Souvenir de Phileas Fogg
Jules Vernes envoya son flegmatique anglais autour de la terre à la suite d’un pari : faire le tour du monde en quatre-vingt jours. Il arriva avec une journée d’avance sur ses prévisions et failli perdre son pari pour négliger de se rendre à son club pensant avoir perdu d’une journée.
Comment cela est-il possible ?
La terre fait 360 ° et il y a 24 heures entre deux jours différents. Si l’on transforme les 24 heures en minute cela donne 1440 minutes. En divisant ce chiffre par 360 on trouve 4 minutes.
Phileas Fogg est parti vers l’Est, vers l’Inde, la Chine, l’Amérique et retour vers Londres. A chaque méridien franchi, en allant au-devant du soleil il gagnait 4 minutes, et à son arrivée à Londres il avait 24 heures d’avance sur ses prévisions. S’il était parti vers l’Ouest, il aurait eu 24 heures de retard.
Au cours de son voyage il croisa la ligne de changement de date située à 180° du méridien de Greenwich. Cette ligne est aussi appelée antiméridien ou méridien minuit. Du pôle Nord au pôle Sud, c’est en la franchissant qu’on change de date. Mais bien sûr les choses ne sont pas aussi simples…
Il ne serait guère pratique pour un état traversé par la ligne d’avoir des heures et des jours différents. Au lieu de suivre le méridien, la ligne a de nombreuses irrégularités.
La plupart des États que le méridien 180° traverse ont déplacé la ligne de changement de date vers l’ouest ou vers l’est afin d’éviter que leur territoire se trouve partagé entre deux dates.
C’est le cas des Fidji, la ligne du changement de date qui traversait l’archipel par le milieu a été décalée vers l’Est pour englober tout l’archipel.
SAWA (Fidji). Arrivée 30 septembre / départ 2 octobre 19337
L’archipel des Fidji comprend environ 500 îles ou îlots dont la moitié seulement est habitables. L’île de Sawa est calcaire mais toutes les autres sont volcaniques.
Le Rigault de Genouilly est parti de Papeete le 22 septembre pour arriver à Sawa le 30 septembre. 9 jours de traversée, et environ 3.500 km, l’équipage a besoin d’un peu de repos. Sawa est tout indiquée : quelques habitants, des plages de sable blanc, une végétation luxuriante et une grotte avec la mer à l’intérieur. La grotte était le lieu de repos de l’ancien dieu fidjien à dix têtes.
Le mouillage au nord de l’île est bon. L’ancre se pose sur un fond de sable et ne dérape pas.
Le Rigault de Genouilly se dirigeant vers l’Ouest en allant de Papeete vers les Fidji a coupé la ligne de changement de date. A quel moment cela fut-il porté sur le livre de bord ?
Deux solutions :
- Soit le voyage n’aurait pas duré 9 jours entre Papeete et Sawa mais huit jours avec 24 heures ajoutées à l’arrivée à Sawa.
- L’ajout de 24 heures a pu se faire au moment de l’escale à Sawa. Au lieu de se reposer une journée complète, le 1 Octobre, cette journée a disparue et les marins seraient passés directement du 30 septembre au 2 Octobre ce qui ne leur laissait qu’une nuit au mouillage.
Le Rigault de Genouilly reprend la mer le 2 octobre 1937 pour Nouméa.
Les Fidji sont célèbres de nos jours pour la qualité de leur rugby, mais comment ce sport s’est-il installé dans ces îles ?
Le missionnaire et le rugby
Par un heureux hasard, nous avons eu droit à une visite guidée, pour nous seuls, du musée de l’Océanie, à la Neylière, une grande propriété, maison-mère des Missionnaires Maristes. M. Philippe Schneider nous a gardé fort longtemps dans le musée, voyant le grand intérêt que nous y portions.
M. Schneider a raconté dans le blog de La Neylière une histoire de rugby qui s’est passée aux Fidji. Comme aux Tonga le rugby est un sport national et l’on vient y recruter des joueurs. En France ils sont nombreux dans les équipes nationales, même à l’équipe de Belvès en fédérale 2.
Vers 1903, Matamitembois, un chef de tribu protestant, vint demander un service au Père Emmanuel Rougier, un missionnaire mariste. Ce devait être grave pour qu’un protestant s’abaisse à faire cette démarche. Une troupe d’Anglais allaient débarquer chez lui pour visiter le pays, alors colonie britannique. On lui avait proposé une partie de rugby, Anglais contre Fidjiens.
