- Carte du 27 juillet 1903
Voici deux extraits de ces courriers conservés pieusement, avec des milliers d’autres lettres venant des Grubis, sa famille paternelle :
« St Clair, 27 juillet 1903 [1] Chers miens,
Tandis que s’éteignent les derniers flonflons de la vogue, le glas annonçant le service funèbre du Pape [2] commence à sonner. D’ailleurs nous vivons ces jours-ci au milieu de circonstances dramatiques. Figurez-vous que samedi après-midi [3], j’ai aperçu de ma chambre l’institutrice libre qui brulait. La malheureuse, par grandeur, s’est réfugiée dans sa cave pour mourir, c’est Chapuis [4] et un forain qui l’ont emporté en flammes.
Priez pour moi nous a-t’elle dit. J’ai couru au téléphone, qui ne marche pas de midi à 2 heures. A la recherche d’une bicyclette, puis d’un bicycliste ; enfin j’ai été chercher la voiture de Mr Colard [5]. Cette pauvre demoiselle administrée [6] a été conduite à l’hôpital de Condrieu, elle ne se plaignait pas ; ses parents sont arrivés à 10 heures du soir. Elle est morte cette nuit et l’enterrement a lieu demain à St Clair [7].
On l’a ramenée ici dans sa chambre. Pauvre fille, brulée vive, je l’ai vue. Explosion de sa burette de pétrole qu’elle tenait à la main pour aviver son charbon de bois. Samedi après-midi, le maire [8] m’a fait appeler pour dresser l’inventaire de ce que l’infortunée possédait. 268 francs dans une boite et 4 sous dans 1 porte monnaie ; j’ai ramassé son chapelet dans l’escalier de la cave avec son mouchoir calciné.../..
.../... Votre grand J (Jean) Grubis »
"St Clair 29 juillet 1903 Chers parents,
.../...La malheureuse victime de l’accident est morte dimanche soir [9] . Elle a eu le temps de revoir sa mère. Le convoi est parti d’ici hier matin [10]"
- Expéditeur et destinataire
Ces cartes des 27 juillet et 29 juillet 1903 sont envoyées par « J.Grubis, à St Clair, par Les Roches, Isère ». Elles sont adressées à « Monsieur Ant(oine) Grubis, 9, rue du Commerce à Genève ».
"Jules Jean Marie Grubis" est professeur à Lausanne. S’il écrit de Saint Clair du Rhône, c’est qu’à l’époque, "Les Colombettes", la maison des Grubis [11], est une « maison de vacances » pour la famille, les cousins et les cousines. Jean donne des nouvelles à ses parents. Antoine est "marchand tailleur (d’habits)."
- Les lieux du drame
- Détail d’une carte postale du début du XXe siècle
(collection personnelle)
Cette maison (à gauche du grand arbre) est à faible distance et presque en face de « l’école de filles » installée dans la « maison Julien » (celle avec les trois « oeil de bœuf ») au deuxième plan, à droite de l’église. |