Acte 15 - L’honorable Gilles Morinays
Scène 1 - Le syndic de la paroisse
"Gilles est assis face au curé, au premier rang, sur le « banc d’œuvre » réservé aux marguilliers, avec à sa droite, Mathurin Derniaux, le secrétaire, et à sa gauche, Pierre Delaunay, le trésorier qui lui a succédé à ce poste traditionnellement occupé par un Morinays.
Depuis quelques années, Gilles a été promu syndic, car il est le dernier « patriarche » à avoir cumulé, par héritages successifs, la « fortune » des Morinays, ce qui lui confère la position la plus enviable parmi les laboureurs de Vezin.
- Gilles Morinais
- Le nom de Gilles est mentionné Morinais (...ais) sur l’acte de naissance de son fils Michel Grégoire né le 12 mai 1790 de Marie Mauvoisin, sa mère, et de Gilles donc, son père, mort le 9 avril précédent.
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Le curé marque un temps de pause, et reprend :
— … le roi écoute au mieux et fait son métier de roi, en vous appelant à élire ce jour des députés et à rédiger un cahier de doléances. Au prône de la messe du dimanche dernier, je vous ai lu la lettre du roi, datée du 24 janvier. Cette lettre appelle à résoudre la crise financière, à restaurer la prospérité du royaume, à réformer les « abus en tous genres » et à « établir un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur des sujets ». Tous les hommes, à partir de vingt-cinq ans, inscrits sur le rôle de capitation pour au moins dix livres par an, sont invités à élire un député pour cent feux, et deux au minimum dans chacune de nos paroisses. Nous vous proposerons donc d’élire deux députés pris parmi vous, qui seront chargés de vous représenter à l’assemblée de sénéchaussée de Rennes. Sont éligibles, les hommes du même âge qui acquittent plus de trente livres de taxes et résident à Vezin depuis plus d’un an. Il s’agit d’une forme inédite d’assemblée générale, c’est pourquoi je me permets de vous rappeler les règles habituelles et ce qui va changer aujourd’hui. Depuis 1691, un arrêt du parlement de Bretagne a limité la représentation élue de chaque communauté paroissiale à trois, six ou neuf personnes, les fabriciens. Ils ont voix délibératives autour du bailli, délégué par le seigneur, et du curé, membres de droit de ce que l’on appelle « la fabrique ». Les fabriciens élisent en leur sein, trois marguilliers qui composent le bureau, dont le syndic assure la présidence avec un secrétaire et un trésorier à ses côtés Les marguilliers, sous l’autorité du syndic, sont chargés de dresser le budget de la fabrique, de préparer les affaires qui doivent être portées au conseil de fabrique, d’exécuter ses délibérations et de diriger l’administration journalière du temporel de la paroisse : désignation de la sage-femme, des gardes-vignes, des règlements de culture et de pacage, de la répartition des eaux d’irrigation, des dates de la moisson, des prêts de bêtes de trait pour le labour ou le transport, des relations avec le seigneur. On y désigne les assesseurs collecteurs des charges seigneuriales en nature, au moulin ou au pressoir, des charges en espèces et des impôts. C’est la fabrique qui décide pour vous, et l’honorable homme Gilles Morinays, ici présent, assume la lourde charge de syndic, investi de la confiance de tous."
Gilles signe Morinayes (...ayes), à la manière d’écrire son nom au XVIIè siècle, bien qu’il s’écrive Morinays depuis le debut du XVIIIè et s’écrira Morinais après 1789. Une forme d’écriture marquant une volonté de distinction du syndic, "coq de village", député à Rennes, premier procureur élu de la commune ?
Le Jeu des questions du grand Jacques
Question de l’acte 15 - Scène 1 : En 1789, le laboureur breton est écrasé d’impôts et de charges diverses (voir la réponse à la question du Grand Jacques de l’acte 7). Quelle est la part restant, en proportion des produits de son travail, dont le laboureur peut jouir réellement après s’être acquitté de ces contributions ? Vous trouverez la réponse la semaine prochaine dans l’acte 15 -Scène 2 Réponse à la question de l’acte 14 - Scène 2 : De combien de repas, et de quels types, la journée du feneur était-elle ponctuée ? Revoir l’acte 14 scène 2 La journée du feneur était ponctuée par six repas : la soupe de 5 heures du matin, les crêpes servies au champ à 8 heures, la bouillie de 11 heures, les réfections (collations de pain beurré ou de crêpes) de 2 et 5 heures après midi, le souper de 7 heures. Laboureurs d’espoirs Note 439. |
À suivre… Acte 15 - L’honorable Gilles Morinays - Scène 2 - L’élu, député à la sénéchaussée de Rennes