le café ne nous manque pas et surtout la viande et le lard c’est Fusy le Boucher du Mayet*** qui me sert vous comprenez qu’il nous donne pas les plus mauvais morceaux nous pourrions avec les restes que nous faisons nourrir un bon ménage.
Pour le travail depuis que j’ai les galons je suis devenu paresseux je surveille juste mes hommes et je me promène dans les bois quand je serais de retour je ferez un bon garde forestier enfin pour le moment je suis très bien tout ce qui me manque c’est vous mes chéries mais il faut espérer que ça viendras
tous les camarades du pays se porte bien et sont très content d’êtres rentré avec moi c’est bien rare quand je passe un jour sans boire la goutte ils reçoivent des colis qui contiennent de la bonne blanche et le Sergent et le Caporal passe toujour les premiers enfin tout ce que je souhaite c’est que cette guerre finisse bientôt car j’ai bien des choses a vous raconter que je ne peux pas vous dire sur le papier allons mes deux petites amies faites marcher votre petit ménage bien comme il faut faites voir que pour le moment vous remplacer votre petit home qui reviendra un jour fier de vous trouvé en pleine santée et fier aussi d’avoir fait son devoir pour cela il faut bien vous soigner et surtout ne pas vous faire de mauvais sang car je suis en toute sécurité et avec l’aide de Dieu j’ai tout espoir de me rentourner sain et sauf.
Ce que vous me dites pas avez vous tout ce qu’il vous faut du lard et touché vous votre alocation avez vous assez d’argent vous me le direz nes pa
n’oubliez pas aussi de donner le bonjour a tout les amis [ . . . ]
Morel Gaspard Caporal au 104e territorial 2e compagnie Secteur postal n° 155
pas besoin de mettre 1er Bataillon
* Jean Lampiste. Jean Basmaison dit Lampiste. Classe 1890. Cultivateur à Lavoine. Rappelé, mobilisé le 1/04/1915. ** Villemontais. Commune à 12 km au sud-ouest de Roanne. *** Fusy le Boucher du Mayet. Lire Fusil ? « le » boucher ? |
Lettre de Maria Morel, sœur de Gaspard.
Elle écrit en son nom et celui de son époux Jean-Claude Chaussière qui n’est pas encore mobilisé.
Maria transmet à son frère les nouvelles familiales, en particulier celles concernant les hommes mobilisés.
Le 4 avril 1915
Cher beau-frère et frère
Nous somme était bien content de recevoir de tes nouvelles que tu était toujours en bonne santé quand a nous on se portent bien pour le moment. Ca nous a fait plaisir aussi de savoir que tu n’était plus dans les tranchées tu risque toujour moins Les nouvelles du pays ne sont pas bien agréable car les hommes partent bien vitent la classe 90 est donc partit le mardi dernier comme notre beau frère André* il est en garnison a Vilmontet [Vilmontais] pour (le) moment les réformés et auxillaires pris dans le service armées sont partit il y a déjà quelques jour donc tu voit qu’il en restent guère [ . . . ]
Nous avons bien reçu des nouvelles du dode et du Claudi** dans la semaine il se portent bien mais ils sont toujours dans les tranchées Le Bonnet** se croyait bien de venir pour 48 heures mais il n’a pas put pour le moment ils sont toujours au même endroit. Le Benoît de chez Giraud*** est venu pour 48 heures après avoir rester tout le temp sur le front il les ont mener a Grenoble et de la ils sont proposer pour les Dardanelles a moins que l’Italie marche peut être qu’il n’y iront pas. Nous avons reçue des nouvelles de la famille au bois de Vial ils se portent tous bien il y a que le petit Denis**** qui nous a pas écrit voilà quinze jours mais comme il était a l’infirmerie a Lyon on pense bien qu’il y est toujours. Comme cela se trouve le jour de Paque je l’ai fait bénir une jolie médaille qu’on l’envoient comme porte bonheur en espérant que cette guerre finisse bien vite.
La petite Eva***** se joint bien a nous pour t’embrasser bien fort. Elle signe Ch. M. E.
