Victor est né le 11 avril 1880 à Blaison-Gohier dans le Maine et Loire.
Il était le fils de René Varry (1837-1909) et Marie Béziau (1844-1921). Outre Victor, la fratrie comprenait René Olivier (1872-1934), Marie (1866-1898), et Renestine (1869-1934), mon arrière grand-mère qui a épousé Olivier VARRY (son cousin).
Cultivateur avec ses parents sur l’île aux chevaux des Ponts de Cé (autrefois de Ste Gemmes) il fut appelé à l’armée le 16 novembre 1901, au 46e régiment d’Infanterie, 11e Cie de Nogent sur Marne. A cette époque le service militaire obligatoire était de 3 ans.
Dans ces différentes lettres, écrites durant cette période, Victor évoque sa vie de militaire, demande des nouvelles de la famille et des amis, toutes les choses de la vie quotidienne.
Mais on y apprend un jour, dans sa lettre du 26 avril 1902, qu’il avait une liaison amoureuse avec « Marguerite », mais que sur un coup de tête il lui a renvoyé toute ses lettres en lui demandant d’en faire autant avec les siennes… ! Une embrouille qui a sans doute dégénéré lors de leur séparation provoquée par la mobilisation de Victor.
J’ai trouvé il y a quelques temps, qu’il s’agissait de Marguerite RIDEAU née aux Ponts de cé le 25 janvier 1881, fille d’Edouard et de Joséphine. Couturière, Marguerite habitait chez ses parents à St Maurille aux Ponts-de-Cé.
Mais avant de lui renvoyer ses lettres, Marguerite lui demandait de lui retourner aussi le petit mouchoir qu’elle lui avait donné quand ils étaient aux noces de sa sœur !
Dans sa lettre du 20 mai 1902, il raconte ses regrets qu’ils en soient arrivés là, et pour couronner le tout ,il lui a aussi renvoyé une photo d’elle qu’il gardait précieusement en regardant tous les jours « sa frimousse ». Ce geste n’a pas arrangé les choses, et on le devine malheureux de cette situation... fâché mais malheureux et sans doute toujours amoureux. Il n’y a pas un jour où il ne pense à elle, en se remémorant leurs projets et leurs serments de jeunes gens.
Le 17 juillet 1902, il dit sa grande inquiétude après avoir appris que Marguerite était gravement malade et devait subir une opération. Il supplie Olivier et Renestine de lui donner des nouvelles.
Le 11 août, il est bouleversé d’apprendre que Marguerite ne survivra sans doute pas. Il ne peut pas se figurer qu’elle va s’en aller comme ça et qu’il ne la reverra plus. Il garde encore le petit espoir que Marguerite s’en relèvera compte tenu de son jeune âge, 21 ans. Si seulement elle pouvait survivre, quel bonheur pour lui , même si elle avait un autre amoureux il s’en fiche ! « du courage, je vais en avoir rudement besoin, car je l’aimais comme un fou et aujourd’hui je sens que je l’aime plus que jamais au moment où elle va nous quitter ».
Quelques jours plus tard, en permission aux Ponts-de-Cé , il passe plusieurs fois devant la maison de Marguerite, le cœur serré.
- Lettre de Victor Varry à Renestine et Olivier Varry le 20 aout 1902.
Il n’y aura pas de miracle et début octobre il apprend par un courrier d’Olivier et Renestine, le décès si redouté de Marguerite le 3 octobre chez ses parents à St Maurille. Il y répond le 20 octobre.
« je m’y attendais de jour en jour, mais le coup a été rude tout de même, c’est un deuil que je porterai longtemps dans mon cœur, je l’ai trop aimé pour l’oublier si vite. Je n’ai guère l’espoir qu’un autre amour vienne guérir la plaie que celui-là a fait dans mon coeur ! Non, jamais je ne retrouverai une autre Marguerite... »
La vie militaire continue cependant pour Victor, qui prend même des cours d’anglais à la caserne.
Il y passe toutes ses soirées quand il n’est pas de service. Simple soldat, il n’a guère de sous à dépenser, et ne peut améliorer l’ordinaire que lorsque ses parents René et Marie, eux mêmes agriculteurs peu fortunés, lui envoient quelque argent par mandat. Suivre assidûment ces cours lui permet de ne pas dépenser d’argent dans d’autres distractions plus futiles.
Début juin 1904, à l’approche de sa libération du service militaire en septembre, il est tiré au sort pour bénéficier d’une soirée de gala organisée au Trocadéro à Paris en l’honneur de son régiment.
« Une vraie chance, une seule carte d’ invitation par Bataillon et c’est moi qui l’ai eue ! c’était une fête splendide et je n’en verrais sans doute jamais de pareille ! »
Mais la chance va le quitter rapidement. Le 31 juillet 1904 , en manœuvre avec son régiment, il raconte à ses parents les rudes conditions qu’il endure à la caserne des Dragons où les soldats sont hébergés. Pas de lit ni de draps pour dormir, uniquement de la paille !
Il leur annonce aussi qu’il a été sévèrement malade et qu’il a été admis à l’infirmerie quelques jours.
« j’en suis sorti plus malade qu’avant...ça va un peu mieux mais j’ai perdu 10 livres (5kg) en 8 jours ! »
C’est malheureusement la dernière lettre que Victor adressera à sa famille, car son état va brusquement empirer ! Il décédera le 23 août 1904 à l’Hôpital de Fontainebleau, emporté par la fièvre typhoïde.
Voici le triste destin que celui de mon arrière grand oncle Victor, disparu à l’âge de 24 ans, il y a 119 ans.