« Mademoiselle la parresseuse,
Nous sommes tous a nous demander ce que l’on a pu te faire que tu n’as écrit a personne depuis ton départ !
Claudine mas chargée de te dire quelle nétais pas contente et moi non plus par le faits on ne sait rien de toi.
Si tu avais trouver la bande a Bonnot on aurait pas pus métre la police a leur trousse. Je te promais que c’est du jolie pour une petite comme ça !
Aussi en preuve (?), on tenvois une belle image espérant que tu serra plus sage et que tu va répondre tout de suite.
On tembrasse tous bien fort. Ta cousine Anna »
- Carte adressée à Isaure Chandioux,
"chez Madame Bontoux à Châteaurenard"
Pierre Chandioux, né à Bourbon-Lancy le 22 avril 1845, fils d’Antoine Chandioux et d’Anne Prost, est le frère de Gaspard, le père d’Isaure ma grand-mère maternelle.
Il a épousé Catherine Suzanne Saintyves le 27 novembre 1866 à Saint Aubin sur Loire, non loin de Bourbon Lancy. Ce couple a recueilli les enfants de Gaspard, orphelins après le décès de leur père (veuf depuis 1890) en mars 1892.
Les époux Chandioux Saintyves ont eu sept enfants, tous nés à Saint Aubin :
- Anna ; « la cousine » qui signe la carte ; née le 21 juin 1867. Elle est ; et le restera ; célibataire.
- Jeanne, née le 6 octobre 1869, morte à 7 ans le 27 mars 1876
- Antoine, né le 5 avril 1872, cantonnier à St Gengoux le National [1]
- Léonard, né le 11 octobre 1874, maçon comme son père
- Jean-Marie, né le 21 décembre 1877, maçon également [2]
- Anne, née le 1er janvier 1882, morte à 22 mois le 22 octobre 1883
- Antoine, né le 26 juin 1884, cordonnier [3]
Antoine est surnommé « Le Bouif » parce qu’il est cordonnier. En patois "Bouif" vient du mot "boeuf", qui donne le cuir alors que cordonnier vient de la ville de Cordoue en Espagne. Sur la carte-photo, Antoine cloue une semelle sur une chaussure sur son embauchoir, sa soeur Anna l’aide en cousant un vêtement (de cuir ?) sur sa machine à coudre Singer. |
Pierre, le petit garçon présent sur la photo, est le neveu du Bouif. C’est le fils de Jean Marie. Né en 1909, il est surnommé « Petit Pierre » pour le différencier de son grand-père.
- Le geste du sabotier
Cette photo est certainement prise "aux Lambeys" à Saint Aubin sur Loire ; dans l’atelier de cordonnier du Bouif.
« Claudine...qui n’est pas contente » est peut être Claudine Carre épouse d’Eugène Chandioux, frère d’Isaure ; à moins qu’il ne s’agisse de Claudine Giraud, épouse de Léon, un autre frère d’Isaure.
Grâce à l’allusion d’Anna sur la bande à Bonnot la carte peut être datée de 1912.
Peut être faut il la comprendre ainsi : "Si tu ne donnes pas de nouvelles, c’est que tu as fait une mauvaise rencontre...Peut être la Bande à Bonnot. Si on prévient la police pour la lancer à ta recherche, par crainte d’un enlèvement, on peut risquer ta vie (vu les crimes sanglants de la Bande)..." Mais c’est de l’humour, bien sûr !
Les journaux ont très largement "couvert" , sur des pages entières, les méfaits de la Bande à Bonnot : ce doit être par leur lecture, et les discussions avec les gens du village, que les "cousins Chandioux" ont connu son existence.
L’épopée de la Bande à Bonnot débute le 21 Décembre 1911. Ce jour là, Bonnot, Garnier, Callemin s’attaquent à la Société Générale, rue Ordener à Paris. Quelques jours plus tard, la bande pille deux armureries à Paris.
A Gand, le 25 janvier 1912, en volant une voiture, surpris par le chauffeur, ils l’assomment à coups de clé anglaise. Callemin abat un agent de police tentant de les interpeller.
Les nommés Valet et Soudy rejoignent la bande. Le 27 février à Paris, suite à une banale altercation, un policier est abattu. Le 29 février un boulanger est tué par les malfaiteurs cambriolant une maison.
Les têtes des malfaiteurs sont mises à prix. La Société Générale offre une prime de cent mille francs à qui permettra leur capture.
Pendant toute une semaine, les quotidiens commentent ces faits divers sanglants. Les photos des bandits s’étalent dans les journaux. On les voit partout... La presse leur attribue bien des crimes commis en France, une psychose est en train de naître dans l’opinion.
La police arrête Soudy le 30 mars. Le 7 avril, c’est au tour de Callemin. Le 24 avril un dénommé Monier est interpellé. Fin avril Jouin, sous-chef de la sécurité, repère Bonnot et tente de l’arrêter. Bonnot l’abat et réussi à s’enfuir, blessé au bras.
Bonnot trouve refuge chez Dubois, un anarchiste de Choisy-le-roi : le 28 avril 1912 son pavillon est cerné ; Dubois est abattu. Deux compagnies de la Garde républicaine, cinq cents hommes armés, commencent le siège. Bonnot se défend pied à pied, la fusillade est nourrie. La police réussit à pénétrer dans la pièce où est réfugié Bonnot. Il est atteint de six balles. Il meurt avant d’arriver à l’Hôtel-Dieu.
Les deux derniers complices encore en fuite, Garnier et Valet, sont mis hors d’état de nuire les 14 et 15 mai après un nouveau siège et une nouvelle fusillade, cette fois à Nogent-sur-Marne.
Les huit autres membres de la Bande à Bonnot seront condamnés à mort et guillotinés ou seront condamnés aux travaux forcés à perpétuité.