* notre beau frère André. André Barret, époux de Marie Morel. Classe 1890. Rappelé, mobilisé le 29-03-1915. ** dode Claudi Bonnet. Les trois frères de Gaspard : Claude dit le Dode, Claude dit Claudi le Jeune, Bonnet. *** Benoît de chez Giraud. Benoît Fradin. Classe 1902. Cultivateur. Chez Giraud : village de Ferrières. **** le petit Denis. Son beau-frère Denis Dépalle, époux d’Annette Morel. Classe 1907. Rappelé, mobilisé le 2/08/1914. ***** Eva. Eva Chaussière, sa fille 3 ans. |
Lettre de Bonnet Maurel
Bonnet, le plus jeune frère, incorporé au 22e R.I. est arrivé pour y faire ses classes à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 23 décembre 1914. Le 9 avril, il va passer au 13e Bataillon de Chasseurs, unité combattante. Il a rencontré plusieurs « pays ».
St Paul trois chataux Le 4 avril 1915
Cher belle sœur [ . . . ] votre lettre qui mas (fait) plaisir de savoir de vos nouvel et de mon frère aussi que vous me dite qu il est caporal pour quant a moi je suis toujours en bonne santé
Je vous dirait que j’ai changer de compagnie comme maintenant que je suit mobilisable mais j’ais encore quelque bon jour a rester a Saint Paul enfin esperon que sette triste guerre finisses car ses bien long pour tous Je te dirai que les deux garçon du blanc chez mauchant* sont partis pour un convoit Je vois celui de chez potin** tous les jour et aussi celui du grand de chez giraud*** [ . . . ] M B
Maurel Bonnet au 22 ème d’infanterie 25 compagnie
* les deux garçon du blanc chez mauchant. Antoine Fradin, classe 1914 et Gilbert Fradin, classe 1912. Cultivateurs. Chez Mauchant : village de La Guillermie. ** celui de chez potin. Famille du métayer François Fradin. Un de ses petits-fils ? Chez Pothin : village de Lavoine. *** celui du grand de chez giraud. Benoît Fradin. Classe 1902. Cultivateur. Chez Giraud : village de Ferrières. |
Gaspard a reçu des nouvelles rassurantes de son frère Claude le Dode. A la réception d’un nouveau colis, il manifeste quelques scrupules.
Le départ de son chef fait naître des regrets . . . adoucis par la perspective d’une promotion ?
Le 8 avril 1915
[ . . . ]
hier j’ai reçu des nouvelles de mon frère Dode il me dit qu’il est en repos pour 15 jours après avoir passer 15 jours dans les tranchées
ce ne seras peut-être pas vrai ce que je vous disait sur m’a dernière lettre* il faut l’espérer.
Chère femme et chère fille vous m’envoyez encore un colis je vous en remercie sincèrement mais il ne faudrait pas quand même que cela vous fasse faute car moi pour le moment j’ai tout ce qu’il me faut question de nourriture j’ai tout ce qu’il me faut car j’ai peur que vous ayez faute
le mandat que vous m’avais envoyé je l’ai reçu mais je ne sai pas encore quand je le toucherai en tout cas j’en ais pas besoin pour le moment je suis très heureux de vous annoncer que mon Sergent est nommé Adjudant
[ . . . ] je tiendrai beaucoup a ce qu’il reste avec moi malgré son grade c’est un ami intime a moi.
Enfin je vous en direz un mot un de ces jours si des fois j’avais la chance de le remplacer se serait mon bonheur [ . . . ]
* m’a dernière lettre. Lettre du 6 mars. Le régiment de ses frères Claude aurait été fait prisonnier. |
Gaspard se livre à une réflexion sur l’importance de l’argent.
La rumeur selon laquelle le régiment de ses frères Claude aurait été fait prisonnier était infondée, mais les préparatifs d’une vaste opérations se poursuivent.
Il décrit précisément le travail de son équipe de bûcherons.
