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Le Journal de Marche du Sergent Eugène Havard (3e partie)

Campagne de Lorraine. Août Septembre 1914

Le mardi 1er avril 2008, par Michel Guironnet, Roselyne Gourdon

Jour après jour, un mois avec le Sergent Eugène Havard

Il nous reste à reconstituer la suite des épisodes entre le 24 août au soir et le 4 septembre 1914, mort du Sergent Havard au combat, grâce au JMO et à l’historique du 5e RIC.

JMO (suite) 24 Août : Combat de Merviller. Le Régiment reçoit l’ordre d’aller prendre position en avant de Merviller.
Il occupe les positions au Sud de Merviller : le 3°Bataillon à droite, au Bois de Boulay et à La Bringolle, le 1er Bataillon au centre, le 2°Bataillon aux fermes de La Voivre et du Colombier.
Vers 7h. 15, les ennemis débouchent des bois, et à partir de 9h. une canonnade furieuse couvre nos positions d’obus à explosifs.
A 11h. 15, on signale un mouvement offensif sur notre gauche qui oblige le Régiment à se replier par le Bois de Boulay et la ferme de Grammont sur Baccarat.
Le repli s’exécute à 16h. en bon ordre, malgré le feu de l’artillerie lourde allemande.
Le Régiment est rassemblé à 18h. à Nossoncourt.
…/… A 19 h., le Régiment reçoit l’ordre de se porter au Nord sur Baccarat pour une attaque de nuit avec la Brigade mixte Coloniale entière.
Départ à 20h. par Bazien et la cote 371 où la Brigade reçoit l’ordre de se porter en réserve à Ménil, l’attaque de nuit devant être conduite par la 43°Division ( 86° R.I.).
L’attaque de nuit sur Baccarat échoue.

25 Août :Combats de Ménil-sur-Belvitte et d’Anglemont.
A 11h., le Régiment est rassemblé dans les bois au Nord de Ste-Barbe. A 11h. 45, il reçoit l’ordre d’attaquer Bazien, avec le 6°R.I.. Il se met en route, mais à 12h. il reçoit contrordre pour l’attaque et doit aller occuper les positions de Ménil et d’Anglemont.
Le 3° Bataillon (BOUTANS) va occuper Ménil et les hauteurs avoisinnantes.
Le 2°Bataillon (DEMARQUE) à Anglemont se lie avec le 17°Bataillon de Chasseurs.
Le 1er Bataillon (DURAND) est mis à la disposition du Général commandant la Brigade : il n’est pas touché par le contre-ordre et va attaquer Bazien où il est débordé par des forces supérieures.
Vers 16h., le bombardement de Ménil et Anglemont par l’artillerie lourde devient d’une violence inouïe. L’attaque allemande se dessine vers 4h. 45 : sous cette pluie de fer nos tranchées restent occupées et le 2°Bataillon (DEMARQUE) reste impassible.
Le repli est cependant général sur Rambervillers.
Résistant pied à pied, les bataillons sont forcés d’abandonner Ménil.
Le 2°Bataillon se replie en bon ordre et rentre à Rambervillers à 21h…/…

26 Août :
Départ de Rambervillers à 8h.
Arrêt dans les bois au Sud de Bru pour se reposer : le Régiment est à bout de forces, sans repos, sans vivres, sans sommeil depuis le 19 Août.
A 16h., arrivée à St-Benoît-la-Chipotte. Combat de St-Benoît : repris à la baïonnette par le 6° R.I.Colonial. Quelques engagements d’avant-postes.

27 Août :
Le Régiment prend position à Larifontaine à 8h. Exécution de tranchées.
Retour à Bru à 22h. 30.

28 Août :
Réveil à 4h. En position à St-Benoît, prise des avant-postes en avant de Larifontaine.

29 Août : Combat de La Chipotte.

En marche sur St-Benoît : départ à 6h.
Le 2°Bataillon en tête, 1er et 3° en réserve à l’Est de St-Benoît dans les bois.
Le 2°Bataillon (DEMARQUE) est dirigé sur le col de La Chipotte. Progression difficile sous le feu partant des tranchées allemandes (mitrailleuses en position). Violente canonnade par nos batteries.
Le 3°Bataillon (BOUTANS) partant de la scierie prolonge la ligne à droite.
A la nuit, la position est fortement occupée, deux pièces de 75 sont montées à bras dans les tranchées mêmes.

