Voir le précédent article "Pharmaciens lyonnais (1re partie)
Louis Henry Eugène Vacheron est né le 1er août 1864 à Saint Symphorien de Lay, dans le Roannais, fils unique de Louis Auguste Vacheron, directeur d’usine, et d’Eugénie Desarbre. C’est dans le vieil album de famille de mon père que j’ai retrouvé les anciennes photos de Louis Vacheron et de ses parents.
- Louis Vacheron
- (Archives familiales)
- Louis Vacheron et Eugénie Desarbre
- (Archives familiales)
Louis Vacheron est étudiant en pharmacie, on le retrouve à Lyon en 1888 à l’hôpital de la Charité [1]. Il exerce ensuite son métier de pharmacien au 21 rue Bugeaud [2]. Il fait la connaissance de Félicie Bratte, fille d’un marchand de meubles du cours de la Liberté et sœur aînée de Jeanne (future Madame Bardey). Sans doute se sont-ils connus dans la paroisse qu’ils fréquentent tous deux, à savoir l’Immaculée Conception, rue Pierre Corneille.
Louis et Félicie se marient en la Maison Commune du 3e arrondissement de Lyon le 25 avril 1893. Sont témoins à leur mariage Mathieu Baron, cousin de Louis Vacheron et Marius Jacques Baron, son oncle, qui est alors lieutenant d’artillerie à Besançon.
- Mathieu Baron
- Mon arrière-grand-père, cousin de Louis Vacheron
(Archives familiales)
Les deux futurs époux ont passé un contrat de mariage [3] le même jour devant Maître Deressy, notaire à Lyon. La future épouse apporte en mariage, en plus de son trousseau, la part indivise d’une propriété immobilière sise 21 rue Ste Geneviève à Lyon 6e et constituée d’une maison, de deux jardins et d’une cour, d’une superficie de 674 m2. Quant au futur époux, il apporte une bibliothèque et divers instruments d’analyse liés à sa profession, et surtout un fonds de commerce de pharmacie qu’il possède et exploite à Lyon, 21 rue Bugeaud.
L’apport indispensable du fonds des hypothèques
Mais l’indivision entre Félicie et Jeanne (les deux sœurs Bratte) ne va pas durer. Pour cela plongeons-nous dans le fonds des hypothèques des Archives Départementales du Rhône. Dans la table alphabétique nous trouvons bien Félicie Marie et Jeanne Bratte, il suffit alors d’aller sur le répertoire des formalités [4]mentionné sur cette table pour trouver la vente de la propriété sise 21 rue Sainte Geneviève, le 29 mai 1894 et le numéro du registre (N° 2617) sur lequel elle est transcrite.
M’étant rendu aux Archives départementales du Rhône j’ai donc retrouvé la transcription de cette vente par adjudication dans un document de 21 pages [5]. Je ne rentrerai pas dans le détail de la procédure de cette vente à la requête de Jeanne et Louis Bardey. Toujours est-il que la propriété du 21 rue Sainte Geneviève s’est vendue 41 000 francs. Chacune des filles Bratte en reçoit la moitié, soit 19 950 francs (en tenant compte des frais). Félicie et Louis Vacheron en passent quittance le 23/06/1894 devant maître Antoine Marie Deressy, notaire à Lyon [6].
Louis Vacheron achète le laboratoire Monavon
Cette disponibilité financière va permettre à Louis Vacheron d’acheter le laboratoire exploité par Marius Monavon qui vient de décéder le 10 avril 1895. Les locaux et entrepôts de ce laboratoire dépendent d’une maison dite de la Croix-Blanche et sise à Lyon Saint Irénée, chemin de Saint Just à l’Etoile d’Alaï N° 3 (actuelle rue Joliot-Curie) et chemin de Francheville N°4 loués à Monsieur Monavon défunt pour usine devant servir à la fabrication de produits pharmaceutiques par Monsieur Melchior Cholat propriétaire de la maison … Les baux sont faits pour une durée expirant le 24 décembre 1901 …
Monsieur Grasset et Monavon comparants de première part et s’obligeant conjointement entre eux et avec Madame Grasset susnommée, ont par les présentes vendu et cédé … à Monsieur Vacheron comparant de seconde part qui accepte tous leurs droits à la propriété et à l’exploitation de la spécialité pharmaceutique connue sous le nom de Kola Monavon ainsi que les droits et actions attachés à toute marque commerciale relatives à la spécialité vendue, notamment aux marques de fabrique déposées. La spécialité porte dans ses productions les noms de Kola Monavon, antidiabétique Monavon, eupeptique Monavon. Sont compris dans la présente vente tous les produits fabriqués qui se trouveront dans l’usine … ainsi que le matériel existant dans l’usine et servant à la préparation de la Kola. Le tout est d’ailleurs bien connu de l’acquéreur ainsi qu’il l’a déclaré. Dès ce jour Monsieur Vacheron sera propriétaire des biens et droits à lui présentement vendus et cédés, et il en aura la jouissance à compter de demain premier mai mil huit cent quatre-vingt-quinze [7].
