Le 19 décembre 1916, le Service Intérieur Sûreté adresse aux Services de Police un télégramme leur demandant de suivre les agissements et correspondance de Julio SEDANO, signalé comme étant à la solde des services allemands en Espagne (1454).
Dans le Dictionnaire de la Grande guerre des Éditions R. Laffont, on note : « Le centre allemand de Barcelone a été durant la guerre le plus important de l’Espagne, tant pour la propagande que pour l’espionnage ».
Après 8 filatures du 20/12 au 28/12 pendant lesquelles sont interceptées des lettres déposées à la Poste et dont certaines se révèlent compromettantes, le Commissaire de Police se rend le 30 décembre 1916 à 7 heures du matin, au 20 Rue de Liège, domicile de SEDANO depuis la veille, pour l’interpeler et y opérer une perquisition.
La logeuse révèle que c’est SEDANO lui-même qui a rempli la fiche de police : Julio SEDANO, 49 ans, diplomate, venant du Mexique, arrivé à Paris le 26 décembre 1916 (1414).
Dans sa dernière lettre postée et écrite à l’encre sympathique, SEDANO, sujet mexicain, envisageait de faire sauter la Tour Eiffel à la mélinite, il réclamait encore 1000 francs à son correspondant, il indiquait quelles étaient les abréviations utilisées dans l’armée française, et donnait des renseignements sur la fabrication des avions de 200 HP, dont la production était supérieure à 10 par jour (1457 ; 230 ; Rapport du commissaire PRIOLET 1353 à 1360).
Surprenant quand on connaît son caractère, SEDANO reconnaît : « l’évidence des faits me force à m’incliner » (1389).
S’ensuivront une arrestation et un interrogatoire, sommaire mais révélateur, dans les locaux de la Police.
En conséquence il est inculpé aux motifs d’ « Intelligence avec l’ennemi dans le but de favoriser ses entreprises, tentative d’espionnage et complicité avec l’ennemi ».
Plus tard il se ravisera et avouera avoir été pas mal « bousculé par la police et mes déclarations s’en ressentent forcément » (324).
Il est remis aux autorités militaires et sera incarcéré à la Prison de la Santé dans l’attente de son procès.
L’instruction sera confiée au juge Capitaine BOUCHARDON du 3e Conseil de Guerre permanent du Gouvernement Militaire de Paris qui, après enquête, remettra son rapport circonstancié le 4 avril 1917 (230 à 242).
Ce rapport est accablant pour SEDANO, qui « depuis plus de vingt ans avait reçu de la France la plus généreuse hospitalité ». Il le qualifie d’individu souple, inventif, ingénieux infatigable, d’une activité dévorante. Il évoque sa prodigieuse activité, ses ruses, ses furetages perpétuels, ses galanteries intéressées. Bouchardon résume le tout par l’emploi du terme « rastaquouère ». Il place SEDANO au nombre des « as » de l’espionnage allemand (Selon les services secrets français, les Allemands reconnaissent la valeur des renseignements donnés) (1358).
Le procès aura lieu à huis clos au prétexte qu’il serait dangereux pour l’ordre de le rendre public et il sera fait interdiction d’en donner le compte-rendu.
SEDANO est défendu par Maître AMBELOUIS, avocat à la Cour d’Appel de Paris, commis d’office.
Les jurés du Tribunal Militaire ayant répondu affirmativement et à l’unanimité, aux quatre questions portant sur la culpabilité de SEDANO, celui-ci est condamné à mort.
Il dispose de vingt quatre heures pour demander la révision de son procès.
Immédiatement SEDANO trouve les failles qui lui permettront d’exercer ce droit : une erreur dans l’orthographe de son nom, LEGUISANO au lieu de LEGUIZANO, il s’insurge également contre le fait qu’étant hispanophone, ce soit un interprète non assermenté qui se contente, dit-il, de lui traduire oralement et partiellement le déroulement des débats.
