Depuis des générations fixée à St Léger sous la Bussière, village du Mâconnais entre Tramayes et Trambly, en Saône et Loire, la famille VALENTIN était devenue peu à peu propriétaire de terres assez étendues, notamment autour du hameau de La Garde abritant la maison d’habitation des époux VALENTIN.
Léger VALENTIN (né le 8 décembre 1821) et sa femme Claudine MARTINOT (née le 27 juillet 1819 à St Point ) mariés depuis le 29 octobre 1843 vivent de la culture et de l’élevage. Ils n’ont qu’un enfant : Antoine Marie, né le 30 novembre 1863.
Marié à presque trente ans, le 23 janvier 1892 avec une fille de Saint Point, Marie Françoise BENAS (née le 19 avril 1865) Antoine Marie continue ses acquisitions de terres.
- Marie Françoise Benas
Le 27 décembre 1892 un enfant est né au foyer VALENTIN - BENAS : Claude Marie. La famille s’agrandit, Antoine Marie s’endette. Aux bonnes saisons, le foyer arrive à régler les intérêts, mais aux mauvaises l’argent commence à manquer. Bientôt les meilleures terres sont mises en location, puis vendues. La propriété devient alors trop petite pour nourrir deux adultes et deux enfants : à Claude Marie s’est joint une petite orpheline de presque six ans : Isaure CHANDIOUX.
Isaure CHANDIOUX n’a qu’un peu plus de deux ans quand meurt sa mère, à Verdun sur le Doubs, le 15 novembre 1890 : Rosine LENOBLE, couturière, née à Santenay le 27 février 1849, s’est mariée le 24 octobre 1871 avec Gaspard CHANDIOUX, tailleur de pierres natif de Bourbon Lancy le 8 juin 1842.
Elle n’a pas quatre ans à la mort de son père Gaspard le 21 avril 1892.
Dernière de huit enfants, Isaure est née le 15 juillet 1888, à Verdun sur le Doubs, près de Beaune en Cote d’Or, baptisée le 23 juillet par le vicaire GIVRY.
Ses frères et sœurs, plus âgés (l’aînée a vingt ans, les autres se suivent à deux ans d’intervalle) sont recueillis par un frère de Gaspard, Pierre, habitant à Saint Aubin sur Loire. Seule Isaure est placée. Elle est admise à l’Hospice dépositaire de Mâcon le 26 novembre 1892, sous le N° 4350. Confiée d’abord à Marie CHEVALIER, femme de Claude LOREAU, au Gros Chigy, à Saint André le Désert le 18 décembre, la visite de l’Assistance note le 17 avril 1893 : " a déplacer immédiatement ". Effectivement, dès le 21 avril, Isaure est confiée à Catherine MOREAU à Sailly. Puis le 5 juin 1894 à "Madame VALENTIN ", Marie Françoise BENAS, à Saint Léger sous la Bussière.
La visite du 10 septembre 1897 constate : " devenue bien gentille, intelligente, développée, bien soignée ". Elle fait sa Première Communion à onze ans, le 14 mai 1899. A La Garde, à St Léger, Isaure garde les troupeaux et se livre à de menus travaux domestiques. A treize ans, pour rester près de sa "mère adoptive " l’Assistance publique la place à la ferme de Chaux à St Léger. A l’âge de quinze ans, le 10 décembre 1903, Isaure CHANDIOUX est salariée chez Madame BONTOUX à Saint Bonnet de Joux.
Dés 1906, elle accompagne, en tant que domestique, Mme BONTOUX à Châteaurenard, ville natale de sa patronne, non loin d’Avignon. Marie Louise DELEUZE, née le 13 juin 1844, est veuve depuis le 7 décembre 1885 d’un docteur en médecine, Denis Ferdinand BONTOUX, né à Châteaurenard le 13 décembre 1838. Ils se sont mariés le 2 juillet 1866. Trois enfants sont nés de cette union : Louis, le 10 janvier 1876 ; Charles, le 26 septembre 1878 et Henri, le 11 juin 1883. Entre 1906 et 1919, Isaure CHANDIOUX habite chez les BONTOUX, place de la Concorde à Châteaurenard, une vaste demeure dans le quartier ancien, au centre de la ville. Arrive le jour où devant les difficultés financières, Antoine Marie VALENTIN doit aller chercher dans les fabriques de Lyon l’argent que ne lui donne plus la terre ; surtout après la naissance de son second fils, Joseph, le 16 janvier 1906.
