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Le manoir de Saint-Alouarn de 1792 à 1834 à Guengat en Basse-Bretagne

Le mercredi 22 septembre 2010, par Pierrick Chuto

Départ précipité des maîtres

La fuite manquée de Varennes et l’emprisonnement de la famille royale au Temple ont provoqué la panique parmi les nobles qui n’ont pas encore quitté la France. Le 30 mars 1792, un décret confisque les biens des ennemis de la Révolution. Le 27 juillet, un autre décret en ordonne la vente.

La famille Aléno de Saint-Alouarn, propriétaire d’un immense domaine à Guengat, petite commune rurale à deux lieues environ de Quimper, émigre à Jersey. Depuis de nombreuses années, la famille ne séjournait que rarement au manoir. Le superbe hôtel de la rue Saint-Mathieu à Quimper et le manoir de La Villeneuve en Plomeur avaient ses préférences.

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La tour, vestige du manoir de Saint-Alouarn. (Photo J.C Jouannet).

Le départ précipité des maîtres inquiète les fermiers des métairies du domaine. Si les biens des émigrés Aléno sont vendus aux plus offrants, que vont devenir toutes ces familles qui travaillent durement pour exploiter des terres souvent arides ? Le citoyen Ronseray assume les fonctions de concierge et de jardinier au manoir [1]. Faisant office de régisseur, il se sent abandonné par ces messieurs qui, depuis leur fuite, ne lui ont pas donné signe de vie. Le 12 octobre 1792 (21 vendémiaire an I), à la requête du procureur syndic, les administrateurs du Directoire du district de Quimper mettent en vente une métairie dépendant du château. Au deuxième feu allumé, les terres sont adjugées pour un an à François Tanguy qui en offre quatre cent onze livres. Pour les six champs, les deux courtils [2], les deux prairies, une portion de montagne [3] et de pré sauvage, les pâturages, les allées, les crèches et les logements nécessaires à l’exploitation, Jérôme Pelleter ne proposait que trois cent quatre-vingt-dix livres. Tanguy devra fournir au jardinier Ronseray le pâturage de deux bêtes à cornes, deux charretées de paille et quinze de fumier.

Pour la défense des côtes

En avril 1793, la Marine de Brest recherche de toute urgence de grandes quantités de bois. Le citoyen Belval, « commis en cette partie », est de passage à Quimper pour faire des achats et il ordonne d’aller chercher des planches dans « la maison de l’émigré Saint-Alouarn ». Les envoyés remarquent les immenses étendues boisées qui pourraient intéresser davantage les charpentiers de marine.

Nicolas-Louis Veller, membre du Directoire du district, et le citoyen Laurent Ollivier, marchand de bois et expert, « se transportent » au manoir le 26 avril (7 floréal an I). Leur mission consiste à montrer au citoyen Rolland, ingénieur de la marine, les pieds d’arbres (essences de chênes, hêtres, sapins et ormeaux) propres à la construction d’une chaloupe canonnière destinée à la défense des côtes du département.

Afin de ne pas le froisser

Le 5 mai, Veller retourne à Saint-Alouarn avec François Gestin, maître-charpentier de la marine. À pied d’œuvre dès dix heures, les deux hommes « entrent dans une avenue située au nord du jardin et de la maison, parcourent la dite avenue et le terrain sous bois ». Gestin choisit quatre-vingt-onze sapins à trente livres le pied et un chêne à cinquante livres. Il sera abattu avant les sapins afin de ne pas « le froisser ». Sur l’esplanade et l’avenue situées au midi de la maison principale, il fait marquer quatre-vingt-quinze pieds de sapins. Ces bois seront utilisés pour la construction et la réparation des vaisseaux de la République.

La Nation doit aussi assurer le bien-être de ses soldats et leur fournir du bois de chauffage. Le district passe un marché avec le citoyen Manselle [4] qui « s’obligera au nom de l’administration des subsistances à en payer la valeur ». La valeur du bois augmente chaque jour et « il sera pris sur la terre de Saint-Alouarn tous les bois de chauffage qui pourront s’y trouver ».