En attente de la décision SEDANO ne reste pas inactif dans sa cellule. Il va produire une impressionnante correspondance destinée à des personnages influents (Ambassades, Consulats etc…), pour tenter de trouver de l’aide, estimant qu’il n’a commis aucun délit.
Il demande la liberté provisoire ou le rapatriement immédiat dans son pays
(575 ; 846).
Il contacte, entre autres personnalités, Porfirio DIAZ, fils de feu l’ancien président de la République Mexicaine lequel pourtant « se désintéresse complètement de cet individu… ayant appris que c’était un aventurier. » (1042).
SEDANO submerge le Capitaine BOUCHARDON de lettres-fleuve tendant à nier, puis à minimiser sa responsabilité pour finalement conclure qu’il a œuvré pour le bien de la France.
« La calomnie est un serpent qui répand son venin dans les cœurs », écrit-il le 26/06/1917 (109).
Ne doutant de rien, il propose de s’occuper de la censure militaire (585), il va même jusqu’à suggérer au juge un autre modèle de circulaire pour les interrogatoires (722).
« Je suis victime d’une erreur ». Selon lui, les renseignements fournis étaient inventés ou puisés dans les journaux. « Las noticias imaginarias que envie a Espana. » (257 ; 544 ; 1398 ).
Il évoque « la blague » de la Tour Eiffel (574).
Il demande grâce car il appartient à une honorable famille mexicaine (502).
Il assure être Français de cœur (860 ; 1046).
« Je faisais toujours attention de ne rien envoyer qui portât atteinte à la défense nationale… (C’était) …exclusivement pour gagner de l’argent dont j’avais un urgent besoin, tant pour mes dépenses personnelles que pour mes nobles entreprises. » (627).
« Je pensais d’ailleurs rembourser les sommes d’argent quand les circonstances me l’auraient permis en les distribuant à des œuvres de bienfaisance et m’acquitter ainsi vis-à-vis de ma conscience » (le 23/01/1917) (677).
« Je ne crois pas être condamné pour (sic) la France car en réalité je prête un grand service à ce pays qui est le mien de cœur. » (575)
Il se dépeint comme un homme laborieux, honnête et travailleur en faveur de la République Française (644).
« C’était seulement une lettre écrite à l’encre sympathique, dans l’unique but de gagner un peu d’argent……..Un véritable espion ne se compromet pas au péril de sa vie. » (545-546)
Fréquemment il fait référence à un « délit supposé. »
Le Conseil de Révision rejette la demande de SEDANO et confirme la validité de la procédure par sa décision n°697.
Apprenant que sa cause semble définitivement perdue, le condamné rédige son testament.
SEDANO sera fusillé à Vincennes le 10 octobre 1917 à 6h05 (pages 12 et 13 de 17).
Implacable, l’Administration annonce que les frais, honoraires et indemnités s’élèvent à 660,65 francs et que le recouvrement se fera sur les biens, présents et à venir du condamné, par les percepteurs des contributions directes (page 17 de 17) .
« La barbe et la chevelure soigneusement peignées, toujours tiré à quatre épingles, portant beau, il se donne des allures de galantin, et, dans son jargon réel ou affecté, il ne cesse de décocher des compliments aux femmes qu’il comble par ailleurs de prévenances et de menus cadeaux. » (Capitaine BOUCHARDON)
Julio Roman SEDANO Y LEGUIZANO est né le 09/08/1866 à Pachuca, Province d’Hidalgo au Mexique, fils officiel d’Ignacio et de Maria Anna LEGUIZANO. (Les historiens voient en lui le fils illégitime qu’aurait eu Maximilien, Empereur du Mexique avec Maria Anna).
Les enquêteurs nuanceront : « s’étant dit né à Pachuca » (913).
Il dit qu’après avoir terminé son instruction primaire, à 15 ans, il est employé dans les Chemins de Fer du Mexique dont son père est un des plus actifs directeur et qu’à son arrivée en France, en 1897, il était veuf avec deux enfants (683 ; 715).
