J’ai beaucoup de plaisir à découvrir avec vous la vie de ma lointaine cousine ; j’admire son dynamisme, sa volonté de progresser et sa recherche de nouveaux moyens d’expression artistique. Elle commence à être connue comme en témoigne sa lettre de février 1911 à Guiguet où elle relate sa rencontre avec Roger Marx, rédacteur en chef de la gazette des beaux-arts.
Je vous quittais lorsqu’est arrivé Mr Roger Marx. La première chose qu’il a vue c’est le beau portrait que vous faites et à votre nom il a ajouté je l’adore ! Alors vous avez cher Dieu, des adorateurs ; je vous connaissais une adoratrice ! Si votre oreille droite n’a pas tinté, je m’étonnerais ! Cela a dû vous inciter au plus profond silence pendant bien 5 minutes.
Après cette visite, je suis allée chez Mr Bertillon et j’ai commencé à prendre une leçon de perspective, je continuerai lundi. Mr Roger Marx reviendra samedi. Venez donc vous de très bonne heure et je poserai depuis 9 heures du matin si vous le voulez bien cela me ferait plaisir. Nous pourrions déjeuner à la maison pour moins perdre de temps... [1].
Par un courrier du 4 avril elle annonce son prochain départ pour Lyon car Monsieur Bonjour, son beau-père, ne va pas bien. Elle emporte avec elle 16 dessins que Rodin lui a remis, comme l’atteste le reçu signé du 9 avril.
- Jeanne avec Henri Bonjour (Photo collection privée)
Lors de cette visite lyonnaise Jeanne rencontra le Docteur Sigaud, occasion pour elle d’observer les malades et reçut Monsieur Herriot, avec qui elle avait fait connaissance lors du salon d’automne, pour un projet qui lui tenait à cœur, une exposition des dessins de Rodin à Lyon.
J’ai reçu le dessin du petit chariot, il est parfait et je vous en remercie bien. Je vous le rendrai quand je vous verrai. Je n’ai encore rien fait comme travail et suis dans la désolation. Mr Bonjour ne va pas plus mal ; j’arrive assez à lui remonter le moral. J’ai fait plus ample connaissance avec le Dr Sigaud et j’espère avec lui développer l’observation. J’assiste à ses cliniques, c’est fort intéressant. Il me tarde d’aller vous causer. J’aurai demain la visite de Mr Herriot ; rien ne me retient beaucoup ici ; je crois que je prendrai bientôt le train pour Paris. Mille amitiés du fond du cœur. [2].
Fresque : un procédé cher aux potiers grecs ...
Au début de l’année 1911, Rodin avait parlé à Jeanne d’une commande de fresque pour le musée du Luxembourg et il avait voulu s’assurer de la collaboration de son élève, dans un domaine qui n’était pas sa spécialité.
Elle envoie deux de ces fresques pour le salon des indépendants qui lui valent d’être citée dans la Gazette des Beaux-Arts par René Jean : Une adepte de la fresque, Mlle Jeanne Bardey, l’emploie avec une technique très personnelle. Non seulement les tons utilisés sont d’une extrême simplicité : rouge brique sur fond verdâtre, mais encore le dessin, très sûr et très précis, est incisé. Voilà donc un procédé cher aux potiers grecs qui réapparaît. Quelle est la part de Rodin, le maître de Mlle Bardey, dans ces nouvelles recherches ? Peu importe : pour l’heure il suffit de se laisser aller au charme bizarre que donne cette figure inclinée, les bras tendus au dossier du fauteuil tournant qui la reçut. Cette fille d’Ève offre et refuse à la fois le secret de ses lèvres ouvertes et de son regard fuyant ; l’artiste qui la conçut avait la perception douloureuse d’une humanité à la poursuite vaine des oublis factices ... [3].
- Jeanne Bardey, fauteuil tournant, étude de fresque pour le salon des indépendants
À Camille Mauclair, qui avait fait sa connaissance par l’intermédiaire de son ami Édouard Herriot, Jeanne confie sa joie d’avoir exercé son talent artistique dans une nouvelle technique. Monsieur Rodin m’a demandé de collaborer aux fresques qu’il veut faire pour le nouveau musée du Luxembourg. C’est un grand honneur pour moi. J’ai fait des essais : la fresque c’est passionnant... J’ai envoyé une maquette de coupole avec figures nues à une récente exposition au pavillon de Marsan, mais c’était tout petit, personne n’a remarqué ... [4].
Forte de cette expérience, à l’automne 1911 elle collabore avec son mari à la fresque de la musique. J’ai entrepris d’aider mon mari pour la décoration du théâtre du Conservatoire. À cet effet j’ai fait des dessins avec des modèles. J’aimerais à vous les montrer et j’aurais eu le plaisir à avoir vos conseils pour la maquette en couleur. Mais vous savez combien je dois ménager certains amours-propres.
