Depuis bien longtemps déjà nous fréquentons les frères VERTAMY.
Préparant la suite de « L’Ancien Régime en Viennois (1650-1789) », notre ouvrage publié en 1984, nos recherches sur la période révolutionnaire nous ont permis de faire connaissance avec Annet, puis son frère Jacques. Dans la cinquantaine alors, ils vont subir, dans leur corps et leur âme, cette époque troublée.
Nous les sentions revivre à la faveur des documents découverts dans les archives, notamment celles de Condrieu (Rhône) où ils passent leurs années les plus difficiles. Leurs existences mouvementées valaient bien d’y consacrer quelques années de la nôtre !
Jeunesse et vocation religieuse : Les frères Vertamy
« Extrait des registres de la paroisse d’Arlan, diocèse de Clermont »
« Jacques VERTAMY fils de Messire Pierre de VERTAMY, Sieur DUPRAT, et de Dame Marie Rose DROUVELEUR sa femme, d’Arlanc, né et baptisé le treize janvier mille sept cent quarante. Le parrain Jacques GRANGE, la marraine Jeanne CARTIER, leurs domestiques qui n’ont sçu signer, enquis et a signé MOREL vic(aire) »
« Je prêtre licencié es loix, curé de la ville et du bourg d’Arlanc, diocèse de Clermont en Auvergne, atteste et certifie l’acte de baptême cy dessus sincère et véritable, en foy de quoy, j’ai signé pour servir et valoir que de raison »
« A Arlanc, ce vingt sept octobre 1758, BAUDOIN, curé d’Arlanc »
Son frère « Annet VERTAMY fils légitime à Messire Pierre de VERTAMY, Sieur DUPRAT, et Dame Marie Rose DROUVELEUR né le neuf février mil sept cent quarante un, baptisé le lendemain, a eu pour parrain Annet BOYER et pour marraine Jeanne CHOMOND, qui ont déclaré ne scavoir signer. BAUDOIN, curé »
A noter qu’Annet est la forme masculine du prénom Anne, peut être tiré du diminutif Annette, prénom biblique porté par la mère de la Vierge Marie. On trouve aussi les formes Ané et Anet.
Ces deux actes [1] sont relevés le 27 octobre 1758 sur les registres originaux de la paroisse par le curé BAUDOIN, curéd’Arlanc, dans le Puy de Dôme.
Arlanc est alors une petite ville située en Livradois, entre Ambert (célèbre par le moulin à papier Richard de Bas) et La Chaise Dieu (connue pour son abbaye)
- Pièta du XVI eme dans l’église Saint Pierre d’Arlanc
« MARIN IMBERT, Avocat et Bally de la ville et baronnie d’Arlanc, en Auvergne, certifions à tous qu’il apartiendra que M(essire) BAUDOUIN, qui a écrit et signé l’acte baptistaire de l’autre part, est prêtre et curé du lieu et paroisse d’Arlanc, et que foy est ajoutée, en jugement et dehors, aux actes qu’il délivre et signe en la d(ite) qualité »
« En foy de quoy, nous avons signé et fait contresigner par notre commis greffier ordinaire, et apposé le sceau de notre cachet, au déffaut de celui de ce baillage »
« A Arlanc, le vingt sept d’octobre mil sept cent cinquante huit. IMBERT Bally, sur (ordre ?) par Monseigneur. RIGODON, Greffier »
Cette date de 1758 correspond à la date d’entrée en religion des deux frères : leurs actes de baptême (important d’être baptisé pour devenir moine) sont attestés par les autorités civiles et religieuses.
Grâce à nos recherches généalogiques faites à Arlanc, et avec l’aide de divers correspondants, nous connaissons mieux la famille des frères VERTAMY :
« Aujourd’hui, dix huit octobre mil sept cent trente cinq, après les trois publications de mariage entre Messire Pierre de VERTAMY, Escuyer, Sieur DUPRAT et DUBESSET, d’Usson et Demoiselle Roze DOUVRELEUR, de cette paroisse d’Arlanc, n’ayant paru aucun empêchement et vu les consentements de Mr le curé d’Usson du 16 8bre 1735 signé ROCHETTE, je leur ay donné la bénédiction nuptiale, en présence de Me Michel BURIN, seigneur du Buisson ; de Me Pierre Joseph DOUVRELEUR, sieur de La Barbatte ; de Me Pierre HERITIER et de Pierre PONCILHON ; lesquels ont signé avec les époux. MOREL, vicaire (suivent les signatures) »
D’après la table des naissances d’Arlanc dressée par l’Association Généalogique du Pays d’Arlanc (A.G.P.A), , Rose (ou Marie Rose) DOUVRELEUR est née le 27 novembre 1709 de Benoît DOUVRELEUR (on trouve écrit aussi Douvrelent) et de Jeanne MOREL. ;
Pierre de VERTAMY, originaire d’Usson, ville fortifiée d’Auvergne connue pour avoir été durant vingt ans la « prison » de la Reine Margot ; est probablement apparenté à la famille De VERTAMY bien connue en Auvergne citée, entre autres, dans l’Armorial du Velay et étudiée par le Comte de Remacle.