Matamitembois n’avait pas osé refuser. Le Père Rougier devait bien s’y connaître en rugby, lui l’Européen, ne pourrait-il former et entraîner une équipe ? Et voici notre Père, l’Auvergnat, lancé à fond dans cette croisade sur un terrain constamment détrempé par les averses tropicales, avec des poteaux en bambous. Les élèves sélectionnés firent de leur mieux. Le grand jour, la tribu au complet est venue encourager ses sportifs. Cela a mal commencé, les Anglais connaissaient la technique. A la mi-temps, Rougier comprend que ses élèves sont gênés par les maillots : il décide de les faire jouer torse-nu et la peau bien huilée.
Dès la reprise, l’espoir changea de camp, le combat changea d’âme. Les Anglais furent battus à plate couture avec 70 points d’écart. Derrière son chef Matamitembois, la tribu au grand complet vint fêter le missionnaire entraîneur. Certains adoptèrent la religion catholique dont le représentant faisait des miracles ; les voies du Seigneur sont impénétrables.
Rougier laisse tomber le rugby. Il a sans cesse de nouveaux projets, parfois excentriques. Brouillé avec son évêque, celui-ci l’exclut de la congrégation. Cela ne le chagrine pas trop, il devient homme d’affaires achète des îles, plante du coprah, édite ses propres timbres et bat sa monnaie. Il meurt à Tahiti en 1932. En 1907 il avait hérité d’une immense fortune, léguée par un ancien bagnard anticlérical qu’il avait hébergé.
Wallis et Futuna
Histoire de Wallis
L’île de Wallis était devenue une chrétienté avec un clergé autochtone. Ils avaient été convertis par des missionnaires maristes, dévoués à la Vierge Marie. Le roi Vaimua en 1842, proposa à Louis Philippe de passer sous le protectorat de la France, mais Louis-Philippe refusa, disant que des liens de solide amitié étaient suffisants. Pour marquer cette amitié, la France envoyait de temps en temps un bateau de guerre, qui indiquait qu’il se trouvait dans les parages pour protéger ce petit état indépendant et grand ami de la France.
Cependant, le consul d’Allemagne à Apia dans les Samoa allemandes, cherchait à acheter du terrain pour y faire des plantations. De même, le gouverneur anglais de Fidji rendit visite à la reine Amélia Lavelua et lui fit connaître les avantages d’être protégés par les Anglais. La reine très amie de la France, repoussa les propositions britanniques. Quant aux missionnaires maristes, ils étaient résolument contre les Anglais qui ne manqueraient pas d’implanter leurs prêtres protestants et ce serait dans Wallis une guerre de religieux.
Des bruits coururent, persistants, Wallis attirait des envieux. La reine et les Français jugèrent qu’un traité de protectorat en bonne forme s’imposait et permettrait à la France de défendre ses amis suivant les conventions internationales. Le traité fut signé par la reine Amélia Lavelua en juin 1888. Les chefs, présents à la cérémonie, donnèrent un avis favorable et la population approuva avec joie. Le bâtiment de guerre le “Decrès“ était présent depuis quelques jours avec à bord l’amiral. Le pape fit cadeau à la reine d’un chapelet dont les grains étaient des pierres précieuses. La reine fut très émue et les chefs apprécièrent la beauté en se le passant.
Si le traité n’avait pas été signé à cette date, Wallis et Futuna seraient anglaises.
D’après Histoire de l’île Wallis. Tome 2 p1/10 Alexandre Poncet Société des Océanistes.
En 1936, grande effervescence dans le diocèse de Wallis et dans toutes les missions maristes de l’Océanie. L’année suivante on fêtera le centenaire dans le vicariat de Wallis et Futuna. Il est juste de rappeler les misères subies par les premiers pères, la soif, la faim, et le sacrifice du père Chanel dont le sang fut le terreau des conversions.
Mgr Poncet décida d’inviter à ces fêtes solennelles le délégué apostolique de Sydney, Mgr Panico, le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie et tous les vicaires apostoliques maristes de l’Océanie. Cela faisait du monde mais, en plus, Mgr Poncet demanda au résident David d’obtenir qu’un navire de guerre vienne rehausser l’éclat de ces fêtes. Le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie fut prié de cette mission. Le Rigault de Genouilly étant le seul à traîner dans les parages, Moron fut embarqué sans le savoir dans une histoire de curés.