Si par hasard vous venez à Lyon d’ici peu avant le 24 par exemple je vous montrerai mon travail et vous demanderai des indications. [5] ... Je travaille toute la journée au conservatoire sur l’échafaudage ... [6]
- Jeanne Bardey, 1912, croquis pour la fresque de la musique (Extrait de la brochure Madame Bardey, 1924)
Même dans le modelage, rien n’est possible sans le dessin
Après les fresques, Jeanne s’adonne à la sculpture, elle partage avec François Guiguet ce qu’elle découvre de cette technique et ses difficultés.
Je crois bien que ne pourrai pas poser mercredi matin ; je suis obligée de penser un peu mon modelage cette semaine. Dans l’après-midi du 21 j’aurai encore la petite Suzanne ; si vous voulez venir vous me ferez plaisir. Voulez-vous être chez moi à midi, nous déjeunerons ensemble. Je crois que je commence à comprendre quelque chose dans ce cher modelage ; c’est toujours notre dessin qui intervient, toujours, toujours, rien n’est possible sans lui. Et je vois toute la peinture dans le même sens. Je suis bien heureuse et cela grâce à vous. Oh ! Que vous avez été bon ! Vous m’avez donné le meilleur de ma vie. Je vous envoie tout ce que je peux penser de meilleur pour vous dire : Merci. [7].
... J’ai préparé mon premier mortier, la chaux est très vive et prend très vite. Je me lèverai donc mercredi à 4 heures du matin et préparerai mon dernier enduit, je crois qu’il sera bon lorsque vous viendrez. Je broierai des couleurs en vous attendant. J’ai fait une séance de dessin ce matin ; votre pensée ne m’a pas quittée et je crois qu’elle portera fruit un jour. Venez de très bonne heure mercredi, j’aurai grand besoin de vous.
Votre toute dévouée et affectionnée. [8]
- Femme nue, debout et accoudée, 1912, bronze (Musée des Arts décoratifs de Lyon - Photo Maison Ravier)
J’ai découvert les sculptures de Jeanne lors d’une visite à la Maison Ravier au début de l’année 2012. Très bien accueillis par Nathalie Lebrun, nous avons pu consulter une intéressante documentation et admirer plusieurs de ses œuvres qui sont en dépôt depuis l’exposition de 2001, dont le bronze ci-dessus de femme nue accoudée.
Une statuette frémissante de vie
Camille Mauclair nous raconte sa visite square Delambre où Jeanne lui montre ses premières sculptures.
... Posément elle défit les linges d’un objet placé sur une petite selle que je n’avais pas remarquée, et une statuette apparut, d’un galbe parfait, frémissante de vie. Mme Bardey faisait de la sculpture dans sa petite salle à manger, à un quatrième étage ! Dans des visites ultérieures elle me montra plusieurs selles, supportant des ébauches admirables. Au plafond pendait une jolie cage dorée où brillait un oiseau des îles : et sous cette cage, Mme Bardey taillait un petit marbre doux comme une fleur, et il n’y avait pas un grain de poussière nulle part. C’était très curieux. Elle me dit : "La sculpture n’est pas un métier propre : cependant, vous voyez, je m’arrange. Je monte de la terre, du marbre, de tout, à mon quatrième... et puis ce que je fais est petit, mais j’ai loué un atelier rue Vercingétorix, dans une cité pauvre. Là je fais une grande figure, et un torse, vous verrez ... " [9].
Les dessins de Rodin exposés à Lyon
Nous avons vu l’admiration que Jeanne portait à son maître. Lors du salon d’automne de 1910, elle avait eu l’occasion de s’entretenir avec Édouard Herriot sur l’idée d’exposer les dessins de Rodin à Lyon, le maire avait alors acquiescé.
Les dates furent fixées entre le 11 mai et le 10 juin 1912 pour une exposition au Palais Saint Jean, dans l ’ancien palais épiscopal transformé en nouvelle bibliothèque.
L’initiative en revint à la complicité qui unissait Jeanne Bardey à Édouard Herriot. Peintre, dessinateur, graveur et sculpteur, cette lyonnaise se baptisait élève de Rodin et Roger Marx n’hésita pas, écrivant un article [10] sur elle et citant un certain nombre d’égéries d’artistes, à parler pour Rodin, de Mlle Camille Claudel et de Mme Jeanne Bardey.
Il y avait eu hésitation sur le choix du lieu, soit l’Hôtel de ville, soit l’ancien Évéché. Rodin fut séduit par l’emplacement, par le décor XVIIIe de Soufflot ... [11].
- Ancien palais épiscopal de Lyon (Photo collection personnelle)
J’imagine que la préparation de cette exposition impliquait de nombreuses rencontres entre les trois protagonistes. La duchesse de Choiseul, voyant d’un mauvais oeil la place grandissante que prenait la jeune élève lyonnaise auprès de Rodin, décida de l’écarter du projet. Une période difficile commence alors pour Jeanne.
