Lyon
Après cet été 1879, François Genet et sa famille s’installent à Lyon. Pourquoi Lyon ? Comme on l’a vu Belley et sa région, dont fait partie Virieu, sont dans la zone d’influence économique de Lyon. François Genet lui-même a depuis longtemps des relations d’affaires à Lyon. C’est une ville qu’il connaît bien. On sait que dans la propre famille de François et Clotilde Genet, Lyon est une destination privilégiée. Du côté de François, on y trouve son oncle Jean Genet, menuisier à Lyon, sa sœur Julie, cuisinière, qui s’y marie, une autre sœur, Louise, domestique, qui y est morte ; du côté de Clotilde, sa sœur Julie, épouse de Grégoire Pugieux. De plus, sans argent, ni plus aucun bien, Lyon offre à la famille la possibilité de trouver un travail et un logement. Qu’ont-ils fait à Lyon entre 1880 et 1889, les dates extrêmes, de leur présence attestée dans la ville ? On leur connaît deux adresses [1]. La première est le 255, rue Sainte-Élisabeth (actuellement Garibaldi), à l’angle du 111, cours des Brosses (actuellement cours Gambetta) (dates extrêmes connues : 1er juin 1880 - 12 février 1883). A une exception près, il est qualifié soit de restaurateur, soit de débitant de boissons. On peut penser qu’en venant à Lyon, il a voulu renouer pour partie avec son activité de commerçant. Dans le Guide indicateur de la ville de Lyon, année 1881, il apparaît sous l’intitulé : « Genet, Buvette » [2]. La deuxième adresse est le 42, rue Ney, dans le 6e arrondissement (dates extrêmes connues : 1886 - 18 juillet 1888) [3]. Il est en général qualifié d’employé de commerce, mais aussi de manœuvre et même une fois plus précisément d’employé à la compagnie des eaux de Lyon [4]. Quant à Clotilde, elle est généralement qualifiée de couturière, sauf en 1880 où elle est « restaurateur » comme son mari.
- Façade de l’immeuble 42, rue Ney, Lyon 6e, dernier domicile connu de la famille Genet à Lyon. C’est là qu’est née Camille, la mère de Jean Genet.
Lors de ce séjour de 10 ans à Lyon, naissent deux enfants supplémentaires : Léon Henri, le 1er juin 1880, qui ne vit que 2 mois et Camille Gabrielle, le 18 juillet 1888, la mère de Jean Genet.
Avant de voir le destin parallèle des enfants de François Genet, notons que malgré leur difficile situation financière, le couple n’est pas complètement démuni. En quelques mois de l’année 1887, ils héritent chacun de quelques terres et d’une portion de maison à Virieu-le-Grand et Cuzieu. C’est d’abord Jean Genet Peland qui partage ses biens entre ses 3 enfants, en mars 1887 [5], avant de mourir quelques semaines plus tard. Clotilde récupère quelques parcelles et un hangar. Elle revend immédiatement ce dernier pour 500 francs [6]. Quelques mois après, suite au décès de Pierrette Laperrière, les frères et sœurs Genet se partagent les biens de leurs parents [7]. François récupère une portion de la maison familiale, qu’il partage avec son frère Claude, et quelques parcelles. Là aussi, dès janvier 1888, il revend la totalité de ce qui lui est échu à son beau-frère Claude Gros pour 600 francs [8]. Il coupe ainsi les derniers liens avec son pays natal.
Philibert et Marie Genet
Philibert a-t-il suivi son père et sa belle-mère à Lyon ? On ne sait pas. Lors de la conscription de la classe 1879, il est employé de commerce à l’« Épicerie parisienne », à Roanne. Incorporé le 15 novembre 1880 au 6e régiment d’artillerie à Valence, il n’y passe qu’un an, avant d’être versé dans la disponibilité en octobre 1881. Grâce à cela, on dispose de son signalement : Cheveux et sourcils : châtains, yeux : châtains, front : large, nez : fort, bouche : moyenne, menton : rond, visage : ovale, taille : 1 m. 72, marques particulières : néant [9].