Cette année 1937 qui se préparait à de grandes joies spirituelles fut marquée par une épidémie de typhoïde qui fit des ravages. Elle s’arrêta quand le médecin militaire fit, enfin, vacciner tout le monde. Mais le commandant du navire de guerre provenant de Futuna et attendu le 20 mai à Wallis fut averti de ne pas s’arrêter.
Après l’enterrement de plus de cent malades, les préparatifs de la fête reprirent, Mgr Panico pensait organiser un pèlerinage des catholiques australiens. Mgr Darnand, vicaire apostolique de Samoa viendrait avec quatre-vingts catholiques.
On apprenait que le gouverneur de Nouvelle-Calédonie avait demandé au ministère des Colonies l’envoie d’un navire. L’évêque de Wallis fit demander que le navire de guerre puisse alors embarquer le délégué apostolique à Sydney et l’y ramener. Le nouveau gouverneur de Nouvelle-Calédonie fit connaître la réponse définitive aux demandes concernant le navire de guerre par le télégramme suivant :
« Stationnaire pourrait effectuer voyage Nouméa-Wallis et retour entre 8 et 20 octobre prochain. Stop. Célébration centenaire pourrait être fixé à partir du 12 octobre. Télégraphiez avis. Stop. Impossible aller Sydney chercher délégué apostolique Pacifique. »
La réponse négative à propos du voyage du délégué apostolique de Sydney, évoquant l’exiguïté des cabines fut reçue avec regret. De Sydney on proposa au ministère à Paris l’embarquement du délégué apostolique sur l’aviso à Port-Vila où il aurait pu se rendre. Rien n’y fit ! De plus, différentes compagnies de navigation à Sydney refusèrent d’équiper un bateau de pèlerins pour Futuna après consultation des cartes marines ; les conditions d’ancrage n’étant pas bonnes dans cette île.
La mission de Walis et Futuna n’aurait pas pour sa fête le représentant du Souverain Pontife. De plus, aucun des nombreux vicaires apostoliques maristes ne put y participer ni s’y faire représenter. Mgr Darnand eut beau réclamer la venue du navire de guerre à Samoa pour se rendre à Wallis (et retour), La réponse de Moron fut négative.
Aucun invité ne vint participer à ces fêtes du centenaire où le nonce apostolique, la vedette, serait absent. Tout cela par la faute de Moron qui n’a pas voulu servir de taxi.
Tout au cours de l’année 1937, les fêtes du centenaire furent donc célébrées uniquement par les habitants de Wallis et Futuna et aussi par l’équipage du Rigault de Genouilly pendant quelques jours.
Le 11 octobre vers 9 heures du matin, l’aviso Rigault de Genouilly, commandant Moron, entrait dans le lagon de Wallis, amenant le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie et commissaire général du Pacifique. L’effectif du Rigault de Genouilly comprenant douze officiers et cent vingt-cinq hommes, gradés et marins.
Après la messe inaugurale, les autorités rejoignirent l’évêque au presbytère de Mua. Puis vers 11 heures ce fut le katoaga sur la place de l’église où s’alignaient cent-vingt cochons rôtis et diverses victuailles.
Une immense foule entourait l’évêque, le gouverneur et le commandant du Rigault de Genouilly pour admirer les danses folkloriques des villages, et des filles du couvent. Les quatre-vingts garçons du collège dansèrent et chantèrent avec de magnifiques voix de basse.
L’évêque et ses missionnaires montèrent à bord de l’aviso, ainsi que d’autres personnalités. Le mardi 12 octobre, la foule se rendit au village de Kolopopo et s’installa autour de la chapelle provisoire érigée au bord de la mer.
Pendant la messe le commandant Moron et ses officiers étaient installés au premier rang sur des chaises et sur les côtés 15 fusiliers-marins en grande tenue et présentant les armes. Tous les marins, y compris les officiers et le commandant se joignirent au chœur des Wallisiens au visage de couleur pour chanter l’Ave Maris Stella. (Léon Moron, l’anticlérical, ne s’en est pas vanté).
