Que faire pour nos retraites ? et le Préfet aux champs
" Le Journal d’Annonay, organe républicain des intérêts d’Annonay et de la région" paraît chaque samedi sur quatre pages. A la une du numéro du 15 avril 1905, entre autres, un article - un tantinet polémique et, déjà, d’une étonnante actualité - sur la question des "retraites ouvrières". Un extrait est en post-scriptum.
En page deux, plus près du thème de notre rubrique, est racontée la visite du Préfet de l’Ardèche "aux champs" c’est-à-dire à Annonay :
Mardi matin ont eu lieu dans notre ville les opérations du conseil de révision, présidées par M. le Préfet de l’Ardèche, et auxquelles assistaient M. Naudin, sous-préfet de Tournon, un conseiller de préfecture, M. Vachon de Lestra, conseiller général, MM. Jules Vallet et Collard, conseillers d’arrondissement, les maires du canton, etc.
305 conscrits partants ou ajournés ont été examinés de 8 heures à midi.
Le lundi soir, vers 5 heures, M. Grimaud, maire d’Annonay, avait présenté à M. le Préfet son conseil municipal et s’était entretenu avec lui des affaires courantes.
A l’issue du conseil de révision, un banquet a été offert à M. Belleudy et aux membres du conseil de révision par la municipalité. Des toasts ont été portés par M. le Maire et M. le Préfet.
La veille, au soir, après avoir assisté à un dîner intime où étaient présents plusieurs fonctionnaires, des membres des anciennes municipalités et quelques amis, M. le Préfet s’est rendu au local de l’Association amicale des anciens élèves des écoles laïques, où il a été reçu par les membres de l’Association. M. Aymard, président, lui a souhaité la bienvenue.
M. le Préfet a parcouru ensuite les diverses dépendances de l’Association. Il s’est arrêté surtout à la salle de la bibliothèque et s’est fait donner des détails sur le fonctionnement.
Une collecte faite pendant la visite de M. Belleudy à produit la somme de 24 francs qui sera partagée en parts égales entre le Sou des écoles laïques et l’œuvre des Enfants à la montagne.
Avant de se retirer, M. le Préfet a remis à M. Aymard la somme de 100 fr. pour les Enfants à la montagne, œuvre dont il a félicité l’Amicale pour les beaux résultats obtenus.
Deux conscrits pour un même numéro
En haut de la page 2, cet article attire mon attention !
- Deux conscrits pour un seul numéro
- "Journal d’Annonay" du 15 avril 1905
"A l’appel du numéro 30, deux jeunes gens se sont présentés portant le même nom patronymique de Guironnet ; l’un avait une filiation conforme à l’inscription, mais il n’avait pas pris part au tirage ; l’autre n’était pas le bon, mais il avait tiré ; tous les deux insistaient pour être admis"
Comment retrouver ces deux protagonistes ? Qu’y-a-t-il de vrai dans cet article ?
Dans la table alphabétique des registres matricules de 1904, il y a trois Guironnet :
- Delphin N° 1121 [1].
- Isidore N° 1636.
- Rémi N° 1976.
Mais pas de Victor !
Zidor
Commençons par vérifier la fiche d’Isidore, prénom familièrement abrégé en Zidor.
- Isidore Joseph Guironnet N° 1636
- Extrait des "archives en ligne" de l’Ardèche
"N° 30 de tirage dans le canton d’Annonay"
Isidore est donc "l’autre". Celui qui "n’était pas le bon"..." mais il avait tiré" au sort !
Comment a-t-il pu le faire malgré la vérification de l’identité des jeunes conscrits ? Et surtout, dans quel intérêt ? Mystère !
« Le tirage au sort pour chaque commune s’effectue d’après l’ordre qui a été réglé par le sort, mais les jeunes gens sont appelés dans l’ordre de leur inscription sur les tableaux de recensement en observant l’ordre alphabétique. Afin de constater l’identité des jeunes gens, le Sous-préfet fait décliner à chacun d’eux, au moment où il vient prendre un numéro dans l’urne, ses nom et prénoms, ainsi que ceux de ses père et mère, et, au besoin même, lui adresse quelques questions sur sa famille, sa filiation, etc. Il arrive, en effet, que des jeunes gens tirent un numéro à l’appel d’un autre nom que le leur et ne répondent pas à l’appel de leur propre nom. D’autres encore, soit par ignorance, soit par calcul, prennent part au tirage au sort à la place des frères plus âgés portés sur les tableaux de recensement, bien qu’ils soient décédés en bas âge » « Loi du 15 juillet 1889.Traité pratique du recrutement et de l’administration de l’armée française... » par A. Andréani (Source Gallica). |
Isidore Joseph Guironnet nait le 1er juillet 1884 à Annonay, fils d’Isidore Régis ; mégissier de 31 ans, et de Marie Guironnet, ménagère de 28 ans. Ils habitent 5 place Mayol [2].
Dès janvier 1910, Isidore va "émigrer" à Lyon. Il se marie, sans le consentement de ses parents, à la mairie du 3e arrondissement de Lyon le 28 novembre 1912 avec Joséphine Clotilde Landrin.Sa sœur Augusta, couturière domiciliée au 212 rue Garibaldi à Lyon, est présente [3].
Mobilisé en août 1914 comme soldat, il termine la Grande Guerre avec le grade de Maréchal des Logis...Mais c’est une autre histoire ! Il meurt le 4 octobre 1961 à Lyon [4].
Victor, omis de la classe
Maintenant, comment savoir où est passé l’autre Guironnet ; celui qui "avait une filiation conforme à l’inscription", mais n’avait pas pris part au tirage ?
Il faudrait aller à Privas, chercher dans les papiers du recrutement militaire ; en série R aux archives départementales de l’Ardèche ; pour l’année 1904.
A défaut de le faire, nous devrions pouvoir le retrouver dans les registres matricules : "notre" Victor Guironnet est probablement un "omis de la classe"
Il a été recensé avec sa classe mais, à priori il ne s’est pas présenté en mairie mais a été inscrit d’office au vu du registres des naissances de 1884.
En tous cas, c’est sûr, il était absent le jour du tirage au sort !
Victor est, d’après le quatrain, comme Zidor, natif d’Annonay. Dans l’état-civil de la commune, il existe effectivement !
Victor Henri Guironnet naît le 17 janvier 1884, fils de Félix, domestique de 30 ans, et de Sophie Cibaud, 29 ans. Ils habitent "au lieu de Fonds Chevalier" [5].
La rigueur des lois
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En règle générale, donc, les "omis de la classe" sont inscrits dans les registres matricules l’année suivante. Recherchons alors dans la table de 1905.
Effectivement, il y a bien un Victor Henri Guironnet répertorié sous le numéro 2157. Ce doit être notre homme.
- Victor Henri Guironnet N° 2157
- Extrait des "archives en ligne" de l’Ardèche
"Omis de la classe 1904"
C’est bien lui ! Victor sera exempté en 1906 et en 1914 ; il sera toutefois mobilisé en 1917 et rentrera en Ardèche après deux ans de guerre !