Pendant ce temps, sa sœur Marie [10], avec qui il sera toujours très lié jusqu’à la fin de leurs vies, habite chez son père et sa belle-mère à Lyon au 255, rue Saint-Élisabeth. Elle est demoiselle de magasin. Le 31 décembre 1880, ils reçoivent le solde de la vente des biens de la communauté entre leur père et leur mère décédée [11]. Les 3 242 francs qu’ils se partagent ont dû représenter une belle somme pour débuter dans la vie [12]. Est-ce pour cela qu’ils souhaitent tenter leur chance à Paris ? On ne le sait, mais ils habitent tous les deux à Paris en février 1883. Il est employé à l’économat du chemin de fer de l’Ouest, à Paris, aux Batignolles et vit près de là au 163, avenue de Clichy (17e). Sa sœur Marie est employée de commerce et vit au 19, rue Notre-Dame de Lorette (9e). A cette date, ils liquident quelques biens qu’ils ont hérités de leurs grands-parents Philibert Pilloux et Françoise Ducros [13]. Ainsi, le lien avec Virieu-le-Grand se distend de plus en plus.
Cette même année 1883, Philibert Genet reconnaît une fille née de sa relation hors mariage avec Anne Marie Pourrat [14] : Marie Alice, née à Paris 17e le 22 juillet 1883 et morte quelques semaines plus tard le 6 septembre, au 63, rue Pouchet. Quelle vie ont-ils ensuite eu pendant ces années sans être mariés ? Nous ne savons pas. Ils régularisent la situation le 11 janvier 1887 par leur mariage à la mairie du 17e. Ils vivent alors au 121, rue des Dames, après avoir vécu au 6, rue Brochant [15], toujours dans le 17e arrondissement. Les parents des mariés ne sont pas présents. François Genet a donné son accord devant un notaire de Lyon. Il est intéressant de se pencher sur la liste des témoins du mariage :
- Pierre François Debrabant, 46 ans, négociant en couleurs, Paris, 40, rue de Belleville, ami de l’époux ;
- Maurice Martin, 23 ans, artiste dessinateur, Paris, 18, rue de Passy, ami de l’époux ;
- Charles de Frondat, 40 ans, employé d’administration, Paris, 17, rue Dautancourt, ami de l’épouse ;
- Émile Gosse de Serlay, 28 ans, employé d’administration, Paris, 43, rue Truffaut, ami de l’épouse.
A première vue rien de particulier. Mais détaillons, car c’est riche d’enseignements sur le milieu que fréquentent les enfants Genet.
Émile Gosse de Serlay est le rejeton d’une bonne famille française [16]. Un de ses cousins est le général de brigade Raymond Gosse, baron de Serlay (1834-1905). Pierre François Debrabant est un marchand de couleurs, d’abord installé avenue de Clichy, puis à Belleville [17]. En 1883, il est déjà le témoin de la naissance de Marie Alice. Est-ce lui qui a introduit les enfants Genet dans le milieu artiste ? En effet, les 2 autres témoins en font partie. Le premier, moins connu, est Charles de Frondat qui s’est fait une petite réputation de caricaturiste. A la fin de l’Empire et au début de la IIIe République, il a inondé les journaux de portraits-charges des notabilités politiques, qu’il a ensuite rassemblés en recueils [18]. Enfin Maurice Martin est tout simplement Martin Van Maele, qui est surtout connu pour ses illustrations érotiques, produites entre 1905 et 1926. Il est considéré comme un des plus grands représentants de cette spécialité au début du XXe siècle. Nous allons vite avoir l’occasion d’en reparler car son destin est intimement lié à celui de la famille Genet.
Le couple, parti du quartier populaire du nord du 17e arrondissement, a peu à peu migré vers les beaux quartiers, signe probable d’une amélioration de leur situation économique. Dans les divers actes où il apparaît, Philibert est qualifié d’économe ou de comptable. Ils habitent au 112, rue Lafontaine (16e) lorsque naît Alice Marguerite Genet, le 7 mars 1888. C’est encore Maurice Martin qui est témoin à cette naissance. Remarquons qu’Alice Genet est née quatre mois avant sa tante Camille Genet.