Le 1 juillet 1793 (13 messidor an I), lors d’une adjudication de bail au manoir et à la petite métairie, Yves Le Guern, fermier des lieux, propose cinq cents livres pour des vergers, des courtils, un prateau [5] de montagne et le « jardin dit du colombier ». À la deuxième chandelle, François Morvan porte les enchères à six cent quinze livres et remporte le marché.

Les feuillards sont pourris

Maître Chauvel, notaire et expert à Quimper, est commis par le citoyen Louis Lainé, receveur des domaines nationaux et régisseur des biens des émigrés, pour constater l’état des pailles, foins et fumiers existant à Saint-Alouarn après le départ d’Yves Le Vern [6], et à l’entrée de François Morvan. Le notaire passe l’inspection du domaine. Les feuillards [7] des espaliers des jardins sont pourris, les arbres sont de mauvaise tenue et la taille d’été n’a pas été faite. « La vigne est en partie détachée dans l’espalier du bout du couchant » [8]. Le battant de la porte cochère de la cour est hors service. La couverture de la maison à four est à refaire, « celle en paille de la crèche au couchant de la cour est à raccommoder ».

Il déclare qu’il s’en contente

Dans les chambres du manoir, il manque de nombreux « petits carreaux de vitres », les planchers sont souvent pourris, « des fenêtres manquent en entier ». Les abat-vent [9] sont, soit tombés, soit à changer. Il serait bon de raccommoder ceux du grenier pour la conservation de la couverture. Les portes des caves sont fermées à clé et le notaire ne peut y rentrer. Les clés seraient aux mains de la citoyenne Aléno [10] ou du citoyen Bigot. Le fermier n’en a reçu que trois, celle de la porte d’entrée, d’une chambre au second, et d’une autre au troisième. La porte de la métairie « bout du levant » est hors de service. Il n’y a plus d’aire à battre. François Morvan ne se laisse pas démoraliser par l’état de la demeure et « déclare qu’il s’en contente ».

Pâturage de quelques bêtes

Le citoyen Ronseray, jardinier et concierge, demande l’annulation de l’adjudication, car il s’estime dépossédé des biens dont il avait la jouissance en raison du bail sous seings privés qu’il avait passé avec l’émigré Hyacinthe-Marcellin Aléno, le 3 octobre 1790. Le dit Ronseray s’était engagé à garder les bois, à entretenir le jardin et l’orangerie. En échange, il recevait cent cinquante livres et avait « le pâturage de quelques bêtes ». Après avoir enrichi les terres pauvres, assuré le treillage des espaliers du verger, il se trouve aujourd’hui expulsé sans indemnités et sans avoir pu retirer quelque profit de son labeur. L’administration supérieure juge que sa réclamation n’est pas fondée, mais dit qu’ « il sera cependant accordé au demandeur une indemnité proportionnelle à sa prétendue perte pour l’année prochaine ».

Il marque et martèle

Le 3 décembre 1793 (13 frimaire an II), Jean-Marie Luguern, maître-charpentier au port de Brest et établi au lieu de Saint-Alouarn, accueille François-Fidèle Le Guillou, commissaire, Laurent Ollivier, expert, et Touffait, commissaire de la Marine. Ils viennent procéder à l’estimation des bois. Luguern « marque et martèle deux cent soixante-quatre pieds de chênes propres au service de la Marine ». La journée se passe à estimer cent soixante-deux arbres. « Le tard étant parvenu, les citoyens renvoient la continuation à demain pour retourner à leurs demeures ».

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Signatures de Jean-Marie Luguen, maître-charpentier, François Fidèle Le Guillou, commissaire, et Laurent Ollivier, expert, le 3 décembre 1793 (13 frimaire an II). Ils procèdent à l’estimation des bois de Saint-Alouarn.

Deux jours de suite, ils parcourent les terres. Avant de quitter les lieux, ils entrent dans la salle au rez-de-chaussée de la maison de Saint-Alouarn, donnant à gauche de l’entrée et « aperçoivent au-dessus de la cheminée, les armes imprimées de morceaux de grappes blanches de la ci-devant noblesse ». François Morvan est chargé de monter sur une échelle et d’enlever les armes à l’aide d’un levier de fer. Il les a en garde jusqu’au moment où Laurent Ollivier se charge de les faire transporter par charrette à Quimper.

