La révolution de 1789...
La politique étrangère et les guerres menées par Louis XV coûtent cher au trésor.
Les recettes provenant des impôts directs, taille sur les terres, vingtième (5%) sur le revenu et impôt par tête, capitalisation, ne peuvent être augmentées car elles ont atteint les limites des possibilités des contribuables.
Les recettes indirectes, impôt sur le sel (gabelle), douanes, péages, octroi (aides), sur les boissons (traites) ne peuvent non plus être augmentées sous peine de faire diminuer la consommation des produits atteignant, à cause des taxes, des prix dissuasifs [4].
Lorsque Louis XVI, acculé à la banqueroute, convoque les États Généraux, la France bouillonne de mécontentement...
La population Bourbonnaise paraît peu sensibilisée aux événements précédents les grands jours de la révolution. Le 5 mai, pas plus que le serment du jeu de paume le 20 juin 1789, n’ont marqué le souvenir de la population.
Deux Bourbonnais envoyés à Paris n’auront pas de chance : ils seront exécutés le 9 thermidor. Cette répression fut entre autres, le travail du cuisinier délateur Mativet et du sinistre Grivois, les bons élèves de Fauchet. Soixante-seize prêtres furent déportés... On lui reprocha, écrit Paul Dupieux - en parlant de Grivois - d’avoir sacrifié à sa vengeance et à celle de son oncle, des citoyens probes et vertueux. Vies humaines sacrifiées, églises fermées, cloches enlevées et clochers arasés, personnel religieux obligé de renoncer à ses fonctions, tel fut le bilan Bourbonnais.
À la révolution, "la maison curiale, le jardin, la terre des Dépattières, la Chenèvrière, l’église paroissiale et le cimetière" de Saujat furent vendus. Le territoire de cette ancienne paroisse a depuis été partagé entre Vaux, Estivareille et Saint-Victor.
De l’église, disait Maurice Piboule en 1994, on peut voir encore quelques vestiges sur le rebord de la terrasse dominant le Cher d’une vingtaine de mètres. Du bourg, il ne reste que des bâtiments agricoles et, au nord, joignant le presbytère et l’ancienne église, le cimetière désaffecté depuis longtemps, où la charrue mettait au jour, il y a peu, des ossements humains...
Le dépérissement de cette ancienne paroisse est certainement lié à l’abandon du vieux chemin de Bourges à Montluçon et du trafic batelier sur le Cher. Au gué, une grande digue fut construite qui existe encore...
- Reçu de l’impôt sur le sel payé par Etienne Signoret, aïeul de ma mère, Jane SIGNORET épouse BROCHARD, en 1775.
Le décret des 20/25 septembre 1792 a créé à proprement parler « l‘état civil », en enlevant aux prêtres le soin de tenir les registres qui par ailleurs, n’enregistreront pas seulement les catholiques, mais tous les citoyens. Ceci explique pourquoi, la naissance des six premiers enfants d’Antoine, avant 1792, fut enregistrée sur les actes de baptême de l’église de Saujat et que, celle de Jean, né après cette date le fut sur les registres de la commune. Les cinq premiers enfants d’Antoine et Marie : Claire (1779), Catherine (1781), Madelaine (1783), Marie (1785) et Gilbert (1786) furent baptisés à Saujat. André (1789), né au début de la révolution fut également baptisé à l’église de Saujat. Pour Marie, née en 1791, pendant la révolution, je n’ai retrouvé que son acte de décès à l’âge de 2 ans. Quand à la naissance de leur dernier enfant, Jean (1795), au début de la première République, elle fut enregistrée par Gaspard Amable Barathon agent municipal de la commune de Vaux.
- De la Grenardière, il ne reste que quelques bâtiments agricoles.
Quelques années plus tard, entre 1795 et 1797, Antoine quittait les Crozardais pour habiter la Grenardière. C’est dans cette locaterie qu’il décéda à l’âge de 52 ans, le « neuvième jour du mois de floréal d’an cinq de la République Française une et indivisible ».
Veuve à 45 ans, Marie, restait seule avec ses 5 enfants... Ce 29 avril 1797, Jean n’avait que 2 ans et Madelaine tout juste 14 ans.
Pourquoi Antoine avait-il quitté les Crozardais peu de temps avant sa mort ? Quelle raison l’avait conduit à la Grenardière ?