Quelques mois plus tard, le lien se renforce encore plus lorsque Maurice François Alfred Martin, artiste-peintre, domicilié à Paris, 3, rue Galilée, né à Boulogne-sur-Seine le 12 octobre 1863, fils de Louis Alfred Martin, professeur de gravure à l’École de Genève et Virginie Mathilde Jeanne Van Maele, épouse Marie Françoise Genet, le 19 février 1889, à la mairie du 16e arrondissement. Les parents ne sont pas présents. François Genet a donné son consentement presque un an auparavant, le 9 mars 1888, alors que les parents de Maurice Martin ne l’ont fait qu’un mois avant. Étaient-ils réticents pour qu’ils tardent tant alors que le mariage était visiblement prévu depuis presque un an [19] ? Parmi les témoins, on trouve évidemment Philibert Genet, qui accompagne sa sœur, Arthur Chandler, un marin de Dunkerque, fils illégitime d’un avocat anglais, ainsi que deux artistes, Émile Brin [20], artiste peintre, et Jules Jouant [21], sculpteur. Il ne naîtra pas d’enfant de ce mariage.
En même temps qu’Émile Brin, Maurice Martin expose pour la première fois lors du salon des Artistes français en mai 1888, dans la section Dessins, cartons, etc. Ce sont deux œuvres : Une forge au Caucase et Convoi de Circassiens [22]. On apprend ainsi qu’il est l’élève de Daniel Vierge [23] et qu’il est domicilié au 15, rue de Passy.
Dans ce même salon et cette même section, Mme Alice Martin de Voos, née à Virieux-le-Grand, domiciliée au 15, rue de Passy, expose un dessin : Les mouettes, lac de Genève. Un faisceau de présomptions nous laisse penser qu’il s’agit de Marie Françoise Genet [24]. Elle est aussi l’élève de Daniel Vierge, mais aussi de Belcroix. A-t-elle persévéré dans cette carrière d’artiste ? On ne le sait. On ne la retrouve pas dans les salons suivants, ni dans les autres salons où son mari a exposé. Faut-il l’identifier avec Mme de Voos dont quelques dessins gravés ont illustré des articles du Monde illustré, revue où ont longtemps officié son beau-père Albert Martin, probablement son mari Maurice Martin et son professeur Daniel Vierge [25] ?
Peut-être suite à ce mariage, en mars 1889, le frère et la sœur vendent le dernier bien qui les attache à Virieu-le-Grand : la maison de leurs grands-parents [26]. On apprend ainsi que les jeunes mariés habitent désormais au 26, rue Saint-Placide dans le 6e arrondissement dans un quartier où ils resteront jusqu’à ce qu’ils quittent Paris.
Paris
En 1890, un troisième enfant Genet vit à Paris, Gabriel, serrurier, probablement hébergé par sa demi-sœur et son beau-frère rue Saint-Placide. Le 29 janvier 1890, il se rend au bureau de recrutement de Paris 6e pour s’engager dans l’armée pour 5 ans. Il a 19 ans. Incorporé dans le 4e, puis dans le 8e régiment d’Infanterie de Marine, il parcourt le monde, au gré des campagnes coloniales, en particulier à la Réunion. Il est libéré en janvier 1893 au bout de 3 ans [27].
Cette même année 1890 (ou peut-être dès 1889), François Genet et Clotilde Genet viennent vivre à Paris. Trois des cinq enfants y vivent déjà. Plus rien ne les retient à Lyon. François Genet est peut-être déjà malade. En effet, le 14 juin 1892, il est admis pour fièvre à l’hôpital Beaujon, alors situé dans Paris au 208, rue du Faubourg-Saint-Honoré.
- L’ancien hôpital Beaujon, rue du Faubourg Saint-Honoré où est mort François Genet le 7 juillet 1892.
Le 7 juillet, il meurt dans la salle Sandras, au lit 28. On lui diagnostique un cancer de l’estomac [28]. Lors de la conscription de leurs fils Gabriel, en 1890, François Genet et sa femme Clotilde vivent 6, rue Lebouteux, dans le 17e, probablement dans un des garnis du bâtiment sur cour. Au moment de son décès, leur adresse est le 3, rue Jacob, dans le 6e. Les recherches montrent que c’est là que vivent Maurice Martin et Marie Françoise Genet entre 1891 et 1898 [29]. Ainsi, pendant quelque temps, le couple Genet est hébergé par leurs enfants. Ils ont probablement avec eux Léontine et Camille. Le 3, rue Jacob est aussi la première adresse de Gabriel Genet à son retour de l’armée début 1893.
