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Accueil » Articles » Chroniques familiales et aventures généalogiques » Une famille de paysans, les Pras, originaires d’un village du Forez » Une chronique familiale et une aventure généalogique : Les liens avec le pays de l’enfance (épisode 12)

Une chronique familiale et une aventure généalogique : Les liens avec le pays de l’enfance (épisode 12)

Le jeudi 14 mars 2013, par Danièle Treuil †

Nous ne savions rien par tradition orale des liens qui pouvaient subsister entre les Pras de Lyon et la parenté restée en Forez. Or ces liens étaient nombreux. C’est ce que j’ai découvert, notamment en consultant les lettres et les actes que les cousins de la Bussière avaient conservés, mais aussi quelques autres documents trouvés aux archives de Lyon ou à l’état civil…

La Bussière, la ferme acquise vers 1827 par notre ancêtre Antoine Pras, le père des Claude né dix ans avant la Révolution, est restée dans la famille jusqu’à aujourd’hui, par deux fois grâce aux femmes. La première, c’est Jeanne, la sœur des deux Claude, qui a pris la relève après leur départ et son mariage avec Jean Couavoux ; la seconde, c’est sa petite-fille Clothilde, épouse de Charles Travard. C’est ainsi que j’ai retrouvé sur place des cousins éloignés, le fils Jean et les petits-fils de Charles, ainsi que des documents précieux.

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Les Claude, malgré leur départ à Lyon, restaient cependant propriétaires d’une partie de l’exploitation et, à ce titre, touchaient régulièrement des revenus de leur sœur Jeanne puis de leur neveu, Pierre Couavoux. Cette situation entraînait tous rapports habituels entre propriétaires et fermier. Mais au delà, il existait des liens affectueux dus à la proximité de la parenté. On échange des nouvelles, on envoie les enfants prendre le bon air, tandis que ceux de la Bussière viennent à Lyon, pour visiter la famille, se soigner ou régler quelques affaires.

J’ai retrouvé à la Bussière des lettres adressées par Claude ou ses enfants au fils de Jeanne, Pierre Couavoux, et d’autres envoyées par Marie Monnet, mon arrière-grand-mère, à sa fille Marie-Louise, en convalescence là-bas. Elles nous éclairent sur les liens qui existent et qui ne sont pas seulement épistolaires, loin s’en faut. Les Pras, par contre, n’avaient rien gardé, ni courrier, ni acte.

Les échanges de nouvelles

Les deux fils aînés de Claude et Marie, Henry [1] et Joseph, encore adolescents, puisqu’ils se trouvent pensionnaires à l’Argentière, semblent avoir l’habitude d’écrire de temps en temps à leur cousin germain Pierre Couavoux, les parents étant très occupés.

On a dit à la maman que vous deviez venir à Lyon cet hiver…

Extrait d’une lettre d’Henry – non datée, sans doute de juillet 1881, écrite de Lyon lors du grand congé. Elle est adressée à Pierre Couavoux.

Mon Cher Cousin et ma bonne Cousine,
Le papa et la maman étant très occupés n’ont pu répondre à la bonne et affectueuse lettre que vous leur avez envoyée. Ils sont heureux de voir que vous ne les oubliez pas et de leur côté ils pensent souvent à vous ; ils regrettent que leurs occupations trop multipliées ne leur permettent pas de vous écrire aussi souvent qu’ils le voudraient. Le papa a bien à faire au magasin, pour les expéditions qui ont commencé depuis quelques semaines. La maman est toujours sans bonne et c’est presque tous les jours que nous sommes 14 à table. Jugez de son travail…

Il est fait ensuite allusion à un cousin prêtre, un Coudour (famille du côté de la grand-mère paternelle) qui officie à Lyon et doit se rendre à Roanne, et des deux sœurs de Pierre qui sont à Lyon, notamment de Clotilde qui était venue aider Marie Monnet, avant de se marier.
... On a dit à la maman que vous deviez venir à Lyon cet hiver ; cette nouvelle lui a fait bien plaisir, parce qu’il y a longtemps qu’elle ne vous a pas vus ; Si en vous en allant, vous pouviez passer par Montbrison et vous arrêter à l’Argentière (il s’agit du séminaire où les enfants font leurs études), vous nous feriez plaisir à nous aussi ; nous ferions connaissance avec la cousine que nous n’avons encore jamais vue

 [2]. Joseph vous réclame une place sur ma lettre pour vous écrire, lui aussi. Je termine donc en vous embrassant vous et la cousine pour toute la famille.
Votre cousin qui vous aime.
Signé : Henry

Joseph écrit sur la dernière page, un papier à petits carreaux qui permet d’aller bien droit. Il a quatorze ans. On remarque les expressions - « le papa », « la maman » - encore usitées à la génération de mes parents, par mon oncle maternel.