Le 12/02/1898 il rencontre Anna de BENS, d’origine belge, qu’il épousera le 07/01/1899 à Paris XVIIe (acte1513, p.31).
En 1917, dans les locaux de la police, elle avouera : « J’avais pour lui une véritable répulsion… il était beaucoup plus âgé que moi….il a arraché mon consentement. » Elle le décrira alors comme « un rastaquouère, un triste individu dangereux, capable de tout ».
Elle révèle qu’avant leur mariage elle s’était vue obligée de retirer 280 frs de son livret de Caisse d’Épargne pour dépanner son futur époux (1167).
Quant à lui, il dira avoir épousé une modiste, fille de concierge parce que « je suis un homme de goûts simples ».
En fait, la police recueillera des témoignages défavorables sur les deux conjoints. Avant son mariage Anna vivait de la générosité d’amis ou d’amants. L’entourage pense même que cette union n’était qu’une mise en scène (914).
Anna reprochera à son époux de vivre à ses crochets. Les griefs de SEDANO sont nombreux : « Ma femme déplaisait à tout le monde, elle était furieuse qu’on m’invitât sans elle ». Il évoque sa méchanceté.
(Les époux se sépareront en 1910. Anna chargera Maître Albert LEGRAND d’introduire une demande en divorce, lequel ne sera pourtant jamais prononcé.)
En 1900 SEDANO était attaché au musée commercial de Philadelphie lors de l’Exposition Universelle de Paris.
Jusqu’en 1910 il travaille à Paris dans des affaires de commission, exportation et importation.
Début Septembre 1910, il se fait présenter en tant qu’ancien diplomate, par des relations communes, à Mr BALEMBOIS, jeune commerçant, 10 Rue d’Hauteville, qui lui fait confiance et qui lui remet des dentelles et articles de lingerie pour une somme de 5.000frs. N’obtenant aucun règlement, Mr BALEMBOIS se renseigne auprès du Ministère des Affaires Etrangères et apprend que SEDANO a quitté la France. Il ne pourra donc pas porter plainte.
Effectivement, SEDANO était reparti à Mexico en septembre 1910 et il y restera jusqu’en 1912. Pendant cette période il aurait été secrétaire particulier du Gouverneur de la ville de Mexico (716).
Dans une lettre datée du 25/10/1910, il prévoit un voyage à Paris avec son fils Ignacio.
Un an plus tard, le 28/10/1911, toujours de Mexico, il évoque « la grande maladie de ma mère chérie », ainsi que sa décision de rester définitivement auprès de « ma famille qui m’aime avec ou sans argent » et, s’adressant à Anna de BENS, met un point final à leur relation : « pour la dernière fois je te salue en te disant adieu pour toujours » (1155).
SEDANO revient pourtant en Europe.
C’est probablement entre 1912 et 1916 qu’il se retrouve à Barcelone, secrétaire du poète nicaraguayen, Ruben DARIO. Quand ce dernier décide de repartir en Amérique Latine, pour raisons de santé, SEDANO se retrouve sans emploi, mais demeure toutefois avec la femme de son protecteur pendant un an (1212).
Désiré PECTOR ex consul du Honduras et du Nicaragua révèle qu’à Barcelone SEDANO était toujours dans une situation précaire sans jamais cesser d’être élégamment mis (1139).
Il le trouve peu intelligent. Il était toutefois toujours très poli et ne se fâchait jamais même lorsqu’il devait subir les rebuffades et le langage grossier de Ruben DARIO. (1141).
A l’Exposition Universelle de 1913 à Gand, en Belgique, SEDANO présente des produits mexicains et obtient une médaille d’or.
De retour à Barcelone il fonde un cabinet de lecture, avec un associé, Frederico GOMILA, bien connu de la police « Ce cabinet périclita presque aussitôt que fondé » signalent les enquêteurs (233 ; 1378).
Suite à des achats, de meubles et de machines à écrire, non réglés, et à un loyer non payé, SEDANO aura affaire à la justice espagnole, poursuivi et arrêté pour escroqueries et dettes le 31/03/1916, remis en liberté le 8/6, il est de nouveau compromis dans une affaire d’escroquerie le 30/09/1916 et cité à comparaître.
