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L’action culturelle de Geneviève Moron au Moyen Orient

Le vendredi 17 novembre 2023, par † Michel Carcenac

Au retour de son long voyage dans le Pacifique, le Commandant Moron fut nommé Chef d’Etat-Major de la Division Navale au Liban comme je l’ai raconté dans Mes amis les Morons au Liban et L’affaire du Sinaïa 1939 -1942 .
Le couple se réinstalle à Beyrouth.
Geneviève Moron vivait au centre d’un bouillonnement culturel dont elle était l’âme et l’organisatrice.

Ses nombreuses qualités, de musicienne, de peintre, d’admiratrice des grands écrivains et des poètes lui en donnaient les capacités. Les dîners qu’elle tenait dans sa résidence à Beyrouth drainaient autour d’elle toutes les figures importantes du monde intellectuel et artistique.

Gabriel Bounoure, écrivain, disciple d’André Suarés, critique chargé de la poésie pour la N.R.F, nommé en 1928, inspecteur général des œuvres françaises et conseiller pour l’instruction publique dans les États sous mandat connaissait les Moron depuis leur premier séjour au Liban.

Rallié de la première heure à l’appel du général de Gaulle, il rejoint la France Libre dès 1941.

Il fut le maitre d’œuvre des expositions organisées conjointement entre le Liban et l’état naissant d’Israël.

Après la vie sous éteignoir que la France avait connue sous Vichy, c’était un bonheur de retrouver une liberté intellectuelle avec la France Libre. Rien à voir avec le milieu étriqué des marins de Vichy à Beyrouth dont nous avons eu une idée dans l’article L’affaire du Sinaïa 1939 -1942.

En 1943 une première exposition est mise sur pied. Voici la couverture du catalogue.

Gabriel Bounoure rédigea l’introduction de ce catalogue. En voici des extraits :

Qui viendra voir ces êtres frêles montrés dans des boites de verre comme des papillons des Iles prendra une juste idée de la fragilité du Livre, base ténue d’une civilisation dont la masse et l’énormité sont rendues plus sensibles par le tumulte de la guerre. Le Livre veut le silence, la solitude, la lumière douce ; or ces exigences de sa vie délicate, comme celles de son fécond usage, comment ne pas les comparer aujourd’hui à ces fracas d’écroulement qui retentissent autour de la planète, à ces déchainements de la destruction. Cette fête discrète et austère au milieu de la catastrophe, je crois qu’elle dégagera une signification assez solennelle et émouvante pour tous ceux qui viendront au Musée de Beyrouth admirer l’assemblée de ces créatures de papier, rares et choisies. Un tel contraste pourtant ne doit pas masquer la puissance réelle du Livre. Notre civilisation de l’acier et du ciment, de la matière asservie et de toutes les énergies domestiquées, est d’abord la civilisation de l’imprimé. Les villes tentaculaires, les entreprises démesurées de l’homme, les machines monstrueuses sont les filles du Livre. Et pareillement les passions collectives, comme les tragédies de la conscience individuelle, comme les rêves et les doctrines, comme toute les Idées, ces déesses violentes, toujours avides de matière et folles de réalisation. Ces feuilles de signes contiennent les ressorts abstraits qui font mouvoir tout le monde humain. « Tout part de l’écrit et tout y revient » disait Mallarmé. Tout part du Livre, même la bombe incendiaire qui le détruit.