Son beau-père, Henry Bonjour, décède le 25 avril, âgé de 66 ans, il est inhumé le 27 avril au cimetière de la Guillotière. Dès le début mai elle retourne sur Paris, sans assister au vernissage, dépitée par sa dernière rencontre avec Rodin.
Jeanne rencontra Rodin et la duchesse de Choiseul quelques jours avant le vernissage et probablement à la nouvelle bibliothèque. Que se passa-t-il ? On peut seulement l’imaginer. Elle vit un homme las, au regard éteint, terriblement changé et surtout indifférent à son égard. Ainsi donc il l’avait oubliée. Ou faisait-il semblant. Il venait avec sa muse outrageusement maquillée, s’afficher à Lyon, là où son élève aimante avait si longtemps espéré sa visite. La duchesse triomphait bien sur toute la ligne. Mais ses paroles ne pouvaient atteindre Jeanne. Seules les paroles du cher et vénéré maître lui importaient. Or il ne disait rien. Il n’était plus lui même. Elle n’avait plus rien à attendre de lui.
Elle se rendit compte qu’elle n’aurait jamais le courage d’assister au vernissage. Tant pis pour Herriot, tant pis pour Roger Marx. Elle prit le train pour Paris le 7 mai ... [12] Seulement 65 personnes participèrent à l’inauguration et purent entendre les discours de Roger Marx et d’Édouard Herriot, Anatole France, qui assistait à cette fête, prit la parole à son corps défendant ... [13].
Mathieu Baron lui sert de modèle
En septembre Jeanne part 10 jours à Flumet en Savoie ; est-ce avant de partir ou à son retour qu’elle croque le portrait de mon arrière-grand-père, à l’origine de mes recherches et de cette série d’articles [14]. Je n’en connais pas les circonstances exactes, ni s’il s’agissait d’une commande. Mais il m’a semblé qu’il y avait des points de convergence entre eux. Mathieu Baron avait, tout comme elle, l’amour du beau, que l’on pouvait observer dans ses goûts pour le mobilier d’époque, pour les livres ou les tableaux ? Il sut aussi faire preuve d’ambition dans sa carrière professionnelle, simple ouvrier typographe, il était devenu directeur d’un journal professionnel et faisait office de secrétaire et d’archiviste du comice agricole. Et puis ils avaient tous deux ce goût du contact et des relations avec les autres. Sans doute avait-il eu l’occasion de la rencontrer chez sa sœur Félicie ou peut-être lors d’un salon où elle exposait. Jeanne avait dessiné en 1910 et 1911 dans les asiles de fous, et notamment à Bron, dans la pension des femmes là justement où Mathieu Baron a du placer son épouse Pierrette Colombet au mois d’avril précédent. Elle y était décédée 3 semaines après son admission et ses funérailles avaient eu lieu le 5 mai, avant que Jeanne ne regagne Paris.
- Jeanne Bardey, Portrait de Mathieu Baron (Archives familiales)
Elle a ainsi fait de son cousin plusieurs portraits que nous avons retrouvés dans les archives familiales, dont celui ci-dessus dédicacé ; deux autres sont conservés au Musée des Arts décoratifs de Lyon.
Le projet que Jeanne avait initié dans sa ville, pour rendre gloire à Rodin, lui avait échappé. À Paris elle s’était réfugié dans le travail, tout en broyant du noir, comptant bien reconquérir le maître et lui prouver par ses récentes sculptures qu’elle était toujours son élève. En octobre elle l’avait relancé dans une lettre et au cours de l’automne, Rodin arriva à l’improviste square Delambre. Elle le trouva bien mieux qu’au moment de l’exposition de Lyon dont il évoqua l’échec sans insister. Il lui parla de sa rupture avec Madame de Choiseul... [15].
"Votre œuvre enorgueillit notre patrie"
Les relations sont donc rétablies entre le maître et l’élève comme en témoigne la lettre du 2 décembre :
Depuis le jour où j’ai eu le bonheur de vous voir et d’obtenir un regard sur mon faible travail, j’ai éprouvé comme autrefois cette grande émotion qui me fit orienter ma vie pour le seul culte de la beauté. Lorsque vous eûtes la bonté de bien vouloir diriger mes premiers essais de dessins, je vous disais qu’au sortir de chez vous, l’âpre sol de Paris et les duretés de la vie se changeaient en rayons de soleil. Vous avez été pour moi si bon que je n’ose par moments croire à la réalité des faits, je crois encore rêver ! Toute ma vie ne sera qu’un élan de reconnaissance pour vous.
