A chaque escale c’est le même rituel : réception par les plus hautes autorités, maires, ministres, consuls, Alliance française. Invitations à des repas de gala dans de grands hôtels puis chez les consuls eux-mêmes. La Presse déborde d’articles citant les personnalités présentes et tous les détails des toilettes de ces dames.
Le Rigault de Genouilly est le brillant ambassadeur de la France dans cette tournée de prestige.
Le commandant Moron montre que les Français savent recevoir. Petits fours, bal avec les musiciens du bord, whisky, champagne, … pour deux cents invités. Les épouses des consuls donnent la dernière touche aux réceptions sur le bateau. Leur beauté fait rêver les marins.
Le trajet le long des côtes australiennes est d’environ 3000 km.
- Par I, Berichard, CC BY 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2400970
« Ces belles filles de Brisbane… »
Il leva les yeux au ciel, haussa les épaules comme seul un français sait le faire et leva ses mains expressives, paume vers le haut, en témoignage muet du charme des belles filles qu’il avait rencontré lors de son bref séjour ici.
C’était un jeune officier sur le très blanc et très chic aviso français, Rigault de Genouilly, maintenant à Brisbane. Il expliqua pour justifier son enthousiasme que six mois sur la côte chinoise avaient été une épreuve, qu’il était si bon de revoir des filles à la peau blanche par centaines, des filles qui savaient sourire et s’habiller avec goût.
L’aviso était depuis un jour et une nuit à Brisbane quand le « Courier-Mail » a décidé de demander aux officiers français et aux marins, venus tout droit d’un poste en Chine, et maintenant en route pour les possessions françaises du Pacifique, ce qu’ils ont pensé de Brisbane, de ses boutiques, et de la mode.
Le groupe choisi expliqua qu’ils avaient reçu des billets pour le cinéma ; mais qui, demandèrent-ils, préférerait le cinéma plutôt que de contempler "ces belles filles", après un long et pénible voyage en mer ? Ils ont dit que Brisbane était un endroit hospitalier. Ils ont aimé ses rues et ses boutiques. En général, ils se sont assez bien débrouillés malgré la difficulté d’une langue étrangère.
Parmi les officiers cette difficulté n’était pas si marquée, car la plupart d’entre eux parlent bien l’anglais.
Le commissaire C. H. Williams, dont le grand-père était Écossais, et dont le père est né à Nouméa, en Nouvelle Calédonie française, parle bien anglais, par exemple, mais avec l’accent français.
"Je ne suis allé à terre que deux fois," dit-il, "et les deux fois pour des engagements officiels. Mais j’ai été charmé par la courtoisie des gens, et particulièrement heureux de voir les rues pleines de gens à la peau blanche, après avoir passé six mois sur la China Station, vous n’avez pas idée à quel point c’était rafraîchissant. C’est la première ville où nous avons mouillé depuis que nous avons commencé notre croisière, et nous étions heureux d’arriver ici parce que nous avons été bien chahutés en arrivant."
Dr M. Laudet, chirurgien du navire, sirotant une boisson glacée pesait ses mots soigneusement, cherchant la phrase exacte pour exprimer ce qu’il voulait dire dans une langue étrangère.
"Les dames de Brisbane s’habillent bien, élégamment, dit-il. Elles sont aimables. Leur mode, je pense, n’est pas celle du Paris d’aujourd’hui.
La Parisienne porte sa robe longue, comme ça ... " (et il indiqua une ligne au niveau de la cheville). "Les dames de Brisbane portent les leurs un peu plus haut, n’est-ce pas ? "
Ils ont été agréablement surpris par le climat de Brisbane en cette période de l’année, dit-il, et ils étaient impatients de passer Noël à Sydney, eu égard aux plages dont ils avaient entendu des commentaires si élogieux.
Traduction d’un article du Courier Mail. Le titre est né en 1933 de la fusion de deux quotidiens, The Brisbane Courier et The Daily Mail. C’est le journal le plus lu de l’état du Queensland.
Bal pour les visiteurs de la marine française
En l’honneur de la visite du commandant et des officiers de l’aviso français, le Rigault de Genouilly, le Docteur et Madame Marcel Crivelli ont donné hier soir un charmant bal sans protocole chez eux, à Arrou, Shipley Street, South Yarra.
Leur maison, avec sa collection de belles antiquités, était particulièrement charmante, des coupes de fleurs aux couleurs gaies étaient éparpillées dans les pièces. Elles s’harmonisaient avec les douces nuances des tapisseries et les belles porcelaines chinoises. Dans la salle de bal, les delphiniums, les lys de Noël, les gerberas et les agapanthes étaient massés dans une énorme coupe sur le brillant piano à queue. Des coupes plus petites de ces mêmes fleurs étaient disposées contre les murs clairs de la salle de bal. Un guéridon élancé supportait une coupe de lis de couleur crème et de gerberas rose foncé, tandis que des lis blancs, des glaïeuls rose pâle, des agapanthes bleus et des hortensias bleu foncé se reflétaient dans un miroir au-dessus du manteau de cheminée. Une coupe de roses Dorothy Perkins roses avait un air charmant dans une niche dans le mur du hall d’entrée. Le dîner était servi dans la salle à manger, où une coupe peu profonde remplie de nénuphars flottants - blancs, crème et rose foncé trônait au centre de la table.
Madame Crivelli portait une élégante robe à manches chauve-souris en dentelle toile d’araignée noire, avec des roses rouge foncé à l’encolure drapée. Ses fils et belles-filles, M. et Mme Marcel Crivelli et M. et Mme Paul Crivelli, l’aidaient pour divertir ses invités. Madame Marcel Crivelli avait choisi une robe de crêpe français noir, moulante, avec de larges pans de tissu sur les épaules. Madame Paul Crivelli portait une robe en mousseline de soie blanche, avec une longue cape en mousseline ornée d’une grappe de pois de senteur roses et rouges à l’encolure.