Puissance immense par le nombre et l’étendue de ses effets, mais dont le substrat n’est presque rien. Si les civilisations, pour reprendre une phrase si souvent citée qu’elle est devenue presqu’un dicton, savent aujourd’hui qu’elles sont mortelles, c’est avant tout à cause de la matière périssable du Livre. Une civilisation est vulnérable par le Livre, à cause du fragile tissu qui porte le texte imprimé. Qu’une certaine catégorie de livres soit systématiquement détruite, un aspect d’une culture peut s’éteindre, une partie de la réalité humaine peut disparaitre. Certaines régions de l’esprit et de l’âme, qui pour être découvertes ont couté beaucoup de sang et de larmes, peuvent s’engloutir à jamais. Les nazis le savent bien qui brûlent les livres des Tchèques et des Polonais. En France les livres que nous aimons le plus sont proscrits et par là plusieurs univers spirituels sont menacés. C’est que le livre fait partie du système de défense d’une nation. Il est l’instrument de la continuité historique, le dépôt des siècles, le trésor des âges et du temps, l’arche des traditions et de la liberté. Il porte la dictée du génie individuel, les inspirations de l’âme collective, les titres des races, les maîtres-mots des générations. C’est pourquoi, s’ils détruisent pendant assez longtemps assez de livres, des barbares peuvent abolir sans retour des variétés précieuses de la nature spirituelle. La volonté allemande de supprimer certaines des admirables diversités de l’Europe a fait flamber des bûchers de livres. Les autodafés allumés devant les Universités de Prague et de Cracovie ont donné à ces victimes légères la dignité de témoins sacrés de la liberté. Des peuples fiers comptent aujourd’hui leurs livres au nombre de leurs martyrs. (…)

Il (le livre) n’a pas été épargne par la corruption du monde moderne. De quels ravages d’abêtissement et de dégradation ne s’est-il pas montré capable et coupable ? Car le mauvais livre tire à lui toutes les chances, de même que le « fils de roi » dans le jeu de la concurrence sociale est sûr d’être vaincu par les voyous et les mufles. L’Allemagne a fait au livre de Jaspers sur « la situation spirituelle de notre temps » ou aux traductions d’André Gide un grand succès. Mais ce succès n’a rien été au prix du triomphe remporté par Mein Kampf, cette bible pour nietzschéens d’école primaire, cet évangile d’inepties démoniaques [1].

(…) Le livre n’a pas que la beauté de son texte, qui est son âme. Son corps peut plaire par sa sévère noblesse ou par son élégance discrète ou par les grâces séduisantes dont il est paré. Il est un des objets sorti du cerveau et de la main de l’homme qui peut recevoir le plus de beauté, assumer plus que tout autre, et presque à l’égal de la femme, ce caractère de magie suggestive qui est le miracle de la chair habitée par l’esprit.

(…) De ce magnifique incunable de Strasbourg prêté par l’Université Saint Joseph jusqu’aux poèmes typographiques de Guy Lévis-Mano, auxquels Pierre Jean Jouve a rendu un pénétrant hommage, voyez les divers visages du livre français. Voyez ces miroirs où se peignent les variations de notre goût, les péripéties de notre histoire et les constantes de notre destin, la succession de nos styles, le devenir de notre esprit ainsi que sa part immuable.

(…) Le dessin est un texte sans verbe par lequel, depuis les décorations rupestres de l’Afrique jusqu’à un croquis de Rodin ou de Cézanne, l’esprit de l’homme tente un acte magique et incantatoire pour saisir le mystère qui l’entoure, pour fixer le temps, pour s’unir à la vie palpitante de la nature.

Le dessin est donc une forme de la connaissance, -ou si l’on veut une manière de parler, où les Français triomphent si incontestablement que Gide proposait de décerner à notre peuple le titre de professeur de dessin de l’Europe. (…)

L’amour de la forme compte parme les vertus natives de la France et j’y vois un de ses plus solides espoirs. En effet, un tel sens plastique, sur quelle passion de la vie ne se fonde-t-il pas. Sur quelle vigueur et quelle santé, sur quelle vitalité profonde, toujours parfumée d’esprit. Un tact si exquis ne doit pas donner le change sur la puissance créatrice qui poursuit par-dessous son âpre conquête. Dans ces œuvres que nous ont prêtées des amateurs pleins de goût et de ferveur, nous avons l’émotion de voir des témoins et des preuves. J’allais dire des pièces à conviction. Une efflorescence artistique si lumineuse et si continue implique dans le peuple un vouloir-vivre intact, des réserves inépuisables d’énergie, une sève qui ne tarira point. Il y a ceux qui périront à cause de leur imagination informe et de leur misérable chaos. Mais ceux-là sont déjà sauvés qui maintiennent pour eux-mêmes et pour tous le culte de la forme. Car tout ce qui vit est forme et la forme belle est celle qui fait vivre et qui sauve.

....................................................................................................................... Gabriel BOUNOURE

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PDF du texte intégral (Introduction Gabriel Bounoure).

