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Faire de l’histoire locale grâce à une carte-photo de 1905

2e épisode : les conscrits de 1904 aux Roches de Condrieu

Le jeudi 10 novembre 2016, par Michel Guironnet

Depuis quelques temps, on parle de réformes du service militaire. La durée en serait réduite... mais les possibilités d’y échapper au conseil de révision seraient durcies ! On dit aussi que le tirage au sort va être supprimé. De quoi inquiéter les conscrits de la classe 1904 des Roches de Condrieu.
Qui sont-ils ces jeunes de 20 ans ? Est-il possible de les identifier, plus d’un siècle après, sur cette carte-photo où ils posent avec leurs chapeaux et leurs cocardes ? Dans à peine dix ans, ils combattront et beaucoup y ont laisseront leur vie !

Lectures conseillées aux conscrits

Avant et après le tirage au sort et le conseil de révision

On avait d’abord pensé que la loi sur le service de deux ans pourrait être appliquée dès cette année, mais elle est encore suspendue au crochet parlementaire et il ne sera rien changé aux dispositions antérieures pour la classe 1904, comprenant tous les jeunes gens nés du 1er janvier au 31 décembre 1884.

Il y aura donc encore un tirage au sort, le dernier probablement, puisque dans le projet de la nouvelle loi cette opération est définitivement supprimée.

Ce tirage aura lieu plus tôt que d’habitude, du 10 janvier au 10 février, et, par contrecoup, les opérations de la révision seront aussi avancées et commenceront dès le 15 février.

Ces mesures sont prises pour répondre à une préoccupation qui est dans tous les esprits : le passage de notre jeunesse à la caserne aussi approprié que possible à sa bonne santé et de lui ménager, en l’appelant en octobre au lieu de novembre, une transition moins brusque, moins aggravée par la rigueur de la saison entre la vie de famille et la vie de régiment…/… S’il n’y a plus de tirage au sort, il y aura toujours le conscrit troubadour. Et puis ne reste-t-il pas tout de même l’« acte de chance » de la révision, si tant est cependant que ce soit une « chance » aujourd’hui d’échapper au régime militaire et d’y être déclaré impropre ? [1]

Voilà de quoi rassurer nos conscrits. Autre article à lire avec attention quand on vient d’avoir 20 ans ; celui dans le "Moniteur Viennois" du 20 décembre 1904 :

"Tirage au sort. Le tirage au sort des conscrits du canton sud de Vienne a eu lieu, samedi, (21 janvier 1905) sous la présidence de M. Buellet, sous-préfet. Le numéro 1 a été tiré par M.Rigard d’Estrablin, et le laurier, le numéro 150, par M.Durand, maire de Reventin-Vaugris, pour le conscrit Marturel"  [2]. Le "Journal de Vienne" du 21 janvier précise que 150 conscrits y ont pris part. "A signaler un fait qui ne s’était jamais produit : la commune de St Sorlin de Vienne n’avait aucun conscrit".
Le N°1, Vincent Eugène Rigard, sera exempté au conseil de révision. Le N° 150, Paul Joseph Marturel, est engagé volontaire dans les équipages de la Flotte à Toulon. Ce qui explique son absence et pourquoi le maire tire le numéro à sa place.
De bons conseils... avant le conseil de révision : ce que les futurs conscrits, et leurs parents, doivent savoir. A lire ci-dessous dans le "Moniteur Viennois" du 21 février 1905.




« Conseil de révision. Mercredi (29 mars 1905) à 8 heures ont eu lieu les opérations du conseil de révision pour le canton sud de Vienne et jeudi à la même heure pour les conscrits du canton nord. Tout s’est effectué dans l’ordre et le calme le plus complet » [3]

La classe 1904 aux Roches de Condrieu

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Conscrits des Roches de la classe 1904
Marcel est, vraisemblablement, l’un de ces dix joyeux conscrits de la photo….Mais lequel ?

Les sources pour identifier les conscrits de la carte-photo :

1/ le registre des naissances des Roches : 6 garçons nés en 1884 :

  • Raoul Ambroise Blanc, né le 4 janvier. Décédé le 27 octobre 1885.
  • Vincent Goutarel, né le 24 janvier, enfant légitimé en juin 1886 à Condrieu par Jean Constantin dont il prend le nom. Recensé sur Condrieu où habitent ses parents, N° 488 bureau de Lyon Sud.
  • Marius Henri Pichot, né le 11 février, enfant naturel. Je perds sa trace après 1884. Sa mère a pu déménager et peut être l’enfant a-t-il changé de nom ?
  • Pierre Louis Brondel, né le 29 mai ; je perds sa trace après 1884. Il décède en 1967 dans l’Ain.
  • Louis Marius Mouton, né le 6 juillet. Décédé le 7 mai 1886.
  • Alfred Marius Prost, né le 23 juillet, enfant naturel reconnu le 29 juillet par sa mère, légitimé par l’acte de mariage du 15 janvier 1885, prend le nom de Brouchoud (voir plus bas).