Parmi les invités se trouvaient le commandant L. Moron, le consul de France M. Charles Claudon et Madame Claudon, qui portait une élégante robe noire à la romaine, avec des manches drapées et un large ourlet fendu, doublée de rouge terre cuite ; le contre-amiral Sir Francis Hyde, avec Lady Hyde, dont la ravissante robe était en taffetas noir rigide brodée d’un point argenté et avec des bretelles cousues de perles, et un nœud du même tissu à la taille dans le dos ; M. René Vanderkelen, accompagné de Madame Vanderkelen, qui portait une courte veste de lamé argent et rose par-dessus sa robe de soie noire ; M. W. Cockerton et Madame Cockerton, qui portait des fleurs de soie rouge dahlia avec sa robe noire à la romaine ; M. Watson ; Mlle Gwenda Boyd en robe de satin rose azalée, avec des plis en diagonale sur la jupe étroite ; M. Roger Crivelli ; M. et Mme Linwood Cox ; le Major et Mme Wilson ; Mlle Patricia Mein, qui portait une robe en soie façonnée vert marine ; Mlle Mary Armit, qui épinglait une grande fleur blanche à l’encolure de sa robe en soie couleur flamme ; Mlle Peggy Campbell, dans une robe de velours noir, avec une rangée de petites fleurs de velours sur le devant du corsage ; Mlle Diana Mann, portant une robe de satin noir ; Mlle Colette Redding, Mlle Yvonne Brind.
Les Enseignes Canvel, Boscher, et Van Effenterre, et l’ingénieur Jauzon.
La maison des Crivelli s’appelle Arrou en souvenir du lieu de naissance de Madame Crivelli : Arrou près de Chartres.
Madame Charlotte Crivelli (1863-1956), née à Arrou, était la fille de Charles Duret, un médecin qui émigra en Australie en 1869.
Il est mentionné par deux fois : « Robe à la romaine » - Je n’ai rien trouvé qui me dise que ce soit le nom d’un tissu. Je pense qu’il s’agit d’une robe longue comme celles des Romaines antiques avec une fente sur le côté, jusqu’aux pieds, depuis le milieu de la cuisse, et peut-être plus haut ! Ces fentes comme celle de la robe de Madame Claudon, épouse du Consul de France, étaient doublées de couleurs contrastées.
Le texte ci-dessus est la traduction et la compilation de deux articles découpés dans des journaux australiens trouvés dans les papiers du commandant Moron. Je ne suis pas sûr du nom des journaux, peut-être le Courier-Mail.
Les Claudon habitaient Sydney où ils recevront Léon Moron et ses officiers. Ils avaient fait le voyage Sydney-Brisbane pour honorer le représentant de la France. La très belle madame Claudon a été bien entourée par les officiers.
Les journalistes australiens sont prolixes sur les robes et l’intérieur des maisons pleines de fleurs. Mais pas un mot sur le menu, ni les vins, ni le bal.
A voir les toilettes de ces dames pour un bal sans prétentions, on peut se demander quelles seraient leurs robes pour une soirée de gala.
Réception des officiers a la mairie de Brisbane
- M. Nixon-Smith, l’Agent Consulaire de France vient accueillir le Commandant Moron et l’amener à la réception officielle.
Notre amitié avec la France
Ce matin, à l’hôtel de ville, le Maire-adjoint W. R. Warmington) a offert une réception officielle au commandant et aux officiers de l’aviso de guerre français, Rigault de Genouilly.
Il a dit que les habitants de Brisbane faisaient toujours de leur mieux pour accueillir les visiteurs, et qu’il espérait que l‘équipage repartirait avec de très bons souvenirs de leur séjour ici. L’adjoint au maire a été appuyé dans ses propos par l’agent consulaire pour la France (M. R. E. Nixon Smith) et le vice-président de l’Alliance française (M. A. B. Lemon). M. Lemon a déclaré que le projet de visite du nouveau Roi d’Angleterre en France était un symbole de l’amitié entre les deux nations.
Le capitaine Moron a d’abord répondu en français, puis a dit quelques mots en anglais. Il a rappelé à son auditoire qu’il n’était pas un orateur, mais un marin ; néanmoins, ses mots étaient bien choisis et ont été suivis avec intérêt. "Je vous remercie de tout mon cœur, avec une joie profonde et avec gratitude pour le magnifique accueil que vous nous avez réservé à Brisbane. Les Britanniques ont l’habitude de dire que les Français sont des sentimentaux, et je sais que les Australiens le sont aussi. Cette façon de penser me permet de revenir sur le passé, lorsque les Australiens et les Français se battaient côte à côte, pour le bien de mon pays. Permettez-moi aussi de rappeler que beaucoup de vos braves concitoyens dorment maintenant dans nos champs. Une telle amitié, je pense, est la meilleure de toutes".
La réception officielle a été suivie d’une réception de gala chez M. et Madame Nixon Smith à Elve, Greeenslopes. Le Commandant Moron était invité avec quatorze de ses officiers. Le drapeau français et le drapeau australien drapaient le portail pour former une arche, l’entrée de la maison était aussi ornée de drapeaux. Dance, musique, jeux et compétitions, sans oublier les cocktails.
Madame T.B. Hunter, M. R.E. Nixon-Smith, Commandant Moron, Madame R.ER. Nixon Smith, M. T.B. Hunter. Pris à la résidence de M. R.E. Nixon-Smith, Agent Consulaire de France à Brisbane.
- Madame T.B. Hunter, M. R.E. Nixon-Smith, Commandant Moron, Madame R.ER. Nixon Smith, M. T.B. Hunter. Pris à la résidence de M. R.E. Nixon-Smith, Agent Consulaire de France à Brisbane.