Cette vente est conclue moyennant la somme de 90 000 francs dont la moitié est payée comptant le solde au 1er septembre suivant.
- Buvard publicitaire
- (Collection particulière)
Une succession d’événements heureux … et malheureux
A la même période, sa femme Félicie est enceinte ; elle accouche le jour du 15 août 1895 d’une petite fille qu’ils prénomment Marguerite Marie Louise. Hélas le bonheur sera de courte durée car celle-ci décède le jour de son premier anniversaire. Les funérailles ont lieu le 17 août 1896 et l’inhumation au nouveau cimetière de la Guillotière.
L’année suivante nouvelle grossesse. Le 26 août 1897 à Saint Symphorien de Lay, commune de ses beaux-parents, Félicie accouche d’un garçon, Louis Jacques, qui décède le jour même.
Par bonheur le 28 septembre 1898 c’est une petite fille qui voit le jour, ses parents la prénomment Marie-Louise. Elle sera suivie, trois ans plus tard par Marie-Félicie née le 3 août 1901.
- Marie-Louise Vacheron
- (Archives familiales)
- Marie Félicie Vacheron
- (Archives familiales)
Une affaire qui marche bien
Ce sont alors des années heureuses pour le jeune couple, d’autant plus que le laboratoire de Louis Vacheron marche bien. Le bail des locaux du chemin d’Alaï se terminait fin décembre 1901, mais Louis a trouvé un autre point de chute pour installer son matériel et ses fabrications, avec les dépendances d’une maison située boulevard Vallioud à Sainte-Foy-lès-Lyon. Il passe un bail sous seing privé de 6 à 10 ans avec Monsieur Falcon de Longevialle [8].
L’entreprise de Louis Vacheron prend le nom de « Laboratoires réunis des préparations Monavon et Vacheron » comme en témoigne la lettre à en-tête ci-dessous.
- En-tête de lettre
- (Collection particulière)
Louis Vacheron va de temps à autre chez Antoine Marie Motteroz (veuf d’Hélène Baron), oncle par alliance de Félicie. Il est chef-comptable de la Maison Guis et Cie à Marseille où il connait beaucoup de monde. Pour Louis c’est une bonne filière pour écouler ses produits. La Kola Monavon a aussi des débouchés aux USA. Petite anecdote pour illustrer cet article, une course cycliste Lyon-Crémieux (aller et retour) a lieu le 24 avril 1904, avec de nombreux prix à la clef pour les concurrents, et savez-vous quel était le 19e prix ? Deux bouteilles de Kola Monavon offerte par Monsieur Vacheron [9]. Je ne sais pas qui a été bénéficiare de ce 19ème prix.
- Publicité sirop Vacheron contre la toux
- (Collection particulière)
Hélas le bonheur ne va pas durer car Louis Vacheron décède le 31 janvier 1908, probablement d’une pneumonie. Il est inhumé le premier février au cimetière de Lay, dans le caveau familial.
Dans un testament olographe rédigé et signé le 13 avril 1907, Louis Vacheron avait fait part de ses dernières volontés. Un paragraphe a particulièrement attiré mon attention qui en dit long sur les relations familiales : J’exprime le désir formel pour des raisons particulières et sérieuses, mais que je n’ai pas à faire connaître ici que Monsieur Henri Bonjour, Monsieur et Madame Louis Bardey ne fassent pas partie du conseil de famille de mes enfants [10].
A suivre :
Le professeur Barthélemy Moreau (Pharmaciens lyonnais : 3e partie)