- La cassage des noix, 1903
Voici un atelier chez un marchand de noix de Belvès, probablement chez Bourdy. Les six femmes ont du pain sur la planche avec cet énorme tas derrière elles. Les noix sont cassées sur la “ pierre ” avec “ la tricote ” et tombent directement dans le sac.
Antoine n’avait pas de recul pour faire cette photo, ni d’éclairage artificiel, comment s’y est-il pris pour que ses sujets aient l’air aussi naturel ? Il est vrai qu’il était jeune en 1903, connu, et qu’il parlait patois. La lumière arrivant par la trappe donne une ambiance irréelle à la scène, la poulie capte le regard.
Le clic clac des maillets accompagnait nos jeux dans les carreyrous de Belvès. Les jours de beau temps, les énoiseuses, en travaillant sur le pas de leur porte, économisaient l’éclairage. en 1903, et encore de nos jours, une femme traitait un sac de noix par jour, quarante à cinquante kilos. On énoisait de huit heures du matin à dix heures du soir. C’était presque l’unique occupation pour les femmes et les hommes les rejoignaient l’hiver quand ils n’avaient plus de travail dans les terres. Quant aux enfants, ils s’y mettaient activement dès l’âge de 9 ou 10 ans. Les plus petits également désiraient participer et Annette Lacan se souvient très bien qu’à 4 ou 5 ans elle voulait travailler comme les grandes. On l’installait sur sa petite chaise et devant elle on disposait un petit tas de noix déjà cassées.
Le travail avançait plus ou moins vite suivant la variété. Avec la jolie “ franquette ” ou une autre belle espèce, la “ corne ”, c’était rapide. Avec les petites, ça traînait.
L’énoisage se faisait toute l’année, l’été, il y avait les noix de Californie, qui ne valaient pas les françaises. Elles étaient étuvées trop vite et trop longtemps, et de ce fait se brisaient facilement. Selon Annette, même de nos jours les Américains ne savent pas sécher les noix.
- Les énoiseuses à table, en 1903
Le marchand passait dans les maisons livrer les sacs. La noix étaient cassées sur “ la pierre ”, une lauze fine, ou parfois sur un morceau de marbre, placée sur les genoux. Le maillet de bois s’appelle “ la tricote ”. Malgré la dureté du buis, il s’usait et se creusait et l’on devait le limer pour le remettre plan.
Après le cassage, venait l’énoisage. Les cerneaux étaient enlevés de la coquille avec un couteau à énoiser dont la lame n’était pas affûtée pour ne couper ni les cerneaux ni les doigts.
Le tri faisait la différence entre les beaux cerneaux pour la pâtisserie, les “ rouges ” dont on fait de l’huile, les pourris pour la peinture.
Les coquilles alimentaient le feu dans le cantou. La flamme ne durait pas, mais chauffait terriblement et gare aux feux de cheminée. Pulvérisées, les coquilles servaient de fleurage aux boulangers.
Maintenant, les coquilles comprimées forment une pâte qui sert de lubrifiant pour le matériel de forage pétrolier.
Les noix triées partaient à l’atelier du marchand où des femmes vérifiaient le tri sur des tables. Ensuite, les cerneaux étaient passés à l’étuve sur des claies, puis mis dans des caisses de bois et expédiés. Il y avait trois marchands de noix à Belvès : Mathet puis son beau-frère Bourdy, qui expédiaient surtout en Angleterre ; Miquel, place de la Croix-des-Frères ; Solle, rue Pèlevade.
Ces trois marchands s’entendaient pour faire venir un ou plusieurs wagons de noix de Californie, l’énoisage étant payé beaucoup moins cher ici. Maintenant, les noix du Périgord vont se faire casser en Pologne.
- Les énoiseuses à table en 1903
Les noix ont été cassées, quelques une ont été manquées et c’est pour cela que l’on voit la tricote en action. Avec un couteau très court, les ouvrières extirpent délicatement les cerneaux de la coquille. Il ne faut pas les abîmer, car ils se vendent bien plus cher entiers qu’en morceaux. La vieille dame dépose le résultat du travail dans une mesure. Un crible est accroché au mur.