Sydney
Du Courrier Australien Sydney 1er janvier 1937
Le « Rigault de Genouilly »
L’aviso français Rigault de Genouilly, commandé par le capitaine de frégate L. Moron est arrivé à Sydney la semaine dernière, où il a été reçu avec les honneurs d’usage. Il se rend à Adelaïde, où il va représenter la flotte française à l’occasion des fêtes du Centenaire de l’Australie Méridionale.
Son déplacement est de 2.200 tonnes ; son armement est constitué par 3 canons de 138 mm et 4 canons automatiques de 37 mm contre avions. Son équipage se compose de 12 officiers et de 128 hommes.
Voici la liste des officiers du bord :
Capitaine de frégate L. Moron, commandant.
Lieutenant de vaisseau de Goulet, commandant en second.
Enseignes de vaisseau 1re classe, Viellard, Mauduit, Merer, Canvel, Boscher.
Enseigne de vaisseau 2° classe : Augier de Crémiers, Van Effenterre.
Ingénieur-mécanicien Jauzon
Commissaire Williams
Docteur Laudet
Le jour de son arrivée en rade de Sydney, le capitaine de frégate Moron, accompagné d’une partie des officiers et d’un détachement de l’équipage, a déposé une couronne au Cénotaphe de Martin Place.
Ils ont été ensuite reçus officiellement à l’Hôtel-de-Ville où le Lord-Maire de Sydney (Alderman Howie) a offert un déjeuner en leur honneur.
Un déjeuner organisé par le Comité de l’Alliance Française et le Conseil d’Administration de la Chambre de Commerce Française a eu lieu le mercredi 30 décembre au Romano.
Un thé dansant en l’honneur du capitaine et des officiers de l’aviso Rigault de Genouilly a été offert le mardi 29 décembre 1936 par le Consul Général de France et Mme Paul Suzor, à leur résidence “Eastbourne“, Darling Point.
Messe à la cathédrale St Stephen
Plusieurs marins du RDG se rendirent à la messe de 9 heures à la cathédrale St Stephen. Le prêtre fit un sermon en français et commença par citation : Tout homme a deux pays, le sien et puis la France.
Il cita les explorateurs qui précédèrent les missionnaires et les circonstances où l’Australie et la France furent unies pour combattre pendant la Grande Guerre.
Dans la soirée, Moron se rendit au couvent Stuartholme pour le visiter et il s’entretint avec les sœurs Françaises.
Le Courier Australien du 15.1.37, en français
Visite du commandant du « Rigault de Genouilly » au monument de La Pérouse
Suivant la coutume de nos unités navales en visite à Sydney, M. le capitaine Moron, commandant l’aviso Rigault de Genouilly s’est rendu le 30 décembre dernier, au monument de La Pérouse et y a fait apposer une plaque commémorative de sa visite. Cette cérémonie s’est déroulée en présence du Consul Général de France et du Vice-Consul, ainsi qu’un détachement de marins, baïonnette au canon, qui ont écouté avec intérêt l’allocution prononcée par le commandant dans laquelle il a rappelé les principales lignes de l’histoire de l’illustre navigateur français.
On nous assure que le commandant a l’intention de proposer la pose d’une grille neuve autour du monument historique, par les soins des ateliers de la Marine à Saïgon. Cette heureuse initiative sera appréciée par tous et particulièrement par notre Consul Général M. P. Susor, qui, on le sait, s’est préoccupé depuis longtemps de l’état de délabrement chronique de ce monument.
Nous rappelons, à cette occasion, qu’après une enquête à laquelle il a tenu à assurer la participation du gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud, M. Suzor a proposé à Paris, il y a environ deux mois, un plan et un devis de réparations, ainsi que – ce qui est aussi important – un projet d’entretien pour l’avenir.
Faisant état de la création prochaine d’une “Marine Drive“ qui, partant de Sydney et suivant le bord de la mer, aboutira aux environs du monument, le Consul Général a fort opportunément signalé à l’administration australienne l’avantage qu’il y aurait à ce que, au lieu d’aboutir au terrain vague actuel, cette « Marine Drive » se terminât par un parc public, digne d’une route scénique qui coûtera fort cher. Connaissant le soin avec lequel l’État entretient ses parcs publics, M. Suzor a estimé qu’en ce qui nous concerne, ce serait le meilleur moyen d’assurer pour l’avenir que l’entourage d’un monument élevé à la mémoire d’un de nos plus grands navigateurs fut embelli et entretenu d’une façon digne, non seulement de la France, mais aussi de l’Australie, pour laquelle ce monument est également un souvenir historique et qui, d’autre part, propriétaire du terrain, assume en l’espèce une part de responsabilité.
La colonie française de notre ville, qui assiste impuissante, depuis tant d’années, au spectacle de délabrement périodique qu’elle a toujours déploré, espère que cette fois, grâce aux efforts des Départements des Affaires Etrangères et de la Marine, il y sera apporté un remède pratique et définitif.
Les autorités australiennes ont encouragé la construction de maisons, en conseillant aux futurs propriétaires de se rendre à Albi dans les vieilles rues, et de s’inspirer des maisons contemporaines de Lapérouse. Les Français de Sydney commémorent la Fête Nationale devant le monument et le 14 juillet la visite du musée est gratuite.
- Monument de Lapérouse à Sydney.
Banquet de l’alliance française et de la chambre de commerce
Une coupure du Courrier Australien, annotée par Moron, « Sydney, le 30.12.36 ». Ce journal, mine de renseignements, édité en anglais et en français, consacre une grande place à la réception de Moron au Romano.