Cher Parrain…

J’aurais été bien heureux si vous aviez pu répondre à la lettre que je vous avais écrite pour votre fête. Mes parents m’ont dit que vous aviez beaucoup à faire à cause de vos moissons. J’espère que quand vous serez plus libres, vous m’écrirez quelquefois.
Veuillez embrasser pour moi et pour ma famille la cousine, Claude et Marie. Présentez nos amitiés aux parents de Vaudier et donnez un bonjour amical à Joséphine
(une orpheline élevée par Jeanne, sa tante, et restée à la ferme après son décès). Signé : Joseph

On devine que les lettres ont été écrites à la demande des parents, et qu’elles ont fait sans doute l’objet d’un brouillon, elles sont très appliquées et sans faute. Le ton est affectueux. On donne des nouvelles des uns et des autres.

La sœur des Claude, Philippine, qui est religieuse à Chevinay près de Lyon, entretient aussi toute une correspondance avec ceux de la Bussière, faisant circuler les nouvelles au sein de la famille. Une vraie gazette familiale.

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La malle-poste de Saint-Just-en-Chevallet : les facteurs attendent le courrier.

L’accueil de la parenté forézienne

Comme il est évoqué dans la lettre d’Henry de 1881, Pierre et sa femme se rendent quelquefois à Lyon. C’est la tradition d’accueillir la parenté forézienne, comme aujourd’hui pour les familles issues de l’émigration de recevoir leurs proches venus du pays. Ainsi par exemple, dans l’appartement que les Claude célibataires partagent avec leur sœur Jeanne-Marie, ils hébergent quelque temps, dans les années 1855, la petite sœur Marie, puis un cousin étudiant en médecine. Un peu plus tard, Claude Jeune, cette fois marié, accueille rue des Treize Cantons, au domicile et siège de la fabrique, la parenté venue se soigner. Ainsi y retrouve-t-on Joséphine, l’ancienne fillette de l’assistance publique élevée par Jeanne… et de nouveau la petite sœur Marie, qui décède d’ailleurs plus tard chez eux en novembre 1873. La maison est déjà très pleine, avec la famille Chapolard, mais on partage l’espace. Nul doute qu’on se serre à plusieurs dans les mêmes lits. Mais n’était-ce pas déjà le cas à la ferme, où j’ai observé deux ou trois lits maximum pour des familles d’une dizaine de personnes ! Les enfants dorment souvent à quatre par couche : deux côte à côte, deux tête-bêche. Plus tard, rue Garibaldi, Claude Jeune fait donc venir, pour aider Marie, leur nièce Clotilde fille de Jeanne ; quand elle se marie avec un certain Mondet, elle ne va pas loin, l’immeuble en face. Les liens durent encore avec les descendants de cette famille. Mais ces déplacements ne sont pas à sens unique…

Les retours à la Bussière

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Philippine, la sœur religieuse, fait allusion à plusieurs reprises à son désir de se rendre à la Bussière, ce qui ne se produit pas aussi souvent qu’elle le souhaite depuis qu’elle est devenue « supérieure » de son couvent, avec beaucoup d’obligations liées à sa charge : je suis condamnée à rester ici, pendant les vacances, écrit-elle. De son côté, Claude Jeune se rend de temps en temps à la ferme, ne serait-ce que pour régler un certain nombre d’affaires avec son neveu ou avec les voisins. Il écrit en août 1872 à un certain Tuffet : A mon prochain voyage à Juré, j’aurai le plaisir de vous voir à ce sujet (un problème de droit de passage) et nous aviserons aussi pour l’eau. Claude est présent par ailleurs pour des événements particuliers, ainsi il se rend au chevet de sa sœur Jeanne, dont il va déclarer le décès quelques jours plus tard, le 4 juillet 1877. Mais d’autres circonstances favorisent les échanges…

L’air pur de St-Just-en-Chevalet

On se rappelle que Claude Jeune, encore célibataire, retourne dans sa ferme natale pour rétablir par l’air pur de la campagne une santé ébranlée par une cruelle maladie. L’altitude moyenne, 650 mètres, un air vif, l’environnement des pins… ont toujours été considérés comme facteurs de santé et antidote de la tuberculose qui commence à sévir.

