Par le journal La Presse du 14 janvier 1901, présentant le programme du lendemain à la Chambre des Députés, nous apprenons que "...Le général André, ministre de la guerre, déposera sur le bureau de la Chambre une proposition de loi qui abaisse la taille réglementaire des soldats. Actuellement, aux termes de l’article 27 de la loi de 1889, peuvent être ajournés deux années de suite à un nouvel examen du conseil de révision les jeunes gens qui n’ont pas la taille réglementaire d’un mètre cinquante-quatre, ou qui sont reconnus d’une complexion trop faible pour un service armé.
Le projet du ministre de la guerre modifie, ou plutôt supprime, cet alinéa de l’article 27.
Il le remplace par la rédaction que voici : "On n’ajourne que les jeunes gens reconnus d’une complexion trop faible, pour un service armé".
Le minimum de la taille réglementaire, 1 m. 54, va donc disparaître de la loi, si le Parlement approuve le projet du général André.
Ce Général veut donc supprimer la fameuse toise... Décision de taille à prendre !
Depuis quand un minimum de taille ?
Dans Instruction générale sur la conscription par Mathieu Dumas, publié en 1811, nous lisons :
« Les conscrits seront placés, pieds nus, sur le marchepied d’un double mètre à deux montants, dont la traverse sera fixée à un mètre 488 millimètres, et dont les sous-préfets vérifieront la justesse. La taille précise de chaque conscrit sera annotée sur la liste du tirage et sur la liste alphabétique de commune ».
MM. les préfets doivent veiller à ce que la mesure dont se serviront les sous-préfets, pour vérifier la taille des conscrits, ne soit point divisée en pieds, pouces, etc. Ce doit être partout une mesure métrique : l’intention formelle de Sa Majesté sur ce point est exprimée dans une lettre que Son Excellence le Ministre de l’intérieur a écrite au Directeur général de la conscription, le 27 août 1810 : « On ne doit point, dit Son Excellence, se borner à traduire les mesures anciennes en mesures nouvelles, on doit se servir de mesures nouvelles, sans aucun retour aux mesures anciennes. »
« …/…Les conscrits ayant moins d’un mètre 488 millimètres, seront seuls réformés pour défaut de taille.
Ceux qui auront plus d’un mètre 488 millimètres, et moins d’un mètre 542 millimètres, seront ajournés jusqu’à la session ordinaire du conseil de recrutement, dont la première partie suivra le jour où ils auront vingt ans révolus.
A l’expiration de l’ajournement, ils seront compris dans la liste prescrite par l’article 94, et traités comme tous les autres conscrits portés sur cette liste.
Si, n’ayant pas un mètre 42 millimètres, ils sont renvoyés à la classe dont l’appel aura donné lieu à la convocation du conseil en session ordinaire, ils seront réformés dans la seconde partie de cette session ».
Pierre Larousse dans son Grand dictionnaire universel du XIXe siècle écrit :
"M Legoyt, chef de bureau au ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, a publié, en 1864, un important travail, auquel nous allons faire quelques emprunts. Jusqu’en 1830, le minimum de la taille exigée pour le service militaire avait été de 1m. 757. En 1830, ce minimum fut accidentellement abaissé à 1m. 540 ; mais, à partir de 1831, il a été relevé à 1m. 560, et il est resté à cette mesure.
Ce minimum était de 1m. 625 sous l’ancienne monarchie. Mais ce qu’on ignore généralement, c’est qu’alors, bien que le recrutement ne portât annuellement que sur 60 000 hommes pris sur toutes les classes de 16 à 40 ans, un quart était exempté pour insuffisance de taille.
Si donc le minimum de taille a été abaissé de nos jours, cela ne prouve en aucune façon que la taille ait diminué en France, mais que le recrutement a voulu atteindre un plus grand nombre d’individus".
.../...Les dispositions relatives à la taille dans l’armée ont été modifiées à plusieurs reprises, et dernièrement en 1882. Voici le tableau des limites de taille pour chaque arme, sauf les exceptions stipulées relativement aux ouvriers ou aux hommes ayant des aptitudes spéciales.
- Les tailles requises selon les armes
- « Grand dictionnaire universel du XIXe siècle » de Pierre Larousse
On a donc cessé de rechercher les hommes de haute taille pour la cavalerie, et on a même assigné une limite supérieure de taille pour toutes les armes à cheval, afin de ne pas charger les chevaux outre mesure.
Dans le Journal d’Annonay du 30 mars 1901, on lit que "contrairement à ce qui a été annoncé, et aussi à l’opinion généralement accréditée dans le public, aucun changement ne sera apporté, cette année, au minimum de taille imposé pour l’incorporation des recrues.
Les conscrits des classes 1899 et 1900 qui n’atteindront pas la taille de 1 m 54 seront cette année ajournés comme les années précédentes.../...
Le Parlement n’a pas eu, en effet, à se prononcer sur le projet de loi du Général André supprimant le minimum pour la taille du conscrit"
Une découverte de taille !
Une recherche dans la presse ancienne m’entraine de découverte en découverte. Tout part de ce simple article :
- « Journal d’Annonay » du 7 mai 1913
Je dois arriver à retrouver cet Antonin Gros dans les registres matricules de la Loire pour la classe 1912. Mes recherches sur le site des archives de la Loire, dans la table alphabétique du bureau de recrutement de Roanne auquel est rattaché Saint Symphorien de Lay, ne donnent rien !
Je cherche alors dans l’état-civil de Chirassimont l’acte de naissance de cet Antonin en 1892. Le seul qui corresponde est celui d’Antonin Cros : né le 9 mai 1892 « au bourg de Chirassimont » [1].
Facile maintenant de retrouver son numéro matricule dans la table alphabétique pour la classe 1912 : 774
- Extrait du site des archives de la Loire
- Pour l’armée, il ne mesure « que » 2 mètres 09
Sa profession : « phénomène d’exhibition » ! Une recherche sur Internet me renvoie sur de nombreux sites ; entre autres, vers ce document daté de 1913.
Atteint de « tuberculose rénale », Antonin Cros meurt « dans ses foyers » à Chirassimont le 14 janvier 1914.
« Il y a encore des « grands » Français. On s’en est rendu compte en regardant le contingent de 1911. Plusieurs hommes dépassent deux mètres. La Vendée avait pour son compte un conscrit de 2 m. 07. L’Isère en possédait un de 2 m. 03. Près de 450 hommes dépassaient la taille de 1 m. 85. Pour balancer ces géants, il ne se trouva, dans le Nord, qu’un pauvre petit conscrit de 1 mètre. La taille moyenne de nos recrues est de 1 m. 662. Elle est chez les Allemands de 1 m. 667 » (Journal de Tournon du 18 août 1912). |
Pour lire la suite : Ils étaient donc deux Guironnet...Zidor ou Victor ? ...Écho du conseil de révision 1905.