Dans « La France moderne, Haute Loire » de Jules Villain,on lit : « Famille originaire de Viverols, dont le nom figure parmi les familles féodales...Elle a été maintenue dans sa noblesse d’extraction et plusieurs membres de sa famille assistèrent aux assemblées générales de 1789...Le premier connu est Raoul de Vertamy...en 1249. Elle remonte sa filiation à Hugues de Vertamy, Damoiseau, seigneur de Vertamy....Au XVIe siècle, on trouve deux branches, l’aînée formée par André de Vertamy, fixée à Viverols et Langeac, et d’où descendent les seigneurs de La Brie...la cadette, formée par Armand de Vertamy, frère d’ André, se fixa à Usson au XVIIIe siècle, et a fourni les seigneurs de Danizet, de La Volpière, du Mas de Medeyrolles.... »
C’est peut être de cette branche cadette que descend Pierre De VERTAMY.
Le « Dictionnaire des anciennes familles d’Auvergne » note pour cette famille :
« De Vertamy, Marquis, Comtes, seigneurs de Vertamy près de Viverols, de Jonzay, de La Brie, etc... Ancienne noblesse dont la filiation remonte à Hugues de Vertamy, Damoiseau, seigneur de Vertamy (1335). ...Parmi ses descendants : un Chevalier de l’ Ordre du Pape (1567)...Claude de Vertamy , chanoine de Notre Dame du Puy, qui figure aux Etats du Velay comme délégué du Bailli de Devesset, pour l’ Ordre de Malte (1620)... Jean Claude, Comte de Vertamy, Lieutenant des Maréchaux de France (1782)...Antoine de Vertamy, seigneur de La Brie, décapité à Lyon en 1793 par le Tribunal Révolutionnaire »
Les VERTAMY de la branche d’Auvergne portent pour armoiries : « D’azur au chevron d’argent, entravaillé dans 3 fasces de même »
Pierre De VERTAMY et Marie Rose DROUVELEUR auront sept enfants, tous nés à Arlanc :
1/ Anne Rose « née le vingt huit aoust mil huit cent trente six, baptisée le lendemain ».
Son parrain est « Me Mathieu PERIER, apoticaire », sa marraine « Dame Anne MOREL, grand-mère de l’enfant »
Quelques années plus tard, on relève cet acte :
« ...(en blanc) VERTAMY, fille de Monsieur Pierre De VERTAMY Escuyer et à Delle Rose DOURVELEUR, âgée de quatre ans, est décédée le 16 Xbre (décembre) 1740 et a été inhumée le lendemain » Il ne peut s’agir que d’Anne Rose, âgée effectivement d’un peu plus de quatre ans
2/ Jean Pierre Robert né le 26 novembre 1737
Il s’agit certainement de « Pierre VERTAMY », frère de Jacques et Annet, prêtre lui aussi, que nous rencontrerons à Condrieu en 1790.
3/ Thérèse Benoîte née le 15 décembre 1738
4/ Jacques né le 13 janvier 1740
5/ Annet né le 9 février 1741
Son acte de baptême est surchargé sur le nom de son père, avec au dessous cette mention (d’une autre encre) de la main du curé BAUDOIN : « Approuvé le changement de nom de VERTAMY et de DUPRAT » D’ailleurs, on notera, pour les naissances des enfants suivants, l’inversion du nom en « DUPRAT, Sieur de VERTAMY » ou « DUPRAT de VERTAMY »
- Acte de baptême d’Annet Vertamy
- Annet est à peine né que déjà son acte de baptême, tiré des paroissiaux d’Arlanc,
est raturé pour "officialiser" son changement de nom !
Sa mère Marie Rose DOUVRELEUR est enceinte au décès d’Anne Rose. Jacques n’a alors que quelques mois. Annet naît deux mois plus tard. S’il ne pas connue sa sœur aînée, son souvenir doit être présent dans la famille.
