Petit dernier de la famille Monavon, Marius Jules est né à Bourgoin (Isère) le 22 mai 1863, fils d’Etienne [1], galochier, grande rue (actuellement rue de la République) dans cette même ville et de Anne Bouverot, ménagère. Il n’a pas 6 ans lorsque son père meurt le 10 février 1869 ; sa mère se remarie le 30 mars de l’année suivante avec Jean-Baptiste Grasset, aussi galochier, originaire de Saint Alban de Roche (Isère). Je n’ai rien trouvé sur l’enfance de Marius, sinon qu’il fait une scolarité pendant un an (1878-1879) au petit séminaire du Rondeau à Grenoble.
- (Collection personnelle)
Marius ne s’oriente pourtant pas vers une vocation religieuse. Il rejoint Lyon où résident déjà son oncle Pierre Michel Monavon et sa tante Marthe Monavon, pour faire des études de pharmacie, dans lesquelles il se montre fort brillant. Alors qu’il vient seulement de terminer sa première année, la société de pharmacie de Lyon lui décerne le deuxième prix à la suite d’un concours sur les phosphates de chaux et les peptones.
A l’issue de cette première année de pharmacie Marius est soldat au 52e Régiment d’Infanterie de ligne, à la 2e compagnie du dépôt de Bourgoin.
En 1888 il est nommé préparateur et il est admis à la Société Chimique de Paris [2] et en 1889 il est interne en pharmacie à l’asile psychiatrique du Vinatier à Bron.
Plein d’esprit, coloré, brillant, comme un verre de vieux Bourgogne ...
Le 11 février 1890 il soutient, devant la faculté de médecine de Lyon, une thèse sur la « Contribution à l’étude de la coloration artificielle des vins » qui lui donne le diplôme de pharmacien de 1re classe. Il est d’ailleurs l’un des rares élèves à avoir présenté une thèse ; pour le récompenser des travaux réalisés, la Société de pharmacie de Lyon lui décerne la médaille d’or (prix des maîtres) [3]. Marius Monavon a réalisé ses travaux sur les conseils de son maître le professeur Paul Cazeneuve et du Docteur Crolas, autre professeur de la faculté de pharmacie, qui a guidé ses premiers pas dans ses études et qui ne lui a marchandé ni son temps ni les conseils de sa haute expérience, pendant les quelques mois qu’il a passé dans son laboratoire.
Dans le Journal d’Agriculture pratique A.Lesne fait une critique élogieuse du travail de Marius : « Nous avons lu et tous liront avec plaisir le petit livre de Monsieur Monavon. Il est plein d’esprit, coloré, brillant, comme un verre de vieux Bourgogne, et son historique des falsifications par buffeteurs, frelateurs, sophistiqueurs et fardeurs de vin est des plus amusantes. Vient ensuite la partie scientifique qui a été parfaitement traitée. »
Le 15 juin 1890 Marius emménage dans le 5e arrondissement de Lyon au 10 rue de Trion, où il reprend la pharmacie du Docteur Crolas. Pour effectuer ses travaux et ses préparations il installe son laboratoire à la Maison de la Croix Blanche sise à Lyon, 3 chemin de Saint-Just à l’Etoile d’Alaï.
Ses travaux portent essentiellement sur la noix de Kola, en vogue à cette époque. Mais laissons- le nous en faire l’historique [4] :
La kola vraie sterculia acuminata, appelée encore Kola, Gola, Gourou, Kokkoroukou, excite vivement depuis quelque temps l’attention du monde savant, en raison de ses propriétés merveilleuses qui lui sont attribuées par les explorateurs de l’Afrique Occidentale où elle croit spontanément. La Kola appartient à la famille des malvacées. C’est un arbre de 10 à 20 mètres de hauteur, ayant le port de nos châtaigniers. Les fruits (follicules) ont de 10 à 16 cm de longueur, et renferment chacun de 5 à 15 graines roses ou blanches, pesant de 5 à 25 grammes. La Kola fait partie du cadeau de noce ...
