Sur la calandre d’une voiture est écrit "SPC AP 1203" c’est à dire Section des Projecteurs de Campagne... Sur plusieurs photos de ces voitures Berliet, on lit « Auto Projecteur » : une voiture est surnommée « Jane » et une autre « la Rescapée ».
Sur un plan des lieux, il est indiqué "S.A.P N° 4", c’est-à-dire probablement Section d’Autos Projecteurs [2] N° 4.
Grâce à des extraits d’un article très documenté sur ces sections de projecteurs, en insérant les photos les plus évocatrices prises par le "camarade Bonnon", nous connaissons mieux les missions de ces sections auprès de l’artillerie.
Les Sections de Projecteurs
Extraits de l’article « Les projecteurs du Génie en 14-18 » par Pierre Beaujan [3].
« La guerre de tranchées s’organisant peu à peu, les défenseurs de celles-ci ressentirent la nécessité de disposer de moyens d’éclairage…./…
Quant aux projecteurs de grande puissance, qui ne devaient pas être installés en première ligne en terrain bouleversé, ils étaient portés ou remorqués par une voiture BERLIET qui contenait une dynamo actionnée au moment du besoin par le moteur de la voiture, et qui transportait le câble destiné à l’alimentation à distance du projecteur.
- Braine - Une de nos autos
- De gauche à droite : Fondard, Maquaire, Zaegel
Ces appareils étaient de deux types : 60 cm, portés, et 90 cm, remorqués ; miroir métallique doré, volet occultateur, lampe à arc automatique de 60 ou 80 ampères.
Il était prévu, en 1915, par Division d’Armée, un peloton de Projecteurs doté de 10 appareils de 15 cm, 3 appareils de 30 cm, et 2 appareils de 60 ou 90 cm.
- Braine - abri du projecteur de Chassemy - 21 juin 1915
- A 300 mètres des boches.
De gauche à droite : Bonnon, Chevènement, Ouspensky, Schemidraire, Zaegel
…/…
Les hommes du Génie ont conscience du caractère délicat des missions qui leur sont confiées ; construire un pont, en faire sauter un autre, poser une voie ferrée, assurer les liaisons téléphoniques d’une armée sont des besognes qui exigent de l’intelligence et de la personnalité.
Les détachements du Génie opèrent par petits paquets, les missions sont remplies souvent par trois ou quatre hommes avec un gradé, quelquefois par un homme tout seul. Cela développe, même chez le simple soldat, un sens aigu de l’initiative et de la responsabilité. Ces caractéristiques devaient se développer encore par les conditions dans lesquelles ces hommes allaient opérer sur le front.
Les projecteurs au front
…/… A tous ces postes avancés, il n’était pas question d’accéder de jour. La moindre silhouette aperçue, le moindre bruit entendu, provoquait une fusillade, voire une lutte à coups de bombes.
A la nuit tombée, la relève des projecteurs partait du cantonnement, distant de 6 à 7 Km de la zone des tranchées. C’était la relève des hommes et non du matériel.
Le petit projecteur de 15 et sa dynamo, une fois amenés au poste avancé, n’en bougeaient plus ; ils n’étaient ramenés à l’atelier qu’en cas d’avarie. Il fallait, en effet, éviter de charger inutilement les hommes qui, en plus de leur mousqueton et de leur fourniment, emportaient leur nourriture pour 48 heures.
- Braine - La veille de notre départ de Braine (24 février 1916)
- La section complète
- Braine - La veille de notre départ de la grotte des Bovettes (22 février 1916)
Aux avant-postes, toute la nuit, les deux servants du projecteur veilleront au côté des fantassins. Il n’est même pas question de se pelotonner dans un abri. C’est dehors qu’on monte la garde, à côté de l’appareil, prêt à le faire fonctionner au premier signe de l’officier ou du sous-officier qui commande le poste, sans fumer, en ne parlant souvent qu’à voix basse. Quant l’aube vient, et l’hiver, la nuit est interminable, on se glisse à quatre pattes dans des abris étriqués où moisit une paille humide et malpropre et on s’affale dans un lourd sommeil.
Deux jours et deux nuits où on s’est nourri de pain, biscuits et conserves, et c’est le retour au cantonnement où l’on passe quatre jours à se nettoyer, s’épucer, à faire des corvées, des exercices. Au soir du quatrième jour, on remonte en ligne. Le cycle s’est déroulé ainsi, de secteur en secteur, pendant près de quatre ans, coupé de temps à autre par un incident plus ou moins grave : bombardement, lutte à coups de grenades, coups de main, fusillades...
Cependant, les interventions d’éclairage des projecteurs se faisaient rares car il est compréhensible qu’en dehors des moments de combat et des attaques, les occupants des tranchées désiraient fort peu qu’un projecteur ne s’allume à côté d’eux et n’attire les pluies de balles et les obus.
Aussi, en 1916, la manoeuvre des projecteurs de 15 cm fut confiée à l’infanterie ; chaque bataillon reçut une dotation de deux de ces appareils. Il faut ajouter que, les fusées éclairantes se perfectionnant, leur usage se répandit et réduisit le rôle des projecteurs.
Indépendamment de leur rôle de protection des postes contre les attaques nocturnes, les projecteurs ont rempli pendant la guerre d’autres missions tactiques : liaisons par signaux lumineux avec les avions belges qui patrouillent au-dessus du front ou avec les observateurs des ballons captifs, assistance à l’artillerie.
Dans ce dernier cas, les équipages surveillaient le départ des coups de canons. Aussitôt qu’à l’arrière avaient jailli les quatre flammes de la salve, le coup de pinceau d’un projecteur de 30 cm était lancé sur l’objectif. Dès que la fumée des éclatements était venue s’insérer dans le halo lumineux, le projecteur était occulté. Le tout ne durait que quelques secondes, juste le temps nécessaire aux observateurs d’artillerie pour apercevoir le point de chute des obus.
Les projecteurs de 60 cm, servaient à la défense de nuit des cantonnements contre les bombardements par avions.
- Le camarade Bonnon
En 1916, fut créée une Compagnie de Projecteurs d’Armée à 6 appareils de 90, plus des projecteurs dits fixes de même calibre, ne se déplaçant que moyennant chargement sur camion. Un embryon de défense aérienne fut organisé au moyen de ces divers éléments et rendit de bons services en forçant les appareils ennemis à voler haut, au détriment de l’efficacité de leur action. »
Voir aussi : Les projecteurs dans la guerre sur terre- dans "La Nature N°2170 - 1er Mai 1915 " |
Le parcours de ce régiment
Le mois prochain dans la Gazette, grâce aux annotations portées par Charles Bourcet sur les photos « du camarade Bonnon », nous suivrons ce régiment du Génie depuis son arrivée début juin 1915 à Presles et Boves (Ferme et grotte de la Bovette) et Braine dans l’Aisne, vers le Chemin des Dames...