Vers 14 h on prit le déjeuner sous la véranda qui regardait la mer, ornée de tapas et de drapeaux tricolores. L’évêque remercia le gouverneur ainsi que le commandant Moron, représentant de la Marine française. Il évoqua les premiers navires de guerre français et leurs commandants pour s’attarder sur le Rigault de Genouilly et son commandant, Léon Moron qui entrait en ce jour dans l’Histoire de Wallis.
Le Rigault de Genouilly arriva le lendemain à Futuna, au mouillage de Sigave à une heure du matin. Le gouverneur et l’Évêque en descendirent et ils furent salués par les deux rois d’Alo et de Sigave. L’Évêque donna la bénédiction pontificale du Saint-Sacrement à laquelle assista le gouverneur, ainsi que le second du bord, représentant le Commandant Moron, retenu à bord par une manœuvre nécessaire, le mouillage dans cette baie peu sûre ayant été mal effectué. L’anse de Sigave est le seul mouillage de Futuna, même si le ressac rend le débarquement difficile, quelle que soit la météo. Les premiers marins français à l’avoir étudiée la jugent même inadaptée à l’accueil des grands navires, et dangereuse lors de la saison des grains. La présence des autorités françaises marqua le début des fêtes du centenaire à Futuna. Dans l’après-midi, le gouverneur monta à bord du Rigault de Genouilly qui appareilla pour Nouméa après avoir fait donner 12 coups de canon.
D’après Histoire de l’île Wallis. Tome 2 Alexandre Poncet p129/141 Société des Océanistes.
Les tapas de Wallis
L’année du centenaire, 1937 fut aussi la dernière des quatre ans de service du résident, le docteur David à Wallis. Les résidents, représentant la France, étaient des médecins de Santé Navale. Ils avaient fait leurs études à la faculté de médecine de Bordeaux et par la suite étaient affectés à des navires de guerre ou à un poste dans une colonie française.
Le Dr David en sa dernière année à Wallis et Futuna, a apporté à la Mission Mariste son aide pour les écoles. Il avait pu faire admettre des élèves comme pensionnaires malgré les lois de Wallis. Il réussit à faire agrandir les terrains possédés par la Mission en vue d’y installer des écoles pour les filles. Il fit construire de nouvelles cases indigènes pour avoir des salles de classe bien plus vastes, ou des dortoirs. Il usa de son influence pour obtenir gratuitement les terrains. Il fit modifier le cours de la route qui longeait de trop près l’habitation des sœurs.
De ce fait les sœurs purent recevoir, en tant que pensionnaires, un grand nombre de filles et les éduquer. Elles leur apprirent également à faire des tapas, en groupes, chacune ayant sa spécialité.
Un jour de 1955, l’inspecteur d’académie étant à Nouméa, vint à Wallis organiser l’examen du certificat d’étude. Il visita les locaux scolaires et les cases où les filles fabriquaient des tapas. Il fut particulièrement intéressé et proposa aux élèves de dessiner sur les tapas des scènes de la vie à Wallis. Cela pouvait être, par exemple, la représentation de la mer et de la terre à Wallis, un bon sujet de discussion entre l’inspecteur et les élèves. Ces dernières, emballées par cette idée, abandonnèrent les dessins géométriques et se lancèrent dans cette idée venue d’un occidental. Le résultat fut une pure création de Wallis. Côté mer, ça déborda de tout ce l’on trouvait dans le lagon : des pirogues avec ou sans pêcheurs, des crabes, des crevettes, des étoiles de mer, divers poissons, stylisés à la façon de chacune. Du côté terre également, il suffisait de regarder autour de soi.
L’ensemble de ces tapas devenait la mémoire de Wallis telle qu’elle était et en plus avec les apports nouveaux tels que des grands bateaux de passage, les vélos, les fils électriques partant dans tous les sens.
