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Accueil » Articles » Chroniques familiales et aventures généalogiques » Une famille de paysans, les Pras, originaires d’un village du Forez » Une chronique familiale et une aventure généalogique : 1re Partie - Le Temps des ruptures : L’aventure Lyonnaise (épisode 5)

Une chronique familiale et une aventure généalogique : 1re Partie - Le Temps des ruptures : L’aventure Lyonnaise (épisode 5)

La famille Pras entre Forez et Lyonnais de 1540 à 1905

Le jeudi 13 décembre 2012, par Danièle Treuil †

L’histoire des Claude, issus d’une lignée Pras du Forez, va se poursuivre pendant plusieurs épisodes. Ici, c’est leur arrivée à Lyon autour de 1845 qui nous intéresse. J’explique leurs tâtonnements pour parvenir à trouver leur voie.

5 – L‘aventure Lyonnaise, trouver sa voie

Passer de la campagne, où ils sont nés, à la grand’ ville de Lyon n’est sûrement pas évident pour les deux frères Claude, seuls garçons de la fratrie. Pour nous, qui avons découvert très vite en parcourant les documents, comme ils le savaient sans doute eux-mêmes, combien leurs ancêtres étaient ancrés depuis des siècles en terres de Forez et combien leur père avait peiné pour agrandir son domaine, cette « rupture » interrogeait... Lequel allait-il partir le premier ? Dans quelles circonstances ? À quel moment ? En recoupant informations trouvées dans les archives familiales, indices et quelques témoignages concernant mon arrière-grand-père, Claude Jeune, j’ai avancé pas à pas, pour répondre à ces questions, non sans faire quelques hypothèses.

Claude Ainé, un rêve de petit commerce

Nous apprenons par la lettre d’un ami qui lui est adressée, datée de mars 1838, que Claude Aîné cherche déjà à ce moment à quitter la Bussière. Il a trente ans. Les relations avec son père ne doivent pas toujours être faciles, car ce sont deux fortes personnalités. Il a vu du pays, après avoir malencontreusement tiré le mauvais numéro au moment de la conscription… un exode à Thionville, en attendant que son père puisse lui acheter un remplacement. Un déracinement, mais aussi une aventure, l’occasion de connaître d’autres horizons, de se faire des copains venus d’ailleurs. Nous pensons que Romain Colly, l’auteur de la lettre, est d’ailleurs de ceux-là. 

Permettez que je vous dise en vrai ami…

Tarare, le 25 mars 1838
Cher Ami,

Je m’empresse de répondre à votre aimable lettre par laquelle j’apprends avec beaucoup de plaisir que vous vous portez bien, ainsi que toute votre aimable famille.

Cher Ami, je vous prie de n’être pas étonné si je suis un peu surpris de la commission dont vous me chargé. Ce n’est pourtant pas que je veuille m’y refusé si j’en étais capable, à cause de la confiance et de l’amitié que vous me témoignez, mais ici permettez que je vous dise en vrai ami que la meilleure place que j’ai à vous procurer et à vous conseiller, c’est celle que vous occupez présentement auprès des bien chers parents comme vous les avez et qui mettent, n’en doutez pas, toutes leurs espérances en vous.

Je ne doute point que vous n’ayez des violances à vous faire d’après les premiers mots que vous m’avez dis, lors que j’étais auprès de vous concernant le désir que vous auriez de faire un petit commerce, mais non, cher ami, je vous conjure en ami le plus sincère de ne formé aucun autre projet que celui de rester au milieux de vos chers et tendres parants, tant que Dieu voudrat les laisser avec vous.

Le voyage que je m’étais proposé de faire dans vos montagnes ne va pas avoir lieu à cause d’une indisposition qui mets survenu, qui m’a tenu convalaisant pendant plus de six semaines, mais à présent, je vous attend venir le premier et très prochainement, au moins à Pâque. Maintenant, je me porte bien, Dieu Merci, et tous mes parents, excepté mon père qui ne se porte pas très bien.

Je fais toujours mon petit commerce. Je suis toujours garson. Je ne sais pas encore qu’avec Dieu m’accordera une compagne et surtout je vous proteste que j’en ai bien besoin

Vous présenterez mes très humbles respects à vos précieux parents et je suis en vous embrasant de tout mon coeur votre tout dévoué et sincère ami
signé : Colly Romain
 [1].