Garde des bois abandonnés par les émigrés

Le 13 février 1794 (25 pluviôse an II), Gabriel Gestin, « garde des bois abandonnés par les émigrés », est nommé priseur pour procéder à l’examen et l’estimation des dits bois. Il y trouve la quantité de cinquante-deux journaux et demi, à savoir le grand taillis pour trente journaux [11], un petit taillis au-dessus du moulin pour un journal et demi, etc. Gestin estime le total à mille cinq cent soixante-quinze livres.

Les administrateurs passent beaucoup de temps à chiffrer les bois. Mais la République éprouve ensuite quelque difficulté à prendre possession des troncs. Ainsi, le citoyen Frollo, commissaire des armées, se plaint du peu d’effet de l’ordre donné aux paroisses de Guengat et de Plonéis pour l’enlèvement des bois de Saint-Alouarn. Sur deux cents cordes attendues, seules dix ont été transportées dans les magasins qui alimentent l’hôpital militaire.

La montre du manoir

François Guérin, négociant à Quimper sur le quai, achète le 1er décembre 1795 (9 vendémiaire an IV), de nombreux biens des émigrés Aléno. En compagnie de maître Chauvel, expert, d’Hervé Pavec, procureur de la commune, et François Palud, commissaire désigné pour représenter la commune, François Guérin fait l’inspection de son acquisition. François Morvan, fermier, leur fait « la montre du manoir et de ses dépendances ». Près de la maison principale, se trouvent la maison à four, le pressoir, l’écurie et la chapelle. Dans une cour close au couchant, les hommes inspectent l’aire à battre, deux courtils, un petit verger et une petite maison ayant servi de chenil. Au levant de la cour, se dresse un colombier et des boulins [12] vides depuis longtemps. Près de l’une des quatre métairies, les visiteurs arpentent « une langue de terre conduisant au placître de la maison principale, laquelle est plantée en majeure partie et où sont les boîtes à laver et à bouir » [13]. Une allée plantée mène au moulin, passe à travers la montagne et rejoint la route de Quimper.

Logement au-dessus de la chapelle

Le marchand a négocié "la métairie haute" pour la somme de cent cinquante-quatre mille livres, "la métairie basse" et d’autres biens pour deux cent trente mille livres. L’adjudicataire a la jouissance de tous les bois de haute futaie sur toutes les propriétés appartenant au manoir et sur celles que « nous aurions omis dans le présent procès-verbal ». « La Nation se réserve pendant deux ans les bois au-dessus de huit pouces ». Les citoyens Le Hars de Plogonnec et Bernard de Locronan ont acquis la "métairie Creis", le curé constitutionnel Palud a acheté la grande garenne. Le moulin appartient au citoyen Cariou et Guérin n’obtient que la petite maison située à côté.

Pour la somme de « trois cents livres en espèces métalliques et un boisseau d’avoine », Guérin afferme "la métairie haute" à Louise Le Hénaff, veuve de René Queffelec [14], à René, son fils, et Marie Gannat, sa femme. Pour "la métairie basse", aussi dénommée "petite métairie" [15], François Morvan et Marie Ligen, sa femme, doivent acquitter la somme de cinq cent quatre-vingt-dix livres. La maison principale de Saint-Alouarn n’est pas comprise dans le bail, mais Morvan et son père Gabriel « pourront y prendre leur logement et se servir des appartements désignés pour y verser leurs grains ». Ils pourront « sous-louer le logement qui se trouve au dessus de la chapelle ».

André le Berre « jouira en bon père de famille » d’une autre petite métairie en échange de deux cents livres payables chaque année en deux termes. Au cours de l’an VI, François Morvan et André le Berre se font rappeler à l’ordre par l’État, précédent propriétaire, pour les sommes dues au titre de l’an II. François Guérin éprouve aussi les plus grandes difficultés à faire rentrer les fermages.