Le 12 avril 1915
[ . . . ] vous me dites que vous avais assez d’argent mais hélas on en a jamais assez se seras après la guerre qu’il en faudrat bienheureux ceux qui en aurons car il y auras de bons coups a faire [ . . . ] enfin pour le moment j’en ait pas besoin et je n’ai pas encore touché mon mandat mais j’ai bien pour me servir malgré que je trouve beaucoup d’occations pour en dépenser j’ai encore une petite réserve sans mon mandat j’ai encore 20 fr vous voyez que je ménage bien.
je n’ai encore pas touché le colis que vous m’avez envoyé mais je ne vas pas tarder
Vous me dites que le Jean* aurez bien tenu a venir ver moi mais je serez été bien content moi aussi de le voir
J’ai reçu des nouvelles de mes deux frères Claude ils se portent toujour bien c’était un canard qu’on avait lancé en disant que le 218 avait été fait prisonnier cela vaut bien mieux vers moi il y a un grand mouvement de troupe il est question que l’on vas nous changer nous le 104 [ . . . ] je préférai bien mieux rester ou nous sommes [ . . . ]
je ne peux pas prendre un moment de jour pour vous écrire je fait toutes mes lettres a la veillée ; voulez-vous que je vous dise le travail que je fait faire et bien voici je fais abatre des pins ou des bouleaux de 15 a 20 centimètres de grosseur que je fait coupé a 3m50 de longeur des lattes de 2m20 des piquets de 6 a 10 cm de grosseur des fagots pour bois de cuisine des claies des gaulettes il faut que je m’occupe de tout cela et les faire transporter par des hommes de corvée et après il y a des chevaux qui les sortent a la route après il vient des camions automobiles qui les transportent a destination et il faut faire charger tout ça il y a des jours qu’il y a 12 camions et nous chargeons que le soir a la nuit malgré cela je me porte bien il faudrait voir comme j’ai engraissé je pèse 72 kilg jamais j’avais fait ce poid je désire que de votre coté vous soyez de même soignez vous du mieux que vous pourrez [ . . . ]
* le Jean. Jean Mondière ? |
- Convoi de camions Berliet en 1915
- (Source : Bnf Gallica)
Malgré de petits déboires, les colis partagés avec quelques camarades améliorent sensiblement l’ordinaire et favorisent une chaleureuse convivialité.
La séparation est toujours aussi douloureusement ressentie.
Le 13 avril 1915
[ . . . ] Chère femme je viens de recevoir ton colis en même temps que ta lettre du 11 courant je suis bien content que tu m’envois un colis mais ce sont les pauvres oeufs il y en a resté que huit ne m’en envoi plus tout le reste était bien intact sauf les enveloppes qui sont toutes colées [ . . . ] quand tu voudras m’envoyer un colis tâche de trouver un fromage ou deux mais plus des œufs et bien nous venons de le gouté ton colis le fromage était très bon ainsi que les figues et les petits beures ; tout les soirs c’est la même chose nous sommes cinq il y a l’adjudant les deux cuisiniers et le bycicliste et moi qui couchons ensemble tous les uns ou les autres il y a quelque chose a manger ou a boire les uns c’est le saucisson les autres c’est le fromage figues ou confiture quelques fois une bonne bouteille de rhum ou de blanche de St Alban ou de Villemontais enfin on arrose ce petit festin d’un quart de vin et puis on se couche ne crois pas que pour le moment je sois bien malheureux mais ça ne durera pas car nous sommes trop bien enfin c’est toujours autant de pris.
Pour ce que je t’avais écrit au sujet de mes frères ce n’est pas vrai heureusement au contraire nous avons progressé dans ces parages pour les colis ne m’envoie plus j’en ait plus besoin [ . . . ] nous mangeons du lapin presque tous les jours
[ . . . ] chère Célina aplique toi du mieux que tu pourras en classe est faite bien votre petit travail toute deux malgré que je vous dit que je ne suis pas malheureux le temp me dure infiniment de ne pas vous voir ce ne serai que 24 heures mais le meilleur se serait pour tout le temp enfin avec l’espoir que se soit bientôt
[ . . . ]
Lettre non signée de Bonnet
Après avoir intégré une unité combattante, Bonnet s’apprête à rejoindre le front. Sans nouvelles de son frère Gaspard il s’inquiète.
Vilmontet (Vilmontais) le 13 avril 1915
Chère belle sœur est nièce [ . . . ]
Je suis en garnizons a vilmontet (Vilmontais) nous avons restait 2 jour a Roanne et lon nous a menait a vilmontet mais nous ne savons pas sil nous resterons longtens peut être pas biens il ent est partie un 100 de ma classe sur le frons j’ait écrit a mons baux (?) frère gaspart il ne ma pas fait réponse [ . . . ] le tem me dur de ne pas savoir de s’est nouvelle [ . . . ] a bientot la délivrance
Le printemps se manifeste, mais la guerre demeure. Gaspard est sous la canonnade.
