Fleury ROULET, premier curé des Roches de Condrieu depuis la création de cette succursale de Condrieu en 1784, écrit à la fin du registre de l’année 1787 :
Nota : il y a douze morts de plus que de baptêmes attendu que la petite vérole a été très mauvaise.
Fait aux Roches, succursalle de Condrieu, diocèse de Vienne en Dauphiné, le premier janvier mil sept cent quatre vingt huit Roulet, aumônier des vaisseaux du Roy le premier vicaire qu’il y ait eut aux Roches »
- Registres paroissiaux des Roches de Condrieu
Effectivement, sur les 59 enterrements recensés aux Roches, 40 ont lieu entre juin et septembre (c’est-à-dire les 2/3 des décès sur 1/3 de l’année) : 8 en juin, 10 en juillet, 15 en août, 7 en septembre.
Quelle est cette maladie ?
Il s’agit tout simplement de la variole ! Cette maladie très contagieuse avait déjà connu plusieurs poussées meurtrières, notamment en 1573 à Paris, en 1668 à Reims, en 1711 à Montpellier, puis de nouveau à Paris en 1670, 1716 (14 000 morts) et 1723 (20 000 morts). En 1774, elle emporte même le roi Louis XV. Vers la fin du XVIIIe siècle en Europe, environ 400 000 personnes mouraient encore chaque année de la variole.
En général, ce sont les enfants qui sont le plus touchés et cette maladie frappe indistinctement toutes les catégories sociales, les riches aussi bien que les pauvres.
Pour s’en prémunir, les remèdes sont peu nombreux :
- l’isolement, mais cette solution extrême est toujours difficile à mettre en application, notamment auprès de la famille proche.
- faire transpirer le plus possible le malade (méthode dite échauffante).
- exposer le malade au froid (méthode dite rafraîchissante).
- pratiquer des saignées ou faire vomir le malade pour expulser le mal.
- l’inoculation, qui est importée d’Angleterre en France en 1755 (le jeune Louis XVI se fera inoculer en 1774)... mais il faudra attendre 1798 pour que Jenner mette au point la vaccination.
À noter : toujours aux Roches de Condrieu, à peine deux ans plus tard, en 1789, la mutation autoritaire du vicaire Roulet suscite une forte indignation chez ses paroissiens. Un "mémoire", au ton très révolutionnaire, est alors adressé à l’évêque de Vienne :
- Lire notre article : Un « mémoire » de paroissiens afin de conserver leur vicaire
Sur le village des Roches à l’aube de la Révolution française, le lecteur curieux peut se rapporter à mon ouvrage « L’Ancien Régime en Viennois (1650-1789) » |
Cet ouvrage, étude inédite, se propose de vous faire découvrir quelques-unes de ces mentions insolites et de vous en montrer la richesse historique et généalogique. Il répond à bien des questions au sujet de ces textes insolites qui parsèment les registres paroissiaux : Pourquoi certains curés notent des mentions insolites ? Que nous apprennent-elles sur la vie quotidienne de nos ancêtres ? Comment repérer, déchiffrer, transcrire et commenter ces témoignages du passé ? Comment les utiliser pour compléter notre généalogie et l’histoire de notre famille ou de notre village ?
Il s’agit du premier numéro de Théma, la nouvelle collection d’histoire et de généalogie.