Chronologie de la vie d’Antoine BROCHARD : [5]
- « C’est émouvant », me disait-elle, « de penser qu’ils ont vécu ici, peiné et travaillé dans nos champs... »
Au décès de leur mère, de ses trois garçons, seuls Jean et André les deux cadets, âgés de 15 ans et 9 ans, sont partis travailler aux « Chalets ». Connaissaient-ils quelque parenté ou relation dans ces domaines ? Les Crozardais ne sont qu’à quelques kilomètres sur l’autre rive de la Magieure et, par l’ancien chemin du village d’Argentière, les Chalais étaient à moins d’une heure de leur maison natale... André devait connaître cette paroisse d’Argentière avec sa haute et vieille église rustique de gré rouge, dédiée à Saint Pardoux.
Comme celle de Sauljat, où il fut baptisé, l’église d’argentière fut vendue comme bien national à la révolution. Depuis, elle est devenue bâtiment agricole non entretenu et il ne reste plus rien du cimetière qui l’entourait. D’une faille jaillissent les sources d’Argentière qui ont été autrefois exploitées comme eau de table. Déjà, en 1605, le savant docteur Moulinois Banc les vantait pour leurs qualités rafraîchissantes et leur succès pour combattre les inflammations. Elles seraient notamment efficaces dans le traitement des maladies de l’estomac et des intestins.
- Vaux l’Argentière, vieille église de grès rouge.
Vous pouvez imaginer l’étonnement de cousine Marie lorsqu’elle découvrit que nos ancêtres avaient vécus aux Chalais. « C’est émouvant », me disait-elle, « de penser qu’ils ont vécu ici, peiné et travaillé dans nos champs, ont vu pousser les vieux chênes. Notre maison n’existait pas, elle n’a pas 200 ans, seule la cheminée de la cuisine avec une fleur de lys parvient d’une maison plus ancienne. J’ai un petit livre sur Domérat, et j’ai appris que les Chalais (et d’autres terres) appartenaient à une famille Perrot, or, le maire en 1813 était Jean Perrot, je pense le propriétaire des Chalais ».
Acte N° 40 : Le 23 Juin 1813 par devant nous Jean Perrot, Maire, officier de l’état civil de la commune de Domérat, arrondissement de Montluçon, département de l’Allier, sont comparu André BROCHARD né à Saujat le 10 septembre 1789, fils majeur d’Antoine BROCHARD (dans la marge) (décédé à Vaux le 8 Floréal An V) et de Marie GORBINET (décédée en la même commune de vaux le 12 Floréal An XII de la République Française) laboureur domestique aux Chalais de cette commune d’une part, et Jeanne DURIN née à Givrette le 18 Ventose An VI de la République, fille mineure de jean DURIN décédé en cette commune le 6 Avril 1811 et de Marie BOURSEAUX, laboureur aux Chalais de cette commune, lesquels nous ont requis de procéder à la célébration du mariage entre eux projeté et dont les publications ont été faites en cette commune les 13 et 20 du présent mois, aucune opposition au dit mariage ne nous ayant été signifié après avoir donné lecture de toutes les pièces à ce jour mentionnées et du chapitre dix du livre de Napoléon intitulé (du mariage) avons demandé au futur époux et à la future épouse s’ils veulent se prendre pour mari et pour femme chacun d’eux ayant répondu séparément et affirmativement déclarons au nom de la loi que André BROCHARD et Jeanne DURIN sont unis par le mariage de quoi nous avons dressé acte en présence de Gilbert Maugonnet âgé de 36 ans ami à l’époux, de Jean Chabot âgé de trente deux ans ami à l’époux, de l’avis et du consentement de Marie BOURSEAUX mère de l’épouse, de Jacques DURIN âgé de 25 ans frère à l’épouse et d’autres parents et amis tous cultivateurs demeurant en cette commune ; Lesquels après qu’il leur a été donné lecture du présent acte ont déclaré ne savoir signer. |
- Photocopie partielle de l’acte de mariage d’André BROCHARD et Jeanne DURIN
À 24 ans, André Brochard épousa Jeanne. Ils vécurent aux Chalais jusqu’à la naissance de leur second fils en 1820, c’est-à-dire un an après le mariage de son frère, Jean, avec Marguerite Durin, la sœur de Jeanne. Je comprends l’émotion de cousine Marie découvrant que nos ancêtres avaient peiné et travaillé dans leurs champs. Elle y trouva une flopée de Durins et de Brochard...
- Jean Durin devait être métayer, mais dans quel domaine ?
- Les Chalais - Domaine du haut, le plus ancien, où probablement ils vécurent.
André (l’ancien) et Jeanne vécurent, dans la commune de Domérat, une période trouble et difficile entre deux révolutions : celle de 1789 et "l’affaire de la Brande des Mottes" le 13 juin 1849.