La situation devient très compliquée pour lui.
C’est alors qu’il est contacté par un « inconnu », la première fois dans les locaux de son association, les deux fois suivantes dans la rue. Il lui est fait une proposition moyennant finances.
Il s’agit de se rendre à Paris pour se procurer et transmettre des renseignements concernant, principalement :
Les secteurs postaux de l’armée française afin de connaître les mouvements des troupes.
Le matériel militaire, canons, avions français et anglais.
Un certain métal apte à « la friction »
Le moral de la population française.
(Pour les services secrets français, d’après le portrait dressé par SEDANO, cet « inconnu » n’est autre que Fritz DISPEKER, une grande pointure de l’espionnage, trésorier du Cercle Germania et l’un des membres les plus actifs du Consulat d’Allemagne. Il parle sans accent le français et l’espagnol (1210).
SEDANO accepte le rôle d’espion au profit de l’Allemagne.
Les modalités du contrat sont arrêtées. Le voyage en France lui est offert et il reçoit, pour commencer, une gratification de 400 pesetas (1392).
Les renseignements seront envoyés par lettres adressées à Pedro GARCIA, 6 y 8, Puerta del Angel, Barcelone. Elles seront écrites soit à l’encre sympathique, soit en utilisant un code.
SEDANO devra se procurer un dictionnaire Larousse pour le code. Le mot codé sera remplacé par deux nombres séparés par un point. Le premier nombre sera celui de la page où figure le mot, le second nombre sera celui de la ligne dans cette page.
L’encre sympathique servira à écrire le texte secret et un autre texte banal visible sera écrit, si possible, dans l’interligne. SEDANO préférera ce second procédé.
L’adresse de son correspondant, n’est autre que celle de son ami, Rafael SANCHEZ FACIO, connu pour sa respectabilité et ses sentiments francophiles, ce qui assurera une certaine sécurité à l’entreprise. Rafael, qui ignore tout de la manigance, se contentera de remettre le courrier à son destinataire lorsqu’il se présentera (329).
En fait Pedro GARCIA n’existe pas. C’est un mythe, un personnage imaginaire (330 ; 472).
C’est l’agent allemand Fritz DISPEKER lui-même qui viendra chercher le courrier.
SEDANO sera payé soit par la Banque Rio de la Plata, Avenue de l’Opéra, soit directement par chèque (1358). (De septembre à décembre il enverra 19 lettres contenant des renseignements et recevra 2200 francs pour ses prestations (1359).
Muni de papiers en règle et d’un flacon ayant contenu du parfum, étiqueté PIVER, dont l’odeur écartera les soupçons sur l’encre sympathique, il arrive à Paris le 16 septembre 1916. Son voyage ayant pour prétexte l’achat de livres pour son association.
Il s’installe dans la capitale et se met au travail.
Secteurs postaux
Il édite une circulaire proposant aux soldats sous les drapeaux les services d’une société qui gérerait, pendant leur absence, les biens qu’ils possèdent afin d’éviter des tracas à leur famille (Circulaire : 825), (1205).
Pour la diffusion de cette circulaire il doit obtenir les noms et adresses de soldats, mais estime qu’une seule identité par secteur est nécessaire. Il se renseigne notamment parmi ses amis et connaissances. Ce sera difficile car nombre de personnes contactées ne révèlent rien pour des raisons diverses. Dans ce cas, il n’insiste pas.
Exception faite pour Mme DESCHAMPS, qui, vu sa situation de veuve de guerre, avait obtenu un emploi aux Invalides, au Bureau des secours. Il la séduit et insiste lourdement pour obtenir des noms, sans lui révéler le but de l’opération. Mme DESCHAMPS, dans sa déposition dira qu’il l’a « bassinée ».
Finalement elle utilisera un subterfuge et à l’aide des petites annonces du périodique La Vie Parisienne, elle lui fournira des noms de soldats recherchant une marraine de guerre.
