- Paris- le tirage au sort à l’Hôtel de Ville – La sortie des conscrits (dessin de M. Lepère)
Gravure en couverture du journal « Le Monde Illustré » du 16 février 1884
En quoi consiste le tirage au sort ?
En janvier-février de l’année suivant l’année du recensement, le tirage au sort rassemble au chef-lieu de canton tous les jeunes hommes de la même classe recensés dans les communes du canton.
Les maires accompagnent au chef-lieu de canton les jeunes gens qui doivent tirer. Les conscrits s’y rendent souvent à pied, en cortège avec musique et chansons. C’est souvent la première fois qu’ils quittent leurs villages….et c’est aussi leurs premières « vraies » fêtes. Nous y reviendrons.
Sur place, le sous-préfet préside les opérations. Les maires, ceints de l’écharpe tricolore, lui présentent leurs tableaux de recensement, avec les demandes d’exemptions ou de dispenses. Les jeunes gens concernés fournissent, à l’appel de leur nom, les pièces nécessaires à ces demandes.
« Jeudi dernier, pendant l’opération du tirage au sort à l’hôtel de ville de Marseille, un conscrit s’est présenté devant l’urne en complet état d’ivresse.Satisfait d’avoir retiré un bon numéro, il a fait un bond et émis la prétention de sortir de la salle par la fenêtre grillée. Les agents de police et les gendarmes ayant essayé de l’en empêcher, une lutte s’est engagée à la suite de laquelle la mise en arrestation du tapageur a été décidée. On l’a entrainé hors de la mairie, mais à peine dans la rue, quelques uns de ses camarades ont essayé de le délivrer. Les agents ont dû employer la force pour résister à cette attaque » "Impartial dauphinois" du 2 avril 1873. |
Comment se passe le tirage au sort ?
Le tirage au sort ne commence qu’après avoir soigneusement tout vérifié : jeunes présents ou absents, listes de recensement, bulletins avec numéro et urne !
Pour les communes, il s’effectue dans l’ordre réglé par le sort. Les jeunes gens, eux, sont appelés par commune, dans l’ordre de leur inscription sur les tableaux de recensement.
Il y a autant de numéros que de jeunes gens qui tirent au sort. Une fois leur identité vérifiée, ils tirent chacun un numéro dans l’urne. Les parents ou, à défaut, le maire de la commune, tirent à la place des absents.Dès que le numéro est proclamé, le nom, prénom… et aussi le surnom du jeune homme sont inscrits en regard de ce numéro sur la liste de tirage.
« Des conscrits, à Lyon, ayant insulté et frappé des élèves d’un pensionnat religieux, conduits en promenade par des ecclésiastiques, viennent d’être mis en arrestation. Bien qu’ils eussent pris la fuite aussitôt après leur équipée, quelques personnes ont pu désigner les numéros qu’ils portaient à leur casquette enrubannée, et la police s’étant reportée aux listes de tirage au sort qui les désignaient nominativement, ils ont pu être arrêté le soir même à leur domicile » « Moniteur Viennois » 8 février 1884. |
Pourquoi y a-t-il un tirage au sort, puisque tout le monde doit servir ?
L’ensemble des jeunes gens appelés pour toute la France s’appelle le contingent. Ce contingent est, avant 1890, divisé en deux « portions » :
- dans la première, on sert, pendant cinq ans, dans l’armée active
- dans la deuxième portion, pendant un an seulement.
C’est le sort qui désigne ceux qui ne restent qu’un an sous les drapeaux. Ils sont pris par ordre de numéros en commençant par le plus élevé sur la liste du contingent cantonal.
« Montélimar - Les opérations du tirage au sort ont eu lieu sous la présidence de M. Thibon, assisté des maires des onze communes du canton de Montélimar. 117 conscrits formaient le contingent de la classe 1903. Le drapeau, pour la commune de Montélimar, a été gagné par le conscrit Cartier-Lange qui a sorti de l’urne le numéro 1, et la canne enrubannée, par le conscrit Claude Roche qui a tiré le numéro 117. Tout s’est passé sans incident » « La Croix de la Drôme » 31 janvier 1904. Ces deux conscrits vont donc partir à l’armée… comme tous ceux compris entre leurs numéros ! Cartier-Lange aura l’honneur, dû au hasard, d’être le porte-drapeau des conscrits, drapeau devant lequel ils posent pour la photo de groupe destinée à garder trace de ce jour mémorable. Avant leur départ pour trois ans, les accompagnant dans leurs diverses fêtes, le drapeau est souvent remis de façon solennelle en mairie…après avoir été béni à l’église : alliance « du sabre et du goupillon » ? Claude Roche, lui, aura, comme lot de consolation, la garde de la canne enrubannée. Nous la retrouverons ! |
Un exemple vécu après 1872 : celui de mon grand-père paternel
- Journal d’Annonay 6 janvier 1883
Comme tous les garçons de son âge, Romain Victor Guironnet, né le 30 décembre 1862 au Bourg de l’Homme à Désaignes, en Ardèche, est recensé l’année de ses vingt ans. Il est de la classe 1882.
- Table des registres matricules pour la classe 1882
Romain Victor Guironnet a le numéro 1586 (archives de l’Ardèche)
Au tirage au sort du canton de Lamastre, le vendredi 16 février 1883, il tire le numéro 115 ; ce qui le classe dans la 1re portion du contingent.
- Extrait de son livret militaire
(archives personnelles)
Romain Victor passe le conseil de révision à Lamastre le 31 mai au matin : il est déclaré apte. Il fera donc cinq ans ! A la fin de l’année, il partira au service.
Un exemple vécu après 1889
Félix Augustin Blache, né à Nozières (Ardèche) le 2 septembre 1876, comme tous les jeunes Ardéchois de son âge, est recensé en mairie fin 1896 sous le numéro 1846.
- Table des registres matricules pour la classe 1896 (archives de l’Ardèche)
Comme son aîné Romain Victor Guironnet l’a fait quatorze ans plus tôt, Félix Blache se présente le samedi 29 janvier 1897 « dans la salle de la mairie » de Lamastre, chef-lieu de canton à deux kilomètres de son village natal de Nozières. Il tire le numéro 141.
- Extrait de son registre matricule
(1R 113 archives de l’Ardèche)
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