Vous me parliez d’insuccès à Lyon, d’insuccès à Paris ; qu’importe la vilénie des hommes ? Qu’importe la haine jalouse des sans talents ? Votre œuvre à elle seule relève notre siècle enorgueillit notre patrie ; seul contre tous notre marbre résistera ; et si dans des siècles, un jour notre sol est dévasté comme celui de l’antique Grèce, votre nom gravé dans le bronze dira aux puissances futures la gloire et la puissance de votre talent. Que peut pour vous cette faible gloire ? Ce ridicule encens ? Donné par vos inférieurs. Seuls les admirations de vos égaux pourrait vous satisfaire et vos égaux où sont-ils ? Vous n’en avez pas.
Et moi pauvre grain de sable jeté à Paris j’ai entendu le grand A. Rodin dire en souriant devant un petit pied que timidement je présentais : pas mal, pas mal. Aux petits est réservé le vrai bonheur car le vrai bonheur vous me l’avez donné.
Voulez-vous me permettre d’aller vous voir samedi 7 décembre à 5 heures, je vous porterai le torse de la statuette dont vous avez vu les abatis. Si vous préfériez venir chez moi, je serai heureuse de vous recevoir à déjeuner le jour qui vous conviendrait le mieux.
Permettez que je fasse des vœux pour votre santé et bonheur et pour des affections toujours dignes de vous.
Votre toute dévouée [16].
Jeanne entre dans la grande famille des artistes
Reconnue par les critiques d’art, aussi bien par Camille Mauclair que par Roger Marx, elle entre dans la grande famille des artistes. ... elle passe sculpteur, triture la glaise, fouille le marbre d’Asie ou de Sienne ou bien silhouette à la surface d’un pan lisse de carrare, selon le style égyptien, quelque composition dont une entaille légère cerne le contour. [17]
Jeanne passe ses dernières vacances à Chaponost car sa mère faisait construire une maison à Mornant d’où était originaire Henry Bonjour. Elle y reçoit pendant quelques jours François Guiguet, qui donne des leçons de dessin à Henriette. Elle prépare le salon d’automne de Lyon où elle expose 2 portraits, dont un de sa mère.
Cédant aux charmes d’une nouvelle maîtresse [18], Rodin abandonna de nouveau l’artiste lyonnaise, ils se séparèrent. Jeanne n’était plus son élève et Henriette ne le serait jamais ... Cependant, Jeanne ne fut pas très affectée par sa seconde rupture avec Rodin [19], d’autant plus qu’elle avait toujours en François Guiguet un ami fidèle.
Le travail ne lui manquait pas pour préparer les expositions annoncées à Paris ou à Lyon. Sa participation au salon des indépendants lui vaut un commentaire de Pierre Marcel dans la Gazette des Beaux-Arts : Il y a une parenté intellectuelle entre les œuvres de Mme Jeanne Bardey et les esthétiques particulières de nos célèbres sculpteurs, Joseph Bernard, Aristide Maillol et Jeanne Poupelet. Ce lien, qui pourrait bien être une communauté de style, provient sans doute d’un retour intelligent à la leçon des maîtres archaïques de l’Égypte, de la Grèce et de l’Asie.
... Mme Jeanne Bardey expose, au Salon des indépendants, un marbre d’une exquise fraîcheur et d’une plénitude harmonieuse, Bernadette, et deux dessins, d’une ellipse vigoureuse et d’une arabesque animée, qui font songer aux synthèses de Joseph Bernard et de l’incomparable maître Rodin. On vit au dernier Salon d’Automne, deux aquarelles de danseuses de la jeune artiste, de la même heureuse inspiration, et un beau masque de bronze d’un caractère indiscutable. [20].
Une charmante maîtrise dans le marbre "Nu debout"
Une autre échéance l’attend à Lyon où Tony Garnier prépare une grande exposition Internationale, assortie d’une importante section des Beaux-Arts. Le comité d’organisation de cette section, présidé par le Docteur Tripier, est constitué, entre autres, de Jacques Martin, Richard Cantinelli, Louis Bardey, Tony Garnier... Jeanne y expose quatre sculptures (Buste de la République, Femme accroupie, deux Nu debout) et quatre séries de gravures (Danseuses, Bêtes, Déshérités, Gravures sur bois).
Richard Cantinelli en rend compte dans la Gazette des Beaux-Arts. Mme Jeanne Bardey, qui, peintre et graveur, s’est vouée à l’austère discipline de la sculpture, montre une charmante maîtrise dans le marbre qu’elle appelle Nu debout. [21]
- Jeanne Bardey, Nu debout (Catalogue exposition internationale de Lyon, 1914, Beaux-Arts)
Jeanne expose au milieu des plus grands artistes de son époque : Claude Monet, Henri Matisse, Pablo Picasso, Auguste Renoir, pour les peintres... Joseph Bernard, Maillol, Bourdelle, pour les sculpteurs... Rodin, échaudé après son échec à Lyon en 1912, n’avait rien envoyé à la Société Lyonnaise des Beaux-Arts, ni en 1913 ni en 1914 et n’était guère incité à participer à cette exposition internationale. Mais finalement il céda aux instances de Tripier et fit parvenir trois bustes, une tête et un bas-relief [22] Quant à François Guiguet il présente trois œuvres, dont un portrait d’Henriette.