La Marine dévaste les bois

Pendant deux ans, la Marine de la République exploite et dévaste les bois. Celle du Roi avait confié à Louis de Saint-Alouarn [16] le commandement en second d’une expédition dirigée par Yves de Kerguélen, et qui avait abouti en 1772 à la découverte pour la France des îles du même nom et des côtes occidentales d’Australie. Le citoyen Guérin ignore sans doute les exploits de cet ancien propriétaire lorsqu’il devient enfin, le 5 janvier 1798 (16 nivôse an VI), seul exploitant de l’ensemble du patrimoine forestier. C’est pour ces milliers d’arbres que le marchand a acheté Saint-Alouarn. Les autres biens ne l’intéressent guère et ne sont pour lui qu’une source de tracas.

Le mauvais hêtre

Les administrateurs du Directoire du district ont séparé approximativement les lots vendus en biens nationaux, et les problèmes qui découlent de cette imprécision sont nombreux. Ainsi le citoyen Cariou, de Quimper, acheteur du moulin de Saint-Alouarn, porte plainte contre Guérin devant le tribunal de justice de paix, puis devant le tribunal civil à Quimper. Guérin a fait « abattre dix hêtres situés dans un des rangs d’arbres qui bordent le chemin qui mène du manoir au moulin ». Les deux hommes parviennent à un accord après des concessions mutuelles, mais Cariou insiste pour « se réserver le mauvais hêtre qui sert d’appui à un hangar ».

Guérin et Cavellier [17] (marchand à Quimper et résidant au château du Guilguifin en Landudec) attaquent en justice Pierre Le Bouguion, de Lestraon, pour avoir exploité des arbres dans une garenne entre le midi et le couchant de la métairie occupée par Yves Le Guern. Les parties comparaissent devant Le Grand, juge de paix du canton, le 8 brumaire an VIII [18].

Ils ont coupé des touffes de futaie

Les citoyens Le Hars et Bernard, son concessionnaire, sont accusés par Guérin d’ « avoir coupé des touffes de futaie sur la garenne "Goarun Pilat" pour une valeur de mille cinq cents francs ». Le demandeur affirme que, lorsque Le Hars a acheté une petite métairie, la Nation ne lui a vendu aucun bois. Aujourd’hui, ce dernier veut s’approprier les bois de la montagne "Menez an Len", que traverse la grande allée du manoir qui mène jusqu’au chemin de Quimper.

Guérin permet aux fermiers des alentours d’y faire paître leur bétail, mais cette terre lui appartient. Le Hars est condamné le 19 août 1800 (1 fructidor an VIII) à payer à Guérin mille deux cents francs. Le Hars fait appel, mais, entre temps, un nouvel arrêté précise que, pour les contestations survenues entre acheteurs de biens nationaux, le conseil de préfecture est seul souverain. L’avoué de Le Hars propose neuf cents francs pour accommodement. Guérin refuse et obtient réparation après une longue procédure.

Ils creusent et fument des sabots

Le 14 février 1800 (25 pluviôse an VIII), François Guérin et Jean-Marie Cavellier passent contrat devant maître Le Guillou avec Pierre Baduel et Antoine Duguié, sabotiers auvergnats. Ils leur vendent, pour une durée de trois ans, les bois blancs du domaine, de plus de dix-huit pouces de circonférence, ainsi que les guigniers [19], poiriers, pommiers sauvageons, peupliers et ormeaux. Les sabotiers versent un premier acompte de trois cents francs. Le montant total de la transaction s’élève à deux mille quatre cents francs. Les Auvergnats peuvent loger dans la grande salle du manoir, où ils creusent et fument les sabots. La salle voisine fait office de magasin de sabots prêts à la vente. Il est convenu que la taille doit se faire à l’extérieur, de crainte d’endommager les lieux. Plusieurs sabotiers-bûcherons rejoignent les deux hommes afin de finir le contrat dans les temps impartis.

Guérin vend à Mathurin Hervéou, charbonnier, « trente cordes de bois-billette pour les réduire en charbon ». Au fur et à mesure de la vente du charbon, Hervéou paiera cent quatre-vingts francs. Il fournira au vendeur une « bonne barrique de ce charbon ».

