Nous sommes à la fin de 1813 Les troupes napoléoniennes se replient. Une 6e coalition, et cette fois de presque toute l’Europe, s’apprête à lancer ses armées sur la France. Celle de Bohême commandée par le Prince Schwarzenberg entre dans le Jura le 21 décembre, l’armée de Silésie de Blücher passe le Rhin à Coblence le 31 décembre. La campagne de France est commencée.
Des troupes françaises (avec des Suisses et des Hollandais) dont le 123e régiment d’infanterie de Ligne sont pour leur part assiégées dans la forteresse de Wesel en Rhénanie-du-Nord-Westphalie depuis novembre.
Pas de bol pour le grenadier Pierre Ignace Thuillier qui vient juste d’arriver au service.
Les troupes suisses sont écartées car jugées peu sûres puis les Hollandais s’en vont.
Les Français tiendront et environ 5400 officiers et soldats quitteront finalement Wesel le 10 mai 1814, avec armes et bagages, après l’abdication de l’empereur.
Pendant ces presque 6 mois les soldats auront tout enduré : la faim, le typhus, la dysenterie et un hiver particulièrement rigoureux. Les hospitalisations sont nombreuses, les décès aussi.
Le relevé des 300 premiers conscrits du 123° régiment de ligne (26/9 au 4/11/1813) nous donne une idée de la situation : sur 300 soldats, 66 ont déserté, 55 sont morts à l’hôpital, 98 sont rayés des contrôles pour trop longue hospitalisation, 13 sont réformés et l’un d’eux est fait prisonnier.
Le grenadier Pierre Ignace Thuillier (Tuillier) n’a pas déserté, comme l’ont pourtant fait beaucoup de ses camarades en ce mois de février 1814.
Manque de bol encore. Il est resté.
On trouve sur le registre d’état-civil d’Esquéhéries (02), en date du 8 décembre 1815, la transcription suivante :
"Extrait du jugement militaire enregistré n°189, Le premier conseil de guerre permanent séant à Wesel le 24 du mois de février 1814 a condamné contradictoirement le nommé Thullier Pierre Ignace grenadier au 123e régiment de ligne à la peine de mort pour crime d’insubordination avec voie de fait sur son caporal ainsi qu’il résulte d’une copie de ce jugement déposé au ministère de la guerre."
Suit la description du condamné : 23 ans, cheveux blonds, yeux bleus, 1 m 704 mm, etc.
Sur les registres matricules du 123e régiment de ligne, on apprend qu’il a été mis en jugement le 22 février et fusillé le 26. Là non plus ce n’est pas de bol car c’est sans doute pour l’exemple qu’on le fusille, vu le contexte et le nombre élevé de désertions.
Pierre Ignace s’était marié en 1811 à l’âge de 19 ans avec Marie Thérèse Rosalie Babilotte 21 ans.
L’an 1815, le 10 juillet, naît de cette union le petit Jean Baptiste Xavier Tuillier fils de Rosalie Mabilotte épouse de Pierre Ignace Tuillier militaire au service dans les armées.
Papa 20 ou 22 mois après être parti au service militaire, assiégé par l’ennemi et 17 mois après avoir été fusillé, Pierre Ignace, notre grenadier "pas d’bol", a enfin une veine de cocu !