De la défaite de 1870 à l’entrée en guerre de 1914
« On écrit de Sedan, samedi 3 septembre (1870), six heures du soir : « j’ai, comme tout le monde, le cœur et les yeux pleins de larmes. J’ai assisté au défilé lamentable des troupes françaises allant rendre leurs armes et évacuant la ville. Je n’oublierai jamais de ma vie ce spectacle, ces troupeaux d’hommes se poussant le long de l’interminable pont qui joint Sedan au faubourg de Torcy ; ceux qui avaient encore leurs armes les lançant, au passage, dans la Meuse ; d’autres les brisant avec rage et désespoir ; le reste les jetant devant les sentinelles allemandes à la porte de Paris ; tous accusant les généraux, maudissant le gouvernement impérial, espérant encore de Paris et de la France une revanche qui est bien due à la patrie »
« Impartial dauphinois » 10 septembre 1870.
« Hier matin (7 septembre 1914) à huit heures, ont eu lieu les funérailles imposantes et émouvantes du caporal de chasseurs à pied Marcel Colin, blessé à l’ennemi et mort…des suites de sa blessure…Au cimetière, M. le Colonel de Villeneuve, d’une voix forte qu’étreignait cependant une violente émotion, a adressé un dernier salut au caporal Colin :
Mesdames, Messieurs, Chers Camarades,
C’est sous le coup d’une profonde émotion que, pour la première fois, je franchis le seuil de votre nécropole où reposent déjà tant de vétérans de 1870 et, en ce jour de deuil, j’accompagne un de leurs dignes descendants…
Inclinons-nous avec respect devant les restes mortels de ce jeune héros : sa vie fut courte, mais bien remplie, sa mort glorieuse le lança dans l’immortalité.
Appartenant à une famille Lorraine, né à quelques kilomètres de la frontière, qui nous fut imposée par le traité de Francfort, l’enfance de Marcel Colin se développa au milieu des souvenirs de l’invasion. Son imagination exaltée par les récits de ceux qui en furent victimes l’entraîna d’une façon irrésistible vers le métier des armes…
Jugez de l’enthousiasme avec lequel Colin accueillit l’ordre de mobilisation, de sa joie en franchissant la frontière, de sa fierté en foulant, victorieux, le sol sacré de l’Alsace.…Au combat de La Chipotte, une blessure mortelle l’éloignait de la ligne de feu…
Caporal Colin, que votre mort nous serve d’exemple !
…Lorsque votre cercueil, caporal Colin, sera transporté à l’ombre du clocher qui vous vit naître [1], vos concitoyens salueront respectueusement le corps du héros devant lequel s’incline en ce jour la noble population Viennoise.
Au glas funèbre des cloches de votre paroisse répondront, au delà des Vosges, les joyeux carillons des communes Lorraines, délivrées enfin à tout jamais, grâce à votre bravoure et à celle de vos camarades, du joug Teuton qui les opprime depuis 43 ans.…Vienne, le 7 Septembre 1914 » .
« Journal de Vienne et de l’Isère » du 8 septembre 1914.
Marcel Colin est le premier soldat décédé à « l’hôpital complémentaire » de Vienne (Isère), hôpital provisoire installé dans un collège pour soigner les nombreux blessés évacués du front dès les premières semaines de la Grande Guerre.
Cette génération de français qui a grandi au lendemain de la défaite de 1870 est-elle celle de "la Revanche" ou est-ce une génération sacrifiée ?
Il ne nous appartient pas de trancher. Nous conseillons à ceux que la question intéresse de lire quelques bonnes pages d’historiens.
Pour notre part, nous visons, en inaugurant cette nouvelle rubrique "les conscrits de 1870 à 1914" un simple but "pédagogique" , c’est celui des "dossiers" de votre magazine.
Tous conscrits... et bientôt mobilisés !