L’espoir d’une prochaine victoire se profile.
Le 16 avril 1915
[ . . . ] Je n’ai pas grand nouveau à vous apprendre pour aujourd’hui qu’il fait un très joli temp c’est très frais les nuits il gèle même mais le jour c’est étouffant les arbres commencent a fleurir enfin c’est les beaux jours et il faut se battre que c’est donc dure ah les sales Boches ils se font corriger quand même et ce n’est pas dommage je crois que avant sous peu il y aura du changement et avec espoir que ça tourne a notre avantage et des alliés il ne me ferait pas de peine de rester un mois ou deux de plus si l’on entendait plus cette canonnade enfin espérons que ça finisse bientôt et la fuite
[ . . . ] Bonjour au amis et parents au voisins Vallas*
* voisins Vallas. Joseph Vallas et Marie Vallas, cultivateurs du bourg de Lavoine. |
Lettre de Claude Morel le jeune
Claude Le Jeune a confié le crayon à un camarade. Dans les tranchées, le temps lui pèse, il s’emploie à garder le moral.
Le 17 avril 1915
Chère belle sœure et nièce
[ . . . ] En ce moment nous sommes dans les tranchées la situation est toujours la même mais je crois que ça ne tardera pas a changer car ça commence à venir très long. J’ai appris que Gaspard est passé caporal comme je vois il ne se fait pas trop de mauvais sang et il a bien raison car dans la situation ou nous sommes il ne faut pas s’en faire si on se faisait du mauvais sang on ne pourrait pas vivre c’est pour te dire que je ne m’en fait pas trop moi non plus. Je n’ai pas le temps de t’en mettre plus long [ . . . ] Claude Jeune
- Groupe de soldats
- Claude Morel Le Jeune est au 1er rang à droite.
Archive familiale datée du 26 avril 1915
A noter : au 2e rang, la posture impériale et les deux voisins qui se tiennent la main. |
Gaspard est pressé. Il écourte sa lettre et laisse poindre un peu de nostalgie dans l’attente de retrouver les siens.
Dimanche 18 avril 1915
[ . . . ]
Comme il fait très beau j’en profite pour faire une petite lessive je n’ai pas beaucoup de tem a disposer avant de conduire mes hommes au travail je suis donc obligé d’abréger un peu je serai même en retard
j’ai même une lettre a faire pour le Jean Mary* il vous envoie bien le bonjour
sur une de vos lettres vous me disiez que vous avez acheté un sac de pommes de terre et que vous vouliez en semer deux sacs mais vous aurez bien du travail car il ne faut pas compter sur moi et cela vas bien vous couter enfin puisque vous êtes si courageuses faites donc comme vous voudrez.
Chère Célina je suis très content de ton aimable carte que tu m’a envoyé tu donneras bien le bonjour de m’a part a t’es petites camarades et toi aussi chère femme tu donneras le bonjour aux parents et amis pour moi et en attendant le jour ou nous pourrons nous causer de vive voix je suis votre tout dévoué mari et papa qui vous embrasse bien fort et pense souvent au jour que vous êtes venu me conduire je me demende a quand le jour viendra ou vous viendrez m’attendre [ . . . ]
* Jean Mary. Jean Fradin dit Jean Mary. Classe 1896. Cultivateur de Lavoine. |
Gaspard est très contrarié, voire bouleversé. Une obscure, mais violente mésentente avec leur voisinage amène ses vieux parents à quitter leur maison, en laissant seule avec son bébé, leur belle-fille Jeanne, épouse de Bonnet.
Le 22 avril 1915
[ . . . ] sur votre lettre vous me dites que le père et la mère sont étés battus par des étrangers et qu’ils sont obligés de quitter la maison eh bien je voudrais bien m’y trouver je me chargerai d’arrangé tout ça les deux pauvres vieux je leur ait écrit hier si c’est comme ça ils ne recevront peut-être pas ma lettre mais je ne savais rien de tout cela.