Malheureusement pour elle, son implication dans l’affaire lui vaudra de perdre son emploi.
Le 26/01/1917, dans une note interne, le Capitaine BOUCHARDON indique : « De son propre aveu SEDANO a fourni un certain nombre de secteurs postaux et son carnet en contient des pages entières » (1318).
Le carnet mondain
En Novembre 1916, SEDANO prend la direction d’un organisme piloté par un de ses amis Mr Cacéres, 37 Rue de Liège, qui avait édité un petit opuscule : « Le Carnet Mondain », distribué gratuitement aux étrangers de passage à Paris.
Dans la brochure on trouvait des adresses utiles concernant les divertissements, les achats, les informations sur la capitale etc.…
Pour SEDANO c’est une couverture, qui lui permet d’organiser en toute sécurité, des évènements justifiant des voyages et déplacements.
Il fera ainsi la publicité pour : « La Semana Latina », congrès ayant lieu dans la ville de Lyon du 2 au 7 octobre 1916.
En se « faufilant », parmi les congressistes, il parviendra ainsi à visiter les Usines BERLIET où l’on fabrique du matériel militaire.
Sur sa fiche d’hôtel il dit se nommer SERDANO, 58 ans, négociant, né à Londres, et venant de Londres (1258).
De Lyon, il se rend à Marseille où il descend à l’hôtel de la Cannebière du 7 au 10 octobre, sur sa fiche on trouve : 49 ans, commerçant, domicilié à Lyon.
Les enquêteurs le soupçonneront de s’être intéressé d’un peu trop près à l’activité du Port d’où partent journellement des bateaux chargés soit en hommes, soit en matériel à destination de Salonique. Mais rien ne pourra être prouvé à ce sujet, la filature n’étant pas encore mise en place à cette date.
Matériel militaire
Apprenant que SESMA, son ex secrétaire de Barcelone, est en France et a travaillé chez RENAULT, SEDANO le contacte et s’informe. Il aimerait savoir combien il y a d’ouvriers à l’usine, à combien se monte la production journalière d’obus, et s’il y a des possibilités de visite. SESMA répond mais avouera aux enquêteurs que l’ayant trouvé suspect il a décidé de se méfier (1066).
SESMA révèle qu’en août 1914, à Barcelone « il paraissait très gêné au point de vue pécuniaire par contre à Paris il semblait avoir des ressources surtout après son retour de Lyon » (1138).
SEDANO s’intéressera également à MICHELIN (465) auprès d’une dame CHEVALLIER dont le mari était chef d’équipe à l’usine avant sa mobilisation. Tentative infructueuse.
Le métal apte à « la friction »
Au cours de ses nombreuses visites à l’Ambassade du Mexique à Paris, SEDANO est présenté fortuitement à un compatriote, Adolphe BLANCO, ancien lieutenant colonel de l’Armée mexicaine, qui, à ce titre avait travaillé de 1903 à 1911, pour son gouvernement, aux Aciéries de la Marine de Saint Chamond (Loire). Après plusieurs voyages au Mexique, en Suisse et en Allemagne, il avait repris du service aux Aciéries, mais à titre civil. Son emploi consistait à contrôler l’arrivage des munitions et à comptabiliser les tirs d’explosifs.
SEDANO contacte BLANCO et se dit représentant pour le placement d’un métal anglais bon pour la friction c’est-à-dire pour les pièces mécaniques soumises à un frottement. Il se propose de lui présenter un échantillon et pour ce faire d’aller le voir à Saint Chamond. La rencontre n’aura pas lieu suite à l’arrestation de SEDANO.
BLANCO, abusé lui aussi par SEDANO, facilite le travail des enquêteurs et sera mis hors de cause.
En Novembre 1916, SEDANO écrit à Mr ASTIER horticulteur à Cannes, dont il avait fait la connaissance à l’exposition de Gand. II lui passe commande pour 8 paniers de fleurs et un panier de fruits. Mr ASTIER ne verra jamais le règlement.