30 Août : Les 2° et 3°Bataillons sont toujours à La Chipotte, à 300 m. des tranchées allemandes d’où part un feu très vif à chaque mouvement. A 18h., le 1er Bataillon, en réserve depuis le matin, va relever les deux bataillons sur la position.
Le Bataillon SCHEER du 6°R.I.C. le suit en 2°ligne.
Les bataillons de Chasseurs qui devaient prolonger notre ligne à droite ont lâché pied et notre détachement se trouve très en l’air. Dispositions prises : crochet défensif face à droite par deux compagnies.

…/…

31 Août : Attaque générale sur La Chipotte.La Brigade Coloniale est au centre, le 6°R.I.C. en tête, le 5° R.I.C. en réserve vers Larifontaine. Cantonnement le soir à Larifontaine…

1er Septembre : Continuation des opérations sur le Col de La Chipotte.
Le 2°Bataillon (DEMARQUE) occupe les tranchées au Nord de Larifontaine face à St-Benoît.
Le 1er et le 3°Bataillons sont en réserve à La Grande-Rue…

2 Septembre : Le 1er Bataillon (DURAND) est envoyé à La Chipotte pour recueillir le 6°R.I.C. très fortement abimé.
Les positions au Nord de St-Benoît depuis la Haie jusqu’à La Chipotte sont occupées par les 3 Bataillons du Régiment.
Le 1er Bataillon (DURAND) est fortement engagé, sont blessés les Lieutenants FUCHS, LEVRAULT et GABARET.
Un détachement de 1.200 hommes arrivé de Lyon le matin même est réparti entre les bataillons et envoyé immédiatement dans les tranchées (Capitaine EMIN, Lieutenant CALTIQUEL, S/Lieutenant EVIN).

3 Septembre :La canonnade très violente commence dès le petit jour.
Nos positions sont conservées malgré une forte fusillade, mais à 11h. 30 le village de St-Benoît est menacé d’être tourné par notre gauche par des troupes s’infiltrant dans les bois et venant de La Haie.
Les points d’appui à droite et à gauche de notre ligne sont abandonnés.
Le Régiment qui se trouve très en l’air doit se replier sur Larifontaine, après une violente attaque allemande…

4 Septembre : L’ordre est donné de défendre Larifontaine coûte que coûte.
Cet ordre est exécuté de point en point.
Le Régiment occupe les positions suivantes :
3°Bataillon : à la sortie de St-Benoît,
2°Bataillon : à sa gauche,
1er Bataillon : un peu en arrière, vers la droite.
Dès le matin, l’artillerie lourde allemande canonne nos positions.
Avec une constance admirable, le 2°Bataillon (DEMARQUE), malgré des pertes sensibles, reste sur ses positions.

Historique du 5e R.I.C 24 Août - Combat de Merviller
L’ennemi est entré à Merviller. Le régiment reçoit l’ordre de reprendre ce village. Il est soutenu par le 6e colonial qui a pour mission d’établir des tranchées sur la croupe de Criviller, où il a résisté la veille. Nous reprenons sur le terrain le même dispositif qu’à Montigny. Le 2e bataillon est à gauche, le 3e à droite, face au nord. Le 1er bataillon, très éprouvé, est laissé en seconde ligne et organise une position de repli vers les bois de Boulay, au sud-est de Merviller.

Vers 9 heures, nos troupes sont en place : on ne voit aucune fraction d’infanterie ennemie, mais toutes les positions occupées sont battues par un feu violent d’obus explosifs, qui cause quelques pertes et démoralise nos hommes. Cependant, nos bataillons restent stoïques, jusqu’à 16 heures, sous une grêle de mitraille. A ce moment, de gros mouvements d’infanterie allemande sont signalés sur notre gauche notre artillerie et des troupes métropolitaines refluent vers Baccarat.

Bientôt, le tir des obusiers ennemis s’allonge. Les routes, exactement repérées, sont violemment battues et l’intensité du feu augmente encore pendant que se dessine une attaque allemande sur tout le front. La brigade coloniale reste seule sur le champ de bataille, exposée sans aucun soutien d’artillerie au feu de l’infanterie ennemie qui se déclenche, pendant que la grêle des explosifs fait rage. Nos bataillons de première ligne se portent en arrière, protégés par le 1er bataillon, occupant les bois de Boulay, et par le 1er bataillon du 6e régiment qui tient Criviller.