« Près de cent convives avaient répondu à l’appel des présidents de l’Alliance Française et de la Chambre de Commerce lors du Banquet organisé par souscription, par ces deux groupements, le 30 décembre, en l’honneur du commandant Moron et des officiers du Rigault de Genouilly.
Toutes les notabilités de la colonie française et leurs amis étrangers se pressaient dans l’élégante salle du « Romano » autour du Consul Général de France et du commandant Moron, des Présidents des deux comités, Sir Hugh Poynter et M. G. Fombertaux assistés de leurs Vice-Présidents, Mme Kelly et M. Limage …… le gouverneur de la Nouvelle-Galle-du Sud, le Premier Ministre, M. Hughes, le Ministre Fédéral.
Rarement nous fut-il donné d’assister à une réunion aussi pleinement réussie, aussi élégante du fait de la présence de nombreuses et gracieuses dames et jeunes filles et nous nous devons de le bien mentionner, aussi cordiale. »
Un autre journaliste dépeint la grande presse à ce déjeuner et décrit le Commandant Moron comme devant être plus vieux que ce qu’il paraît, à moins qu’il ne soit entré dans la Marine en barboteuse !
Voici la fin du discours de M. Paul Suzor, Consul Général de France. Après avoir parlé des relations commerciales avec la France et de l’amitié Franco-Australienne, il aborde le sujet du Rigault de Genouilly.
Je suis particulièrement heureux, Mesdames et Messieurs, de pouvoir constater que l’année franco-australienne 1936 est maintenant dignement couronnée par la visite du « Rigault de Genouilly » dont le Commandant et les Officiers sont aujourd’hui vos hôtes d’honneur.
M. le Capitaine de Frégate Moron, Commandant, a déjà derrière lui une longue et brillante carrière navale, dont je me bornerai à retracer les lignes principales. Après avoir eu l’honneur de se rencontrer à Stockholm, juste avant la déclaration de guerre, avec le Président Poincaré, d’inoubliable mémoire, le lieutenant Moron fut immédiatement envoyé dans la Manche, où jusqu’à la fin de 1915 il prit part au dangereux service de patrouille dans ces parages, pour être ensuite affecté à l’escadrille de nos torpilleurs dans les eaux de Gibraltar. La paix venue, il en profite pour passer brillamment par l’École de Guerre dont il devait, plus tard, devenir le Commandant adjoint, non sans avoir rempli, entre temps, d’importantes missions en Syrie et ailleurs. Capitaine de Frégate depuis 1932, il commande maintenant la belle unité que nous avons tous admiré et sur laquelle il a parcouru, au cours de ces dernières années, toutes les côtes du Pacifique Est.
Lorsque l’escale de Sydney sera terminée, à notre regret, M. le Capitaine Moron ira à Adélaïde, pour y apporter, à l’occasion du Centenaire de l’Australie méridionale, les félicitations et les vœux du Gouvernement de la République. Ce geste qui, je n’en doute pas, sera apprécié, non seulement par l’État du Sud, mais par l’Australie toute entière.
M. le Capitaine de Frégate Moron était hautement qualifié pour venir montrer notre pavillon dans les eaux australiennes et je suis heureux de lui exprimer, au nom de la colonie française, tout le plaisir que nous avons à l’avoir parmi nous, ainsi que ses si sympathiques officiers. Puisque nous touchons à la fin de l’année, Commandant, je vous offre, également au nom de tous, à vous, à vos officiers et à votre équipage, nos vœux pour 1937.
J’ai été extrêmement étonné d’apprendre cette rencontre entre Moron, Poincaré et Suzor, jamais le commandant ne m’en avait parlé et je me suis plongé dans les recherches.
Je savais grâce à son relevé de carrière que Moron était sur le Lavoisier dans les eaux de la station islandaise. Sur internet il n’y avait rien sur Stockholm et Poincaré, mais j’ai enfin trouvé son livre de mémoires édité en 1939 : Comment fut déclaré la guerre de 1914.
Je l’ai lu en entier pour trouver la rencontre avec Moron et aussi parce qu’il est passionnant et horrible par tant d’absurdités, aller faire du tourisme en Russie, le Président de la République et le Président du Conseil, plus personne de responsable à la barre en France, alors que l’on savait que l’Autriche-Hongrie allait se servir du prétexte de l’attentat de Sarajevo pour s’emparer de la Serbie et des états voisins.
A l’arrivée en Russie, La France ayant un trop gros tirant d’eau, Poincaré et sa suite montèrent dans un bateau plus léger où le Tsar les attendait. Réceptions, danses, ballets, cosaques etc. pendant que les télégrammes sont de plus en plus alarmants. Le problème de la Serbie n’est même pas abordé avec le Tsar. Départ pour Stockholm avec des messages de nos services secrets parlant de guerre proche.
Poincaré est inquiet, on le comprend. Il pourrait sauter l’escale de Stockholm, mais il se sont donné tellement de mal pour nous accueillir ces braves gens…
Donnons la parole à Poincaré : Samedi 12/25 juillet. – ordre est donné, dès l’aube, de hisser le grand pavois. Une flotte suédoise est venue à notre rencontre. Nous entrons dans les passes de l’archipel que forme, en avant de Stockholm, une multitude d’îles verdoyantes. Vers neuf heures du matin, à Falsterbo, la France stoppe : son tirant d’eau l’empêche d’aller plus loin.
Le roi Gustave V vient au-devant de nous dans une embarcation à rames antique et monte à bord du Lavoisier.
Il me faut monter sur le Lavoisier, qui est beaucoup moins imposant et qui est arrivé d’Islande tout exprès pour assurer ce transbordement nécessaire. Six torpilleurs suédois viennent au-devant de nous. Voici Stockholm qui s’élève au-devant de nous sur sept îlots du lac Malare … Le roi me souhaite la bienvenue dans son royaume, me présente son frère et ses fils. Il m’emmène avec eux dans sa pimpante chaloupe. Le maire de Stockholm m’adresse en un excellent Français une aimable allocution. Le roi m’invite à passer avec lui la revue de la garde d’honneur, puis, dans des landaus de gala on nous conduit au palais royal. Échange de cadeaux (avec le classique vase de Sèvres).