L’accueil réservé par les lyonnais semble avoir été très mitigé, comme en témoigne le commentaire de Richard Cantinelli. Cette exposition a jeté les lyonnais dans une sorte d’abattement étonné... Les critiques ne nous ont pas été ménagées, ni les injures. Ceci était au moins dans la tradition.
Cependant quelques amitiés, et, avant toutes, celle du maire de Lyon, M. Édouard Herriot, nous ont soutenus .... [23].
Exposition internationale urbaine de Lyon en mai 1914
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Au lendemain de la déclaration de guerre des ordres de mobilisation sont placardés sur tous les murs. A Lyon, la halle Tony Garnier est réquisitionnée par l’armée pour abriter une usine d’armements, un dépôt de munitions et une caserne.
Louis Bardey décède le 18 juin
Tous ces évènements ont quelque peu contrarié les projets de Jeanne qui reste momentanément sur la région lyonnaise. Elle en fait état dans plusieurs lettres adressées à François Guiguet.
Je vous écris à tous hasards chez vous. Nous nous rendons aujourd’hui à Lyon. Depuis mon arrivée de Paris 9 juillet je suis restée à Mornant où je n’ai rien fait. Nous sommes logés chez le maire qui a bien voulu mettre à notre disposition un étage de son habitation. Avec les tristes événements actuels notre maison ne veut pas encore se terminer. J’aimerais avoir de vos nouvelles ; nous pensons à vous qui devez avoir bien des chagrins de voir partir toute la jeunesse de votre famille. [25].
L’année 1915 débute péniblement pour notre lyonnaise avec des soucis de santé : Mon mari est malade ; il a un zona. C’est la conséquence du mauvais sang qu’il se fait ... [26]. Elle le croyait tiré d’affaire mais il décède le 18 juin ; les funérailles ont lieu trois jours plus tard où sa famille et ses amis l’accompagnent à sa dernière demeure. Deux lettres témoignent de cette période douloureuse :
Pour le moment mon mari est hors de danger, si rien d’infectieux ne survient. J’ai passé par de violentes émotions ; je jouis de plus de calme et vous souhaite bonne réussite et bonne année. [27].
- Louis Bardey, dessin à la mine de plomb (Extrait de la plaquette Madame Bardey, 1924)
Je pense que vous n’avez pas reçu le journal que je vous ai adressé lequel devait vous apprendre le décès de mon mari survenu le 18 juin. Je suis à Paris depuis quelques jours où j’essaye de me remettre car je suis très fatiguée. [28].
"J’ai trouvé un atelier rue Campagne Première"
Grâce à l’affection de ses proches, sa fille Henriette et sa mère, Jeanne surmonte cette nouvelle épreuve ; l’amitié fidèle de François Guiguet lui est aussi d’un grand secours. Elle retourne à Paris pour déménager au 31 rue Campagne première.
Je suis à Lyon, j’ai effectué tant bien que mal le déménagement du Square Delambre. Après bien des recherches et des péripéties j’ai enfin trouvé un atelier au rez de chaussée avec logement au 31 de la rue Campagne Première. Comme ce local était et est encore occupé, j’ai du emmagasiner mes meubles dans une partie de l’atelier que la locataire actuelle a bien voulu me céder à cet effet. Inutile de vous dire que les meubles n’y sont point à côté les uns des autres ; mais les uns par-dessus les autres. Je vous remercie beaucoup de m’avoir accordé l’hospitalité demandée pour le beau portrait que vous avez fait de moi. Point ne sera besoin actuellement, il est à l’abri et dès que j’irai à Paris je le placerai de mon mieux chez moi.
Je compte retourner à Paris vers la fin novembre. D’ici là je suis pour quelques jours à Lyon et pense aller à Mornant là j’ai une petite maison à décorer. Si vous aviez un peu de temps, je serai très heureux de vous y recevoir, nous partagerions notre temps entre la promenade et le dessin.
Faites moi donc savoir si vous pouvez venir, et je prendrai de suite les dispositions pour vous recevoir.
Veuillez agréer cher Monsieur l’assurance de ma plus sincère amitié. [29].
"Nous aimons tous les deux le beau"
Après la mort de son mari, l’artiste lyonnaise chercha à renouer avec Rodin. En novembre, la mère et la fille s’installèrent au 31, rue Campagne première. Jeanne Bardey parla à Rodin d’un second appartement-atelier disponible dans le même immeuble et lui demanda s’il voulait le voir. L’un des attraits de ce nouvel appartement était le chauffage, que Rodin n’avait ni à l’hôtel Biron ni à la villa des Briants, ce qui rendait la vie très dure. Tout ce qui est à nous est à vous, lui dit Jeanne Bardey, en citant ses propriétés à Lyon, Mornant et Paris. Rodin ne prit pas l’appartement, mais il vint souvent rue Campagne Première cet hiver-là et les trois artistes passèrent leur temps à poser et à travailler ... [30].