- Vue de l’immeuble du 3, rue Jacob, Paris 6e, domicile de Maurice Martin et Marie Genet. C’est
dans cet immeuble que vivaient François Genet et sa famille, lors de son décès en 1892.
- La cour du 3, rue Jacob.
Lorsqu’il meurt en ce jour de juillet 1892, François Genet n’a que 61 ans. Il laisse une jeune veuve de 46 ans, Clotilde, qui a repris son métier de couturière, et trois grands enfants, Philibert, l’aîné, 33 ans, son épouse et leur fille Alice, Marie Françoise, 29 ans, et son mari Maurice Martin, à Paris, au 3, rue Jacob et Gabriel, qui va avoir 22 ans, soldat dans l’infanterie de marine à la Réunion. Il laisse aussi deux jeunes filles, Léontine, 15 ans, et Camille, 4 ans.
Pendant quelques années, la vie de la famille va se poursuivre à Paris. En avril 1895, Gabriel Genet habite au 1, rue Mayet dans le 6e, probablement avec sa mère et ses 2 sœurs. Le 18 avril 1896, il épouse Gabrielle Camille Durozé à la mairie de Montreuil dans la proche banlieue de Paris. Elle-même couturière, fille d’Auguste Durozé, mécanicien, et Clotilde Verron, elle est née dans le 20e arrondissement le 30 septembre 1874. On retrouve le milieu des artistes parisiens avec son frère Fernand Durozé, né le 16 janvier 1876, qui a eu une certaine notoriété [30]. Gabriel est lui-même accompagné de son beau-frère Maurice Martin et du sculpteur Jules Jouant. On peut penser que Maurice Martin a gardé un rôle et une proximité auprès du demi-frère de sa sœur. Il est probable que c’est lui qui a donné son prénom à son premier fils, Maurice Fernand, né à Montreuil en 1897. En 1900, il est aussi témoin pour le décès de leur fille Yvonne Alice.
Gabriel Genet et Gabrielle Durozé ont eu cinq enfants, tous nés à Montreuil :
- Maurice Fernand, né le 25 janvier 1897
- Germaine Clotilde, née le 24 août 1898
- Yvonne Alice, née le 4 mars 1900, morte à Paris 6e le 28 septembre 1900
- Suzanne Fernande, née le 14 octobre 1901
- Odette Camille, née le 23 septembre 1903
Après avoir eu quelques adresses parisiennes, selon un nomadisme qui semble courant parmi les locataires parisiens (1, rue Mayet (6e), avec sa mère en avril 1895 et 1896, 17-19, rue Pierre Leroux (7e) en janvier 1897 et août 1897, 40, rue Mazarine (6e) en septembre 1900), le couple s’installe définitivement à Montreuil, à partir de 1901, dans la rue des Messiers, à quelques numéros des parents de Gabrielle. A partir de ce moment, le destin de cette famille est lié à Montreuil.
Lors de ces mêmes années, en 1898, Philibert Genet part vivre à Lyon. Pourquoi ? Avec quel objectif ? Je n’ai trouvé aucun élément permettant de donner une explication. Il est visiblement venu à Lyon pour se lancer dans des affaires industrielles, reproduisant à 30 années de distance la même ambition que son père. En avril 1898, il habite au 16, cours Charlemagne, à Lyon, derrière la gare de Perrache, mais il est déjà répertorié comme fabricant de carton bitumé pour toitures légères au 1, quai de la Vitriolerie [31] de l’autre côté du Rhône. Vers 1905, il achète un ensemble de terrains dans le quartier de Gerland, à l’angle de l’avenue Leclerc et de la rue des Girondins, une rue créée justement en 1907 sur les terrains délaissés par le fort de la Vitriolerie, dans le 7e arrondissement actuel de Lyon. Il y fait construire une maison d’habitation, ainsi que des entrepôts et bâtiments industriels, contribuant ainsi à l’urbanisation du quartier [32].
Philibert Genet perd sa femme le 22 mars 1910. Elle meurt dans la maison de la rue des Girondins.