A 18 heures, au moment où la brigade coloniale, fermant la marche du 21e corps d’armée, traverse Baccarat, les explosifs ennemis tombent dans la ville, où l’incendie s’allume. Le régiment reçoit l’ordre de se porter sur Nossoncourt, où il arrive à 20 heures. Mais une heure plus tard, un nouvel ordre prescrit de reprendre Baccarat par une opération de nuit. Les hommes, qui depuis deux jours n’ont ni mangé ni dormi et ont soutenu deux violents combats, sont exténués. Néanmoins on se met en route vers le nord, en passant par Bazien : 5e régiment en tête, le groupe d’artillerie qui n’a plus de munitions, puis le 6e régiment. Mais quand la brigade coloniale arrive à la cote 371, sur la route de Baccarat, elle reçoit un contre-ordre et le régiment est envoyé à Ménil, où il se rassemble à minuit.

…/…

25 Août - Combat de Ménil et Anglemont
Malgré la fatigue de tous, il faut encore combattre. La brigade coloniale est rassemblée au sud de Sainte-Barbe : le 5e régiment à droite, le 6e à gauche.

L’ordre est donné d’abord au 5e colonial seulement, puis à la brigade entière, d’attaquer le village de Bazien, occupé par l’ennemi. Mais bientôt, devant un mouvement enveloppant dirigé sur notre gauche, le 6e colonial reçoit seul l’ordre d’attaquer Bazien, pendant que deux bataillons du régiment ont pour mission de tenir coûte que coûte la ligne Ménil - Anglemont.

Le 3e bataillon est placé à Ménil et à mi-distance d’Anglemont ; le 2e bataillon à Anglernont et à mi-distance de Ménil. Le 1er bataillon, qui, de 20 officiers et 1 100 hommes au départ, ne compte plus que 6 officiers et 350 hommes, est laissé en réserve à Sainte-Barbe, à la disposition du général Simonin, commandant la brigade.

Le colonel Roulet, commandant le régiment, prend la direction de la défense du front Ménil - Anglemont. Il est 10 heures : l’organisation des deux villages commence immédiatement, des tranchées sont creusées sur tout le front ; une compagnie par bataillon est maintenue en réserve pour effectuer des contre-attaques éventuelles.
Bientôt de nombreuses fractions ennemies sortent des bois de Glonvile et, occupant Bazien, s’avancent sur Nossoncourt.

Notre artillerie, quoique très nombreuse, les bombarde faiblement et n’arrête pas leur marche en avant. Les obusiers ennemis ouvrent sur Ménil un feu violent : le village est détruit, incendié, mais le 3e bataillon continue de l’occuper.
Pendant ce temps, le 6e colonial attaque Bazien, avec deux bataillons. Ces unités, prises de front et de flanc par une fusillade nourrie, doivent, après une résistance acharnée, se replier. Notre artillerie, qui subit le feu terrible des obusiers allemands, est rapidement démontée.

Vers 14 heures, le 1er bataillon est envoyé en soutien du 6e colonial, dans la direction de Bazien, mais déjà ce régiment s’est replié sur Ménil. Le 1er bataillon, croyant Sainte-Barbe occupé par nos troupes, s’appuie sur ce village pour se porter en avant ; malheureusement, l’ennemi, qui a pénétré dans la partie nord, le fusille à bout portant et il doit se cramponner au sol pour se replier par échelons, vers 16 heures, sur la forêt de Sainte-Barbe, dans la direction de Saint-Benoît. A la nuit, les débris de ce bataillon, qui a encore perdu deux officiers, tous ses adjudants et sergents-majors, et presque tous ses sous-officiers, se rassemblent dans les bois.

Le village de Ménil, criblé d’obus explosifs, devient bientôt intenable et, vers 16 heures, le 3e bataillon doit l’évacuer. Anglemont reste seul occupé par le 2e bataillon et le 17e bataillon de chasseurs ; l’effort de l’ennemi se porte sur ce point, où il concentre le feu terrible de toute son artillerie. Le village, complètement détruit, est en flammes ; les tranchées sont bouleversées ; l’infanterie allemande, qui s’est avancée, est prête à donner l’assaut.