La Grande Guerre, déclenchée il y a cent ans entre la France et l’Allemagne, a mobilisé les hommes, jeunes et moins jeunes.Tous ces hommes, nés entre 1855 et 1895, furent, avant de partir au combat, des « conscrits » !
Les uns furent « exemptés », les autres « réformés » ; certains sont passés devant le « Conseil de Révision », d’autres non. Certains ont « tiré un bon numéro » ; d’autres un « mauvais », d’autres n’ont pas tiré au sort.
Ceux-ci ne sont pas partis à l’armée, ceux-là sont partis pour cinq ans ou un an, voire après 1905 pour deux ou trois ans.
Pour comprendre, de façon simple et claire, comment nos ancêtres, entre 1870 et 1914, ont vécu leur période militaire, j’ai rédigé une série de fiches sur la vie de ces conscrits :
« Ce travail a pour but de vulgariser la connaissance des devoirs multiples qu’impose désormais à tout Français la nouvelle législation militaire.Ces obligations, consignées dans des textes nombreux, sont encore aujourd’hui superficiellement connues de ceux qu’elles concernent le plus directement, et il n’est pas toujours aisé aux intéressés de découvrir dans les nombreux actes intervenus (lois, décrets, règlements ou circulaires ministérielles) les indications dont ils ont besoin… » [2].
« Ce petit livre répond à quelques questions que j’entends souvent faire autour de moi. Il n’a d’autre prétention que de mettre la loi à la portée de ceux qui n’ont ni temps ni textes pour l’étudier… » [3].
Mode d’emploi
Dans l’esprit des "Thema" de notre ami Thierry, ces fiches pourront constituer, pourquoi pas - à terme et dans un délai inconnu à ce jour ! - un "Hors Série : spécial conscrits" à la collection. Pour commencer, il nous faut un "mode d’emploi" ou si vous préférez "un fil conducteur".
Prenons un conscrit fictif, notre aïeul à tous, né vers 1890, donc 25 ans en 1914.
Ses grands-parents lui racontent la Guerre de 1870, plus tard, à l’école, il a "une éducation patriotique", il lit des livres et des revues lui parlant de la Revanche. En 1910, à 20 ans il est conscrit.
Ces fiches - plus ou moins étoffées mais toujours illustrées d’exemples vécus - sont donc à répartir dans quatre grandes parties, plus deux autres "complémentaires" :
- 1/ expliquer comment se passent toutes les étapes (recensement, avec ou sans tirage au sort, supprimé en 1905, conseil de révision).
- 2/ parler des traditions et des fêtes des conscrits (incidents ou plus grave liés à la boisson entre autres !).
- 3/ évoquer sans trop s’attarder les "périodes militaires" et les manœuvres.
- 4/ évoquer l’arrivée à la caserne, c’est un "bleu"....puis, un jour (selon la durée du service) il va fêter le Père Cent.
- 5/ "l’éducation patriotique" (Instruction civique, histoire et souvenirs de 70, écoles de tir, lectures...).
- 6/ l’absence des femmes dans les lois militaires mais leur importance sur les aspects psychologiques, affectifs...et pratiques (préparer le bagage et le panier-repas, nettoyage du linge au retour des permissions...).
Chaque grande partie sera, au fil des mois -selon mon humeur et le temps disponible et sans ordre précis- enrichie avec ces différents thèmes.
Août 1914, c’est la guerre : notre ancêtre conscrit est mobilisé... Nous le laissons là. C’est une autre histoire qui commence !
Nos premières fiches concerneront les "Obligations et Devoirs du citoyen" envers l’Armée ou "comment se passe l’appel des classes ?" :
- 1/ Le recensement : qui est concerné, comment et où se passe t-il ?
- 2/ Le tirage au sort avant 1905 : procédure,"cérémonial". Après la suppression du tirage au sort.
- 3/ Le conseil de révision (liste des jeunes hommes, toise des conscrits, état physique, réformés, maladies - vraies ou fictives...).