Les remerciements également rédigés par Gabriel Bounoure donnent une idée de la réunion de toutes les forces nécessaires pour monter cette exposition. On remarquera en particulier la participation du tout nouveau musée de Jérusalem. De nos jours, une exposition conjointe entre Israël et le Liban serait inenvisageable !

La participation de Geneviève Moron est bien mise en valeur.

Remerciements

Cette exposition n’a été possible que par les concours spontanés et généreux qui nous ont été offerts de tous les côtés.

Les autorités de la République libanaise ont secondé notre entreprise de toutes les façons. S.E. le Ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts, Monsieur Georges Kfouri, nous a procuré mille facilités et a mis aimablement à notre disposition les plus beaux livres de la Bibliothèque Nationale et tout le premier étage du Musée. Le Conservateur de la Bibliothèque, Monsieur Hector Klat, a bien voulu nous laisser puiser dans ses trésors et nous prêter une partie de son mobilier. L’Émir Maurice Chéhab, Conservateur du Musée, a été associé de près au travail de préparation et nous a rendu des services sans nombre avec une obligeance inépuisable.

L’Université Saint-Joseph et l’Université Américaine nous ont prêté des vitrines ainsi que des ouvrages rares et précieux. La sympathie que ces deux grandes institutions ont portée à notre projet nous a été d’un grand encouragement.

La Société des Amis des Arts présidée par Madame de Larminat, nous a permis de nous servir des panneaux qu’elle emploie à ses propres expositions.

Les Services de la Délégation Générale et de l’Armée nous ont donné immédiatement et sans réserve toute l’aide que nous leur avons demandé.

Il faut que je dise ma gratitude particulière aux personnes qui ont été dans cette entreprise difficile, à la fois les inspirateurs et les exécutants, Madame Geneviève Moron, Monsieur Antoine Tabet, Monsieur Pierre Coupel ont apporté l’idée, exercé la direction et le contrôle. Ils ont conçu l’ensemble et surveillé le détail. Je dois ajouter à leur noms celui du peintre Georges Cyr et celui de Monsieur Emile Dana.

Nous n’aurions rien réalisé sans le bon vouloir, la confiance et la générosité des bibliothèques, des collectionneurs, des amateurs de belles choses. Le Musée National de Jérusalem nous a prêté les estampes qu’il avait présentées à l’admiration du public le trimestre dernier. Monsieur Narkiss, Conservateur de ce Musée et Monsieur Schiff, Conservateur adjoint, ont aidé notre dessein avec un empressement dont je leur garde une vive reconnaissance. Leur aimable dévouement s’est inspiré de la ferveur la plus intelligente et la plus avertie pour l’art français. Le Comte de Chaylard, Délégué de la France Combattante, a multiplié les bons offices en faveur des deux expositions, celle de Jérusalem et celle de Beyrouth.

Les amateurs de livres et d’estampes ont répondu à notre appel avec une volonté chaleureuse d’honorer l’intelligence et l’art de notre pays. Je me suis vu dans l’obligation de refuser, faute de place, de beaux ouvrages et de belles gravures que leurs possesseurs m’offraient avec élan et désintéressement. Que tous soient également remerciés d’avoir voulu affirmer par leur généreux concours leurs sympathies françaises et leur conviction que l’œuvre supérieure de l’homme se poursuit à travers le temps de l’épreuve et malgré les jours sombres.

........................................................................................................................Gabriel BOUNOURE

Livres prêtés par les Moron :

Commandant Moron
Voyage de Dentrecasteaux envoyé à la recherche de la Pérouse. Par M. de Rossel, ancien capitaine de vaisseau. Imprimerie Impériale 1808.

Mme Geneviève Moron

  • LA ROCHEFOUCAULD : Maximes et réflexions morales.
  • PAUL CLAUDEL : Connaissance de l’Est.
    Collection Coréenne, composée sous la Direction de Victor Segalen 1914.
  • Georges CLEMENCEAU : Le voile du bonheur Editions de la Sirène 1919.
  • Stéphane MALLARME : IGITUR NRF 1924.
  • Pierre Jean JOUVE : A La France.
    Cette édition faite à Beyrouth le 31 Décembre 1942 a été tirée à soixante exemplaires.