2/ les registres matricules en ligne sur le site des archives de l’Isère (bureau de recrutement de Vienne) classe 1904 [4].

3/ pour cette recherche, je me suis également aidé des "procès-verbaux des opérations du conseil de révision" et des "listes de recrutement cantonal" disponibles dans la série 2R aux archives de l’Isère.

Au final, j’ai relevé 7 conscrits : un seul natif de la commune et 6 autres dont les parents et/ou eux sont domiciliés aux Roches :

Volume N° 2 :

  • N° 688 Reymond Henri Marius (vue 144) Né le 28 juillet 1884 à Collonges au Mont d’Or, il est employé au P.L.M. Il tire le N° 16.. Déclaré « Bon pour le service » on apprend qu’il est "apte à la vélocipédie". En 1914, il est affecté au 299e Régiment d’Infanterie. Il meurt le 30 août 1914 aux Hauts de la Paxe Voir l’article que je lui ai consacré.

Volume N°3 :

  • N°716 Pignol Antonin (vue 27). Né le 11 décembre 1884 à Bougé-Chambalud (Isère), il est « hôtelier » aux Roches. Il tire le N° 48. Déclaré « Bon pour le service » mais "vue faible". Il ne fait qu’un an d’armée, dispensé au titre de l’article 21 : un frère au service. Il décède à Neuilly sur Marne le 25 janvier 1974.
  • N° 717 Petrequin Jules (vue 29). Né le 12 avril 1884 à Saint Prim (Isère), il est tapissier. En 1904, ses deux parents sont décédés. Il habite chez son tuteur Pierre Cellard aux Roches [5] Il tire le N° 49. Déclaré "Bon pour le service", il ne fait qu’un an d’armée, dispensé au titre de l’article 21 : "aîné d’orphelins". Affecté en août 1914 au 299e Régiment d’Infanterie, il meurt "des suites de ses blessures" le 7 septembre 1914 à l’Ambulance 3/8 à Vennezey (Meurthe et Moselle).
  • N° 746 Combe Jean-François (vue 73). Né le 7 octobre 1884 à Villeneuve de Marc (Isère), il est « menuisier ébéniste » aux Roches. Il tire le N° 80 et est déclaré « Bon pour le service » Affecté au 4e Régiment du Génie. En août 1914, il est « affecté spécial au P.L.M. » à cause de ses compétences acquises les années précédentes, en Algérie puis à Balan notamment, au service de cette compagnie de Chemin de Fer. Il meurt à l’hôpital Grange-Blanche de Lyon 3e le 21 décembre 1960.
  • N° 747 Duchez Philibert Marcel (vue 74). Né à Lyon le 5 février 1884. Pour sa biographie, voir mon article précédent.
    Il tire le numéro 81. Sur la photo, à droite, le conscrit à côté du tambour, arbore son numéro au tirage au sort, le 81, bien en évidence sur sa veste. Nul doute que ce soit Duchez !
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Philibert Marcel Duchez
Voici le « signalement » de Philibert Marcel d’après sa fiche matricule [6] : « Cheveux et sourcils blonds, yeux châtains, front ordinaire, nez gros, bouche grande, menton rond, visage ovale, taille : 1 m 66 ».
  • N° 761 Brouchoud Alfred Marcel (vue 93). Né le 23 juillet 1884 aux Roches de Condrieu, il est cultivateur. Il tire le N°97. On apprend qu’il "joue du trombone". Déclaré « Bon pour le service » En 1914, il est lui aussi affecté au 299e Régiment d’Infanterie. Comme Henri Reymond il meurt le 30 août 1914 aux Hauts de la Paxe.
  • N° 777 Dutrievoz Jean Baptiste (vue 118). Né le 8 janvier 1884 à Saint Prim, il est maçon. Il tire le N°113. Bon pour le service, il est dispensé car il a un frère au service. Lui aussi ne fera qu’un an d’armée au 99e régiment d’infanterie. En 1912, il réside à Tanger puis Casablanca. Il meurt le 19 décembre 1913 à Rabat (Maroc).

Sept conscrits... mais dix personnes sur la photo !

Vous l’avez certainement remarqué : seul le numéro 81 de Philibert Duchez est bien visible sur la photo. C’est normal puisque c’est sa photo qu’il envoie à sa famille. D’autres conscrits ont dû écrire aussi avec cette même carte-photo... et je suis prêt à parier qu’alors c’est leur numéro qui est bien en évidence. A chaque conscrit, le photographe devait prendre la peine de bien repasser en noir son numéro. Si cela se vérifie, l’identification de ces conscrits devient facile... Mais en attendant, faisons quelques hypothèses !