Ainsi l’Aîné rêve de créer un petit commerce, peut-être dans le domaine de son ami, dont il semble, après une recherche, que la famille était dans les rubans. Mais Romain Colly le dissuade, semble-t-il avec succès… après tout ce que ses chers parents ont fait pour lui… Nous retrouvons en effet Claude, domicilié à la ferme, au moment de l’inventaire établi après la mort du père, laquelle est survenue en mai 1842 ; d’après un autre acte, il est encore à la Bussière un an après. Mais il part sans doute dans les mois qui suivent le mariage de sa sœur, qui s’est déroulé en février 1843.

Claude Jeune, l’abandon d’une vocation

Sans doute sous l’influence de la famille maternelle, les Coudour, qui compte de nombreux prêtres, et aussi d’un oncle paternel, curé, nous savons par tradition familiale (heureusement car aucun document ne nous l’aurait appris) que Claude avait été placé dès son jeune âge au petit séminaire. Cadet de famille, il est évident qu’il ne reprendra pas la ferme. C’est une façon pour ses parents, sans trop dépenser, de lui permettre de faire des études et d’assurer son avenir. Et pourquoi pas, s’il devient prêtre, d’en tirer honneur, car pour ces familles de paysans compter un prêtre parmi les siens est une sorte de promotion sociale, une voie bien engagée déjà dans la famille aux générations précédentes.

Tu feras un bon époux…

La tradition orale rapporte encore que c’est au moment de la mort subite de son père en mars l842, que Claude quitte à regret le séminaire pour prendre sa place à la ferme, et aider son frère aîné. Ses supérieurs lui auraient dit : le devoir t’appelle auprès de ta mère. Tu seras un très bon chrétien et feras un bon époux et un bon père de famille. À l’époque, l’Eglise ne manquait pas de vocations, surtout dans la Loire, un des départements les mieux pourvus en prêtres.

En fait, je pense que son retour à la Bussière est un peu plus tardif. Nous découvrons en effet que le beau-frère des Claude, Jean Couavoux, s’installe à la ferme, dès son mariage avec Jeanne en février 1843. Son arrivée assure une présence masculine supplémentaire, bienvenue pour aider l’aîné qui est toujours là. Mais ce dernier rêvait donc de partir depuis longtemps et je pense qu’il est impatient de réaliser son projet ; il persuade sans doute son frère cadet, après le grand congé de l’été, de prendre la relève. Claude a bientôt dix-huit ans, ce qui expliquerait qu’il portait déjà soutane (c’est du moins le souvenir que Georges, son petit-fils, a gardé de ce qu’il entendait dire à son père). C’est à regret, nous dit-on qu’il quitte alors le grand séminaire. Cette vocation contrariée a marqué profondément sa vie.

Du séminaire à la Bussière, puis à Lyon

Claude s’installe à la ferme, certainement sans enthousiasme. Il a fait des études et n’a pas le goût de cultiver la terre. Il n’a pas d’expérience non plus, car il ne revenait en congé à la Busssière que pendant l’été. Il donne un coup de main à son beau-frère, mais surtout il apporte ses connaissances pour rédiger les courriers nécessaires, faire des comptes, préparer des transactions. Sa mère est sans doute très heureuse aussi d’avoir à ses côtés son dernier né, un fils qui n’a donné jusque-là que satisfaction, à la différence de l’aîné ! Je pense qu’il attend qu’elle disparaisse, ce qui survient le 13 mai 1848, pour rejoindre Lyon et son frère ; leurs sœurs Jeanne-Marie et Philippine les ont précédés, car elles habitent déjà Lyon à la mort du père en 1842 (elles se font représenter pour l’inventaire). Le départ du jeune s’en trouve facilité. Il retrouvera une famille. 

Claude arrive donc sans doute à Lyon après l’été 1848, peut être au moment où son frère lui a plus ou moins trouvé un travail. Compte tenu de sa formation, il existe de grandes chances pour que ce soit dans un emploi de bureau. Philippine est religieuse. Claude Aîné et Jeanne-Marie viennent de s’installer rue Désirée, au pied de la Croix-Rousse, afin de disposer d’un logement plus grand pour accueillir leur frère. Ils ne se trouvaient pas à cette adresse sur le recensement de 1846.