Chères petites amies tachez donc de les consoler gardé les donc quelques jours avec vous et dites leurs de ne plus rien dire a ce vilain monde et puis d’abord ils sont chez eux personnes ne peux les sortirs si j’étais a leur place pour leur faire colère je resterai je ne leurs direz rien du tout et ce serai le vrai moyen et puis cette pauvre Jeanne* ne peux pas rester toute seul avec ce petit enfant et tout le travail qu’elle a dites de m’a part au père et la mère de ne pas s’en aller ils font bien besoin ou ils sont et cela s’arrangera bien et puis d’abord ce ne serai pas beau surtout dans la situation ou nous sommes tous il faut réfléchir et penser a ceux qui souffrent sur le front s’ils y était ceux la toutes ces histoires serait vite régler je sai bien que le père aime un peu a commandé mais qu’il ne dise rien du tout que ça marche comme ça voudra priez le qu’il n’oublie son Bonnet qui est comme nous bien exposé les autres ont leur soutient qu’il les laisse faire.
Allons mes chères petites lisez m’a lettre au grand papa vous verrez qu’il croira son aîné Je termine en versant une larme ça me crève le cœur quand même vous leurs donnerez bien le bonjour ainsi qu’a tout les amis votre petit mari et papa qui vous aime et vous embrasse bien fort.
* Jeanne. Marie-Jeanne Brugièregarde, épouse de Bonnet Maurel. Leur fils Gaspard est âgé d’un an. |
Le conflit qui accable ses parents et met sa belle-sœur Jeanne en difficulté, préoccupe Gaspard. A distance, il tente une médiation.
La météo n’est guère favorable et la charge de travail de son équipe reste importante.
Le 25 avril 1915
Chère femme et chère fille
Je réponds à votre lettre du 20 courant au sujet de ce qui se passe au Bicons je ne vois pas pourquoi le père et la mère s’en irais de chez eux en attendant que la colère passe prends les donc vers toi ils n’auront pas besoin de faire de déménagement et soigne les bien ces deux pauvres vieux ah comme ils doivent se faire du mauvais sang je leurs ait bien écrit la veille que tu m’as annoncée leur malheurs mais je n’était pas au courant de ces choses la dites leurs donc toutes les deux de prendre courage et de ne pas abandonner la pauvre Jeanne qui est seule avec ce petit enfant qu’est ce qu’elle va faire avec ses vaches allons je m’en va leur écrire une autre lettre.
Mes chères petites femmes vous me dites qu’il fait un temp splendide chez nous ou je suis voici bientôt huit jours qu’il ne fait pas chaud il gèle presque toutes les nuits et la pluie est survenue après voilà deux jours qu’il tombe de l’eau et ça n’a pas lair de s’arêter ce soir nous avons douze camions automobile a charger et nous en avons autant toutes les semaines tous les camarades se portent bien j’ai reçu aussi une lettre de Monsieur Ternoire* qui m’a bien fait plaisir Voici déjà longtemp que je n’ai pas su de nouvelles de mes trois frères
[ . . . ] quand a moi je suis bien pour le moment je n’ai pas trop a me plaindre j’aurais envie un de ces jours de vous envoyer un colis si je peux j’ai mon cache nez et mes mitaines deux paires de bas qui sont trop gros j’en porte point pour le moment car mes souliers sont trop petits mais je n’ai pas froid j’ai en même temp des cartouches Boches une carte du pays ou je suis et des environs que je serais content de vous faire voir les pays ou j’ai passer.[ . . . ]
J’ai trouvé l’homme de la grosse Madeleine du Jat** je l’ai emmené déjeuné avec moi [ . . . ]
* Monsieur Ternoire. Terrenoire. Instituteur de Lavoine.
** l’homme de la grosse Madeleine du Jat. Madeleine ? Le Jat : village de Lavoine.
Gaspard encourage l’activité fermière de sa femme et sa fille.
Il a une pensée pour l’anniversaire de leur mariage alors que les mouvements de troupes ne cessent de s’amplifier.
Le 26 avril 1915
[ . . . ] Je suis très content de voir que vous avez commencé a cultiver le jardin mais comme vous me dites les petites semailles sont bien chers
mais que voulez vos il en faut quand même.