6/ Marie Marguerite, fille de « Messire Jean Pierre DUPRAT de VERTAMY, Ecuyer » née le 17 juin 1742.Cette enfant meurt « à l’âge d’environ trois ans le 13 juin 1745, enterrée le lendemain » Il est précisé dans l’acte : « fille de feu Me Pierre VERTAMY, Sieur DUPRAT »
En effet son père est mort depuis deux ans. Nous le savons grâce à l’acte de baptême de son dernier enfant Pierre.
7/ « Pierre, fils légitime de Messire Pierre DUPRAT, Ecuyer, Sieur De VERTAMY, décédé depuis environ quatre mois, et de Dame Rose DOUVRELEUR, né et baptisé le cinq Xbre 1743. A eu pour parrain Claude VALENTIN et pour marraine Jeanne CHOMONT, qui ont dit ne savoir signer, enquis. BAUDOIN, curé ».
Pierre sera prêtre, alors prénommé Claude Pierre, et prendra le nom de DUPRAT de VERTAMY. Ce doit être lui le prêtre « Pierre VERTAMY » retrouvé à Arlanc en 1803. Claude Pierre aura bien des déboires sous la Révolution. Nous y reviendrons."
Nous avons dépouillé les registres paroissiaux d’Arlanc de mai 1742 jusqu’à fin 1743 sans trouver mention du décès de Pierre VERTAMY. Il décède ailleurs, mais où ? Toujours est il qu’il laisse sept enfants jeunes (le plus grand a six ans, Jacques en a quatre, Annet trois).
Marie Rose DOUVRELEUR se remarie le 4 avril 1746 avec Jacques de la COLOMBE à La Chapelle Geneste. Elle meurt le 13 octobre 1763 à Arlanc Ces deux informations m’ont été communiquées par Alain Gouverneyre qui a fait des recherches sur le prêtre Claude Pierre VERTAMY. Je n’ai pas retrouvé l’acte de sépulture à cette date à Arlanc [2].
L’abbaye de Chassagne
Ils entrent tous deux dans la vie monastique, pris en charge dès leur plus jeune âge par les religieux.
« Après ses premières visites et quelques séjours prolongés dans le monastère, une personne peut être considérée comme postulant. Sans porter encore d’habit religieux, il sera associé pendant quelques mois à la vie des frères, priant et travaillant comme eux, bien que des allègements soient prévus. S’il persévère, le postulant revêtira son premier habit monastique et deviendra novice. Le noviciat est le temps de l’apprentissage proprement dit. Il faut au moins un an, mais souvent davantage, pour initier le débutant aux fondements de la vie spirituelle et lui faire découvrir les sources principales et les usages de sa tradition monastique. A la fin du noviciat, le jeune moine s’engage pour une durée limitée, devenant ainsi profès simple. Enfin, après quelques années, il prononce les voeux qui l’unissent définitivement à sa communauté comme profès solennel. A côté du voeu d’obéissance, on prononce deux voeux spécifiques de stabilité et de conversion de vie, qui incluent les voeux classiques de chasteté et de pauvreté » [3].
- Le site de l’Abbaye de Chassagne aujourd’hui
"D’après un document des archives de l’Ain, la date « de profession » des frères Vertamy est le 21 mars 1760. « La date de prêtrise » de Jacques Vertamy est le 3 avril 1771. Il a trente et un ans.
A Condrieu est conservée « la lettre de prêtrise » d’Annet de VERTAMY, signée de François Marie LEMAISTRE de la GARLAYE, évêque de Clermont Ferrand. Elle est datée du 3 avril 1756, Annet n’a alors que quinze ans !"
La « déclaration de Dom DUPRAT » [4], nous éclaire sur sa vie :
« Sieur Annet DUPRAT, sous prieur de l’abbaye royale de Chassaigne-en-Bresse, religieux profès de la (dite) abbaye, ...son entrée en religion est des derniers jours d’octobre mil sept cent cinquante huit (octobre 1758) Il a fait son noviciat et ses études en l’abbaye de Citaux, chef lieu de l’ordre....il a été trois ans maître des novices à Saint Sulpice en Bugey, et nommé sous prieur de Chassaigne en mil sept cent quatre vingt un (1781) »
Son frère Jacques rejoint le 13 mars 1764, à vingt quatre ans, l’ordre cistercien, à l’abbaye de Chassagne, dans le diocèse de Lyon. Annet l’y retrouve le 22 mars 1765.
