En 2014 je publiais cet article : "Quand un fait divers anonyme devient l’occasion de rejoindre la Grande Histoire."
Très récemment, en fouinant sur RetroNews, je trouve ; dans la rubrique des faits divers ; cet article de journal :
- "L’Autorité" du 2 août 1903
Beaucoup plus circonstancié que celui paru dans « Le Rappel » du 2 août 1903, il pose bien des questions restant à élucider.
Le 2 août 1903 étant un dimanche, l’accident aurait eu lieu le "mercredi, à onze heures" c’est-à-dire le 29 juillet...La pauvre Mlle B est emmenée "à l’hospice de Lyon". Quel est cet hôpital ? A l’époque à Lyon, il n’y a que l’Hôtel-Dieu, ou l’hôpital de La Charité, pour soigner ses blessures...situés à plus de 50 kilomètres au nord de Saint Clair. Comment fut-elle transférée ?
Méfiant, car je sais qu’il ne "faut pas croire ce que disent les journaux" (dixit Daniel Balavoine), je cherche d’autres articles.
Et je tombe sur celui dans "Le Petit Marseillais" du 28 juillet 1903...Donc la veille de la date présumée de l’accident :
- "Une institutrice brulée vive"
Le "journaliste" écrit : "On nous télégraphie de Saint Clair du Rhône (Isère) 27 juillet. Ce matin..." donc le lundi 27 et non le mercredi 29 !
Et la pauvre victime est, cette fois, "transportée à l’hospice de Coudrier" et non à celui de Lyon.
Coudrier ? Cette commune n’existe pas dans les environs de Saint Clair (et même en France !) Ce doit être plutôt Condrieu, à 3 kilomètres de là, de l’autre côté du Rhône...le ou la télégraphiste a dû mal retranscrire le message du correspondant local [1].
Cherchant à savoir ce qu’est devenue Mlle B, sur Geneanet je trouve cette tombe :
- Cimetière de Veyssilieu
- "Ici repose Victorine Ballefin,
décédée le 26 juillet 1903, à l’âge de 25 ans.
Elle laisse à ses parents un regret éternel"
Les nom et prénom, la date du décès et l’âge indiqués semblent confirmer mon hypothèse : Mlle B serait bien Victorine Ballefin, née le 12 août 1878 à Veyssilieu, fille de François Joseph Ballefin et de Marie Chapot, cultivateurs au hameau de Colly...Sauf que, d’après cette plaque, elle serait morte le dimanche 26 et non le jour même de l’accident, lundi 27 juillet ! |
Reste à savoir où elle est décédée :
- pas à Lyon car il est évident qu’elle n’est pas transportée à "l’hospice de Lyon".
D’ailleurs, je n’ai rien trouvé dans l’état-civil lyonnais ni dans les "convois funéraires". - pas à Condrieu non plus : rien dans le registre de décès de 1903.
Peut être est-elle morte à Veyssilieu, l’hôpital l’ayant "rendue" à ses parents, ne pouvant plus rien pour elle ?
Je demande alors à la mairie si son acte de décès existe dans leurs registres et attends, avec impatience, sa réponse pour dénouer cette énigme.
Elle ne tarde pas :"Madame Victorine Ballefin n’est pas décédée à Veyssilieu, je n’ai pas d’acte de décès à son nom dans mes registres."
Le mystère reste donc entier...Mais le même jour "scoop de dernière minute" !
Grâce à la récente mise en ligne de registres sur le site des archives de l’Isère, j’y découvre "mon" acte [2] :
- Saint Clair du Rhône le 27 juillet 1903...
En 1903, « le vingt-sept du mois de juillet , à sept heures du matin », devant le maire Antoine Valin, « sont comparus » Joseph Levet, 54 ans, et Lucien Monot, 33 ans ; tous deux « propriétaires cultivateurs domiciliés à Saint Clair », non parents mais voisins de la défunte ; « lesquels nous ont déclaré que Ballerin Victorine Clémentine, vingt cinq ans, institutrice libre à Saint Clair du Rhône…célibataire, est décédée le jour d’hier à six heures du soir dans la maison Jullien, local de l’école situé au village… » |
Tout concorde : Victorine est bien décédée des suites de ce fatal accident le 26 juillet au soir....comme indiqué sur sa tombe, et non le 27 ou encore moins le 29 juillet comme l’ont écrit les journaux.
Mais, au fait : le 26 juillet cette année là est un dimanche...
- notre "institutrice libre" a t-elle bien fait la classe ce matin là avant d’aller préparer son repas ?
- n’est-ce pas une "invention" de journalistes ?
- a t-elle bien été transportée à l’hôpital ?
- n’est-elle pas, tout simplement, soignée et morte sur place, dans son école ?
Le 4 septembre 1901 nait à Crémieu Marie Jeanne Thévenon. Son nom ne vous dit rien ? Sa mère s’appelle Joséphine Ballefin. Née le 19 mai 1881 à Veyssilieu, elle se marie le 1er décembre 1900 à Veyssilieu avec Joanny Thévenon, facteur des Postes à Crémieu. C’est leur premier enfant...et la nièce de Mlle B ! Victorine l’a donc connu avant de mourir tragiquement. |