Il semble cependant que pendant le « grand congé » des enfants Pras, de juillet
à octobre, la famille reste à Lyon. Henry et Joseph n’évoquent aucun séjour en campagne. On ne veut pas encombrer les cousins ! Néanmoins, lorsque l’un des enfants a besoin de se refaire une santé, on l’envoie à la famille par le train, par exemple chez une cousine de Juré (c’est le bourg dont dépend la Bussière).

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La « Vallée des Ruines »

Dans les années 1850, pour se rendre à la Bussière, je pense qu’il fallait prendre la diligence depuis Lyon. Roanne avait en effet, comme Tours et Orléans, refusé en 1833 l’entrée de la ville au tout nouveau chemin de fer… pour se raviser en 1858 ! Mais Roanne, c’est encore loin : 40 kilomètres ! C’est plus tard, avec le prolongement en 1876 de la voie Lyon/Sainte-Foy-l’Argentière/Montbrison jusqu’à Clermont-Ferrand, que le voyage se trouve grandement facilité.

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C’est une nouvelle ligne du réseau PLM qui suit la « Vallée des Ruines », appelée ainsi à cause des roches sauvages qui jalonnent le parcours, le long de la rivière Lanzon (maintenant trajet de la N 89). Au-delà de Montbrison, le train s’arrête dans plusieurs petites gares dont Saint-Thurin, situé à une dizaine de kilomètres de Juré. De là, il faut monter dans une sorte de fourgon tiré par des chevaux, pour rejoindre le village [3]. Au départ, on prend le train à Lyon à partir de la Gare St Paul, située entre Saône et colline de Fourvière, juste au bout de la rue des Treize Cantons.

Aujourd’hui, cette ligne existe toujours selon le même tracé, mais la gare de Saint Thurin est utilisée seulement pour les marchandises. Les voyages entre Saint-Just-en-Chevalet et Lyon se font par la gare de Roanne et les services de car [4].

Venir avec le coquetier…
Nous apprenons par une correspondance de mon arrière-grand-mère que sa fille Marie-Louise, alors âgée de quinze ans, est chez sa cousine germaine Maria. Nous sommes en 1886. Marie-Louise a été souffrante et elle est partie pour un séjour de trois semaines. Maria habite un bourg proche de Juré, St- Germain-Laval, c’est sans doute plus gai qu’à la ferme de la Bussière. Mais Marie-Louise s’ennuie. Elle veut revenir à Lyon. Sa mère s’inquiète beaucoup des risques encourus à voyager seule par ces temps où l’on voit de si vilaines choses. Plusieurs lettres se succèdent. Marie-Louise reste finalement quelques jours de plus. Elle aura passé vingt jours à la campagne, pas davantage car Maria est fatiguée.

Lyon, le 16 avril 1886 - Ma bonne petite Marie-Louise
Je suis bien contente de voir que tu vas mieux, j’espère que tes 20 jours de campagne auront bien contribué à t’amener un rétablissement qui ne peux tarder à être complet… Le papa dit que tu peux venir avec le coquetier, tu nous diras l’heure de ton arrivée et nous irons t’attendre à la gare. Ma bonne petite, j’aurai bien du plaisir à te voir, il me semble que je suis séparée de toi depuis un mois. Profite bien de tes derniers jours ; j’ai acheté le coton et je me dépêche à faire des bas. Il en restera bien encore pour te contenter. Adieu, bonne petite, je t’embrasse de tout mon cœur, ainsi que tes deux cousins et Georges quand il reviendra. Mille amitiés de la part de chacun. Ta mère qui t’aime.