Chère femme tu me demande s’il faut que tu t’achète un petit cochon mais oui cela vous feras une petite distraction a toute les deux.
Vous direz a la Marie Vallas* que j’ai vu son cousin de la maison neuve** il se porte bien [ . . . ]
c’est avec regret que je vois arriver l’anniversaire de notre mariage*** mais j’ai bon espoir que l’année prochaine ce ne seras pas pareil ah vivement la faite si tellement attendu je vous direz que voilà quelques jours il se fait un mouvement de troupe comme jamais je n’ai vu probablement que avant peu de temp il va se passer quelque chose de sérieux enfin pourvu que je n’y soit pas c’est tout ce que je demande vous me direz aussi comme les affaires se passe au Bicons j’ai écrit hier au Grand père et j’attend une réponse sou peu enfin tachez de bien travailler faites de la bonne besogne au jardinage et que se soi une culture modèle si j’ai le bonheur de me rentourner que je puisse manger une bonne salade et une bonne soupe au chou [ . . . ]
je voudrez vous demandé la permission pour vous écrire que tout les quinze jours je ne sait pas ce que vous en direz j’ai beaucoup a faire en ce moment et surtout il faut que j’emprunte l’encre et la plume de l’adjudant le papier devient rare j’en ait plus que deux cahiers [ . . . ]
tient il faut que je fasse atteler l’heure et passer je n’y faisait plus attention [ . . . ]
* Marie Vallas. Voisine, cultivatrice du bourg de Lavoine. ** son cousin de la maison neuve. ?? *** l’anniversaire de notre mariage. 24 avril 1898 à Lavoine. |
Premières lettres sauvegardées de Claudia et Célina.
Elles commentent leurs activités, l’entraide de voisinage et les menus événements locaux.
Gaspard va intervenir dans une vente de bois, au profit de son frère Bonnet.
Claudia et Célina se réjouissent d’une prochaine venue en permission.
Lavoine le 27 avril 1915
Bien cher mari et papa
[ . . . ] Cher petit mari au sujet du bois de ton frère Bonnet je suis allée trouver la Jeanne* et je lui ai lu ta lettre alors cher petit ami elle a été bien contente et elle a dit qu’elle te donnait bien l’ordre de le vendre. En venant j’ai vu chez Pautin** qui labouraient et je suis allée leur parler et ils m’ont dit qu’ils irraient le chercher samedi et comme cela cher petit ami tu pourras conter dessus.
Bien cher ami chez nous il fait un temps superbe depuis que tu es parti nous avons bien commencé à jardiner, nous avons planter des ailles des oignons et les échalottes un peu de salade de carotte et de choux raves [ . . . ] Tes trois frères nous ont écrit tous les trois hier et ils sont toujours en bonne santé. Allons cher petit ami nous sommes bien contentes que tu seras auprès de nous dimanche [ . . . ]
Claudia et Célina Morel
* la Jeanne. Marie-Jeanne Brugièregarde, épouse de Bonnet Maurel. ** chez Pautin. Chez Pothin : village de Lavoine. |
Célina rapporte les échanges de services avec les voisins.
Ses grands-parents comptent se faire héberger, à tour de rôle, chez leurs filles et belle-fille.
Le jardin fait l’objet de soins.
Une affectueuse attention marque la lettre.
Lavoine le 27 avril 1915
Cher papa Je répond à ta lettre du 22 courant [ . . . ]
Cher papa au moment où je t’écris je ne suis que toute seule maman est allée aider semer les pommes de terre car l’autre jour qu’il a sorti le bois de la grange il n’a rien voulu nous prendre et maman lui a dit qu’elle irait leur aider et ce matin le Cuidon* est venu lui dire. Cher petit papa le grand-père et la grand-mère ne sont pas encore parti mais ils sont décidés nous leur avons bien dit de venir vers nous pendant quelques jours et ils nous ont dit qu’ils irraient une fois à Ferrières une autre fois à Périace (Périasse) et une autre fois vers nous. La grand-mère tient à s’en aller car elle dit que par un moment que les autres des Bicons pousseront trop le grand-père il leur fichera et ils veulent s’en aller jusqu’à ce que la guerre sera finie. La grand-mère viendra souvent vers la tante Jeanne pour lui aider.