La deuxième guerre mondiale à Wallis
Les premiers Américains débarquèrent à Wallis fin mai 1942. L’île avait été choisie comme poste avancé, la mer de Corail qui marqua l’arrêt des troupes japonaises n’est pas loin de Wallis. Tout d’abord ils construisent des baraquements de bois, un wharf pour les hydravions et pour décharger les bateaux apportant le matériel. Les soldats du génie construisent un très grand hôpital militaire, en vue d’une attaque des Japonais. Sur le point culminant ils érigent une tour métallique supportant un radar. Les Américains travaillent avec des engins inconnus, des bulldozers, des pelles qui laissent pantois les Wallisiens. Ce qui n’empêche pas les américains de faire travailler les indigènes et de les payer en dollars. Ils creusent aussi des tranchées dans tous les points stratégiques. Une route très large fait le tour de l’île. Le général commandant en chef dit à l’évêque que les routes fabriquées par eux coûtaient des millions de dollars et leur serait très utiles après la guerre. Mais il y avait tellement de kilomètres à entretenir…
Tous les généraux qui passèrent à Wallis étaient en excellentes relations avec l’évêque. Les aumôniers militaires sont presque tous catholiques et ont d’excellentes relations avec les prêtres catholiques de la mission.
Il y avait à Wallis un officier de renseignements chargé des relations avec les autorités françaises et indigène et avec la population. Dans le civil il était professeur d’archéologie sacrée. De ce fait il fut admiré par les Wallisiens. Il fut remplacé par un Canadien.
Au début de l’arrivée des Américains, le général Price, commandant en chef rendit visite à l’évêque, commandant en chef du secteur, en compagnie de l’amiral Byrd, célèbre explorateur de l’Antarctique. Celui-ci dit à l’évêque que le président Roosevelt l’avait chargé de lui présenter ses « greetings ». L’évêque profita de l’occasion pour demande pourquoi le général Price n’avait pas demandé l’autorisation au gouvernement de Vichy d’occuper Wallis. Le général Price répondit qu’il n’était pas de son ressort de se mêler de politique, qu’il était un militaire et que de son point de vue l’occupation de Wallis était obligatoire dans la lutte contre les Japonais.
L’amiral Byrd précisa qu’il avait toujours gardé un grand amour de la France où il était resté 15 mois pendant la guerre de 14-18 et où à plusieurs reprises il avait rencontré le maréchal Pétain. Byrd expliqua que le gouvernement américain n’avait pas demandé l’autorisation en question. Parce que le chef du gouvernement de Vichy, Pierre Laval, étant aux ordres d’Hitler.
En prévision d’une attaque des Japonais, les Américains en discutèrent, l’évêque et le résident, le docteur Mattei, en discutèrent avec les Américains. Les Wallisiens creusèrent d’autres tranchée et des abris pour la population. Tout était magnifiquement préparé autour de la mission, des pensionnats, des écoles. Les soldats du génie n’en revenaient pas de la qualité du travail. Fort heureusement ces protections ne servirent à rien.
Les autorités de Wallis ordonnèrent que les plantations soient travaillées soigneusement pour nourrir les indigènes.
L’amiral Thierry d’Argenlieux, gouverneur de Nouvelle-Calédonie, fit une brève visite à Wallis et ne manqua pas de voir l’évêque et deux sœurs carmélites qu’il avait eu sous ses ordres en tant que provincial des Carmes.
L’évêque profita de cette visite pour demander du riz et divers produits alimentaires qui faisaient cruellement défaut. Il demanda aussi d’envoyer un bateau pour prendre livraison du coprah dont la vente permettrait aux Futuniens d’acheter des étoffes pour se faire des vêtements.
Le roi Leone Lavelua était resté fidèle au gouvernement de Vichy
Et cela amenait des tensions avec le résident français, le docteur Vrignaud, les Américains étaient inquiets car le roi pouvait déclencher une insurrection, gros sujet d’inquiétude. Mais il n’en a rien été, le roi ayant affirmé qu’il ne ferait rien qui puisse gêner les Gaullistes et les Américains. Ouf !
Un détachement de marins français venus de Nouvelle-Calédonie s’installa à Wallis. Une bagarre sérieuse se fit entre des jeunes Wallisiens et des soldats de Nouvelle-Calédonie. Les responsables étaient les jeunes Wallisiens et certains furent jetés en prison, surtout pour les protéger.
Évidemment il y eut des naissances de bébés blonds à la peau claire, les amélik.
Un soldat américain originaire d’une région ségrégationniste, tua d’un coup de fusil un jeune Wallisien qui, s’essayant à balbutier l’anglais avait du proférer sans le savoir un mot injurieux.
Un coup de froid glacial tomba sur Wallis, suivi d’un vent violent qui arracha des cocotiers et autres plants, entraînant également une épidémie de “grippe“. Résultat : une centaine de morts.