Tentative dans l’administration

Une opportunité de travail se présente dans ces années-là : un certain Constant Galerne, commissaire de police à Lyon depuis 1843, successivement chef de la police de sûreté, commissaire du 10e arrondissement, puis du 4e, est nommé en 1849 commissaire central de police, ayant sous sa juridiction les communes de la Guillottière, la Croix Rousse, Vaise, Caluire, Oullins et Sainte Foy ; il se retrouve premier dans la hiérarchie, pour reprendre l’expression de l’annuaire. Cette brillante promotion, due à son engagement pendant les événements qui ont secoué la ville en 1848-49, rend nécessaire la constitution d’un secrétariat important.

Secrétaire particulier ?

C’est sans doute à ce moment que Claude Jeune entre à son service, peut-être même un peu avant. Est-ce son premier emploi ? Claude a alors vingt-trois ans. Il commence bien sa carrière, en occupant un poste de fonctionnaire, en rapport avec ses études, et plutôt prestigieux pour son âge, si du moins, comme le dit mon père, il est très vite devenu le secrétaire particulier de Galerne. Je pense que ses idées conservatrices lui permettent de remplir le poste sans état d’âme.

Comment les frères Claude avaient-ils connu Galerne ? Nous ne le savons pas. Mon père disait que Claude aîné jouait au jacquet avec lui, quand il était simple commissaire d’arrondissement !

Tribulations

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Mais rapidement Galerne quitte Lyon ; il est nommé à Versailles, puis à Bordeaux et Marseille, où il se trouve en novembre 1851, juste avant le coup d’état du 2 décembre. Pour avoir le temps de faire ce périple, il est parti de Lyon au cours de l’année 1850, au plus tard début 1851 ! La période est agitée.

Claude Jeune se trouve ainsi brusquement privé de son emploi et, selon son expression, jeté tout à coup parmi les agents de police et embrigadé dans leur service. Pourquoi cette sorte de punition ? Je n’ai pas pu l’élucider. C’est pour lui une situation insupportable. Avec la recommandation de Monseigneur de Bonald, archevêque de Lyon il écrit au Maire pour trouver du travail [2]. Le texte que nous avons est une copie, qu’il a gardée par-devers lui, l’original étant chez le destinataire bien évidemment. Mais il a oublié de dater la copie (sans doute au début de l’année 1851).

Vous eûtes la bonté Monsieur le Maire…

Monsieur le Maire

Privé presque subitement de mon père et de ma mère, orphelin à la charge d’une sœur qui n’a pour toute ressource que son travail, j’eus le bonheur de rencontrer dans Monsieur Galerne un second père plutôt qu’un maître. Admis comme secrétaire dans ses bureaux, je comptais y passer de longs jours, lorsque son départ pour Versailles vint apporter dans l’administration de la police lyonnaise des changements tels que, des bureaux de l’Hôtel de Ville, je me vis jeté tout d’un coup parmi des agents de police et embrigadé dans leur service.

Appuyé sur des recommandations les plus flatteuses pour moi de mon ancien chef, ayant reçu des promesses positives de M Pailleron [3] j’eûs l’honneur de me présenter devant vous, Monsieur le Maire, pour vous prier de vouloir m’admettre dans les bureaux de la mairie. Vous eûtes la bonté, Monsieur le Maire, d’accueillir favorablement ma demande, vous me fîtes espérer et, forcé de demander un congé pour rétablir par l’air pur de la campagne, une santé ébranlée par une cruelle maladie, je partis plein de confiance et le cœur plus rassuré sur l’avenir que j’attendais de votre bienveillante protection.

De retour à Lyon, j’espérais me faire présenter à vous par M Pailleron et fortifier ma demande de tout le poids de sa puissante intercession, mais voici que sa maladie, si triste pour ses amis et si funeste pour moi, me prive même de la consolation de pouvoir l’aborder.

Dois-je désespérer ? Non, Monsieur le Maire. Je me rappelle encore avec bonheur les bonnes paroles que vous m’adressâtes, il y a quelques jours, je m’appuie sur la volonté bien arrêtée que vous me témoignâtes de n’employer auprès de vous que des hommes de foi et de probité ; je compte sur l’exactitude, la régularité et la scrupuleuse intégrité avec lesquelles j’ai rempli mes premières fonctions dans les bureaux de M Galerne. Je sais que vous n’ignorez pas les dangers terribles pour sa vertu qui entourent un jeune agent de police au milieu même de son service et que vous ne voudriez pas que la mienne fasse un inévitable naufrage ! je connais enfin par mil bruits la bonté de votre coeur qui voit des enfants à protéger dans tous ses administrés.