Voici des extraits d’une lettre envoyée par Mordecal Narkiss, directeur du Musée Bezalel à Jérusalem :

Narkiss quitte Jérusalem pour assister le 5 Mars 1943 à l’ouverture de l’exposition « Le Livre et les Arts graphiques français ». Le 14 Avril il envoie une relation de sa visite au quartier général de l’Organisation Sioniste à Jérusalem.

Jérusalem April 14th, 1943
To H.E. Greenbuem
World Zionist Organization Headquarters Jerusalem
From N. Narkiss

En ce qui concerne notre exposition itinérante « Arts graphiques français » à Beyrouth, mon collègue le Dr Shif et moi-même avons été invités à l’inauguration le 5 mars. Nous craignions tout d’abord de ne pas pouvoir réunir les fonds nécessaires à nos dépenses de voyage, mais à notre grande surprise, le Consulat de France nous a envoyé un chèque de 56 500 lires avec l’invitation officielle.

Nous sommes arrivés à Beyrouth en retard pour l’inauguration, nous nous sommes précipités au Musée National du Liban en trainant nos valises et nous avons manqué le discours d’ouverture du général Catroux.
Monsieur Bounoure, le commissaire à l’Éducation de la France Libre nous a présenté le général Catroux avec beaucoup de mots aimables. Sans nous, dit-il, l’exposition n’aurait pu être réalisée. Le général a ajouté ses propres remerciements. Il n’y eu plus de discours à l’inauguration, mais étaient présents tous les membres du milieu artistique, culturels et tous les dignitaires religieux du Liban.

Un catalogue spécial de l’exposition a été publié avec une introduction de M. Bounoure (qui est aussi un écrivain et un critique renommé, coéditeur du magazine de la NRF où il contribue aux critiques sur la poésie nouvelle).

Le catalogue contient les reproductions des œuvres exposées, quelque chose que nous n’aurions jamais pu nous offrir avec nos moyens.

Le lendemain nous avons été invités à déjeuner avec M. Bounoure. Nous avons discuté de l’art et de la relation entre les arts de nos pays. Nous avons dévoilé nos bonnes intentions à de nombreux invités, mais nous avons également détaillé la pauvreté de nos moyens. De leur côté, nos interlocuteurs se plaignaient de la mauvaise situation des arts dans leur pays. Pour satisfaire leur intérêt pour la musique et l’art plastique, ils doivent se rendre dans la terre d’Israël, disent-ils. (…)

En prenant le thé, offert par Monsieur Moron et son épouse, une artiste peintre qui organise l’exposition, nous avons longuement parlé du judaïsme et du destin de son peuple. Les Moron apparaissaient comme de grands voyageurs : ils avaient été à Varsovie ; à Cracovie et à Prague. Ils avaient vu « Habima », le théâtre de Tel Aviv et dans leur bibliothèque nous avons vu les traductions en Français de Shalom Aleichem, Perez et Ansky’s Dibuk.

Tout d’abord je pensais que nos hôtes étaient juifs jusqu’à ce que leur assistant juif Meirov m’informe qu’ils étaient chrétiens mais portaient un intérêt tout particulier à tout ce qui était juif. (…)

Une deuxième exposition intitulée « L’ART MODERNE DU LIBAN » est organisée la même année à Jérusalem au Musée Bezalel avec une inauguration en décembre

Mon attention a été attirée sur cette exposition par Mr Hagar Ophir, Mr Hakim Bishara, Mme Ellie Armon. Désireux de faire revivre cette exposition unique et ce temps de collaboration entre Israël et le Liban ils ont réalisé à Bergen en Norvège une « exposition théâtrale » axée entre autre sur Geneviève Moron.

Extraits de leur présentation traduite en français :

« 1943 est l’année pendant laquelle l’Allemagne nazie intensifie la déportation et l’extermination des Juifs en Europe. La France subit la tyrannie de Vichy. Dans un contexte de guerre et de troubles politiques, le Liban et Israël s’établissent progressivement en tant qu’États-Nations. En 1941 la France de Vichy est chassée du Liban et de la Syrie par les troupes gaullistes et anglaises. Le général Catroux, au nom de la France libre accorde l’Indépendance au Liban. Dans la Palestine voisine la tension entre Arabes et Juifs s’amplifie et, malgré tout, la culture prospère, de nouvelles institutions artistiques sont fondées au Liban et bientôt en Israël.