Le coquetier
C’est ainsi que l’on nomme à l’époque celui qui transporte des produits de la ferme, achetés à prix modeste pour les revendre beaucoup plus cher : la volaille, les œufs, mais aussi le beurre et parfois même des ovins... C’est un métier lucratif. Le coquetier de Juré faisait la navette entre le bourg et la gare de St-Thurin avec sa carriole et son cheval ; il transportait quelques voyageurs, pour rendre service et sans doute rentabiliser son trajet. Le métier disparut avec l’arrivée des coopératives, dans les années 1950 (informations données par M. Demure, maire de Juré).

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La ferme, longtemps trait d’union entre les familles

A la mort de ses parents, Claude a donc hérité comme ses sœurs et son frère d’une partie de l’exploitation. Le frère aîné a quant à lui bénéficié en plus, avant le partage, du quart préciputaire que son père lui a donné par testament, selon l’usage qui consiste à favoriser l’aîné pour éviter un trop grand morcellement de la propriété [5]. Claude aîné n’est pas resté à la ferme et il n’a pas d’enfant. C’est peut-être pour cette raison que trois sœurs ont choisi de céder leur part à leur jeune frère : Philippine en lui vendant son lot en 1862, à la veille de son mariage ; les deux autres, Jeanne-Marie et Mariette, en faisant de lui leur légataire universel. Elles sont décédées toutes les deux en 1861 et 1873. Claude se trouve ainsi propriétaire d’une grande partie de l’exploitation. Les liens avec la Bussière s’en trouvent renforcés.

La « cassure »

Les revenus produits par la ferme sont modestes au goût des frères Pras. A quelques années d’intervalle, ils préfèrent vendre à leur neveu Pierre, qui cherche sans doute à s’agrandir, car il ne possède qu’un seul lot, hérité de sa mère en 1877. Claude aîné, en tant que rentier, songe à le faire dès 1880 pour compléter ses ressources devenues insuffisantes. Il se décide en 1882 et meurt brusquement quelques semaines plus tard. En 1886, Claude jeune, qui veut développer son entreprise et passer du statut de négociant à celui de fabricant décide de vendre à son tour. Il y a discussion sur le prix. Claude fait valoir que son estimation n’est pas exagérée que cela vaut plutôt plus que moins, surtout que toute la propriété est bien desservie par les chemins et qu’au besoin elle pourrait se vendre en détail. La lettre se termine : En attendant le plaisir de te voir, comme tu nous le fais espérer, nous nous unissons tous pour t’embrasser, ainsi que ta femme et tes enfants. Ton oncle. C. Pras Jne.

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Un compromis est trouvé à 19 500 F et la vente est réalisée le 27 mai 1886 devant Maître Guillot à Crémeaux, un bourg proche de Juré. Claude a donné procuration à M Briery, propriétaire dans le bourg. La vente porte sur un ténement de bâtiments, aisances, cour et jardin, prés, terres, pâtures, bois et incultes de la contenance approximative de 14 ha 65 ares. Je considère que c’est dans la vente de leurs terres par les Claude que l’on trouve la vraie rupture entre cette lignée Pra et le Forez.

Au passage, on remarquera la signature de Claude à la fin de la missive, beaucoup plus sobre qu’autrefois. Il faut dire qu’ici il s’adresse à un familier et surtout qu’il possède assurance et expérience et point n’est besoin de souligner la lettre par un paraphe « alambiqué ». A titre de comparaison, voici la signature portée trente ans plus tôt au bas de la lettre au maire de Lyon.

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Des liens qui s’étirent…

Après la mort de son frère aîné en 1882, et celui de sa sœur Philippine en 1893,
Claude reste le dernier en vie de sa fratrie et le seul à passer le siècle, puisqu’il vit jusqu’en 1905. Avec leurs décès, c’est un peu de son enfance à la ferme qui s’en va et de ses racines familiales. Son neveu Pierre disparaît à son tour en 1897 et c’est l’une de ses filles, Clotilde, qui reprend l’exploitation avec son époux Charles Travard. La parenté s’éloigne. De toutes façons, Claude jeune n’est plus propriétaire et il est bien vieux maintenant pour entreprendre le voyage. Ses enfants, adolescents, se rendent parfois à La Bussière comme nous l’apprend une anecdote venue jusqu’à nous, racontée par les cousins, qui la tenaient de leur mère : un jour la bande des cinq frères Pras apparut en bas du raidillon, tous montés à vélo, accrochés par une corde à la moto du plus jeune, Aimé. La corde cassa et toute la tribu, de s’écrouler dans le fossé. Je pense qu’ils n’y sont plus retournés adultes, tout occupés par leur famille rapprochée. Aucun témoignage à ce sujet ne nous est plus parvenu, ni d’un côté, ni de l’autre.

