Marie Lévigne, propriétaire à La Côte se marie
On ne sait rien de Marie entre sa naissance à Aubusson d’Auvergne en 1809 après le départ de ses parents de la Chevalerie et son mariage en 1846.
A près de quarante ans, ses deux sœurs aînées Françoise et Anne ne sont pas mariées, pas plus que son frère cadet Annet. Marie, quant à elle, se marie à 37 ans avec un garçon de Celles sur Durolle, fils d’un coutelier, forgeron de Sommet, Pierre Sauzede.
Les Sauzede (sozedde, sauzedde) sont connus à Sommet depuis au moins les années 1700, longue lignée de couteliers dans un hameau tout consacré à la coutellerie à proximité de Thiers. Par mariage, ils sont plusieurs fois alliés à des membres des communautés agricoles de la région : les Ferrier, les Chevalérias, les Dozolme, les Treille (Pierre Sauzede qui épouse Marie Lévigne est un grand-oncle de Catherine Sauzede qui épouse le fils de Claude le riche, dans le quatrième épisode).
Pierre Sauzede est plus jeune que Marie de quelques années et elle a sans doute fait sa connaissance par l’entremise de son oncle Pierre lévigne de Bournier qui a marié en 1841 et 1845 deux de ses fils Annet et Claude à deux filles Mure de Sommet : Jeanne Marie et Marie Louise deux nièces de sa femme Jeanne Marie Mure.
Le mariage de Marie Lévigne et Pierre Sauzede est célébré à Vollore Montagne, par l’oncle de Marie : Barthélémy Lévigne, maire de Vollore Montagne et héritier de La Chevalerie, en présence de son cousin, Jacques Barthélémy Lévigne, d’un aubergiste de Vollore Montagne Maurice Sugier et d’un Benoit Fayard des Rossias (ancien maire et futur beau père de leur fils ? ).
Le marié et son témoin, un Dozolme de Sommet, son beau frère, ne savent pas signer mais Marie Lévigne signe pour deux. Marie a visiblement une petite formation (acquise chez les sœurs d’Augerolles installées en 1824 ?) et une belle signature ambitieuse.
- Signature de Marie Levigne sur son acte de mariage
Pierre Sauzede et Marie Lévigne auront deux enfants : Michel Annet né en 1847 et Annet Prosper né en 1850 qui mourra en 1870, l’année de ses vingt ans. Il semble que le couple vit avec la sœur et le frère de Marie, Françoise et Annet, tous deux célibataires tandis qu’Anne l’autre sœur vit à Lyon où elle mourra célibataire, probablement après une vie de domestique au 8 quai d’occident (devenu quai Maréchal Joffre). Tout l’héritage de la fratrie ira à leur sœur Marie Lévigne et à ses enfants.
Michel Annet Sauzede, le fils unique choyé
En 1867, Michel Annet Sauzede est exempté de service militaire pour un doigt brisé à la main gauche et deux doigts rétractés (malformation qui perdure aujourd’hui encore dans la famille !). Fils unique après la mort de son frère et relativement riche grâce aux héritages de sa mère et de ses tantes et oncle, il épouse en 1870 une orpheline, dont la sœur vient de mourir à 25 ans en laissant une petite Michelle Angèle de 4 ans : Jeanne Sophie Fayard qui a du bien à Pamolle et aux Rossias et qui mourra à 38 ans en lui laissant 4 enfants : Marie Séraphine, Maria Rachel, Angèle Aimée et Pierre Prosper.
Comment Michel Annet a-t-il pu entrer dans une lignée (les Fayard de Pamole et des Rossias alliés à leurs Voisins Grange et Rappe) si soucieuse de conserver son patrimoine dans la famille, qui n’est pas effrayée par les dispenses de consanguinité et dont tous les mariages se font avec un contrat de mariage ?
Sans doute sa mère a-t-elle œuvré pour l’avenir de son fils : dès son mariage, elle avait pour témoin Benoit Fayard maire de Vollore de 1823 à 1830, l’oncle qui compte dans la famille Fayard, propriétaire aux Rossias. Plus certainement, c’est la présence de Jeanne Sophie (des Rossias) à la Côte auprès de son beau frère veuf qui a permis la rencontre de Jeanne Sophie et de Michel Annet. Et puis Michel Annet a du charme et une grande confiance en sa bonne étoile.
Sans doute le mariage de Michel Sauzede avec Jeanne Sophie ne plaît pas à tout le monde ; la famille Fayard n’est pas là, alors qu’elle était bien représentée au mariage de sa sœur Jacqueline Jeanne avec son cousin Jean Marie Fayard ; deux aubergistes (Sugier et Decouzon), un instituteur (Vigier) et un boulanger (Batisse) sont les témoins. Même chose sur le contrat de mariage de Jeanne Sophie et de Michel, où Michel Annet comme son père Pierre n’apporte rien.