Enfin cher petit papa je te prie ne te fait pas de mauvais sang.
Cher papa hier la maman et moi nous sommes allées à la foire et il y avait beaucoup de monde. Nous avons acheté des pois et des choux
nous avons planté nos choux hier soir. Dans notre jardin nous avons des pensées et maman et moi nous avons pensé d’en cueillir chacune une de déposer sur chacune mille gros baisers et de te les envoyer et nous epérons bien qu’elles te les transmettront et qu’elles parleront pour nous ces deux fleurs.
Cher papa il n’y a pas grands nouveaux dans le pays. Monsieur et Madame Ternoire, le cousin Mitron et la cousine Francine les voisins Vallas t’envoient bien le Bonjour.
Cher papa je te recommande une fois de plus de ne pas te faire de mauvais sang.
Sur ta réponse tu nous diras s’il faut t’envoyer un colis et ainsi que de l’argent.
Allons cher petit papa je fini ma lettre avec tout espoir qu’un jour nous entendrons dire que nous avons la victoire et aussi que nous pourons tous ensemble nous embrasser et nous parler de vive voix . [ . . . ] Célina Morel
*le Cuidon. Jean Cuidon, garde-champêtre de Lavoine. |
Dans les bois, la situation de Gaspard est devenue enviable et est enviée ! Il apprécie !
Le 28 4 1915
[ . . . ] sur votre lettre vous me demandez si j’ai besoin d’argent pour le moment j’en ai bien encore mais vous pouvez m’envoyer 5 fr par billet dans une lettre et non par mandat pour quand au colis j’en ait pas besoin il y a l’adjudant qui en touche souvent ainsi qu’un camarade et tout les soirs avant de nous coucher nous faisons un petit revenon ces temps ci nous mangeons une tête de cochon roulée enfin tout les jours nous faisons un petit festin en buvant un canon tout ce que j’ai a vous dire c’est que je souhaite rester a la place que je suis jusqu’à la fin de la guerre il y a bien des envieux il y a des caporaux qui écrivent de temps en temps a l’adjudant pour avoir ma place mais comme nous sommes ensemble depuis plus de cinq mois il me fait voir les lettres et il ne leur fait même pas réponse et j’espère que quand l’on nous séparera que l’on nous sortira du bois. Tous les camarades se joignent a moi pour vous donner le bonjour
Vous ne manquerez pas de donner le bonjour au Mitron ainsi qu’a [ . . . ]
Gaspard se porte bien, toutefois il s’inquiète d’une possible brouille entre son épouse Claudia et Joséphine, celle de son frère Le Dode.
En butte à l’hostilité de certains de leurs proches, ses parents ont quitté la maison familiale des Bicons et, semble-t-il, se sont réfugiés chez leur fille Maria à Ferrières.
Le 30 4 1915
Chère femme et chère fille
Je vous écrit quelques lignes pour vous donner de mes nouvelles qui sont toujours bonnes pour le moment je suis en bonne santé et j’espère que m’a lettre vous trouve de même
Je viens de recevoir une lettre du Dode qui me dit qu’il se porte bien et qu’il a vu le Clou* qu’il se porte bien aussi
il me dit aussi que tu lui écrivait souvent et que maintenant tu lui écrivez plus qu’il ne savez pas pourquoi il me dit peut être que nos deux femmes sont brouillée eh bien si tu as l’habitude de lui écrire il faut continuer.
Le grand père m’a écrit lui aussi il ne me dit pas ou il est mais la lettre a été faite a Ferrières
Chère femme et chère fille vous me direz si vous avez fait bonne foire et si vous avez acheté un cochon si vous avez semer vos pommes de terre et si vous en avais bien semer je vous direz qu’il fait une chaleur étoufante c’est tout feuillée je ne sais pas si chez nous il en est de même.
Vous donnerez le bonjour pour moi a tous les amis [ . . . ]
* le Clou. Jacques Cloux. Classe 1904. Sabotier, époux de Marie Fradin. Gaspard était son témoin de mariage. |
Prochain épisode : La guerre de tranchée est désormais solidement établie. Avec ses bûcherons, le caporal Gaspard Morel y joue son rôle.
Ses trois frères sont en première ligne.
Une grande offensive se prépare-t-elle ?