Le roi me conduit sur son yacht déjeuner au château de Drottningholm, retour en voiture par des routes champêtres. Le soir dîner de gala au Palais. Puis le roi et les princes nous conduisent à l’embarcadère où nous nous séparons d’eux. Puis un canot nous ramène au Lavoisier.
Journée de fêtes ; journée d’attente et d’inquiétude. Suite de cérémonies joyeuses ; suite de télégrammes alarmants.
Les Suédois ont dû être vexés qu’on n’ait pas fait appel à eux pour le transbordement, ils ne manquaient pas de bateaux et cela se passait sur leur territoire.
Retrouvons le Lavoisier vu par Poincaré :
« Avec une prudente lenteur, le Lavoisier reprend sa marche entre les îles d’où partent sans cesse dans la nuit des hourras retentissants. A minuit nous retrouvons La France et le Jean-Bart féériquement éclairés et nous rentrons chez nous au bruit du canon. Des coups de canon moins inoffensifs ne vont-ils pas être tirés sur Belgrade ? Et s’ils le sont, qu’adviendra-t-il en Europe ? C’est ce que je me demande, le cœur serré sur la couchette où j’implore le sommeil.
Dimanche 26 juillet. – Nous voici de nouveau en mer, faisant route sur Copenhague. »
L’on a fait venir d’Islande, la porte à côté, le Lavoisier sur lequel se trouve effectivement Léon Moron.
C’est peut-être à cette occasion que Moron et Suzor font connaissance en attendant le retour de nos dirigeants qui font bombance et s’amusent parmi les acclamations enthousiastes des habitants de Stockholm.
Ou bien Suzor et Moron se connaissaient déjà ? dans le discours au Romano Suzor dit qu’il connaissait Moron depuis longtemps, et qu’ils étaient ensemble à Stockholm avec Poincaré. C’est exact. Mais comment Suzor était-il là ?
Toute la vie professionnelle de Paul Suzor se passe dans la diplomatie. Diplômé de l’école des langues orientales vivantes. Élève interprète à Bangkok à 27 ans. Elève vice-consul la même année. Il se promène de par le monde et se retrouve le 24 septembre 1913 nommé à Terre-Neuve, dans les eaux de la station d’Islande. Le Lavoisier a certainement fait escale à Terre-Neuve pour saluer le représentant de la France M. Paul Suzor. Celui-ci, sentant venir la guerre, ou bien rappelé par le Ministre des affaires étrangères, a saisi l’occasion du Lavoisier. Pourquoi n’aurait-on pas donné l’ordre au commandant d’aller récupérer le diplomate et de le laisser avec la suite de Poincaré ? Il n’y avait pas de paquebot France-Terre-Neuve en 1914. De Terre-Neuve à Stockholm la route est longue et l’on a le temps de faire connaissance.
Dans la nuit Moron rembarque le gouvernement français et le dépose sur La France. Ils ne s’arrêteront pas au Danemark, ni en Norvège.
Sur la route du retour le gouvernement de la France en croisière ne peut donner des ordres ni recevoir des messages de Paris.
Les Allemands brouillent les communications de radiotélégraphie dans les deux sens. Les dirigeants du pays sont sourds et aveugles. Parfois on arrive à reconstituer les messages ou bien ils passent par le Luxembourg.
Message de Jules Cambon à Paris : … « Quelle que doive être l’issue de tout cela, Votre Excellence appréciera si, sans prendre des mesures publiques, il ne serait pas temps pour nos autorités militaires et maritimes de faire le nécessaire pour n’être pas surprises par les événements. »
Tous ces télégrammes s’échangent pendant que la France suit sa route au murmure des vagues et il ne vient à nous, des chancelleries européennes, que des bruits confus.
Nous ignorons à peu près tout de ces nouvelles et de ces documents. Nous ignorons en grande partie ce qui se passe à Paris. Nos communications avec la terre sont systématiquement brouillées par les Allemands. Ainsi, non seulement on a attendu notre départ de Russie pour lancer l’ultimatum ; non seulement on n’a pas voulu que le gouvernement français pût s’entendre avec ses alliés pour rapprocher l’Autriche et la Serbie mais on fait, après coup, l’impossible pour empêcher le président de la République et le président du Conseil de communiquer avec leur pays.
Pour leur remonter le moral, ils reçoivent le 26 au soir ce message :
M. Bienvenu-Martin reçoit de notre chargé d’affaire à Luxembourg, M. d’Annoville ; avis que, d’après des informations de Thionville, les quatre dernières classes allemandes libérées ont ordre de se tenir, à toute heure, à la disposition de la kommandantur et que, sans être complètement mobilisés, les réservistes ont d’ores et déjà été invités à ne pas quitter le lieu de leur domicile.
« Le lieutenant Moron fut immédiatement envoyé dans la Manche où, jusqu’à la fin de 1915 il prit part au dangereux service de patrouille dans ces parages, pour être ensuite affecté à l’escadrille de nos torpilleurs à Gibraltar. »
Petite erreur de Paul Suzor : Moron était dans l’escadre franco-britannique de sous-marins de Gibraltar et non dans les torpilleurs. Voir : Une-annotation-sur-un-livre-a-bord-du-sous-marin-Ampere-en-1917.
Discours du commandant Moron
Mesdames,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de l’Alliance Française,
Monsieur le Président de la Chambre de Commerce Française,
Messieurs,
Je suis très troublé de prendre la parole devant une réunion aussi importante, surtout après les compliments certainement immérités qui viennent de m’être adressés.
