- Ma mère Jane Signoret
« Au pied de mon arbre, lorsque je lève les yeux, je veux découvrir mille choses. Aucune feuille ne ressemble à l’autre. Chacune a ses particularités, sa vie, sa personnalité propre.
C’est d’un arbre généalogique que je parle, et dans chaque feuille y figure un ancêtre, un cousin, un grand-oncle, plus ou moins inconnu et qu’il reste à découvrir.
La motivation de la recherche n’est souvent au départ qu’un simple désir d’aligner des noms et des dates, mais les trouvailles quotidiennes lui donnent rapidement une autre direction.
La vie transparaît vite derrière un nom. Une vie faite de joies et de peines, parfois de mystère, d’autre fois d’aventures extraordinaires.
Tel ancêtre semble nous tendre des pièges à plaisir au fur et à mesure que l’enquête avance, comme s’il voulait échapper à notre collecte, rester dans l’oubli. Tel cousin chaque fois que nous croyons le retrouver, nous glisse entre les mains comme une anguille... » Jean Louis Beaucarnot (Extrait de Drôles d’ancêtres)
Toutes ces étapes de nos ancêtres nous conduisent vers la forêt de Tronçais…
- Carte des migrations de la famille
En parcourant la carte, je me suis rendu compte que Nocq (Chambérat), La Chapelaude, Saujat (St Victor), Vaux, Givarlais, Louroux Hodement, Hérisson, toutes ces étapes de nos ancêtres nous conduisent vers la forêt de Tronçais [1].
En 1861 mon arrière-grand-père, Maur, venait au monde au domaine de « Foulun » sur la commune de Nocq.
« Extrait de Mariage : Département de l’Allier, commune d’Huriel du 16 juin 1883, mariage entre BROCHARD Maur, né le 5 octobre 1861 à Nocq arrondissement de Montluçon… profession : cultivateur, domicilié à Foulun Cne de Nocq, fils de, André et feu Vincent Marguerite et JACQUINET Catherine, née le 27 novembre 1864 à Nocq … »
En 1827 le père André [2] naissait au domaine des « Bisais » sur la commune de la Chapelaude.
« Acte N° 27 : L’an 1827 le 16 août, à 5 heures du soir, par-devant nous, Devuex, adjoint de la commune de la Chapelaude, remplissant les fonctions d’état civil du dit lieu, canton d’Huriel département de l’Allier est comparu BROCHARD André, âgé de 36 ans, cultivateur, domicilié au domaine des Bisais, lequel nous a présenté un enfant de sexe masculin, né hier, au même lieu, à 9 heures du soir, fils légitime de BROCHARD André et de DURIN Jeanne, auquel il a été donné le prénom, d’André, les dites déclarations et présentations faites en présence de Jacques DURIN 39 ans, cultivateur, oncle maternel de l’enfant et de Jean BROCHARD 30 ans, cultivateur, oncle paternel de l’enfant, tous deux domiciliés aux Bisais, de quoi nous avons dressé acte dont nous avons donné lecture aux parties comparantes qui ont déclaré ne savoir signer. »
En 1768, avant la révolution Française, Marien BROCHARD habitait à Hérisson pour le mariage de Claire.
« Extrait des BMS de LOUROUX – HODEMENT : 27 juin 1768, mariage d’Antoine MATHONIERE vigneron, veuf de Marie JAMET et Claire BROCHARD, fille majeure de Marien BROCHARD, demeurant à Hérisson et défunte, Marguerite ROBIN. »
- Extrait des feuilles N° 11 & 12 de la carte de CASSINI ou de l’Académie à l’échelle de 1 ligne pour 100 toises - 1/86 400. Ces cartes établies de 1683 à 1774 par Jean-Dominique Cassini, furent achevées en 1789 par Jacques-Dominique son arrière-petit-fils.
Métayer ou fermier ?
Les défrichements se sont poursuivis jusqu’à la révolution. À la fin du XVIIIe siècle, un cinquième du territoire du Bourbonnais est en bois, un autre en près et vignobles, deux cinquièmes seulement sont à classer en terres arables et le dernier cinquième consiste en marais, étangs, friches, landes ou rochers. Les domaines ou métairies sont de grandes superficies : cent vingt ou cent cinquante hectares, ce qui s’explique par le faible rendement des terres.
Les propriétaires de ces grands et pauvres domaines couvrant le Bourbonnais n’appartenaient pas tous à la même classe sociale. Des petits propriétaires exploitaient eux-mêmes la terre qu’ils avaient reçue en héritage ou acquise récemment. Lorsque ces petits propriétaires étaient des artisans, ils affermaient leurs biens. C’était la seule classe sociale ayant des fermiers. Les autres propriétaires, bourgeois, gens d’église ou nobles, n’affermaient pas leurs terres, lorsqu’ils étaient « résidents ». Ils préféraient le métayage, le mode de faire-valoir le plus courant en Bourbonnais [3].
Dans l’hypothèse où - comme la plupart des paysans Bourbonnais - Marien [4] et les siens ont habité une métairie, qui était le « Maître » de la « maisonnée » [5] ?
Camille Gagnon s’est trouvé, par sa mère, de très lointains ancêtres, la communauté taisible des Godignons dont un hameau de Givarlais perpétue encore le nom porté dans la région Montluçonnaise.
Aucun des registres paroissiaux que j’ai consulté ne souligne, pour le patronyme BROCHARD du Val de Cher, les mots « maître et chef de sa communauté », « personniers », « commung », « frères commung » ou après énumération de tous les témoins « tous de la même communauté ».