A Beyrouth, Gabriel Bounoure crée l’ALBA (Académie Libanaise des Beaux-Arts) dans le but de promouvoir les Arts libanais, sous le patronage de la France libre. A Jérusalem, Narkiss et ses collègues prennent les premières initiatives en vue de la création d’un nouveau musée national juif. Narkiss, Juif polonais ayant vécu à Paris, manifeste un intérêt particulier pour l’art moderne du Liban, en raison de son affinité avec la culture européenne. L’intérêt partagé des deux côtés, libanais et juif, pour l’École de Paris, les amène à la collaboration artistique. La France libre est au centre des débats. Le mandat britannique sur la Palestine commençant à s’effondrer, c’est la France Libre qui finance et son parrainage de l’exposition « l’Art Moderne du Liban » rend possible celle-ci. Gabriel Bounoure, poète et critique a fourni le soutien logistique et financier pour l’exposition. Il en est de même pour le conservateur de l’exposition, Georges Cyr, un peintre français qui vivait à Beyrouth et a été consacré comme étant le parrain de la modernité libanaise. »

Le Palestine Post 15.12.1943
Extraits :

L’Art Libanais à Jérusalem

Exposition d’échange au Musée de Bezalel

L’exposition « L’Art Moderne au Liban » au Musée Bezalel, qui restera ouverte jusqu’au 4 Janvier, est la première d’une très bienvenue série d’échanges artistiques entre la Palestine et ses voisins. L’exposition aurait plus adéquatement être intitulée « Sept Peintres Libanais » Il semble assez étrange qu’une culture aussi ancienne que celle du Liban, dont les Émirs ont échangé des visites avec les Médicis de Florence au 17° siècle, qui ont bénéficié d’une autonomie culturelle pour les derniers 80 ans et s’enorgueillit de deux universités n’ait pas été capable de présenter plus de sept artistes représentatifs.

Ce petit nombre impose certaines restrictions de jugement. Paris a sans aucun doute exercé une forte influence sur nos contemporains libanais.

Quatre contributeurs à l’exposition ont envoyé des huiles, Georges Cyr, Geneviève Moron, Omar Onsi et Antoine Tabet. Omar Onsi qui, d’après le catalogue, doit beaucoup à Saleeby, dont on regrette l’absence, est représenté par ses paysages et des pièces florales d’un conservatisme expressionniste extrêmement doué. C’est le seul parmi les exposants qui penche plus vers l’Europe Centrale que vers l’Ecole Française de l’Impressionnisme.

Le parisien Georges Cyr est le plus intéressant des peintres. Postimpressionniste il trace sa propre route avec un sentiment très fort de la couleur et de la composition. Sans esquiver les problèmes de forme, ses tableaux sont plein de mouvement. Parmi nos propres peintres, il est comparable à Levanon.

Geneviève Moron nous a surpris avec deux natures mortes extrêmement naturalistes et une surréaliste. Les trois tableaux montrent autant de grâce. C’est une question de goût, que vous préfériez les deux intitulés « Nature morte » charmants dans leurs fortes couleurs ou la composition surréaliste brillante et aérienne « Le Magnolia » (…)

Dans ses dessins, Geneviève Moron penche complètement vers le Surréalisme. Ses séries « Les Rois », « Les Idoles » et « Les Dieux » appartiennent aux exemples les plus intéressants de cette école jamais vus en Palestine.

Son talent est si évident que son « charme » devrait convaincre jusqu’au plus fanatiques opposants de la tendance ultra-moderne. (…)

L’Art Moderne au Liban est une carte de visite laissée par un de nos distingués voisins. Espérons qu’elle sera bientôt suivie par une visite de gala.

........................................................................................................................Th. F. M.