Il y eut quelques accidents mortels provoqués accidentellement en manipulant des armes. Des Wallisiens et des Américains trouvèrent la mort en pêchant à la dynamite.
Le 22 octobre 1945 un navire arriva de Tutuila dans les Samoa américaines. Les croque-morts raclèrent les chairs qui restaient de façon que le squelette soit bien propre. Au retour à Tutuila ces squelettes sont expédiés en Amérique et remis aux familles.
Mgr Poncet note dans son carnet que le général Price quitte l’île le 13 mars 1944 alors que la guerre n’est pas finie. Il reste alors trois cents soldats pour garder l’aérodrome et démonter les baraquements de l’hôpital.
Les navires qui embarquèrent les soldats prirent aussi du matériel qui pouvait servir dans d’autres secteurs. Mais il restait une énorme quantité de matériel sur lesquels les Wallisiens jetaient des regards intéressés, calculaient ce qu’ils allaient en tirer, maintenant qu’avec le départ de leurs employeurs les dollars ne pleuvaient plus. Mais, par ordre supérieur, tout fut jeté à la mer, au large.
Par une grande générosité, quelques planches des baraquements furent laissées.
A Futuna on ne pouvait plus dire la messe car il n’y avait plus de farine et on ne pouvait plus fabriquer d’hosties. Le général Price étant encore à Wallis, un contre-torpilleur jeta l’ancre dans la baie et le cuisinier offrit la farine.
Ce stock épuisé, les fidèles communiant tous les jours, ce fut un sous-marin qui fit le dépannage.
A l’arrivée des Américains, les jeunes Wallisiens furent envoyés travailler en Nouvelle-Calédonie, moyennant finances.
Quand tout fut revenu comme avant, calme, très calme au point de vue économique, les jeunes repartirent en Nouvelle-Calédonie et ce fut le commencement de la migration vers cette terre voisine où le travail ne manquait pas.
Nouméa (Nlle Calédonie) 19 octobre / 21 octobre
Sydney (Australie) 25 octobre
Le Courrier Australien (Sydney, NSW : 1892 -2011), Friday 15 October 1937, page 4
"Rigault de Genouilly."
Nous apprenons que le capitaine de vaisseau J, C-Planté arrivera par le Maloja, de la P. & 0., pour prendre le commandement de I’aviso Rigault de Genouilly actuellement en croisière dans le Pacifique.
Après une campagne de six mois dans le Pacifique, cet aviso arrivait à Nouméa le 5 octobre. II vient, depuis lors, de partir pour les îles Wallis, ayant à son bord le Gouverneur de la Nouvelle-Calédonie qui devait assister aux fêtes du Centenaire de l‘installation dans ce groupe d’îles des Missionnaires français.
De retour à Nouméa le 19, le Rigault de Genouilly continuera sa croisière jusqu’à Sydney où i1 est attendu le 25 octobre et où il séjournera jusqu’au 6 novembre.
Le Courrier Australien (Sydney, NSW : 1892 -2011), Friday 29 October 1937, page 4 :
"Rigault de Genouilly.’
De retour d’une croisière de six mois dans le Pacifique, l’aviso Rigault de Genouilly est arrivé à Sydney, lundi dernier. Il a accosté 4 Circular Quay, après avoir salué, dès son entrée sur rade, la terre Australienne et l’Amirauté des salves réglementaires.
C’est avec grand plaisir que notre Colonie a revu cette élégante unité de notre Marine nationale et accueillit, à nouveau, le commandant Moron, ses officiers et son équipage.
Le Capitaine de Frégate Moron cédera le commandement du navire au Capitaine de Frégate Planté au cours du séjour à Sydney du Rigault de Genouilly.
La journée de lundi fut occupée par les échanges de visite avec les Autorités navales et au cours de celle de mardi, le Consul Général de France, et les deux Commandants, procédèrent aux visites officielles d’usage auprès du Gouverneur General du Commonwealth, du Gouverneur de N S.W., du Premier ministre de N.S.W., du Chief Justice, Lord Maire et Commandant des Forces militaires.
Dans l’après-midi de mercredi. M. J. Trémoulet, Consul Général de France, offrit, dans les salons du Sydney Royal Golf Club, une très brillante réception, de 5 h. à 7 h. en l’honneur de l’Etat-Major du Rigault de Genouilly. Plus de 150 « guests », comprenant les principales notabilités de notre Colonie et de la Colonie étrangère répondirent à l’invitation de notre Consul Général.