J’ai l’impression que trois des hommes sont un peu plus âgés. Je fais donc l’hypothèse que ce ne sont pas des conscrits de 1904 mais des "accompagnateurs" :

  • celui qui tient la canne enrubannée en bois. Pourtant, il a comme les autres son "insigne" sur sa veste et le carton avec son numéro de tirage. C’est peut être un conscrit de l’année précédente chargé de transmettre cette canne aux conscrits de 1904. Cette coutume existait aussi pour leur drapeau, gardé en mairie entre deux conseils de révision.
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A noter les glands près de la pointe et le pommeau en cuivre.
Neuf ans plus tard, à quelques kilomètres des Roches, la canne aura un usage peu orthodoxe : "Rixe sanglante. Mardi, ont eu lieu à Roussillon, les opérations du conseil de révision, fournissant l’occasion à nombre de joyeux conscrits d’égayer nos rues.
A la nuit, deux de ceux-ci, les nommés Roux, de Saint-Maurice-l’Exil, hameau du Colombier, et Crescent, du Péage-de-Roussillon, ont eu une altercation des plus futiles, ce qui n’a pas empêché ce dernier de saisir des deux mains une canne de conscrit et, avec une sauvagerie inqualifiable, en asséner un coup formidable sur la tête de son camarade, qui tomba comme une masse, la tête fendue et sans connaissance.
Pendant que les témoins de cet acte de sauvagerie s’empressaient de désarmer la brute, auteur de cet attentat, qui prit rapidement la fuite, d’autres s’empressèrent de transporter la victime à la pharmacie, où on lui fit un premier pansement.
Aussitôt prévenu, M. Many, maréchal des logis de gendarmerie de Roussillon et un de ses gendarmes, s’empressèrent de se rendre sur les lieux et procédèrent à une enquête immédiate, interrogeant la victime et les témoins de cette sanglante tragédie. M. le docteur Chevalier, qui a examiné et donné des soins au blessé, n’a pu se prononcer sur la gravité de son état."
« Journal de Vienne » 28 mars 1914
  • celui qui est assis avec son tambour à côté de Philibert Duchez. Il tient à la main ses baguettes : cet homme doit faire partie de la fanfare. Lui n’a pas d’insigne ni de carton accroché à sa veste : c’est peut être le garde-champêtre ?
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Remarquez l’inscription sur la peau de l’instrument : Classe 1904 (probable)
  • celui qui se tient debout à gauche au dernier rang. C’est peut être Pierre Celard, le tuteur de Jules Petrequin ? Dans ce cas, Petrequin serait à sa gauche ? [7]
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Qui est-ce ?
Restera t-il anonyme ? Peut être l’un de ses descendants à une photo avec son nom.

Les 7 conscrits seraient ainsi "encadrés" par leurs anciens. Pour en rajouter à cet "art de la mise en scène" ; et "prouver" ainsi leur virilité ; ils ont tous la cigarette à la main et se servent de grands verres de vin (il est vrai que nous sommes en face de Condrieu, réputé depuis des siècles, pour ses vignobles !)

Philibert Marcel Duchez est à coup sûr identifié... Qui sont les autres ? Dans le document ci-dessous, voici les hommes du 1er rang, en bas, entre le Tambour Major et Philibert Duchez ; puis les hommes du 2e rang, en haut, du deuxième à gauche au cinquième à droite.



Leur description physique dans leur fiche matricule peut nous aider à mettre un nom sur un visage... Je compte surtout sur nos lecteurs dont l’un des ancêtres a reçu cette même carte en 1905 !


[1"Journal de Vienne" du 11 janvier 1905.

[2"Moniteur Viennois" du 24 janvier 1905.

[3"Moniteur Viennois" du 4 avril 1905.

[41 R 1413 Le canton de Vienne Sud, dont fait partie Les Roches, commence à la fin du volume N°2 (vue N°122), se poursuit sur le volume N°3 en totalité, et se termine dans le volume N° 4 (page 17). Après, c’est le canton de Vienne Nord.

[5Pierre Celard, 34 ans en 1904, est plâtrier aux Roches. Il est marié avec Marie Madelein Petrequin, 32 ans, la soeur de Jules. Ils ont deux petits enfants. Dans le recensement des Roches en 1901, Jules est hébergé chez eux. A 16 ans, il est "ouvrier en sparterie" chez Chamouton. Là où Henri Reymond travaille au même âge !

[61R 1413_03 vue 74/154

[7En tous cas, ce n’est pas Mr le Maire : Auguste Devirieux a alors 65 ans.

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