- 31 rue Campagne Première (Photo Archives Varille)
- Jeanne Bardey, Rodin et Henriette Bardey (son dernier modèle)
Fin décembre Jeanne adresse une très belle lettre à Rodin, dans laquelle elle exprime toute son affection.
Il me semble que Dieu a daigné me pétrir d’un petit morceau de pâte dont il vous a façonné. Nous aimons tous les deux le beau et les lettres et serez-vous assez bon de venir dans ma cellule encore jeudi, alors je dirai "Benedictus qui venit in nomine apollinis". Depuis que vous vous êtes révélé à votre fidèle élève, j’ignore Dieu merci, tout ce qui se passe dans le monde et me trouve fort bien de mon ignorance. Le meilleur parti qu’on puisse prendre avec les hommes c’est d’être loin d’eux pourvu qu’on soit avec un homme comme vous. Mon indifférence pour le genre humain augmentera quand je jouirai du bonheur que l’art me fait espérer.
Mon cœur vous dit combien il vous est attaché, mon esprit combien il vous estime, mais ma plume ne peut l’écrire. [31]
Henriette y joint en post-sciptum un petit mot très révélateur : Je pars pour mes montagnes neigeuses vendredi. Seul mon petit Moudon me fera revenir.
Rodin vient souvent chez Jeanne
Pendant l’hiver 1915-1916 Rodin vient souvent chez Jeanne qui fait son portrait tandis que son maître fait celui d’Henriette. En février elle reçoit sont oncle Jacques Baron, qui est alors capitaine d’artillerie, avec sa femme et leur fille Suzanne. Jeanne évoque cela dans une lettre à François Guiguet : Nous avons eu tellement d’occupations ces jours-ci avec Maman que je n’ai pas encore pu vous demander de venir passer un bon moment avec nous. Hier Monsieur Rodin était chez nous, je n’ai pu travailler que cinq minutes à son portrait. Lui a fait une bonne séance avec ma fille ; mais le voilà sans voiture et vous savez que la course de Meudon chez lui est quelque peu importante vu son âge. Hier il a dû faire tout seul la route ; j’ai toujours peur qu’il ne prenne froid. Si je vous avais eu hier, je vous aurais demandé de bien vouloir l’accompagner. J’ai eu du monde toute la soirée. Si ce mauvais temps continue je me demande quand nous pourrons aller à Meudon avec Maman : nous avons décidé dimanche après-midi. Si vous êtes libre et si cela vous va voulez-vous venir ? Si non, nous irons un autre jour. Il est bien certain que si il pleut, nous n’irons pas. Si il y avait une auto, ce serait différent. Enfin mon oncle est ici pour six jours ; naturellement nous l’aurons un peu ; ils sont trois et cela c’est de l’occupation.
Hier j’ai eu la visite de Mr Bernard ; il m’a bien demandé de vos nouvelles. Maman compte partir dans la semaine prochaine.
Agréez cher Monsieur et surtout cher grand artiste l’assurance de ma vive reconnaissance pour m’avoir ouvert les yeux.
Votre dévouée [32].
Le 10 mars 1916, Rodin fit une chute, victime, semble-t-il d’une petite attaque. Ce qui ne fit qu’accroître les égards de Jeanne Bardey pour son mentor ; elle lui écrivit tous les jours pendant sa convalescence à Meudon ... Henriette lui écrivit aussi, commençant ses lettres par "Mon cher petit Papa Rodin". [33].
Jeanne accueille Rodin à Lyon
Madame Bonjour, prévenue par sa fille, prend rapidement des nouvelles auprès de Rose : J’ai appris par ma fille Madame Bardey que Monsieur Rodin était souffrant. Je vous ai vue vous-même assez fatiguée, il vous est peut-être difficile de le soigner, mais à son âge les malaises peuvent se compliquer. Je me permets de vous dire de ne pas le laisser seul. J’aimerais lui voir près de lui une bonne religieuse garde malade , c’est là où vous trouverez le vrai dévouement je puis vous en parler par expérience. D’ailleurs j’ai pu apprécier vos bons sentiments et j’espère que vous me comprendrez.
Depuis que j’ai eu l’avantage de vous connaître je pense bien souvent à vous et je vous reverrais avec plaisir. En attendant je vous présente mes meilleurs compliments. [34].