Signalons que les autorités locales ont eu la courtoisie d’agrémenter le séjour des officiers ct de 1’équipage du Rigault de Genouilly en facilitant leur admission dans les lieux de distraction de Sydney (parcs, zoos, musées, cinémas, etc ) et leur moyen de transport en ville et aux environs.
Dans l’après-midi de jeudi, le Capitaine Superintendent de Sydney et les capitaines et officiers des navires de guerre Sydney et Pengouin reçurent les commandants et Etat-Major du Rigault de Genouilly ainsi que quelques notabilités Françaises et Etrangères, à bord du Pengouin.
Après cette première série de réceptions, le Rigault de Genouilly passera au bassin pour se caréner. Il reviendra ensuite continuer son séjour, sur rade, pour repartir, le 6 novembre et entreprendre une nouvelle campagne dans le Pacifique.
Le commandant Moron quittera l’Australie le 6 novembre 1937 par paquebot. Il arrivera à Toulon le 10 décembre 1937.
Voici terminé le périple du commandant Léon Moron. Deux ans et deux mois dans le Pacifique.
Ambassadeur de France dans les pays étrangers, la cale pleine de bouteilles de champagne, du Mumm cordon rouge, m’a-t-il souvent précisé. Du vrai bon champagne de France s’exclamaient les Australiens. Est-ce seulement pour cela qu’il a été si bien reçu ? Il est vrai que les réceptions sur le Rigault de Genouilly étaient magnifiques, petits fours, cuisinier chinois. Les dames en tenue tricolore pour danser sur le pont avec les officiers. Le commandant accueillant lui-même, à la coupée, les invités. Les articles des journaux étaient élogieux. De même pour les grandioses réceptions des officiers de marine et des Français résidents en Australie. Dans les grands discours reproduits, certains Australiens rappelaient avec émotions les combats aux côtés des Français pendant la grande guerre. Et Moron était leur frère d’armes pour avoir combattu comme officier dans les sous-marins.
L’autre mission officielle était de rendre les honneurs sur les tombes des marins français morts pour la France.
Et les habitants des iles françaises étaient reconnaissants de voir un beau navire de guerre, avec une centaine de fusiliers marins, jeter l’ancre devant chez eux, rendre visite au maire et aux autorités, se promener et admirer les églises de corail et saluer de coups de canon leur arrivée et leur départ. La France ne les oubliait pas, même Rapa, l’île la plus australe.
Sur un mur du Soulellial, un grand routier du Pacifique nous faisait rêver. Devant lui le Commandant nous racontait ses voyages.
Il avait surveillé les côtes d’Espagne et du Portugal avec la hantise d’être surpris par un sous-marin allemand. Puis il avait participé au blocus de l’Adriatique, des allers et retour entre les deux côtes pour empêcher les flottes autrichienne et allemande de jaillir dans la Méditerranée orientale et de massacrer les convois d’hommes, d’armes et de munitions débouchant du canal de Suez. Les sous-marins surveillaient les flottes ennemies. Les sous-mariniers de l’Adriatique risquaient gros. Dès le début de la guerre de 14-18 Moron s’était porté volontaire sous-marinier, ce qui était rare. Léon Moron voyait la différence et appréciait. Il admirait les paysages splendides, plus beaux les uns que les autres, et il nous répétait sans cesse : J’étais un touriste.
Avant de me lancer dans cette longue série d’articles, j’étais devant l’inconnu. Quelques anciens souvenirs, quelques objets ramenés du voyage et c’est à peu près tout. A tel point que j’avais pensé à faire un agrandissement de la carte visible dans la photo ci-dessous pour tracer l’itinéraire du voyage.
Heureusement, Bernard Nicolas me photographia à Brest le livre des Ports et Rades où jour par jour l’itinéraire était consigné.
La numérisation des journaux australiens et néo-zélandais a rendu un immense service. Quel dommage qu’il n’en soit pas de même pour les journaux français !
Le petit-fils de l’enseigne de vaisseau Viellard a eu l’amabilité, après avoir lu mes premiers articles de me fournir le carnet de vol de son grand-père.
J’ai pris un grand plaisir à parcourir le Pacifique à la suite de mon ami Léon Moron et je n’aurai jamais imaginé pouvoir retracer son voyage avec autant de détails.