Marie Françoise BENAS, son épouse, a un frère, Jean Marie (né le 22 mai 1874), établi à Lyon au 11 rue de Crimée à la Croix Rousse, marié à Françoise JULLIARD. Vers 1910, il trouve du travail à son beau-frère et c’est le départ.
Les terres sont louées, et toute la famille VALENTIN, à l’exception de Claude Marie, quitte Saint Léger pour s’établir au rez de chaussée du 7, rue de l’Alma, sur les pentes de la Croix Rousse. Le travail du père aux "Aspirines du Rhône " plus les ménages de Marie Françoise chez Madame Fanelly CREVAT, " quinetilleuse " (fabrication des fils torsadés de soie et d’or pour les galons de rideaux) au 2 rue de Crimée, permettent de rembourser les emprunts et de vivre modestement.
Claude Marie travaille un an, novembre 1909 à novembre 1910, chez GAILLARD, propriétaire à Saint Sorlin - aujourd’hui La Roche Vineuse- puis chez le vigneron Joanny PETIT à La Bussière à partir de janvier 1911. En août 1911, il rejoint ses parents à Lyon.
Claude Marie, depuis le 4 octobre 1911, travaille aux "Chantiers de La Buire " comme manœuvre. Il quitte ce poste début avril 1912 pour entrer à l’usine Gillet et Fils, 9 quai Serin. Il est manœuvre teinturier pendant neuf mois. Il va avoir vingt ans en fin d’année.
Au bureau de recrutement " du Rhône Central " Claude Marie VALENTIN porte le matricule 413, il tire le n° 278 : le voilà " Bon pour le service ". De janvier 1913 à février 1914, il effectue son service militaire.
A son retour, il travaille aux Teintures Vulliod, Ancel & Cie du 4 février au 17 juin 1914.
La guerre éclate : Claude Marie est mobilisé. Il est au 44E d’Infanterie à Lons le Saunier de décembre 1914 à 1916. Arrivé au C.V.C, section A, à Clerval le 17 juin 1917,il revient au 60E d’Infanterie en avril 1918. En septembre 1918, Claude Marie est au 158E d’Infanterie, puis passe au 33E d’Infanterie du début 1919 au 28 août 1919, date où il est enfin démobilisé. Il reste ainsi militaire presque un an après l’Armistice !
Redevenu civil après cinq ans sous les drapeaux, il est embauché chez Guillotte & Neveu.
Tous les étés Isaure CHANDIOUX revient voir ceux qu’elle considère comme ses parents adoptifs à la Croix Rousse. Claude Marie a vingt huit ans. Il ne manque pas de remarquer que la petite fille compagne de ses jeux a bien grandi : elle porte beau ses trente deux ans !
Le mariage est célébré le 10 janvier 1920 à Lyon. Les époux habitent au troisième étage, sous les combles, à la même adresse que les parents VALENTIN. Quelques mois plus tard Isaure est enceinte : Régine voit le jour le 10 mars 1921 à l’hôpital de la Croix Rousse. Elle est baptisée à la chapelle de l’hôpital le 20 mars. Son oncle Joseph VALENTIN est parrain, la marraine est sa grand-mère Marie Françoise BENAS.
L’appartement du rez de chaussée au 7, rue de l’Alma est repris fin 1921 par les jeunes mariés : une pièce avec alcôve, une arrière cuisine et une petite loggia en soupente, ce n’est pas grand mais le couple est heureux !
Leurs ennuis financiers s’atténuant, Antoine Marie et sa femme Marie Françoise sont en effet retournés à Saint Léger sous la Bussière... La guerre a créé un boom sur l’agriculture, ils croient pouvoir vivre de leurs terres mais en fait elles ne leur permettent que de vivoter.