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Claude continue cependant à fréquenter à Lyon tous ceux qui sont venus de là-bas - et ils commencent à être nombreux - petits cousins ou petits neveux. Il est par exemple témoin en 1894 au mariage à Lyon de Marie, l’une des filles de son neveu Pierre. Elle est mère d’un enfant naturel âgé de dix ans et elle épouse un homme de quinze ans plus âgé, qui reconnaît l’enfant. Il voit aussi régulièrement la sœur de Pierre, Clotilde Mondet (celle qu’il avait hébergée à son arrivée, devenue leur voisine). On continue ensemble à parler du Forez et à prendre des nouvelles des uns et des autres.

Le petit tacot

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Ce sont justement les enfants de leur nièce Clothilde, qui gardent des liens avec la Bussière, ce qui est bien normal, puisque c’est leur grand-mère qui était restée à la ferme. A la génération suivante, les relations perdurent encore. En 1934, sa petite-fille, Geneviève, se souvient y avoir passé trois mois, suite à une primo-infection (toujours la tradition de l’air « pur »), et y être retournée en vacances, à plusieurs reprises, avec son frère et, plus tard avec un cousin « pour tuer le cochon ». Plus besoin du coquetier. On prenait alors le train jusqu’à Roanne et ensuite un petit tacot, mis en service en 1912, qui roulait à 45 km à l’heure en vitesse maximum, soufflant et brinquebalant dans un paysage accidenté. Il franchissait un grand viaduc avant d’arriver à la petite gare de Juré. Ensuite, il fallait aller à pied, parfois de nuit (deux kilomètres environ). Geneviève agitait alors un mouchoir blanc, pour guider le cousin, pourtant plus âgé, mais moins familier des lieux. Concurrencé par les services de car, le petit tacot cessa son activité en 1939, à la veille de la guerre. Les rails furent utilisés pour fabriquer des obus ! Plusieurs régions en France eurent aussi leur petit tacot !

Sous une couche de confiture…

Quelques années plus tard, pendant la guerre de 1939, les Travard faisaient parvenir aux cousins Mondet quelques victuailles. Ces derniers attendaient à la gare de Perrache l’arrivée du car qui venait directement de St-Just : sous une couche de confiture, les pots soigneusement emmaillotés par les cousins contenaient le beurre si précieux en ces temps de pénurie. Ainsi, en fonction des circonstances, les liens ont perduré plus ou moins longtemps entre ceux de la campagne et ceux de la ville… jusqu’à s’éteindre pour une longue période.

Les retrouvailles

Les plus jeunes générations, côté Pras, ne connaissaient même plus cette origine, alors que les descendants de Jeanne Couavoux, restés à la ferme, se souvenaient des Pras de Lyon. C’est pourquoi il m’a été facile de reprendre contact. Les relations ont été chaleureuses. Nous avons évoqué ensemble le décalage social qui s’était produit entre ceux qui étaient partis et ceux qui étaient restés. Les premiers, en profitant des opportunités qu’offraient la ville et l’essor économique sous Napoléon III, ont pu très vite améliorer leur situation et assurer des études prolongées à leurs enfants. Il faut attendre deux générations de plus pour ceux restés en campagne, malgré le boum de la pomme de terre dans la seconde moitié du 19e siècle qui a fait de la Bussière, une ferme prospère.

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Pour lire la suite : Quarante-cinq ans de vie commune.


[1Plus tard, le prénom sera écrit Henri.

[2Nous avons vu que les enfants ne retournaient pas dans leurs familles pour les fêtes de fin d’année. cf. épisode 10)

[3Tiré du même ouvrage que celui précité sur les frères Lumière.

[4Informations données par le maire de Juré, M. Demure.

[5Le préciput résulte d’une convention. Il autorise le donateur à prélever certains biens sur la quotité disponible pour les donner à qui il veut, souvent c’est l’aîné des enfants, avant tout partage entre les héritiers.

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