- Dans la cour de l’atelier, 14 rue Robert (Photo Archives Varille)
- Debout de gauche à droite : Docteur Sigaud, Jeanne et Henriette Bardey
Assis : Rose et Rodin
(Photo dédicacée par Rose)
Jeanne est aux petits soins pour Rodin ; le 25 avril elle part en auto avec lui et Rose Beuret pour Lyon, afin que le sculpteur puisse consulter le Docteur Sigaud, son médecin de confiance. Le séjour de Rodin, à Lyon 14 rue Robert puis à Mornant, dure 10 jours ; de nombreuses photographies en témoignent et un croquis sur une page de carnet du Musée des Arts décoratifs garde une trace touchante de l’affection qu’il portait à Jeanne et Henriette. C’est l’ultime marque du passage de Rodin chez des lyonnais. [35] Plusieurs lettres à François Guiguet parlent de ce séjour à Lyon : ... Le Docteur Sigaud soigne Mr Rodin. Il a ordonné des promenades matin et soir. Nous serons donc beaucoup dehors ... [36]. J’ai le regret de vous dire que ce soir il me sera difficile de vous recevoir comme je le voudrais parce que nous aurons le Docteur notre causerie art s’en ressentirait ; mais demain samedi, je serai heureux de vous avoir Mr Rodin étant de mieux en mieux, ce sera plus agréable pour vous ... [37].
- Devant le 14 rue Robert (Photo Archives Varille)
- De gauche à droite : Docteur Sigaud, Jeanne Bardey, Rodin, Rose, Henriette
- 14 rue Robert : Henriette et Jeanne Bardey, Rodin, Rose Beuret (Musée des Arts décoratifs de Lyon, photo D.R.)
La fin misérable de Rodin et les intrigues autour de l’hôtel Biron ont suscité de nombreux écrits. Ruth Butler, qui a dépouillé minutieusement les archives du Musée Rodin pendant de longues années, relate avec beaucoup de justesse cette période de la vie de l’artiste et les rapports entretenus avec sa dernière élève. Je vous laisse découvrir un extrait de son livre.
Coup d’état au Musée Rodin
À leur retour, Rodin se sentait mieux et mit bon nombre de ses affaires entre les mains de Jeanne Bardey. C’est elle qui fit réparer son automobile, qui prenait livraison de ses ordonnances, qui travaillait avec les photographes, qui surveillait l’avancement des travaux à l’Hôtel Biron. "Avec une femme à Paris et une femme à Meudon, dit Hubert Thiolier, le vieil artiste trouvait un équilibre qui lui avait longtemps fait défaut.
Le 10 juillet, Rodin tomba dans l’escalier, à Meudon. Il avait été victime d’une nouvelle attaque, dont Jeanne Bardey comprit la gravité. Elle comprit également que, bien que la donation fût signée, il restait à régler la question du testament et des héritiers que Rodin avait refusé de nommer quelques mois plus tôt. Le 12 juillet, elle prit contact avec son avocat, Maître Paul Thérêt, et lui demanda de venir à Meudon pour rédiger le testament. Le document que Rodin signa disait simplement : j’institue pour mes légataires universelles, avec accroissement au profit de la survivante conjointement entre elles, Marie-Rose Beuret et Julie B... (Jeanne Bardey) veuve G... Je révoque toutes dispositions antérieures... Elle demanda à son autre mentor, le peintre François Guiguet - à qui elle avait fait des confidences sur son amitié avec Rodin - de venir à Meudon : "il aime tant à serrer la main d’un ami ! (Lettre à François Guiguet du 13 juillet 1916)
- François Guiguet, Henriette et Jeanne Bardey (Photo Archives privées)
Les manigances de deux intrigantes, Judith Gladel et Marcelle Martin, précipitèrent les événements et provoquèrent un véritable coup d’état au Musée Rodin. ... On prit aussitôt des mesures pour placer des gardiens des musées nationaux à l’Hôtel Biron, si bien que Jeanne Bardey n’eut plus le droit de franchir la porte de ce domaine sur lequel elle veillait depuis un an ...
Jeanne partit le jour-même [38], d’abord pour sa propriété de Mornant, près de Lyon puis pour Florence... Un départ... "sage et discret" car elle n’avait ni l’habileté perfide de Judith Gladel, ni la ténacité intéressée de Marcelle Martin. Les honneurs la laissaient froide, l’argent aussi. Elle ne pensait qu’à son travail et à Rodin.
"Je ne trouve pas d’artiste plus grand que vous"
À Florence où elle est en voyage avec Henriette depuis le 9 septembre, elle pense toujours à son maître auquel elle exprime toute sa reconnaissance. Dans ses deux lettres, elle évoque la discussion à la chambre de la donation de Rodin à l’État. [39]
Je ne puis que penser à vous devant tant de chefs d’œuvre et je pense à votre Musée. Je viens de recevoir un article du journal relatif à la discussion des chambres pour l’acceptation du don que vous faites à l’État. Ces discussions m’ont été pénibles au dernier point car j’ai beau chercher dans cette merveilleuse Florence je ne trouve pas un artiste plus grand que vous. Notre France devrait avoir le plus grand sentiment d’orgueil rien qu’à la pensée de vous posséder. Enfin, vous avez eu la majorité. Mais comment va s’organiser ce splendide Musée ?