Sainte Marie de Chassagne est située sur la commune de Crans dans l’Ain, non loin d’Ambérieu en Bugey, c’est une abbaye d’hommes de l’ordre de Cîteaux.
« Crans et sa paroisse sont cités en 1145 peu avant la fondation de l’abbaye de Chassagne, parmi les possessions d’Etienne II de Villars. Ultérieurement, une petite partie de la paroisse se trouvait en Dombes princière. La partie située en Dombes savoyarde (dite " en Bresse ") relevait de la baronnie de Châtillon La Palud. Au XVIII° siècle, elle se trouvait, en tant que sous-fief, partagé entre les seigneurs de Loyes et les Talaru, seigneurs de la Pie (à Loyes). Quant à la partie dombiste, aliénée en 1723 au seigneur de Châtillon La Palud, elle fut cédée aux religieux cisterciens de Chassagne qui possédaient également en toute justice la seigneurie de Chassagne (dite parfois La Chassagne)
L’église paroissiale sous le vocable de l’Assomption dépendait de l’abbaye d’Ambronay dont l’abbé nommait à la cure (la moitié des dîmes servant de revenu au desservant). Les chanoines de Saint-Paul possédaient des fonds importants dans la paroisse »
- Eglise de Crans
« L’abbaye cisterciennes d’hommes de Chassagne fut fondée en 1163 par Aynard, abbé de Saint-Sulpice en Bugey sur une dotation foncière (1145) d’Étienne II de Villars. Protégée par les papes Alexandre III et Innocent III, elle comptait comme bienfaiteurs la plupart des maisons seigneuriales de la région Rhône-Alpes (qui souvent édifiaient leurs tombeaux dans l’église abbatiale). Avec l’apparition des abbés commendataires au XVII° siècle, l’abbaye connut la décadence et fut essentiellement pour ses chefs une fructueuse structure foncière »
« Au XVI° siècle, la chapelle hospitalière Sainte-Catherine et sa fontaine près du monastère étaient un lieu de pèlerinage très fréquenté par goutteux, rhumatisants, paralytiques de toute la région à qui la tradition attribue de nombreuses guérisons »
Rappelons que l’ordre des Bénédictins fut crée par Saint Benoît de Nursie (né vers 480 mort vers 547) Au Moyen Age, les monastères bénédictins prennent un essor considérable, Cluny en est le plus bel exemple.
Les excès du monachisme clunisien, à la fin du XI° siècle, entraînent la réforme cistercienne. Elle tire son nom de l’abbaye de Cîteaux en Bourgogne. Saint Robert de Solesmes, son fondateur en 1098, prône une plus stricte observance de la règle monastique.
Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153) en sera le véritable réformateur, les cisterciens recevront alors le nom de « Bernardins »
Décadence chez les Bernardins
L’emprise du pouvoir royal fait que le roi nomme les évêques et les abbés des monastères ; le Pape donnant simplement l’investiture canoniale.
Le « bénéfice ecclésiastique » attaché à ces fonctions (revenus de terres agricoles, droits divers perçus, récoltes vendues...) permet de subvenir aux besoins, à l’entretien des monastères.
« L’autorisation donnée au bénéficier (abbé ou évêque) de déléguer à une autre personne l’exercice de la fonction sacrée, tout en conservant par lui-même le revenu est à l’origine de nombreux abus...La situation des abbayes mises en « commende », c’est à dire sous la garde d’un ecclésiastique séculier ou même d’un laïc, avec dispense de régularité et de résidence, est particulièrement choquante » [5].
L’abbé Frédéric MARCHAND écrit [6] :
« Chassagne (au XVII° siècle) continuait à se consumer dans une lente et terne agonie ; elle ne recrutait qu’avec peine quelques membres dont la vocation, plus ou moins douteuse, précipitait son déclin. Les commendataires (abbés titulaires de la « commende ») n’y résidaient plus, plusieurs même n’y parurent jamais. Qu’ainsi éprouvées, la piété et une apparence de vie régulière se soient maintenues pendant un si long temps, c’est un prodige que nous devons attribuer à la foi...et aux traditions de l’esprit monastique que surent conserver,... les dignitaires inférieurs.
Quel admirable dévouement que celui des prieurs, forcés de s’ingénier pour faire respecter la règle, procurer à leur communauté le nécessaire et l’abriter parfois sous des masures, tandis que de fastueux abbés dépensaient, en pure perte, les revenus du monastère ! »
« ...En 1755, Pierre Louis de CHALVET de Saint Etienne avait la jouissance de l’abbaye ; et en 1768 l’abbé de GALARD, ...la reçut de la faveur du Roi...Dom JANIN était prieur de Chassagne en 1774, Dom de VERTAMY cellérier et Dom DUPRAT sacristain »
Il s’agit bien sûr de Jacques et Annet VERTAMY-DUPRAT.