Voici la liste des tableaux présentés par Geneviève Moron à l’exposition de Bezalel à Jérusalem en 1943 avec le numéro du catalogue :

  • Le Magnolia, peinture.
  • Nature morte, peinture.
  • Nature morte, peinture.
  • Saint Joan, croquis à l’encre de Chine.
  • Quadriga du Cairn, encre sur papier de Chine.
  • Les Dieux, mine de plomb sur papier de Chine.
  • Les Idoles. Mine de plomb sur papier de Chine.
  • Les Rois. Mine de plomb sur papier de Chine.

Tous ces tableaux ont disparus. J’en possède trois qui peuvent donner une idée du style des peintures, sans préjuger des mines de plomb dont je n’ai aucun exemple.

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Siloé Palestine 1934
Geneviève Moron
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Ain Zahaltor 23.10.41
Geneviève Moron
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Geneviève Moron

L’exposition « L’Art Moderne du Liban » ouverte à Jérusalem le 12 Décembre 1943 dura trois mois. La vision idyllique d’échanges culturels entre la Palestine et ses voisins ne dura pas.

En 1948, Israël déclara son indépendance après une guerre totale contre tous ses voisins arabes. Après la victoire d’Israël, l’espace culturel Palestine-Liban-Syrie diminua. Au lieu d’être des partenaires artistiques et des sources mutuelles d’inspiration, le Liban et Israël devinrent des états ennemis et le sont toujours aujourd’hui.

L’histoire ne s’arrête pas là.

Monsieur Philippe Vincent a eu l’amabilité de me communiquer des extraits de la thèse de Marie-Francine Mansour -Desvaux : Le surréalisme à travers Joyce Mansour : peinture et poésie, le miroir du désir, Histoire, Université Panthéon-Sorbonne – Paris I, 2014.

« La Première Exposition de l’Art Indépendant se déroule (en Égypte) du 8 au 24 février 1940 à la galerie du Nil, rue Soliman Pacha. L’invitation est avant-gardiste : le nom des participants – Ramsès Younane, Fouad Kamel, El-Telmisani, Ratib Saddik, Eric de Nemès, Mahmoud Saïd, Geneviève Moron… – y sont inscrits en graffitis. » (p.63)

« La troisième Exposition de l’Art Indépendant se tient du 21 au 30 mai 1943 à l’Hôtel Continental du Caire. La Semaine égyptienne de mai 1943 dans un article non-signé, déclare que cette exposition annuelle de l’Art Indépendant a réussi à se tailler une place d’importance dans la vie artistique du pays sans rien sacrifier aux routines habituelles des « Salons ». Elle fait une critique élogieuse de l’exposition, qu’elle trouve moins pittoresque que les deux précédentes, du fait de la qualité et de l’homogénéité des œuvres présentées : « Elle a drainé, peut-on dire, à peu près tout ce qui se peint de mieux en Égypte mais aussi dans certains ateliers de Syrie et du Liban représentés à l’exposition par Madame Geneviève Moron, MM. Fortier, Georges Cyr, Omar Onsi et Antoine Tabet » (p. 69).

****************

Une preuve supplémentaire que Geneviève Moron faisait partie de la vie artistique de tout le Moyen Orient. L’avenir m’apportera peut-être d’autres traces de sa vie de peintre. Il serait fort intéressant de pouvoir retrouver les œuvres qu’elle a présentée lors de l’exposition « L’Art Moderne au Liban ».


[1Il n’est pas question de nier la puissance du nazisme ni même son infernale grandeur. Mais c’est le lieu de rappeler cette remarque de Dostoïevski que la bêtise est un des attributs du démon. Et Gogol pensait pareillement que le diable, c’est la mesquinerie humaine.

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1 Message

  • L’action culturelle de Geneviève Moron au Moyen Orient 24 novembre 2023 20:48, par Annick Harris

    On peut se demander après une telle vie autour du globe, pourquoi ce couple extraordinaire s’est décidé à prendre sa retraite au fin fond du Périgord. Mais quelle chance pour vous de les avoir connus et d’avoir partagé leurs souvenirs.
    Ce qu’a écrit Mr Gabriel Bounoure à propos des livres qui sont bannis ou brûlés est encore vrai de nos jours malheureusement, même ici aux USA. Certaines écoles ont même fermé leurs bibliothèques pour éviter les problèmes avec certains parents d’élèves et élus aux vues "étriquées".

    Répondre à ce message

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