Après la rue Jacob, Maurice Martin et Marie François Genet habitent au 5, rue Suger (dates extrêmes connues : 28 septembre 1900 – 27 janvier 1903). Probablement pour s’éloigner de Paris et trouver un pied à terre où Maurice Martin peut se consacrer entièrement à son œuvre d’illustrateur spécialisé dans les ouvrages érotiques, ils commencent à s’implanter à Varennes-Jarcy, une petite commune de l’Essonne qui était devenu la villégiature des Parisiens [33]. Au même moment, on y croise l’écrivain Henri Pagat [34], le graveur Oscar Roty [35], le peintre et graveur Louis Morin [36]. En mai 1902, ils achètent un bois d’une vingtaine d’ares, près de la rivière d’Yerres [37]
Enfin, en juin 1904, ils complètent par une petite parcelle de 40 m2 au bord de l’Yerres, dans le prolongement du bois, puis le même jour, ils signent un bail pour une belle maison à Varennes, route de Mandres [38]. Leur installation devient définitive.
Qu’est devenue Clotilde Genet ? Nous ne le savons pas. La dernière trace que nous avons d’elle est le jour où elle vend les dernières parcelles qu’elle possède à Virieu-le-Grand. Par deux actes sous seing privé, datés du 2 août 1898, elle les cède pour la modeste somme de 100 francs [39]. Elle habite alors au 1, rue Rousselet dans le 7e arrondissement. Quelques mois plus tard, à cette même adresse, sa fille Léontine Genet meurt le 28 octobre 1898, à 21 ans. Elle est alors domestique. L’immeuble d’habitation du 1 de la rue Rousselet, qui fait l’angle avec la rue Oudinot est un modeste bâtiment de 2 étages qui contient 11 logements, tous d’une seule pièce, certains étant même qualifiés de cabinet [40]. C’est ainsi que l’on imagine Clotilde Genet vivant avec ses deux filles Léontine et Camille dans une pièce unique. Quelques années auparavant, François Coppée avait évoqué cette rue. Il habitait en face, au 12 de la rue Oudinot : « Quand je vins habiter le coin perdu du faubourg Saint-Germain, où je vis depuis une dizaine d’années, je me pris d’affection pour la très calme et presque champêtre rue Rousselet, qui s’ouvre juste devant la porte de ma maison. […] Un hôtel du siècle dernier, situé au coin de la rue Oudinot, est devenu l’hôpital des Frères Saint-Jean-de-Dieu, et les arbres de leur beau jardin dépassent le vieux mur effrité qui occupe presque tout le côté droit de la rue Rousselet. De l’autre côté s’étend une rangée d’assez pauvres maisons, où logent des artisans et des petits employés, et qui toutes jouissent de la vue du jardin des Frères. La rue Rousselet est très mal pavée, le luxe du trottoir n’y apparaît que par tronçons ; l’une des dernières, elle a vu disparaître l’antique réverbère à potence et à poulie. Peu de boutiques, et des plus humbles : l’échoppe du cordonnier en vieux, le trou noir de l’Auvergnat marchand de charbon, le cabaret d’angle avec l’enseigne classique : Au bon coing, et de tristes épiceries où vieillissent dans un bocal des sucres d’orge fondus par vingt étés et gelés par vingt hivers, à côté d’images d’Épinal, – une page de hussards dans leur uniforme de 1840, ou le portrait authentique et violemment peinturluré du Juif Errant, encadré des couplets de la célèbre complainte. – Des linges sèchent aux fenêtres, des poules picorent dans le ruisseau. On se croirait là dans un faubourg de province très reculée, un de ces faubourgs qui s’en vont vers la campagne et où la ville redevient village. » [41].
Nous savons que Clotilde Genet est morte avant 1910. Pour le moment, les recherches ont été infructueuses dans les communes où, selon une certaine logique, elle pourrait être décédée : Paris, Lyon, Montreuil, Varennes-Jarcy.
Connaître ce décès permettrait certes d’être exhaustif mais surtout apporterait des renseignements précieux sur la vie de Camille Genet, la mère de Jean Genet jusqu’à l’automne 1910, date à laquelle on retrouve sa trace. Si sa mère est décédée avant 1909, c’est-à-dire avant sa majorité, il y a eu un conseil de famille. Selon son âge, elle a été émancipée ou elle a eu tuteur ou un curateur. Qui était-ce ? Un de ses frères Gabriel ou Philibert, son beau-frère Maurice Martin ? Cela donnerait un éclairage intéressant sur ces jeunes années de formation et peut-être sur
sa situation en 1911.