Je ne suis pas un orateur, mais un marin et cependant je voudrais essayer de vous dire avec tout mon cœur combien j’ai été touché de l’accueil si cordial et si fraternel qui nous a été réservé à Sydney.
Une des choses auxquelles j’ai été le plus sensible ici, c’est ce que m’a dit spontanément l’un des personnages officiels qui ont bien voulu m’honorer de leur visite : ce qui avait le plus frappé cet officier australien pendant la guerre, c’était l’amour du paysan français pour le sol, la ténacité et l’intrépidité avec lesquelles il continuait à le cultiver sous les balles et les obus qui sillonnaient l’air. « Si jamais j’ai le bonheur de retourner en France, ajouta-t-il, mon plus grand plaisir sera de revoir ces paysans qui nous ont donné un tel exemple de courage et de patriotisme et qui, en outre, ont fait à nos soldats un accueil si chaud et si reconnaissant.
Je voudrais aussi vous dire en ma qualité de commis voyageur de la France, ma joie d’être au milieu de vous au moment où un traité de commerce heureux pour l’Australie et la France vient d’être signé.
J’entends souvent à l’étranger des Français se lamenter sur la décadence de l’influence française et je ne puis m’empêcher alors de penser que cette influence ne peut revivre que par le commerce.
N’oublions pas que l’histoire des Grecs qui nous fut contée à l’école est l’histoire d’un peuple de marchands et que c’est grâce à l’activité de leur commerce qu’ils ont pu atteindre la puissance de civilisation qui fait le fond de la nôtre. Pensons aussi que, aidée par l’idéal religieux, l’audace de nos Croisés eut bien souvent comme aiguillon l’espoir des échanges et que c’est sous le souvenir du commerce que nous sommes encore connus en Orient sous le nom de France.
Je suis persuadé que dans l’état actuel du monde il est indispensable, pour la vie en paix que les échanges commerciaux se développent et je suis certain que – toute question de sentiment mise à part – si la nécessité veut que les intérêts de l’Empire Britannique et de l’Empire Français se mêlent, nul n’osera s’attaquer à leur puissance combinée pour troubler la paix du monde.
Mesdames, Messieurs, je bois à la prospérité de l’Australie et au resserrement des liens d’amitié de nos deux pays.
Cocktails on French Sloop. Daily Telegraph 1.1.1937
Le capitaine et les officiers du bateau français, le Rigault de Genouilly prouvèrent qu’ils savaient recevoir, au cocktail donné à bord. C’était un après-midi parfait pour une réception sur l’eau.
Aux deux cents invités, le bateau blanc se détachait superbement devant un fond d’arbres verts.
Les drapeaux éclatants étaient disposés autour du pont, là-même où les jeunes invités passaient leur temps à danser le tango sur un air de “St. Louis Blues“ joué par un orchestre.
En arrivant à bord les invités étaient accueillis par le commandant Moron, puis se dirigeaient vers le pont supérieur pour les cocktails et le buffet du thé de l’après-midi.
Le consul général de France, M. Paul Suzor, avec son épouse et sa fille Jeanne, étaient les premiers arrivés. De même l’épouse du vice-consul était arrivée de très bonne heure, pour et donner la touche finale aux préparatifs.
Parmi les invités se trouvait le Consul des Pays-Bas avec son épouse. Celle-ci était ravissante dans une tunique bleue-marine relevée d’un dessin de coquillage, et d’un chapeau marron. Mme David Cohen, dans un élégant ensemble tunique-pantalons de crêpe, couleur maïs, rayé bleu-marine et son chapeau de paille naturelle.
Une autre dame portait une robe rayée multicolore et un grand chapeau de soleil blanc.
Mademoiselle Jeanne Suzor, extrêmement séduisante dans une robe bleue à pois blancs et un panama blanc.
Miss Ginette dans sa veste blanche, chapeau de feutre blanc aux bords retournés et dans une chemise noire.
Miss Ann avait choisi une robe de crêpe au décor de fleurs vertes relevée avec un décolleté de filet noir.
Le commandant Moron, ambassadeur de la France à Sydney, savait recevoir. A la passerelle il a salué chacun des deux cents invités et il a été surpris par le nombre d’élégantes qui avaient choisi le bleu marine pour leur rendre hommage.
Adelaïde
Arrivée à Adélaïde le 6 janvier 1937 en provenance de Sydney. Départ le 10 janvier pour Melbourne et Nouméa.
Le Rigault de Genouilly avait pour mission de représenter la France au centenaire d’une nouvelle colonie britannique, L’Australie -Méridionale.
Les premiers colons choisirent l’emplacement de l’actuelle Adélaïde en novembre 1836. La création de la nouvelle colonie fut proclamée le 28 décembre 1838 sous le nom de Proclamation Day. Cette fête nationale a lieu le 28 décembre, mais, le centenaire étant une grande occasion, la date a été repoussée pour avoir le plus grand nombre de participants.
C’est pour cela que notre Rigault de Genouilly est arrivé le 6 janvier 1937 et que le commandant et les officiers furent accueillis par le Lord Mayor of Adelaide, Mr Cain, au cours d’une cérémonie officielle à la mairie.
« Lorsque l’escale de Sydney sera terminée, à notre regret, le Capitaine Moron ira à Adélaïde, pour y apporter, à l’occasion du Centenaire de l’Australie méridionale, les félicitations et les vœux du gouvernent de la République. Ce geste qui, je n’en doute pas, sera apprécié, non seulement par l’État du Sud, mais par l’Australie toute entière. » Paul Suzor, Consul général de France.