« Le prieur occupait le premier rang parmi les frères. Il était, avec le sous-prieur et le chantre, nommé par l’abbé. Sa principale responsabilité consistait à maintenir l’ordre et la discipline, tant physiques que spirituels, mais sans ne jamais aller à l’encontre de la volonté et des règlements de l’abbé. Dans la pratique, il deviendra l’administrateur principal du monastère, remplaçant l’abbé de plus en plus pris par les affaires du monde et les visites annuelles.
Le cellérier était l’intendant général, l’économe de l’abbaye. Etaient sous sa responsabilité le ravitaillement en nourriture, en boisson et en combustible, ainsi que tous les autres besoins courants de la communauté. Il surveillait également tous les établissements de production : moulins, boulangeries, brasseries, granges, etc. Il était responsable de tout le matériel et de tous les ustensiles du cellier, de la cuisine et du réfectoire des moines, des convers et des hôtes, malades ou bien portants. Il devait fournir, en outre, tous les matériaux nécessaires à l’entretien et à la réparation des bâtiments conventuels. Il représentait également le principal moyen de communication avec l’extérieur.
Le sacristain était chargé de veiller au bon déroulement des activités ecclésiastiques. Son fief était l’église ; il était responsable de l’entretien quotidien et de la réparation du bâtiment, ainsi que du mobilier et des installations, et devait également approvisionner l’église avec tout le nécessaire. Il avait sous sa responsabilité les châsses, reliquaires, vases sacrés et le trésor ; dont il devait assurer la sécurité. Le sacristain s’occupait également de tâches moins "sacrées", comme d’entretenir l’horloge du monastère et de sonner l’heure des offices de la journée monastique. Il allumait les lampes du dortoir et de l’église, pour l’office de nuit. Il devait aussi s’assurer que les vêtements, les nappes d’autel, les vases et les cierges correspondaient au calendrier ecclésiastique ; la fabrication des hosties était aussi de son ressort. Il s’occupait par ailleurs du cimetière et des préparatifs funéraires lorsqu’un moine décédait [7]. »
Grâce à un document en latin, conservé aux archives de Condrieu, nous savons que Jacques est nommé prieur de l’abbaye de Chassagne le 13 avril 1771. Il dut être remplacé dès 1774 par Dom JANIN qui meurt en 1784. Dom SAUVAIRE est le dernier prieur du couvent.
Depuis 1780, le « bénéfice » de l’abbaye est entre les mains du chanoine comte de Lyon Ferdinand de BERNARD DE RULLY, ancien vicaire général de Dijon.
J.B RIBOUD, dans la notice qu’il rédige sur la paroisse de Crans, montre l’état lamentable du monastère de Chassagne tenu en commende par l’abbé DE RULLY :
« ...Il y a hors de l’enclos la chapelle Sainte Catherine. L’on s’y rendait fréquemment par dévotion mais elle est en aussi mauvais état que l’église des moines, par la négligence des abbés commendataires. La mauvaise administration a forcé à réduire à un seul religieux pendant vingt années environ, ensuite à deux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas y subsister. A présent (1786) le supérieur y a envoyé un prieur et deux à trois jeunes profès » [8].
MARCHAND reprend :
« Ce malheureux XVIII° siècle, qui ternit tant de si respectables choses, n’épargne pas la sainteté des cloîtres » Parlant des « calomnies jetées à pleines mains contre eux » il récuse ces désordres : « Qu’étaient ils au fond ?...Quelques infractions contre lesquelles les religieux fidèles (à la règle bénédictine) s’élevèrent eux mêmes, mais de là à une vie de dissolution contraire aux devoirs les plus essentiels du christianisme, il y a loin. Qu’à Chassagne, en particulier, il y ait eu du relâchement, que la vie des moines se soit écoulée dans une certaine mollesse indigne de leur état ; nous ne voulons point le nier. Mais, de grâce, repoussons d’autres accusations en raison de leur persistance obstinée qu’elles ont mises à les tuer (les religieux) par le ridicule et le discrédit »
Parlons en justement de ces accusations faites aux moines de Chassagne.Des « lettres de cachet » à l’encontre de Dom VERTAMY nous le permet de manière très concrète.