Je vous laisse épiloguer sur les vêtements, tachés de confiture, des enfants, mais je fais remarquer qu’à cette époque l’on craignait les effets néfastes du soleil et que le chapeau était de mise.
Nous sommes devant la halle de Belvès et à l’arrière plan, à gauche, on voit la porte d’entrée fortifiée du castrum.
Le rémouleur, au regard si bon et si franc, est Jean-Marie Couret.
Il était parti de Razecueillé, près du col du Portet-d’Aspet, dans les Pyrénées, non pas avec un ours, mais avec une meule plus petite que celle-ci, qu’il tirait ou portait sur le dos quand la pente était trop raide, car il était d’une grande force. Il couchait dans les granges, se faisait offrir une soupe, et de la sorte il est arrivé à Belvès en Périgord. Mais là, son voyage s’est terminé après sa rencontre et son mariage avec la cuisinière de l’Hôtel où il descendait toutes les semaines, une demoiselle Lesvigne. Marie était le prénom habituel, mais Couret l’appelait Germaine, le prénom officiel, quand il était en colère.
Un Pyrénéen de cette trempe ne se sédentarise pas d’un jour à l’autre. Belvès étant maintenant son point d’attache, Jean-Marie part pour des tournées d’une semaine, jusqu’à trente kilomètres à la ronde. Son chien Turk l’aidait à tirer la meule. Le pécule amassé pendant sa guerre de 14-18 lui permet d’installer un atelier et de devenir sédentaire, tout en étant présent sur les foires de la région. Il ne se limite plus à l’affûtage et vend tous les outils qui coupent avant de devenir quincaillier.
Cette photo a été prise bien avant la guerre de 14, mais après le 24 septembre 1900, date de son mariage, puisqu’il porte son alliance. Il était né en 1875. La boite rectangulaire contient la réserve d’eau qui gouttait sur les lames.
Pour poser, Jean-Marie a ôté son béret et l’a accroché sur cette boîte. La chemise blanche, protégée par un tablier, n’a pas été mise pour l’occasion, le travail se faisait dans la dignité, les manches n’étaient pas retroussées.
Une meule de rechange est fixée sur le côté du bâti.
Cette photographie est un document, il n’y a plus de rémouleur. Les Pyrénéens ne s’expatrient plus, ils préfèrent attendre les skieurs et les touristes.
Découvrir Le Périgord d’Antoine Carcenac : (photographies 1899 - 1920).