Je serai très désireuse d’avoir de vos nouvelles, un mot me ferait tant plaisir. Envoyez-moi un petit billet pour me dire comment vont vos santés à tous deux.
Permettez que je vous envoie mes sentiments de plus vive reconnaissance pour l’enseignement que j’ai reçu et qui fait tout le bonheur de ma vie.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Votre très reconnaissante. [40].
"Tous les jours j’admire Michel-Ange et Donatello"
Quoique loin, j’ai appris les polémiques soulevées par votre projet de fondation de Musée. Oh ! Maître vénéré, c’est un titre de gloire que vous avez en plus ! Et croyez que la postérité vous donnera la place immortelle que vous méritez. Elle sera l’égale de votre génie par sa reconnaissance.
Tous les jours j’admire Michel-Ange et Donatello ces géants que vous égalez et fier comme eux attendez que le temps juge implacable vous mette à votre place d’honneur comme il a fait pour vos devanciers. Quelle plus belle place que pouvait avoir Michel-Ange que le Palais des Beaux Arts avec le recul nécessaire à chaque œuvre, avec d’admirables tapisseries dans les immenses salles pour lui seul.
Maître vénéré dont le génie révèle la lente patience. Attendez et devrais-je de mes seules forces placer vos chefs d’œuvre à leur place ils y seront soyez en sûr.
De grâce envoyez-moi de vos nouvelles et que ces tracasseries ne vous atteignent pas. Restez fort comme vos blocs et vivant comme eux. Votre élève reconnaissante.
P.S : Madame Rodin recevra un petit colis de fruits de Toscane. Un petit mot s’il vous plaît pour me donner de vos nouvelles à tous deux. [41].
Comme elle l’écrit à François Guiguet, ce voyage à Florence ... a pour but la décoration de la maison de Mornant que vous avez bien voulu accepter de faire en collaboration. [42] Elle souhaite vivement qu’il vienne les rejoindre... notre temps se passe au milieu des chefs d’œuvre. Je crois indispensable que vous veniez...
Plein du souvenir de Beato Angelies, je viens souhaiter à celui à qui je dois mon grand amour du dessin et mon admiration inlassable d’avoir une année clémente et bonne. 1917 sera-t-elle aussi terrible ? Si nous nous fions aux augures politiques, nous pouvons douter le désarroi continuera. Heureusement que le dessin nous console de toutes peines ! Ma Thébaïde n’est pas encore habitable ; on déménage toujours, aujourd’hui encore trois hommes ont emporté leur charge, je commence à distinguer des murs sous la poussière. J’espère pour la fin janvier avoir mes ateliers, et enfin commencer du bon travail. J’ai revu cet après-midi des photos de Florence ! Et le mirage a toujours son charme. Henriette a copié une tête d’ange de Boticelli jamais elle n’avait aussi bien réussi. J’ai donc de l’espoir ! Oh ! Que nous serions heureuses si un jour nous arrivons à comprendre ce que nous aimons tant ! [43].
Jeanne ne revint pas à Meudon
Jeanne ne revint pas à Meudon où régnait un climat peu propice à sa présence ... La chambre des députés accepta la donation après un débat houleux. L’adoption définitive eut lieu en décembre. [44].
La fin de Rodin fut triste. Parfois il demandait à Rose :
- Où est ma femme ?
- Mais c’est moi ta femme !
- Non pas toi, celle qui est à Paris.
Sa femme de Paris ! Dans l’entourage du vieillard, ne disait-on pas qu’il avait peut-être épousé Jeanne en secret ? Alors pour dissiper le trouble on maria Rodin et Rose dans l’intimité, en janvier 1917. Mais Madame Rodin mourut peu de temps après. Les gardiens de Meudon veillèrent désormais à ce que le sculpteur ne reçoive pas la visite de son ancienne élève et n’ait pas de quoi écrire à portée de la main ... En novembre, le gouvernement oublia de faire livrer du charbon à Meudon. C’est pourquoi les biographes Descharnes et Chabrun ont pu écrire : "dépossédé de tout, Auguste Rodin est mort comme un pauvre. Et comme un pauvre, il est mort de froid." [45]
Liens
- Gallica, L’art et les artistes, avril-septembre 1913 - Madame Bardey
Sources
- Archives familiales
- Archives du Musée Rodin à Paris
- Maison Ravier à Morestel
- Bibliothèque du Musée des Beaux-Arts de Lyon
- Rodin, les métamorphoses de Madame F, catalogue de l’Exposition au Musée des Beaux-Arts de Lyon en 1998
- Bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs de Lyon
- Hubert Thiollier, Jeanne Bardey, une élève passionnée, la bataille du musée Rodin
- Catalogue Exposition Internationale des Beaux-Arts de Lyon 1914