Il vend sans la moindre réservation

Le magnifique patrimoine forestier du manoir a été mis à mal depuis dix ans par l’administration, la Marine, la troupe, les fermiers, les sabotiers-bûcherons. Estimant en avoir retiré le maximum, François Guérin souhaite désormais se séparer du domaine. Le 22 mai 1803 (2 prairial an XI) devant maître Méniel, notaire à Quimper, il vend à trois habitants de Guengat « tout ce qui lui appartient à la terre de Saint-Alouarn sans la moindre réservation » pour un montant de trois cent treize mille francs.

Jérôme le Floch, cultivateur au village de Lanvon, acquiert la moitié du domaine. Les frères Jugeau se partagent l’autre moitié. Pierre Jugeau exploite "la métairie basse" de Saint-Alouarn. Son jumeau Allain travaille les terres familiales du village de Trévaluic. Cette indivision trouve vite ses limites. Afin de faire cesser les différends, les trois hommes se retrouvent devant maître Méniel le 27 décembre 1806. Ils ont fait mesurer les terres et souhaitent se les partager à l’amiable. Dans l’acte notarié, les terres distribuées à chacun sont indiquées avec un luxe de détails. Cependant, le manoir reste indivis entre Le Floch et Pierre Jugeau. Ils doivent l’entretenir et jouissent en commun du four et du puits.

La maison et le pourpris [20] de "la petite métairie" sont attribués à Allain Jugeau. De nombreuses étendues boisées restent en indivision, tel le bois-taillis "Stavenic-Braz", d’une surface de dix-neuf hectares (quarante journaux), "Coat-ar-Poulloch" (deux journaux) ainsi que d’autres montagnes et prateaux sauvages.

Il a épousé une jeunette

En 1802, Pierre Jugeau a épousé, à l’âge de trente-six ans, une jeunette de seize printemps, Marie Françoise Le Guern, fille d’Yves et de Marie Le Grand, fermiers de la "métairie Creis" à Saint-Alouarn. Quand il meurt sans descendance le 12 janvier 1810, le problème du partage se pose à nouveau. Deux de ses frères, Jean et Louis, demeurant au village de Pellavon en la même commune, vendent et cèdent leurs parts à Yves Le Guern pour la somme de quatre mille deux cents francs.

Quelques mois plus tard, le 27 novembre 1810, Marie-Françoise Le Guern, veuve Jugeau, se remarie avec Louis Le Friant. Ce veuf [21], natif de Pouldergat, est le neuvième d’une famille de treize enfants. Avec Jérôme Le Floch fils et Allain Jugeau, il exploite les terres du manoir.

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Signatures de Jérôme Le Floch, père et fils, d’Allain Jugeau et de Louis Le Friant, le 10 janvier 1811, pour le partage d’un bois à Saint-Alouarn. Les Le Floch auront « la portion bout du couchant » et les Jugeau « la portion du levant ». Maitre Damey écrit en fin d’acte : « Les parties sont contentes et les biens dûment partagés ».

En 1811, Jérôme Le Floch et Marie Kéribin, sa femme, ont partagé leurs biens entre leurs trois enfants, Jérôme, Vincent et Marie. Mais depuis, Le Floch père, maire de la commune, a accumulé les dettes et ne peut faire face à ses créanciers. Devant maître Damey, le 18 octobre 1814, les époux déclarent que « s’étant aperçu que les temps actuels ne fournissaient pas assez de ressources pour qu’ils puissent acquitter leurs dettes s’élevant à la somme de sept mille cent soixante-douze francs, ils n’auraient pas voulu punir leurs enfants des avantages reçus d’eux ». Les trois héritiers doivent payer les frasques de leur ivrogne de père [22].

En compensation, les Le Floch leur font donation de quatre bois-taillis de Saint-Alouarn qu’ils s’étaient gardés lors du partage, et dont l’estimation se porte à huit mille francs. Contraints et forcés, les trois enfants s’exécutent, et le notaire inscrit les noms des nombreux créanciers que chacun devra rembourser. Le Floch père a encore des dettes. Le 5 décembre, il cède pour trois cent dix-neuf francs à Louis Le Friant, devant maître Jezequel, notaire à Quimper, le peu de biens qui lui restent à Saint-Alouarn, soit une crèche, un courtil, deux auges en pierre.