N’ayant trouvé aucune trace de communauté, il semble plus vraisemblable que Marien et sa famille aient habité une locaterie [6] et que, comme le fut plus tard son fils Antoine, Marien ait été fermier pour le compte d’un petit propriétaire.
Métayer ou fermier, ce statut reste à confirmer en consultant les actes notariés. Ce dont je suis certain, c’est que Marien était laboureur, cette profession est rapportée dans l’acte de naissance de son fils Antoine en 1745.
Légendes et croyances...
Je n’avais pas encore trouvé les dates et lieu de naissance de Marien que je connais la composition de sa famille , le nom de ses enfants et de ses descendants :
- Extrait de ma fiche de recherche sur Marien BROCHARD
En cette fin Juillet 1744, Marguerite ROBIN observe la lune... Quand une femme a déjà eu un autre enfant, elle peut deviner le sexe de l’enfant suivant en observant la lune. Si elle a changé dans les neuf premiers jours de la grossesse, l’enfant n’aura pas le même sexe que le précédent. Comme il est d’usage en Bourbonnais, les parents n’ont pas pressenti le parrain et la marraine du futur bouinat [7], Cela porte malheur ! C’est pourquoi, Marguerite ne sait pas que son garçon s’appellera Antoine, comme son parrain AINAUD...
Le 29 Avril 1745, Marien et Marguerite baptisaient leur fils en l’église Saint Jean Baptiste de Louroux-Hodement.
D’après l’abbé Moret, les habitants de Louroux-Hodement étaient autrefois très superstitieux. Le rapport d’un curé, en 1840, constate que l’on est persuadé que le son des cloches éloigne l’orage, que les gens sont très entêtés à sonner malgré la défense de l’autorité civile. On se sert des cloches bénites pour se livrer à des superstitions. Lorsque l’on se coupe ou se brûle, on va trouver certaines gens qui disent des prières, et "aussitôt, on est guéri".
- L’église de Givarlais
Antoine se maria le 10 novembre 1778 à l’église de Givarlais, au "pays" de sa femme Marie GORBINET, cadette d’une famille de 8 enfants.
Vigneron, comme son beau-père, Antoine s’installa aux Crozardais, sur la commune de Saujat.
- Le hameau des Crozardais
- Du hameau des Crozardais, Il ne reste que quelques ruines de maisons anciennes.
Les vins Friands...
En 1569, Nicolas de Nicolay donne une idée de l’étendue des vignobles en Bourbonnais... : « les coteaux où sont les vignobles produisent quantité merveilleuse de très bons vins, vermeils, clairets et blancs, dont les exquis et meilleurs sont ceux qui croissent autour de Moulin, ceux des grands vignobles de Saint-Pourçain... et Montluçon qui fournit la plupart du Limousin et les vins friands de Hérisson et de Saint-Amand... » Henriette Dussourd cite également les vins blancs de Chateloy près d’Hérisson, Vallon, Saint-Victor, Louroux-Hodement, Givarlais, Huriel, etc.
En 1788, écrit C. Varenne, en raison de mauvaises conditions climatiques, la production fut très inférieure à la demande : le curé de Buxières note que depuis 1709, personne ne se souvient d’avoir eu aussi froid qu’au cours de l’hiver 1788-1789 : les vignes gelèrent, le foin fut rare, la grêle ravagea les campagnes...
Les vignobles d’Antoine ont certainement souffert du gel de ce terrible hiver. Est-ce pour cette raison que dès l’automne suivant, il déclarait être laboureur ? Ce n’est pourtant qu’à partir de 1877 que l’oïdium d’abord, puis le mildiou ensuite vinrent détruire les parcelles aménagées. Antoine n’aurait peut-être pas délaissé en partie sa vigne pour la culture s’il n’y avait eu la Grande Peur, une panique collective commune à toute la France et dont l’origine est mal connue. Elle commença en août 1789 et fut aggravée par la crainte de la disette, un phénomène dont aujourd’hui on mesure mal l’influence.
« En cette fin d’août, les jours sont encore longs... Ce matin, vers six heures, coiffé de son chapeau à la “cocherelle” [8] il chargea son ariau [9] sur le lourd traîneau de bois. Antoine passa devant ses bêtes et s’engagea dans le vieux chemin encaissé et à l’abri de ronces épaisses. “Ce vieux chemin pouvait être la voie antique, d’origine Celtique, sur la rive gauche du cher. Elle se retrouve surtout au point culminant du plateau, à la borne Saint-George, mais son tracé reste difficile à suivre dans l’imbroglio des chemins du XIXe siècle. Sans doute aussi, nous dit M. Piboule, devait-elle se tenir hors de la zone inondable.” Arrivé sur le plateau de Peyreguines aux vues dégagées, Antoine entra dans le champ des landes pour une nouvelle “attelée” [10]. Son araire, tiré par deux percherons, ouvrit des sillons parfaitement réguliers, droits, luisants et beaux... Songeur, Antoine imagina le jour où le petit Gilbert, son premier “p’tit gars” âgé d’un peu moins de 3 ans, labourerait à planches bombées séparées par des fonds dans lesquels s’écouleraient les eaux de pluie ...
Le terrain est plat, Gilbert, il faut rapprocher les fonds, pas plus de quatre tours d’ariau par planche !
Antoine, l’ancien, savait qu’ici l’eau risque de stagner... »