Il est 18 heures, toutes les autres troupes ont déjà effectué leur mouvement de repli. Le colonel Roulet, qui est à Anglemont, se concerte avec le commandant du 17e bataillon de chasseurs, et tous deux estiment que la position n’est plus tenable. L’ordre est donc donné au 17e bataillon de chasseurs et au 2e bataillon de se retirer par échelons dans les bois d’Anglemont, dans la direction de Rambervillers. Ce mouvement s’effectue comme à la manoeuvre, pas un homme n’ayant quitté son poste avant l’ordre de repli.

Dans cette seconde journée, comme la veille, l’infanterie ennemie s’est infiltrée sur tout le front, utilisant supérieurement le terrain. Elle est restée menaçante, tirant quelques coups de fusil ajustés, mais ne prononçant pas l’attaque à la baïonnette, que nos troupes attendirent en vain tout le jour dans leurs tranchées. Aucune des contre-attaques préparées par nous n’a été possible. Toutes nos forces, artillerie, troupes métropolitaines et coloniales ont dû se retirer presque sans échanger de coups de canon ou de coups de feu, devant la formidable attaque méthodique, parfaitement ajustée, des obusiers à explosifs ennemis qui détruisent en quelques minutes nos trop faibles tranchées d’infanterie.

C’est là une nouvelle tactique, se rapprochant de la guerre de siège, qui déconcerte nos hommes ; beaucoup d’entre eux pleurent de rage de se voir décimés et obligés d’abandonner leurs positions sans pouvoir obtenir avec l’ennemi, qui toujours se cache, un véritable corps à corps pour venger leurs camarades glorieusement tombés.
Nos pertes, presque toujours produites par les obusiers allemands, sont encore cruelles : deux officiers sont tués, l’héroïque lieutenant de Villeneuve de Bargemont qui, jusqu’au dernier moment, a tenu l’ennemi en respect avec ses mitrailleuses, et le sous-lieutenant de réserve Aguillon.

Le général Simonin, commandant la brigade, est blessé d’un éclat d’obus à la cuisse, au moment où le village de Ménil étant évacué, méprisant le danger, il se portait avec une héroïque bravoure, sous une grêle d’obus explosifs, vers le village d’Anglemont, pour y organiser une défense désespérée. Comme la veille, comme à Saint-Léon, comme à Walsheid, la brigade coloniale a tenu l’ennemi en respect toute la journée, elle s’est retirée la dernière et à la nuit du champ de bataille elle a fait tout son devoir.

…/…

Le soir, à l’ambulance de Rambervillers, le général Simonin passe au colonel Roulet le commandement de la brigade. Le lendemain, le général Legrand, commandant le 21e corps d’armée, approuve cette prise de commandement par intérim, mais prescrit au colonel Roulet de conserver, en outre, le commandement du 5e régiment colonial.

26 Août : Depuis sept jours, les troupes se sont battues presque sans arrêt ; elles ont peu dormi, à peine mangé. Mais il faut se battre encore. Le village de Saint-Benoît, devant lequel est concentrée la brigade coloniale, est occupé par une brigade ennemie. _ Il faut l’en déloger : c’est le rôle qui incombe au 6e régiment. Une cinquantaine de prisonniers restent entre ses mains, mais ses pertes sont sensibles.
Le régiment, maintenu en deuxième ligne, reçoit l’ordre d’occuper la cote 423 avec deux bataillons ; il n’a avec l’ennemi que des engagements d’avant-postes, au cours desquels six hommes sont mis hors de combat.

27 au 30 Août - Combats du Col de la Chipote

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(Photo Eric Mansuy)

Les 27 et 28 août, le régiment occupe la position de Larifontaine, au sud-ouest de Saint-Benoît, où il creuse des tranchées.
Le 29 août, le colonel Roulet, commandant le 5e régiment et la brigade coloniale, reçoit l’ordre de reprendre le col de La Chipote, occupé la veille par l’ennemi.

Laissant au repos le 6e régiment, le colonel décide, pour s’emparer de l’objectif, d’imiter les procédés allemands. Ceux-ci consistent à envoyer en avant, fixés au sol, quelques éléments d’infanterie pour protéger l’artillerie qui exécute un tir intensif et prolongé sur la position à occuper. L’infanterie se porte alors en avant pendant que l’artillerie allonge son tir.