Importance du domaine

Louis Le Friant, sans doute effrayé par l’importance du domaine à exploiter, cède une des métairies à Daniel Mathieu Kerdréach, négociant à Tréboul. Jean-Marie Delécluze [23] accompagne son beau-père chez Maître Donnard [24], le 11 août 1815. Il aura la tâche de gérer ces biens.

Jérôme Le Floch fils ne semble pas plus doué pour les affaires que son père. Il a quitté la terre pour exercer la profession de ceinturier [25] à Quimper. Le 19 mai 1818, il doit vendre à son frère Vincent, cultivateur à Lanvon, sa part des bois-taillis de Saint-Alouarn pour la somme de neuf cents livres (huit cent soixante francs). Vincent achète aussi les parts de sa sœur et se retrouve seul propriétaire des bois.

Ne se sentant l’âme ni d’un forestier ni d’un homme d’affaires, le cultivateur se débarrasse, le 8 octobre 1824, de son domaine forestier au profit d’Alain Le Lidec, marchand à Quimper [26]. Devant maître Guignard, notaire, Vincent Le Floch « cède et transporte purement et simplement tous ses droits » pour la somme de deux mille cinq cent soixante-cinq francs.

Changement de propriétaire

Le 9 avril 1834, les bois vont encore changer de propriétaire. Pierre-Auguste-Marie Chuto, propriétaire-cultivateur au village de Kérandéréat en Guengat, et futur époux de Marie-Catherine Le Friant, les achète à Alain Le Lidec pour six mille francs.

C’est le début d’une grande aventure que je raconte dans le livre : « Le maître de Guengat. L’emprise d’un maire en Basse-Bretagne au XIXe siècle ».

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État du manoir en 1891.
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Joseph Bigot, architecte, releva les plans du manoir en 1881. L’édifice était sur le point de s’écrouler.Il a dessiné des plans pour le reconstruire

sources :

Archives départementales du Finistère :

  • Maître Damey. Plogonnec : 4 E 68 9, 11, 12, 21,26.
  • Maître Méniel. Quimper : 4 E 224 39, 50.
  • Maître Le Bescond : Quimper. 4 E 219 38, 40, 42, 43.
  • Maître Jézéquel. Quimper : 4 E 217 70.
  • Maître Le Guillou. Quimper : 4 E 220.29.
  • Maître Chauvel. Quimper : 4 E 215 251.
  • Série IQ : 331, 441, 877, 894, 949, 1082, 1087.
  • Archives de l’évêché de Quimper : Plans Bigot.

Livres :

  • Serge Duigou. L’Australie oubliée de Saint-Alouarn. Editions Ressac. 1989.
  • Philippe Godard et Tugdual de Kerros. Louis de Saint-Alouarn. Les portes du large. 2002.
  • Joseph Le Jollec. Un siècle de vie cachée et de labeur fécond e Breiz-Izel. 1939.
  • Marcel Lachivert. Dictionnaire du monde rural. Fayard. 1997.

Revues :

  • Serge Duigou. Guengat une colonie cantalienne. Pays de Quimper. N°8. 1994.

Internet :

www.guengat.com le site de Christian Jouin.

Pour de plus amples renseignements, je vous conseille de lire « Le maître de Guengat » ou l’emprise d’un maire en Basse-Bretagne au XIXe siècle.


[1Les termes "manoir" ou "château" sont utilisés suivant les documents.

[2Petit jardin souvent clos de murs et attenant à la maison.

[3On dit maintenant : petite colline.

[4Sans doute le notaire quimpérois Mancel.

[5C’est un petit pré.

[6Le Vern est devenu le Guern. (Marais en breton).

[7Branches de châtaigniers ou de saules, fendues en deux, dont les tonneliers font des cercles.

[8C’est l’occident, l’ouest.

[9Appentis placé au-dessus des ouvertures des habitations pour les abriter contre le vent et la pluie.

[10La demoiselle Anne-Marie-Pélagie Aléno est restée à Quimper où elle sera emprisonnée par les révolutionnaires.

[11Le journal désigne la superficie qu’un homme peut travailler (labourer ou faucher) en un jour.