Melbourne
- Arrivée Melbourne 12 janvier 37, départ 16 janvier 37
Pique-nique pour les marins en escale
Par un chaud soleil, avec une brise du Sud, un groupe de marins français fut invité à un pique-nique dans la chaîne des Dandenong. L’expédition fut organisée par le Consul de France M. Charles Claudon et le Consul de Belgique M. René Vanderkelen. Il y avait plus de 80 marins et hôtes pour cette partie de campagne.
Ils traversèrent Croydon et montèrent en voiture jusqu’au mont Dandenong et aux Five Ways ; puis passèrent par Clematis jusqu’à Red Mill où ils prirent le thé et regardèrent le nourrissage des kookaburras ; puis rentrèrent en passant par Ferntree Gully.
Les Français furent enthousiasmés par les paysages et en particulier par les fougères arborescentes.
Parmi les officiers présents se trouvaient le second lieutenant Van Effenterre et le docteur Laudet.
Quinze véhicules ont été utilisés. Ils appartenaient à Mrs Kenneth Stewart, Madame Gay, Madame et Mademoiselle Odette Lévy, M. Vanderkelen, M. et Madame Anvell, professeur, et Mrs Maurice Betz, M. et Madame G. A. Watson, Mademoiselle Watson, M. Laroche, Miss Bernadou, Madame Soward, Madame Joubert, Mrs. Fred Walker, Miss Walker, Messrs Cox, Champion et Michel.
Dans les articles de journaux australiens il est de coutume de citer tout le monde en s’attardant sur les robes et les chapeaux des dames. Ce n’est pas le cas ici car c’était une sortie champêtre et non une réception.
Il y avait huit Français pour promener en voiture les marins français. C’était un grand honneur pour les Français d’Australie d’accueillir des compatriotes.
Réception pour les officiers de marine français
En l’honneur du capitaine Moron et des officiers de l’aviso français Rigault de Genouilly, l’amiral Sir Francis Hyde et Madame ont offert une délicieuse réception, en fin d’après-midi dans leur maison à Walsh Street, South Yarra.
L’aviso est arrivé hier dans le port après avoir assisté aux cérémonies de la célébration du Centenaire de l’Australie Méridionale. Il restera ici jusqu’à samedi et pendant ce temps les officiers et l’équipage seront divertis.
De magnifiques hortensias bleu foncé et roses, des glaïeuls aux couleurs de flamme, des agapanthes et des delphiniums décoraient les pièces où Lady Hyde recevait ses hôtes.
Sa robe de crêpe d’une couleur entre miel et beige sable était ornée d’un lacet noisette appliqué des deux côtés de la taille et sur les manches chauve-souris. Un manteau d’un tissu assorti à bandes de renard marron et un chapeau marron à large bord orné d’un nœud de taffetas beige complétait son ensemble.
Définitivement le Français
Le Français était définitivement la langue parlée hier quand notre consul français M. Claudon et Madame invitèrent chez eux les officiers du Rigault de Genouilly et leurs amis à Kensington Road, South Yarra.
Énormément d’invités, ainsi bien sûr que les officiers, étaient Français.
Madame Claudon, qui portait une robe ajustée au charmant dessin floral et dont les chaussures noires avaient de hauts talons rouges, devait se sentir comme si elle était de retour à Paris avec de si nombreuses voix françaises autour d’elle.
Sa petite fille Béatrice, fit une rapide apparition, dans les bras de sa nurse chinoise et montra quelle diplomate elle pouvait devenir un jour, en balbutiant en Chinois, en Anglais et en Français.
Le commandant de l’aviso, le capitaine L. Moron se sentait très à l’aise en Australie.
Il avait espéré faire ce voyage depuis des années, car il était un grand admirateur du capitaine Cook.
Il me dit qu’il considérait le capitaine Cook comme le plus grand de navigateurs, même plus grand que Christophe Colomb, qui avait eu de la chance alors que Cook était doué et se servait son cerveau.
A bord du Rigault de Genouilly il avait de vieux manuscrits et des cartes du voyage du capitaine Cook et d’autres célèbres navigateurs. Il eut l’impression d’être un peu lui-même un explorateur quand il vit pour la première fois les feux d’un phare australien.
« Je voyais l’Australie pour la première fois »
Il était amusé de voir que les australiens s’attendaient à trouver ses marins avec des barbes ou au moins des petits boucs. « Ils ne sont plus à la mode chez nous depuis aussi longtemps que chez vous. Mais nous ne voulions pas vous désappointer. Quelques jeunes marins se sont laissé pousser de petites barbes sur le chemin pour encourager cette illusion. »
- Madame Claudon entourée par les officiers du Rigault de Genouilly. Les deux officiers à gauche : G. Merer, Van Effenterre.
Deux vaisseaux pour la jeunesse
Deux navires écoles, l’aviso français Rigault de Genouilly et celui des États Unis, l’État de Californie sont arrivés hier pour passer quatre jours à Melbourne. Tous deux sont en croisière d’entrainement spécifique. L’aviso français est commandé par le capitaine L. Moron assisté par 12 officiers et 150 matelots, spécialement choisis pour servir dans le Pacifique. Seulement deux membres de l’équipage ont servi pendant la Grande Guerre. La plupart d’entre eux sont des jeunes gens ou des hommes jeunes qui, déjà, ont une certaine réputation dans la Marine française pour leur efficacité et leur compétence en artillerie.
C’est l’un des plus modernes vaisseaux de la Marine de cette taille à avoir visité Melbourne. Le Rigault de Genouilly fut construit en 1933 et porte une multitude d’équipements remarquables, comprenant un hydravion entièrement métallique. Il a représenté récemment la Marine française à la célébration du Centenaire de l’Australie Méridionale. Samedi il partira pour continuer sa croisière vers la Nouvelle Zélande, la Nouvelle Calédonie, Tahiti et le groupe des Marquises. Un programme de divertissement pour les officiers et l’équipage a été mis au point pendant le séjour à Melbourne de l’aviso. Celui-ci pourra être visité aujourd’hui par le public de 3 h à 5 heures de l’après-midi.