L’instabilité gouvernementale a vu se succéder :
- la révolution 1789
- la première République 1792
- Napoléon premier 1804
- Louis XVIII 1814 - les Cent-Jours 1815
- Louis XVIII 1815 - Charles X 1824
- Louis-Philippe 1er 1830
- la deuxième République 1848 (Louis-Napoléon).
"... Les conséquences immédiates des achats des Biens Nationaux furent très fâcheuses, puisqu’elles amenèrent la destruction des antiques forêts et des plus belles vignes, entretenues depuis des siècles selon des directives prudentes... Les acquéreurs divisèrent les propriétés pour les revendre au plus tôt en détail avec, évidemment, de gros bénéfices, tout en procédant aux abattis pour exploiter rapidement le bois... Alors que la communauté composant un village jouissait de droits d’usage immémoriaux assurant la survie des plus pauvres, maintenant, les possédants s’efforcent de les annuler... L’accès aux friches est peu à peu interdit au bétail ; les propriétaires défendent le droit de glanage ainsi que la vaine pâture...
Quelles sont les conditions de travail de la terre en cette première moitié du XIXe siècle ? Les moyens restent ceux des siècles passés, c’est-à-dire la seule force de l’homme aidé par celle de l’animal. Le machinisme agricole était limité au trieur à graines, inventé en 1804, au tarare apparu sous la restauration. La charrue à la Dombasle ne commença à supplanter l’arriau que vers 1835 ou 1840... Le maître n’aurait pu mener son œuvre à bien sans recourir à une main-d’œuvre, celle des laboureurs comme André (l’ancien), des bouviers, des bergers, loués au jour de la Saint Martin, nourris, logés à la ferme, rétribués pour le travail d’une année..." Il serait intéressant de retrouver, dans les archives du notaire d’Huriel, les baux de location. Tous ces actes, s’ils existent, ont été déposés aux archives Départementales à Moulin.
Les paysans de l’Allier sont doux, honnêtes et économes...
"Le travail de la terre requérant de nombreux bras, les hommes ainsi employés constituent un prolétariat au sens sociologique du mot : travailleurs disposant de leurs bras mais ne possédant aucun d’entre eux les moyens de production...." [6]
Du caractère Bourbonnais dépeint en 1835 par Abel Hugo, il en reste encore quelques traits. Ainsi les habitants des campagnes, selon le portrait fait par un écrivain de l’Allier :
" Moins civilisé que ceux des villes, on leur reproche, avec raison sans doute, d’être tracassiers et d’aimer les procès. Jaloux les uns des autres, les haines qu’ils se portent ne sont ni héréditaires, ni de longue durée, et cèdent assez facilement à des moyens de conciliation. Les vengeances vont rarement jusqu’à l’effusion de sang ; elles se bornent, le plus souvent, à la destruction d’un champ, d’un jardin, à la destruction d’un arbre. Accablés sur un sol qui ne leur offre que de faibles moyens de subsistance, ils sont cependant très attachés au lieu qui les a vus naître. Les graines qu’ils récoltent, le charbon qu’il fabrique, le beurre et le fromage qu’ils préparent, sont les principales ressources du plus grand nombre. Le gain qu’ils peuvent retirer de ces produits de leur industrie paraît suffire à leurs besoins. Peu vont chercher au-dehors la fortune qui les oublie. On dit que la nature leur avait donné des formes moins belles qu’aux habitants de la ville, cela est vrai dans plusieurs localités, mais non pas dans tout le département. Un reproche d’une tout autre importance qu’on pourrait leur adresser avec justice, c’est leur obstination dans certaines pratiques routinières, qu’il a été, jusqu’à ce jour, presque impossible de vaincre. En vain leur indiquerait-on de nouveaux procédés agricoles, ils cultivent comme faisaient leurs pères. Une aveugle routine sert de borne à leur étroite intelligence."
À ces détails peu flattés, poursuit-il, nous en joindrons de plus favorables et nous dirons : les paysans de l’Allier sont doux, honnêtes et économes ; très attachés à leurs anciens usages, dévoués à leurs familles, religieux jusqu’à la superstition, mais charitables envers les pauvres et disposés à pratiquer l’hospitalité. Malgré leur tranquillité apparente, ils sont vifs, gais et adonnés aux plaisirs. Les fêtes de village, connues sous le nom d’apports, réunissent toujours de nombreuses assemblées. Les divertissements y consistent à bien manger, à bien boire, à chanter et à danser. La vielle et la cornemuse sont les instruments ordinaires du bal champêtre et la danse préférée est la fameuse bourrée d’Auvergne...