Ces ordres s’exécutent comme à la manoeuvre. De 10 h. 30 à 12 h. 20, l’artillerie exécute un tir en profondeur sur Saint-Benoît, le chemin de Raon-l’Étape et le col de La Chipote. De 12 h. 20 à 12 h. 30, elle déclenche un tir intensif, puis s’arrête brusquement. C’est le signal convenu pendant que nos pièces allongent leur tir, nos troupes se portent en avant et nous occupons le col de La Chipote sans avoir tiré un coup de fusil, sans avoir aucune perte.
Immédiatement, deux canons de 75 sont portés au col ; sur les indications du général Dumezil, commandant l’artillerie du 21e corps, ils exécutent un tir violent à 5 000 et 6 000 mètres, sur Thiaville et Raon-l’Etape, où les aviateurs ont signalé dans la journée de forts rassemblements de troupes. Dans la nuit, un tir lent est exécuté sur les mêmes objectifs.

Le lendemain 30 août, l’ordre est donné de pousser en avant vers Raon-l’Etape.
Mais les Allemands, qui avaient abandonné la position la veille pendant le tir de l’artillerie, l’ont réoccupée dès que nos pièces se sont tues. Dans la nuit, des tranchées ont été établies il faut en chasser l’ennemi. Nos troupes s’y emploient après une préparation par la section d’artillerie qui tire à 300 mètres sur les tranchées adverses, sans avoir aucun blessé. Mais la position est très forte : nous occupons quelques tranchées allemandes, sans pouvoir, à cause du nombre des ennemis, les en déloger entièrement. A la nuit, nos troupes couchent dans leurs tranchées.

…/…

31 Août au 4 septembre. Combat de Saint-Benoît Larifontaine
« Les 31 août et 1er septembre, le régiment, relevé par le 6e colonial au col de La Chipote, est rassemblé dans les environs de Larifontaine, où il subit, dans les tranchées, le bombardement intensif des obusiers ennemis.

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La nécropole du col de la Chipotte
(Photo Eric Mansuy)

Le 3 septembre, un ordre prescrit de défendre les pentes nord de Saint-Benoît, entre La Haye-Baneau inclus et le col de La Chipote, où se trouve le 6e régiment. Les bataillons sont placés en ligne au nord de la route Bru - Saint-Benoît : le 2e bataillon, à gauche, s’appuyant à La Haye, 3e bataillon au centre, 1er bataillon à droite, se reliant à La Chipote, au 6e régiment.

Jusqu’à 10 heures, le colonel Roulet, qui est sur la ligne, au col, ne constate qu’une fusillade assez faible. Mais à 10 heures, l’ennemi, qui a reçu de Mulhouse trois régiments de renfort, attaque en masse : les hommes arrivent par sections et par quatre. La fusillade devient intense le 6e régiment, très affaibli par trois jours de lutte, commence à plier. Il est soutenu par notre 1er bataillon qui croise ses feux avec lui et cause d’énormes pertes à l’ennemi, qui se présente en rangs serrés à trente mètres de nos tranchées.

Pendant ce temps, des détachements ennemis parviennent à se glisser sous bois entre les 3e et 2e bataillons, et sur la gauche du 1er bataillon, qui risque d’être coupé. _ La partie est de Saint-Benoît est reprise par les Allemands. Le drapeau du 5e colonial, qui est à l’ouest du village avec une trentaine d’hommes, se retire à grand peine au travers des prairies marécageuses. Le colonel traverse la partie est de Saint-Benoît au milieu de l’ennemi et se rend dans les bois de la Carre, pour organiser une position de repli ; une compagnie du génie est mise à sa disposition.

Le 6e régiment et le 1er bataillon du 5e colonial reçoivent l’ordre de préparer leur repli dans la direction du ruisseau de Corbe ; le 3e bataillon doit se retirer dans le bois de la Grande-Carre, le 2e sur la Grande-Rue et la position de Larifontaine, qu’il faut défendre coûte que coûte.

A 14 heures, le 6e régiment est complètement débordé et commence son mouvement de repli, par échelons. Notre 1er bataillon, qui a pu ramener sur la ligne de feu deux compagnies du 163e régiment d’infanterie, tient encore, mais il est très en l’air, débordé sur sa droite et fortement menacé sur sa gauche. Il oppose cependant jusqu’à la nuit une énergique résistance et se retire alors avec les débris du bataillon Lagarde, du 163e, sans être poursuivi par l’ennemi. A 21 heures, le 5e colonial est rassemblé au sud de Larifontaine ».