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Et par toutes ces considérations si puissantes, oui, j’espère et j’ose me présenter devant vous, Monsieur le Maire, avec d’autant plus de confiance que la providence a voulu que dans ce moment même, vous puissiez disposer d’une place dans vos bureaux devenue vacante par suite d’une démission volontaire.
Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’assurance de mon plus respectueux dévouement.
Votre très humble et rès obéissant serviteur – Signé : Pras jeune.

En marge de la lettre, il est écrit : j’ai l’honneur de recommander M. Pras à la bienveillance de Monsieur le Maire. Ce jeune plein de probité et de zèle mérite l’intérêt qu’on lui porte. signé : Monseigneur le Cardinal de Bonald, archevêque de Lyon.

Monseigneur de Bonald était l’un des quatre fils du Vicomte Louis Gabriel de Bonald (l754-l840), publiciste et philosophe. Né en l787 à Millau dans l’Aveyron, il était entré dans les ordres en l8ll. Il fut évêque du Puy en l823, archevêque de Lyon en l839, enfin Cardinal en l84l. Sous Louis Philippe, il ne cessa de réclamer la liberté de l’enseignement et en l848, il prescrivit un service solennel pour les "citoyens tombés glorieusement en défendant les principes de la liberté religieuse et civile" Mais il ne tarda pas à se rallier au parti du deux décembre et fut nommé sénateur.

On voit que Claude sait s’entourer de recommandations, celle prestigieuse de l’Archevêque de Lyon, qui marque combien il est introduit dans le clergé lyonnais, mais aussi celle de Pailleron, premier adjoint au Maire, empêché par la maladie d’intervenir directement. Au passage, on notera le style de Claude, à l’imparfait du subjonctif, et le ton déférent, caractéristique de l’époque. Pour le fond, c’est un jeune homme tout imprégné des idées chrétiennes d’alors – il faut préserver sa vertu - et encore peu au fait des choses de la vie… qu’en avait-il appris au séminaire ? Nous imaginons sa déception en apprenant qu’il n’a pas obtenu le poste.

La politique s’en mêle…

Apparemment, le Maire de Lyon lui avait fait des promesses lors d’une entrevue qu’il avait déjà obtenue, mais Claude a été « forcé » de partir se reposer à Juré pour rétablir par l’air pur de la campagne une santé ébranlée par une cruelle maladie. Quand il revient, le Maire semble avoir changé d’avis, puisqu’il n’est pas recruté, malgré l’opportunité qui s’est présentée entre-temps d’un poste vacant. Il faut dire que le coup d’état en faveur de celui qui devient Napoléon III est intervenu en décembre 1851. On se trouve peut-être peu après cet événement et la candidature de Claude, favorable aux prétentions du Comte de Chambord (nous le découvrirons), devient indésirable dans ce contexte nouveau. Simple supposition ! Ensuite, la ville est en plein débat autour du projet de rattachement à Lyon de plusieurs communes suburbaines, dont le gouvernement considère que l’ensemble doit être géré par le préfet et non plus le maire de Lyon. On comprend dès lors que Reveil ait d’autres préoccupations. C’est chose faite en mars 1852. Le poste de maire est supprimé. Quoi qu’il en soit, Claude est déçu. Est-ce la raison pour laquelle il s’oriente désormais dans une voie toute nouvelle ?

Vous avez l’air bien pressé jeune homme…

C’est sans doute pendant cette période difficile que le jeune Claude prend le temps d’aller se confesser au curé d’Ars, presque « un pays », dont la notoriété se fait de plus en plus grande. Ma tante m’a rapporté une anecdote concernant la grande dévotion que Claude lui portait. Il était encore tout jeune et célibataire Pendant que Claude attendait au milieu des pèlerins, le Curé d’Ars le remarqua dans la foule et lui aurait dit : vous avez l’air bien pressé jeune homme, suivez moi… Je ne sais pas ce qu’ont pensé tous ceux qui attendaient !

Changement de cap : du côté des étoffes ?

Si l’on en croit une lettre de Galerne, on apprend que Claude a entrepris fin 1853 une nouvelle voie commerciale, quelque chose de fixe et de stable dans votre position. Claude travaille donc dans le commerce, mais pour le compte d’un tiers, car lors du mariage de son frère en 1854, il est commis négociant (alors que son frère est rentier) ; il faut attendre 1856 pour qu’il s’installe à son compte, cette fois avec l’Aîné, qui a repris une activité entre-temps. Galerne écrit en effet : les deux frères s’installent de leurs propres ailes. Tant pis pour les jaloux qui n’ont pas su les apprécier. Claude a trente ans. Mais de quelle activité s’agit-il, qui l’entraîne alors régulièrement à la foire de Beaucaire, comme nous l’apprend là-aussi une lettre de Galerne ?