SEDANO commence-t-il à avoir des craintes ou des remords ? Sent-il le vent tourner ?
Le 13/11/1916 il contacte Maître LEGRAND, avocat de sa femme, chargé de son divorce et lui demande où en est la procédure. « Mes séjours à Paris sont limités ».
Il semblerait qu’il envisage un départ de la capitale.
Cela est confirmé le1/12/1916 dans une lettre à sa fille, au Mexique. Il lui avoue « mes prétentions sont
d’être Consul de quelque port ou ville importante, ou ….délégué à la propagande commerciale en Europe,
mais avec honoraires… ». Il aimerait également qu’elle lui trouve « dans nos bonnes relations » une amie,
pour l’épouser légalement. « Cette personne doit avoir les moyens ».
Il serait souhaitable qu’elle plaise à sa fille s’ils doivent vivre sous le même toit (69).
L’arrestation de SEDANO le 30 de ce même mois mettra un point final à tous ses projets.
Testament
(page 247 à 258)
Il le rédige, dans sa cellule, le 9 août 1917, « jour anniversaire de ma naissance en 1866 »
Ce sera : Historia de mi vida, en deux parties.
La première, « Pensées libres », étant composée de principes moraux qui ont, dit-il, dirigé son parcours de vie. Il aimerait que ces pensées soient l’objet de leçons de morale dans les collèges, et qu’elles soient traduites en diverses langues.
Il désire être incinéré et souhaite que ses cendres reposent « loin de ce peuple français que j’ai tant aimé lui sacrifiant les meilleures années de ma vie ». Il aimerait reposer près de son père (Ignacio SEDANO), à côté du maître autel dans l’église de Jésus, à Mexico.
La seconde partie, intitulée « Annexe », prévoit les dispositions financières de sa succession.
Il échafaude tout d’abord un projet pour cette « Historia de mi vida ».
Il charge son fils Ignacio de faire éditer son testament en deux livrets distincts, un pour les Pensées, l’autre pour l’Annexe. Il prévoit 6.000 exemplaires pour chaque fascicule, soit un total de 12.000 brochures, à vendre 2,50 frs pièce, ce qui devrait rapporter hypothétiquement 30.000 frs.
Il évalue le montant de l’actif à successoral à 34.500 frs, le passif à 27.600 frs, ce qui donne un solde positif de 6.900 frs.
Au crédit de la succession il entre la somme de 3000 frs dus par sa belle-mère à qui il avait confié l’argent résultant de la vente des articles de mercerie BALEMBOIS.
Au passif, il prévoit 2000 frs à rembourser à Mr BALEMBOIS.
Il se souvient également devoir la somme de 100 frs à Mr ASTIER, de Cannes, pour les fleurs.
Il désire verser 500 frs à Maître AMBLELOUIS, mais remarque toutefois avec regret l’inutilité de la procédure, la défense n’ayant pu s’exprimer.
Il lègue 100 frs aux soldats qui le fusilleront, faisant de lui un martyr, ainsi qu’au gardien de sa cellule.
« Yo muero como cristiano con un consciencienca (sic) tranquile (257).
« Je suis victime d’une erreur » conclut-il. (En français )
Ayant été informée que SEDANO s’était marié deux fois après leur séparation, Anna de BENS, entend faire valoir ses droits, se considérant comme la veuve légale. Elle adresse un courrier le 7 janvier 1918 au directeur de la prison. Elle apprendra que seule sa mère figure dans le testament mais, en qualité de personne redevable envers la succession (56).
Voilà l’épilogue lamentable de la vie d’un personnage, obnubilé par le désir de se procurer de l’argent quel que soit le moyen à utiliser, et qui croit, à tort, que ses arguments et ses relations sauront le tirer d’un très mauvais pas.
Qui a-t-on fusillé le 10 octobre 1917 ? Un inconscient ? Un cynique ? Un être vénal ? Un névrosé ?
Sources :