[12Le boulin était un trou pratiqué dans un colombier pour que les pigeons y nichent et pondent. Chaque boulin accueillait deux pigeons. Leur nombre était proportionnel à l’importance des terres de la maison noble.

[13Bouir pour bouillir.

[14Ou Quévelec suivant les actes. En janvier 1793, Marie-Corentine Quévelec, fille de Louise Le Hénaff, veuve Quévelec, épouse un sabotier auvergnat, Guillaume Vigier. Celui-ci s’installe à la métairie.

[15Suivant les actes, les métairies changent de nom.

[16Suivant les actes, les métairies changent de nom.

[17Il n’a pas été possible malgré d’importantes recherches de retrouver l’acte d’association entre Guérin et Cavellier. Il s’agit peut-être d’un acte sous seings privés.

[18Les actes ne sont pas archivés et on ne connaît pas l’issue du procès.

[19C’est un cerisier.

[20C’est un enclos, un terrain ou un verger dépendant immédiatement de l’habitation.

[21Sa première femme Marie Quideau est morte le 21 mai 1810. Leurs deux enfants sont décédés.

[22Il sera révoqué en 1815 : « ivrogne et tout à fait incapable de gérer l’administration ».

[23Delécluze épouse Marie-Bernardine Kerdréach le 21 juillet 1812.

[24Tous les actes de ce notaire ont disparu.

[25Personne travaillant le cuir, qui fabrique et vend des ceintures, des cartouchières, des sangles et des lanières.

[26Il vend aussi un bois-taillis « Coat Kerguerbé » aux frères Thépault, cultivateurs à Théores en Plogonnec.

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5 Messages

  • René-Louis de Saint Alouarn était-il marié ? Et à qui et quand ? Il était le frère de François Marie Aleno de Saint Alouarn et tous deux moururent sur le navire le Juste à la bataille des Cardinaux en 1759.

    Ces informations sont demandées pour la recherche de ma série de livres qui incluent leur famille. Merci.

    Merci d’envoyer toute réponse à:davidstockman47 chez gmail.com

    Répondre à ce message

  • Le manoir de Saint-Alouarn de 1792 à 1834 à Guengat en Basse-Bretagne 27 octobre 2022 15:50, par Magdeleine FOUGERAY

    Très "En retard à la soupe" je découvre l’article.
    Ayant le livre depuis peu, je vais joindre le tout et ce sera une lecture pour l’hiver.
    Merci Pierrick CHUTO.

    Répondre à ce message

  • René-Louis (Chevalier de Rosmadec) de Saint-Alouarn 13 février 2013 05:55, par David Stockman

    Please pardon my English. Does anyone know if René-Louis de Saint Alouarn was married ? And to whom and when ? He was the brother of François Marie Aleno de Saint Alouarn and also the uncle of Louis François Marie, Seigneur de Saint Alouarn and was captured with him by the English in 1755. Also, when was he born ?

    Thank you very much.

    Répondre à ce message

  • Bonjour,

    Vous avez redonné vie à l’un de vos ancêtres en décrivant très bien le milieu où il vivait.La vente des biens des émigrés à permis à certains de s’enrichir. Ceux qui avaient une forte personnalité et peu de scrupules ont pu ainsi devenir"coqs de village"Vous avez du approcher de très près la personnalité d’Auguste et aussi vous y attacher sinon vous n’auriez pas écris ce livre.Le caractère bien trempé de votre ancêtre vous a plu.Il n’était pas facile à l’époque de changer de classe sociale.Au moins contrairement au seigneur local, il ne sera pas contenté de"naître" Pouvait-il à cette époque,s’enrichir sans un certain cynisme, je n’en suis pas sûre. Il était très mal vu de faire faux bon à son milieu.Votre article est très bien en ce sens qu’il précède la lecture du livre. Auguste et Henri François de Vassé avaient tous les deux une bonne dose de cynisme mais chacun vivait dans un milieu différent.Tous les deux ont leur histoire. Ils ont participé chacun à leur façon à la vie de leur époque.De toutes façons, ils sont nos ancêtres à tous.Ils appartiennent tout simplement à l’humanité.
    Bien cordialement
    Monique Gripon Mansour

    Répondre à ce message

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