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Dans cette note sur la « Noix de Kola vraie » Marius Monavon explique son rôle physiologique et thérapeutique. Elle semble en effet bénéficier de multiples propriétés : antidéperditeur puissant, régularisateur des mouvements cardiaques, excitant neuromusculaire, diurétique, antidiarrhéique, stimulant de l’intelligence et des fonctions de relation en général.
De nombreuses contradictions s’étant élevées sur l’action physiologique et thérapeutique de la caféine et de la noix de Kola, MM Monavon et Perroud [5] répondent avec beaucoup de rigueur : « Nous avons pensé qu’il nous appartenait mieux qu’à tout autre puisque nous avons été des premiers à répandre les produits à base des noix de Kola, de revenir sur cette question, et par des expériences comparatives sur la caféine, le rouge de kola et la noix de Kola d’établir ce qui revient à chacun d’eux ». De cette étude il ressort que « La Kola a une action qui lui est particulière. Tous ces principes s’unissent et combinent leurs vertus pour concourir à un même but. Cette action se traduit par une meilleure utilisation des substances alimentaires ingérées. Cette meilleure utilisation a pour résultat une moindre déperdition de forces et conséquemment une plus grande transformation de chaleur en travail mécanique. C’est ce qu’on peut appeler un modérateur de dénutrition ».
A titre d’essai Marius Monavon a envoyé une bouteille d’élixir de Kola à la Société Nationale de Médecine de Lyon, accompagné d’une lettre dont le président M. Bondet donne lecture lors de la séance du 28 juillet 1890. En 1892 il est nommé pharmacien aide-major de 2e classe [6].
- Médaille Exposition Internationale Chicago 1893
- (Publié avec l’aimable autorisation de A H Baldwin & Sons Ltd)
Pour Marius Monavon c’est alors le succès de ses spécialités à base de noix de Kola dont il fait la promotion dans les expositions internationales : Londres et Chicago en 1893, Anvers en 1894.
Le 8 mars 1894, Marius dépose au Tribunal de Commerce de Lyon sa marque de fabrique : Cette marque de fabrique est constituée par la dénomination Kola Monavon, elle est représentée par le dessin de deux griffons appuyant une patte contre une urne sur le pied de laquelle s’enroule un serpent ... [7]
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Un bonheur de courte durée
En la Maison commune du 5e arrondissement de Lyon, le 2 juin 1893 Marius Monavon épouse Louise Léontine Imbert qui réside 1 Montée de Fourvière.
L’année suivante une petite fille, Anne Marie Germaine, voit le jour le 11 avril 1894. Le bonheur, hélas, est de courte durée, car sa femme décède 4 semaines plus tard [8] et sa fille le 2 juillet suivant. Marius Monavon ne survit pas longtemps après ces deux épreuves, il décède le 10 avril 1895 alors qu’il se trouve au Cannet, près de Cannes, il n’a pas 32 ans.
Que faisait-il au Cannet ? Participait-il à un congrès de pharmaciens ? Faisait-il la promotion de ses spécialités à bas de noix de Kola ? Ou tout simplement se refaisait-il une santé dans le midi ? Je cherche toujours la réponse, l’aide des lecteurs et lectrices me serait très utile.
L’acte de décès précise que Jean-Baptiste Grasset, son beau-père, est le déclarant, ce qui signifie probablement qu’il était avec Marius Monavon au Cannet. Quant à la déclaration de succession [9] du 10 octobre 1895, elle nous apprend que les seuls héritiers sont Anne Bouverot (sa mère) et Etienne Monavon (son frère aîné).
A suivre...
Sources :
- Marius Monavon, Contribution à l’étude de la coloration artificielle des vins
- Bibliothèque des sciences du vivant et de la santé à Bordeaux
- Archives Départementales de l’Isère
- Archives Départementales du Rhône
- Archives Municipales de Lyon
- Bibliothèque Municipales de Lyon
- Gallica
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