…/…

« Le 4 septembre, devant la menace de l’ennemi, le régiment reçoit à nouveau l’ordre de défendre coûte que coûte le village de Larifontaine. De profondes tranchées sont établies en avant de la position, mais le bombardement à obus explosifs est tel que les unités éprouvent de grosses pertes sans pouvoir tirer un seul coup de fusil. Le capitaine Delamarre a la tête enlevée par un obus ; le commandant Demarque est grièvement blessé à la cuisse et aux reins, il meurt quelques jours après »

L'acte de décès

Le 4 septembre 1914, à Larifontaine dans les Vosges, Eugène Joseph Havard, Sergent au 2e Bataillon du 5e R.I.C, est tué à l’ennemi. Il allait avoir 24 ans. Son chef de bataillon, le Commandant Marie Emile Demarque, décède à 35 ans, le 10 septembre 1914 à l’hôpital de Gray, en Haute Saône, des suites de ses blessures.

Itinéraire d’Eugène Havard d’après son Journal de marche

7/8 : Départ à 1h30 du matin en train de Lyon Part Dieu.
Arrivée dans la nuit à Dounoux (vers Epinal) cantonnement.

8/8 : Arrivée à Pouxeux (16 kms) cantonnement.

9/8 : Etape Pouxeux – Xamontarupt (12 kms).

10/8 : Journée d’exercices. Deux avions allemands sont mitraillés par les forts d’Epinal. A 17 h, ordre de se mettre en route par Bruyères,Saint Jean Marché, Lépanges sur Vologne.Départ à 19 h. arrivée à Prey vers minuit (10 kms) Le régiment a été retardé par des colonnes d’artillerie enlisées. cantonnement.

11/8 : Départ à 3h de Prey – Arrivée à Les Poulières à 6h 30 par Beauménil et Herpelmont (12 kms) cantonnement.

12/8 : Repos dans les cantonnements.

13/8 : Départ à 1h 30 par Bruyères et Autrey pour Jeanménil. Arrivée à 12h15. au cantonnement de Jeanménil.

14/8 : Départ à 3 h pour Raon l’Etape. Arrivée à Neuveville les Raon à 8h. Etape. Départ à 5h du soir pour Neufmaisons, arrivée à 7h 45. Cantonnement.

15/8 : Réveil à 1 h du matin, départ 5h pour Badonvillers (arrivée à 6h 30) « Pluie battante…L’eau tombe à torrents ».

15/8 : Départ de Badonvillers à 4 h de l’après midi pour Cirey sur Vezouze. Arrivée au cantonnement de Val et Chatillon vers 8h du soir.

16/8 : Départ à 5h pour Saussenrupt. Arrivée à 7h. Cantonnement sur place, au château, à 3h 30 de l’après midi.

17/8 : Départ à 5h. Passe en « Lorraine à 5h 40 » c’est-à-dire en territoire ennemi. Arrivée à Saint Quirin à 7h. Le régiment couvre le défilé de la 26e Division d’Infanterie entre Wasperweiler et Aberschweiller. Le 2e bataillon – celui d’Eugène- est posté sur la croupe 370.
Cantonnement dans les bois de Lafrimbolle. « Il fait toujours un temps affreux, il pleut sans cesse »

18/8 : Discours du Colonel Roulet aux Marsouins. Départ de St Quirin à 9h 45, par Aberschweiller et Eingenthal, direction Saint Léon. Le soir, bivouac sur place en face des positions ennemies de Waldscheid.

19/8 et 20/8 : Combats de Waldsheid Saint-Léon (voir JMO et historique)
Soir du 20/8 cantonnement à Lettenbach ?

21/8 : A partir de 6h, évacuation d’ Aberschweiller, retraite des troupes, au terme d’une marche de nuit arrivée le 22/8 à 7h du matin à Brémenil.

22/8 : Journée à Brémenil.

23/8 : Repli sur Baccarat, combat de Montigny (voir JMO et historique) en passant par Merviller, arrivée vers 8h du soir à Baccarat.

24/8 : Combats de Merviller (voir JMO et historique).