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Mais qu’allait-il donc faire à Beaucaire ?

La cité languedocienne, située au débouché du Rhône, attirait depuis le XIIIe siècle, pour sa foire annuelle de juillet, une foule nombreuse venue par le fleuve ou par la route des provinces voisines comme du fond de l’Europe. Elle était consacrée essentiellement aux étoffes de toutes natures (coton, laine, soie, crêpe de chine, imprimés…) et à tout ce qui s’y rapporte : vêtements, châles, mouchoirs, rubans, dentelles, mercerie en général, etc… L’ambiance était cosmopolite et animée, même si dans les années 1860 on y traitait moins d’affaires. Comment notre aïeul réservé, tout rempli de dévotion, s’adapte-t-il à l’ambiance joyeuse de Beaucaire ? Comme le dit Stendhal : Je trouve ici bien peu de ces physionomies d’aigreur, de tristesse et de soupçons (si fréquents) dans les rues de Lyon ou de Genève [4]. Que fait-il de ses soirées ? où loge-t-il ? Nous savons qu’il en profite pour aller rendre visite à Constant Galerne, alors en prison à "Nismes"… certes un devoir de charité et non l’occasion de faire la fête !

Claude exposait-il de la marchandise ou allait-il simplement aux informations ? Puisque c’est une foire consacrée aux étoffes, on peut penser que l’activité des frères Pras se situait dans ce domaine, peut-être comme simples merciers, marchands de rubans ou de dentelles ? Claude aîné était en effet en relation – nous l’avons vu - avec un certain Colly, dont les Colly contemporains, que nous avons pu joindre, pensent que leurs ancêtres étaient « dans les rubans ». Pourquoi même Claude jeune n’aurait-il pas connu ainsi un dénommé Chapolard, du même âge que lui, qui était justement mercier lui-aussi à cette époque et dont la petite belle-sœur s’appelait Marie Monnet… celle qui est devenue notre arrière-grand-mère ? Le fait que les Claude habitent à l’époque rue Désirée, au pied de la Croix Rousse, confirmerait cette nouvelle activité, car c’est le quartier des tissus et de la soierie. D’ailleurs leur sœur Jeanne Marie qui vit avec eux est portée comme « lingère » sur son acte de décès en décembre 1861 et c’est un tisseur de soie qui déclare sa mort avec Claude aîné.

Un nouvel avenir ?

Début 1862, Claude se retrouve seul rue Désirée. Son frère aîné s’est installé quelque temps après son mariage avec Marie Genin rue Thomassin, dans le 1er arrondissement, et surtout leur sœur Jeanne-Marie est décédée en décembre l861, toute jeune encore. La solitude lui pèse, bien qu’un petit-cousin de St Just, Annet Coudour, étudiant en médecine, habite avec lui. Il n’a pas trouvé jusque-là une activité stable, totalement satisfaisante. Mais de toute façon, il est temps de prendre épouse. Il approche de ses trente-sept ans ! C’est chose faite en décembre 1862. Quel va être son avenir professionnel ? Mais avant d’aborder le sujet, bien des évènements vont survenir…

Pour lire la suite : Les Claude prennent parti...


[1Il n’existe plus de Colly à Tarare, mais à Lyon. leurs ancêtres s’occupaient de commerce de rubans. Ont-ils un lien de parenté ?

[21799-1886 – Après la fusion avec Lyon des communes Croix-Rousse, la Guillotière, Vaise suite au décret impérial du 24 mars 1852, le statut de maire est supprimé à Lyon. La fonction sera exercée jusqu’en 1881par le préfet du Rhône. Fidèle à l’Empire, Réveil deviendra vice-président du corps législatif en 1857, puis sénateur en 1863.

[3Pailleron (Pierre) est en 1849 avoué près du tribunal civil et adjoint au Maire de Lyon, où il est spécialement chargé de la police de la Croix Rousse. C’est à ce titre que Claude, alors dans les services de Galerne, a dû faire sa connaissance.

[4Cité par Fernand Braudel dans « Identité de la France ».

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