" Dura lex, sed lex"
La loi est dure, mais c’est la loi !
" La naissance d’un enfant dans l’étendue d’une commune, entraîne la nécessité d’une déclaration devant l’Agent municipal. La déclaration de naissance doit être faite par le mari, s’il est présent et en état d’agir.../...
La déclaration doit être faite dans les trois jours de la naissance (loi du 19 Décembre 1792, article premier de la section première) avec l’assistance de deux témoins de l’un ou de l’autre sexe, parents ou non parents, âgés de 21 ans (loi du 20 Septembre 1792, titre III, article 1).
Il y a peine de deux mois de prison contre ceux qui, étant chargés par la Loi de faire ces déclarations, ne s’y seraient pas conformés ; et même, il y a lieu à des procédures criminelles dans le cas où le défaut de déclaration conduirait au soupçon de suppression, enlèvement ou défaut de représentation de l’enfant, Loi du 20 Septembre 1792, titre III, article 5 "
Extrait du « Manuel des agents et adjoints municipaux, suivi d’un recueil chronologique des lois, arrêtés, instructions et lettres ministérielles concernant leurs fonctions » (1798) [1].
Pourtant, Jean Jacques Rousson, agent municipal de La Batie d’Andaure, et surtout ses administrés Guironnet du Chomel le Bas, ne semblent pas trop inquiets des rigueurs de la loi !
« Ce jourd’hui 5 thermidor an VII… »
« Ce jourd’huy cinq termidor an sept de la République française, pardevant moy Jeanjaque Rousson, agent municipal ayent le pouvoir de constater les naissances et décès des citoyens de la commune de Labastie du Doux, canton de St Agrève, département de l’Ardèche ; et comparu Jean Pierre Guironnet agé de trente six ans, cultivateur assisté de Louis Combeuroure agé de soixante trois ans, journalier, et de Joseph Guironnet agé de quarante huit ans, cultivateur ; tous du lieu du Chomel bas, commune dudit Labastie ;
Mon déclaré amoy Jeanjaque Rousson que Marianne Bancel, agée de trante cinq ans et acouchée hier dans sa maison au lieu du Chomel bas, son espouse en légitime mariage, dun enfans femelle qui ma (été) présenté auquel ont donné le prénom de Marie Guironnet.
Daprès cette déclaration qui ma été faite de lenfans dénommé, qui mon certifié conforme à la vérité, jay rédigé en vertu des pouvoirs qui me sont délégués le présent acte que ledit Guironnet, père de lenfans et les témoins on déclaré ne savoir signer, de ce enquis, fait le jour et an que dessus. Rousson, agent municipal »
Acte de naissance très classique, sauf que nous sommes dans la période révolutionnaire :
- Le 5 thermidor an VII correspond au 23 juillet 1799.
- Labastie du Doux est le nom « républicain » de La Batie d’Andaure.
- Jean Jacques Rousson est « agent municipal » de la « municipalité de canton de Saint Agrève » A remarquer qu’il n’est habilité qu’à rédiger les actes de naissance et de décès pour sa commune, les mariages étant obligatoirement célébrés au chef lieu de canton.
Donc la petite Marie Guironnet est née la veille ; d’après cette déclaration « conforme à la vérité », c’est à dire le 22 juillet 1799. Jean Pierre Guironnet et Marianne Bancel, mes lointains ancêtres, se sont mariés le 31 mars 1793 (à l’époque, Jean Pierre est « faiseur de toilles ») et habitent le hameau du Chomel le Bas (ou Petit Chomel).
Née le 22 juillet… mais baptisée le 16 !
Dans les registres de la paroisse catholique de La Batie d’Andaure est conservé cet acte du curé Jean Guironnet (un cousin, lui aussi !) :
« Le seize juillet 1799 a été baptisée par nous soubné Marie Guironet, fille légitime à Jean Pierre et Marianne Bancel, née au lieu du Chomel le Bas de cette parroisse le jour précédant.
Son parrain a été François Guironet, son oncle paternel habitant au lieu des Faux, parroisse de Nozières, et sa marraine Marie Guironet, habitante aud(it) lieu du Chomel le Bas ; qui nont sçu signer de ce enquis.
Guironnet, curé »
Comme dans l’acte d’état-civil, la petite Marie Guironnet est née la veille… mais c’est alors le 15 juillet 1799, soit 6 jours avant sa date de naissance « officielle » !
Parions que c’est sa vraie date de naissance : ne pensant qu’au salut de leur enfant, les Guironnet du Chomel le Bas la baptise dès le lendemain… et prennent quelques libertés avec l’obligation de la déclarer à la mairie de La Batie d’Andaure. Ils « rattrapent le coup » une semaine plus tard devant les autorités municipales [2].
Mes ancêtres du Chomel avaient, trois ans plus tôt, "créé un précédent" lors de la déclaration de décès de Jean Pierre Guironnet, le grand-père de la petite Marie. Voir mon article "Mort à 17 jours d’intervalle !".