25/8 : Combats de Ménil sur Belvitte et Anglemont. Repli sur Rambervillers.

26/8 : Départ de Rambervillers à 8h du matin. Etape dans le bois de Bru. Arrivée à 4h de l’après midi à Saint Benoit La Chipotte. Combat de Saint Benoit.

27/8 : Positions à Larifontaine, creusement de tranchées. Retour à Bru à 22h.

27/8 au 30/8 Combats de La Chipotte (voir JMO et historique).

31/8 au 4/9 Combats de Saint- Benoît Larifontaine (voir JMO et historique).

4/9 : Mort au combat d’Eugène Havard à Larifontaine.


Cette nécessaire recherche d’informations complémentaires pour situer ce document dans son contexte n’a été possible que grâce à la « galaxie » des sites et forums sur Internet consacrés à la Grande Guerre et à ses passionnés. Qu’ils en soient ici remerciés ! Michel Guironnet

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7 Messages

  • je possède un journal de marche très semblable à celui du sergent Havard, mais relatif à la période de la 2° guerre mondiale de 1939 à 1940.... Si celà intéresse quelqu’un...

    Répondre à ce message

  • Le Journal de Marche du Sergent Eugène Havard (3e partie) 17 novembre 2008 13:44, par HORNUNG

    Bravo à l’auteur de cet article qui nous fait revivre les affres vécus par le Sergent Havard. Son récit est écrit d’une manière pro avec beaucoup de pudeur. L’auteur a ajouté en complément les articles du JMO du régiment qui confirment les écrits de l’intéressé et les complètent. Heureuse idée car ainsi nous pouvons avoir une vue globale et individuelle des combats. Merci à l’auteur de nous faire participer à ce récit poignant d’une guerre qui a duré si longtemps.

    Répondre à ce message

  • Le Journal de Marche du Sergent Eugène Havard (3e partie) 27 mai 2014 14:57, par Olivier PERIN

    Mon grand oncle REMY, du même régiment, a été également tué ce jour là. Je ne sais pas s’il était de la même section. Il repose au cimetière de la Chipotte. Je ne sais rien de lui. Personne n’en parlait dans la famille

    Répondre à ce message

  • Le Journal de Marche du Sergent Eugène Havard (3e partie) 9 décembre 2014 19:25, par damestoy

    Bonjour,
    Tres interesse par ce journal de marche, je cherche des info sur francois CHIPIER, de Givors, decede le 24/8/14 qui appartenait au 5e RIC.
    On trouve son nom dan le journal du 5e RIC.
    C’etait le grand pere de ma femme.
    Comment faire pour savoir s’il a eu une sepulture, et ou ?
    Son nom figure sur le moqnqument au mort de Givors,
    Son fi.s, mon beau-pere a ete pupille de la nation.
    Nous voudrions en savoir plus sur lui, mais nous ne savons pas comment avancer.
    Auriez vous des info ou des pistes ? merci d’avance

    Répondre à ce message

    • Le Journal de Marche du Sergent Eugène Havard (3e partie) 9 décembre 2014 21:11, par Michel Guironnet

      Bonsoir,

      Sur Sépultures de Guerre, Francçois Chipier n’est pas répertorié.
      Sur sa fiche de Mémoire des Hommes, on note le jugement de septembre 1917 qui le déclare décédé. Cela suppose que sa dépouille n’a pas été retrouvée après le combat de Baccarat du 24 août 1914...donc pas d’endroit où il est inhumé.
      Mais parfois la recherche révèle des surprises !

      Sa fiche matricule est consultable sur le site des archives du Rhône, classe 1909, bureau de Lyon Central, N° 345
      Le registre est le 1 RP 1134, vue 621 sur 894
      Elle ne nous apprends pas grand-chose.

      Désolé de ne pouvoir vous aider plus.

      Michel Guironnet

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  • Le Journal de Marche du Sergent Eugène Havard (3e partie) 20 avril 2015 04:18, par Elisabeth Prady

    Mon grand ’ père Guillaume Eugène Prady né à Villosanges, dans le Puy - de Dôme a été porté disparu à Larifontaine, le 4 Septembre 1914 .
    Il appartenait au 5e RIC .Il avait 29 ans ,père de 2 garçons dont mon père qui , lui avait 6 ans .
    Beaucoup de douleurs pour ces orphelins de guerre ....

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