« Hôpital civil de Lons le Saunier.
Des registres des décès du dit hôpital a été extrait ce qui suit : le sieur Ducrot Jean Marie, soldat au quarante quatrième régiment de ligne, troisième bataillon, quatrième compagnie, numéro matricule 1896, né le dix février mil huit cent cinquante neuf, à Saint Léger sous la Bussière [2] ; fils de Pierre (Ducrot) et de Jeanne Dargaud ; est entré au dit hôpital le dix neuf du mois de mai mil huit cent quatre vingt deux, et y est décédé le trente un du mois de mai même année, à onze heures du soir, par suite fièvre typhoïde… »
Jean Marie venait d’avoir 23 ans, deuxième garçon d’une famille de cinq enfants. Recensé avec la classe 1879, il habite alors à Trambly. Il avait été incorporé au 44e de Ligne le 13 novembre 1880.
Cette mort d’un soldat due à la typhoïde est loin d’être un cas isolé ! Entre 1878 et 1883 sont signalés dans les journaux, partout en France, de nombreux décès dans les casernes.Voyez le "petit florilège" en port-folio en bas de cet article.
|
Ce n’est pas non plus la première épidémie dans les casernes. Lisez le sévère constat fait par le Docteur Léon Colin cinq ans plus tôt [5] :
- Introduction à la communication faite en 1877
« Grâce aux recherches, aux études auxquelles se sont livrés et se livrent chaque jour les hygiénistes, il est bien établi aujourd’hui, que l’eau est le véhicule de la plupart des maladies épidémiques, et que l’apparition de ces maladies est presque toujours consécutive à l’absorption d’eaux d’alimentation contaminées. La preuve s’en fait malheureusement chaque année à Paris à nos dépens dès que l’on substitue à l’eau de source l’eau de Seine, que l’on ne se donne même pas la peine de puiser à une assez grande distance de la capitale, on voit apparaître la fièvre typhoïde avec une intensité toute particulière, et précisément dans les quartiers où cette substitution se prolonge le plus. Jusqu’à une époque toute récente la mortalité par la fièvre typhoïde dans nos casernes décimait nos jeunes soldats, simplement parce qu’on ne s’était pas préoccupé d’y amener d’eau véritablement potable et que celle qu’on y consommait était contaminée par des infiltrations de toutes sortes. On s’est aujourd’hui lancé dans la bonne voie, on a muni presque toutes ces casernes de filtres bien disposés, de filtres filtrant réellement, de filtres en porcelaine, et, comme conséquence et logique, on a pu voir tout de suite les cas de fièvre typhoïde devenir extrêmement rares » [6] |
Le Professeur Paul Brouardel présente, en 1906 ; devant la "Commission supérieure consultative d’hygiène et d’épidémiologie militaire" à la demande du Ministre de la Guerre ; un rapport très circonstancié sur " La fièvre typhoïde dans les garnisons de France" qui met en évidence la cause de l’alimentation en eau dans les épidémies des villes de garnison [7]
Malgré les interventions de ces illustres savants hygiénistes, plus de trente ans après le décès du pauvre Jean Marie Ducrot, on peut lire (entre autres) dans « L’Indicateur de la Savoie » du 10 janvier 1914 :
« A l’Académie de médecine, M. Badie a fait part des travaux de M. Vincent, du 20e d’infanterie à Montauban.
En septembre et octobre 1913, une grave épidémie éclata dans la garnison de Montauban, donnant lieu à 58 cas de typhoïde, à 10 cas d’embarras gastrique fébrile suspects et à 16 morts.
L’épidémie frappa la population civile. Plus de 3.000 jeunes recrues arrivèrent à Montauban au commencement d’octobre et en pleine épidémie. La vaccination précoce et en masse de tous ces jeunes soldats, ainsi que de presque tous les anciens soldats de la garnison a eu pour effet de protéger les uns et les autres d’une manière absolue.
L’épidémie a été complètement enrayée dans l’élément militaire, alors que la fièvre typhoïde continuait à se manifester parmi la population civile non immunisée. Les réactions générales ont été presque toujours nulles ou insignifiantes ».
A la veille de la Grande Guerre même, le « Journal de Vienne et de l’Isère » du 29 juillet 1914 signale que « cent cinquante soldats cantonnés au camp de Chalons sont atteints de la fièvre typhoïde ».
La fièvre typhoïde n’est qu’une des maladies infectieuses "qui accablent nos pauvres soldats" Il y a aussi ; comme pour la population civile ; entre autres, la variole, la diphtérie, la syphilis et les rhumatismes. |