Dîner dansant pour les officiers du Rigault de Genouilly
De nombreux invités qui avaient assisté au cocktail donné par M. Claudon et son épouse étaient aussi présents au dîner-dansant qui était offert par les membres de la colonie française et par l’Alliance française à Grosvenor, Queens Road, la nuit dernière.
Le salon, où M. et Mme Claudon et M. René Vanderkelen (président de l’Alliance Française) et Mme Vanderkelen recevaient les invités, était décoré avec de grands vases d’hydrangea de couleurs variées.
Mme Claudon portait une robe de lourd crêpe de chine noir aux longues manches rehaussées d’un tissu couleur flamme. Le décolleté drapé montait jusqu’au cou.
La simple robe bleue à la romaine de Madame Vanderkelen était portée avec une cape d’épaule du même tissu décorée d’une bande fuchsia au col.
Groupés au milieu de la salle de bal où le dîner était servi, se trouvaient des vases de glaieuls roses et de delphiniums bleus.
Assis à la table officielle se trouvait le commandant L. Moron, capitaine de frégate ; le Lord Maire et Lady Mayoress ; Mme Wales ; Mme Wright ; M. et Mme Cokerton, secrétaire de l’Alliance Française ; Miss Moyles, représentant l’Alliance Française en Nouvelle Zélande ; M. Laroche ; Mme Colette Reddin.
Le commandant Moron était fier de réunir autant de monde autour de lui, représentant de la France. Il aimait beaucoup me parler de l’Australie et de l’accueil extraordinaire qu’il y avait reçu. Il n’avait pas oublié les consuls de France, ni leurs épouses, surtout la ravissante Madame Claudon, coqueluche des officiers.
Moron avait découpé et soigneusement rangé les articles de journaux pour mon plus grand bonheur. Ils témoignent de l’amitié que les Australiens avaient pour la France. A plusieurs reprises des personnages importants font remarquer dans leurs discours que Moron avait fait la Grande Guerre dans les sous-marins, rattachés à l’escadre franco-britannique de Gibraltar. Pour eux il était un frère d’Armes.
Réception de fin d’après-midi
L’aviso français Rigault de Genouilly avec son grand pavois et les drapeaux de la Grande Bretagne, de l’Australie et de la France présentait un aspect joyeusement coloré avec le soleil se reflétant sur l’eau bleue de la baie ce vendredi après-midi. Le capitaine et les officiers recevaient les membres de la communauté française et les amis qui les avaient accueillis à Melbourne.
Les boissons étaient servies par des boys chinois en uniformes blancs. Les canapés et sandwichs étaient disposés sur de longues tables sur tréteaux.
Le Capitaine L. Moron recevait les invités avec le consul de France, M. Charles Claudon.
Chère Cynthia
Chère Cynthia, la jolie Madame Claudon, la femme du Consul de France, était sous les feux de la rampe la semaine dernière, divertissant et prenant soin des officiers et de l’équipage du Rigault de Genouilly. La moitié de la communauté française de Melbourne était présente à son cocktail qui, comme c’était une chaude journée se tenait dans son charmant jardin de poche à l’arrière de sa maison à Kensington Road, South Yarra. Parmi les superbes fleurs qu’elle et son mari ont planté depuis qu’ils sont à Melbourne, il y a des spécimens de plants de tomate qui ont été très admirés.
Inutile de le dire, tout le monde parlait français, et continua au dîner dansant à Grosvenor qui conclua la réception. Il y eu beaucoup de discours et tout le monde chanta en cœur « La Marseillaise » et le « God Save the King ».
Mon français s’est, à mon avis, considérablement amélioré, après quatre jours de pratique constante. Je me suis trouvé assez bavard lors de la réception sur le bateau. J’arrivai à formuler des phrases complètes, sans aucun mot anglais. Mais ce fut beaucoup trop pour moi quand trois volubiles dames françaises m’attaquèrent en même temps. Je m’éclipsai silencieusement vers un coin tranquille et bu une coupe de champagne, dont il semblait y avoir un nombre illimité.
Ne connaissant pas grand-chose aux bateaux, je fus étonné de sa petitesse et surtout du fait qu’entre autre attirail, il portait un hydravion miniature.
Le bateau était resplendissant ce vendredi avec beaucoup de drapeaux et de fanions, et un orchestre jouant de la musique de dance pour les plus en forme.
La jeune Colette Reddan était une des plus attirantes, sa chevelure noir corbeau couverte d’un chapeau de marin à bords blancs. Sa robe à motifs rouges et blancs lui allait à la perfection également.
L’Ordre du « Good Bloke » pour le Frenchman
Avant que l’aviso français Rigault de Genouilly quitte Melbourne samedi, le commandant (Capitaine Léon Moron) fut officiellement intronisé dans l’ordre de l’O.B.B. (l’ordre du Bon Bloke), un parchemin scellé avec une capsule de bière et un bouchon de champagne. Le Capitaine Moron déclara qu’il chérirait ce parchemin et qu’il appréciait tout le sens du terme australien « good bloke ».
Le Rigault de Genouilly quitte Port Melbourne le samedi 16 Janvier. Destination Noumea :
- Tous nos plus respectueux souvenirs de Melbourne où Madame Claudon – toujours aussi charmante nous a splendidement reçus en souvenir du Vieux Rigault.
La signature Béatrice correspond à la petite fille de Madame Claudon dans les bras de sa nounou chinoise. Elle sait déjà signer.
Cette carte a été envoyé à Toulon où les bureaux la font suivre. Dans ce cas à Beyrouth. Voir : Mes-amis-les-Morons-au-Liban