Extrait du contrat de mariage de Michel Annet Sauzede et Jeanne Sophie Fayard : « le futur époux s’est constitué ses vêtements et linge de corps qui seront repris en nature à la dissolution du présent mariage dans l’état où ils existeront alors. » « la future épouse s’est aussi constituée en mariage : 1° tous les droits successifs mobiliers et immobiliers qui lui sont échus par le décès de Benoit Fayard, son père décédé depuis environ vingt et un an lesquels ne sont pas encore liquidés avec ses co-héritiers. » Leur mariage est conclu sous le régime de la communauté réduite aux acquets avec donation au conjoint survivant de l’usufruit des biens possédés au moment du décès sauf en cas de remariage.
Cependant après la mort de sa mère en 1882 et celle de sa femme en 1886, Michel Annet Lévigne se retrouve en usufruit, par la grâce de Dieu et la prévoyance de sa mère, à la tête d’un beau patrimoine représentant au moins cinq vies de travail (l’héritage de sa mère et celui du frère et des sœurs de sa mère, les enfants célibataires d’Annet et Péronne Lévigne auquel s’ajoute l’héritage de Jeanne Sophie Fayard) et des achats faits par Michel et sa femme pendant la communauté.
Michel Annet Sauzede était présent lors du décès de sa mère, mais il n’est pas là lors du décès de sa femme qui sera déclaré par deux non parents, Etienne et Victor Decouzon (le père et le frère de son épouse en secondes noces... dix ans plus tard !).
Michel Annet Sauzede, le failli qui fait payer ses enfants
Très rapidement Michel Annet dilapidera l’héritage et sera contraint à la saisie de ses biens par un jugement de faillite du tribunal de Thiers le 7 janvier 1892 mais le fera racheter pour 20 000 F en indivision par son fils et deux de ses gendres en en gardant l’usufruit et en demandant de plus renonciation de ses enfants aux biens acquis dans la communauté Sauzede-Fayard et donc à leurs droits successifs jusqu’à la mort de leur père. La vente du patrimoine Lévigne-Lévigne (une trentaine d’hectares de bois, près et terre et des bâtiments) ne sera conclue en 1907 car la renonciation aux biens de la communauté viendra tardivement du côté du tuteur de l’unique héritier mineur d’une de ses filles décédée en 1897.
Les archives du Puy de Dôme conservent ce document assez hallucinant qui détaille l’ensemble des parcelles rachetées par les enfants et leur provenance. J’en garde précieusement une copie pour me souvenir que dans les familles, tout est possible (malheureusement trop volumineuse pour être placée ici : une trentaine de pages format A3 !).
En 1897, Michel Annet se remarie avec une veuve, Catherine Cécile Angèle Decouzon, veuve de Louis François Tourlonias (qui n’est autre qu’une petite fille du cousin de sa mère Barthélémy Lévigne, dont le père Etienne Decouzon était le témoin de son premier mariage et avec son frère Victor les déclarants du décès de sa première femme ; on garde l’esprit de famille et un goût pour les auberges !). Ils quittent La Côte pour s’installer au Verdier et y ouvrir une auberge dont on dit qu’elle l’occupera plus (devant et derrière le comptoir) que le scitol des virets dont il est aussi usufruitier.
Le partage de l’indivision entre les héritiers acheteurs du patrimoine de leurs grands parents Lévigne-Lévigne n’aura lieu qu’en 1920, peu avant le mariage de leurs propres enfants, les petits enfants de Michel Annet.
Les trois filles et le fils de Michel Annet et de Jeanne Sophie se sont tous mariés. Sa seconde fille Angèle Aimée Sauzede, mon arrière grand-mère a épousé en 1899 mon arrière grand-père Antonin Guyonnet qui avant son service militaire était domestique chez un cousin Lévigne de la Chevalerie et passait sans doute souvent au Verdier en allant de Bournier à la Chevalerie. C’est alors que les Guyonnet de Bournier sont entrés dans la famille.
Ainsi se termine l’histoire de Marie Lévigne, qui n’a pas vu se réaliser ses espoirs de promotion sociale mais les a laissés en partage quelque part dans sa descendance. Petite fille du premier maire de Vollore Montagne mais descendante déclassée des marchands de bois de la Chevalerie, propriétaire à la Côte mais tard mariée, perdant son fils de 20 ans et déçue par son fils unique Michel Annet Sauzede La suite sera racontée par Marie Antoinette Guyonnet, une tante qui a beaucoup compté dans l’histoire de la famille, connue sous le nom de tante Gal.
Les Lévigne de Vollore Montagne et les Sauzede de Sommet
J’ai retrouvé les descendants des Lévigne à Vollore Montagne et ceux des Sauzede à Sommet. Les Lévigne ont fait des recherches généalogiques qui ont conforté les miennes, les Sauzede de Sommet ont peut-être des archives au grenier mais sont surtout très informés de la généalogie de Madame, une communauté agricole qui a donné des prêtres et un évêque américain. J’en reparlerai à la fin de cette chronique.
- Pour visiter le site de l’auteur : A partir de ce que vous me racontez de votre arbre généalogique ou de vos albums-photos, j’écris pour vous l’histoire de votre famille.