Connaissez-vous la "petite Suisse" ? Depuis l’âge tendre, j’ai toujours entendu cette appellation !
Pour tenter de la dépeindre et fixer cette aquarelle sur la toile blanche, je vais tremper, pour vous, le pinceau de l’amour, dans la couleur de la tendresse.
Ne croyez pas que nous partons pour Cythère... Tout ceci est très près. Pourquoi aller chercher ailleurs, ce qui est là... juste à côté ?
En partant de Vaise (ndlr : un quartier de Lyon, 9e arrondissement), on doit emprunter une route sinueuse, qui devient de plus en plus champêtre, au fur et à mesure que défilent les kilomètres.
On traverse Saint-Didier et on monte, sur la route toujours en lacets, jusqu’aux pieds du Mont Thoux. Ici, si l’on se retourne, on peut embrasser toute la ville, d’un seul coup d’œil, et si on a de la chance on peut admirer le paysage jusqu’à la chaîne des Alpes.
Vous voyez ? Il n’y a aucune agressivité dans ce paysage, qui commence, peut-être, à susciter en vous, un sentiment de nostalgie. Tout, ici, est rond et d’un vert tendre.
Mais continuons la promenade.
Avant d’amorcer les virelais, laissons-nous glisser, comme sur un toboggan, jusqu’à Poleymieux, fief du célèbre physicien et mathématicien, Ampère. Né chez les "Gones" en 1775, ce Monsieur nous a légué le télégraphe. Mais assez d’histoire, continuons notre chemin.
Laissons-nous prendre par l’air pâmé, séduire par les teintes de ce charmant décor tout vallonné... avant d’arriver au creux de ce si joli petit village, berceau de mes aïeux.
Encastré dans les Monts-d’Or verdoyants et ventrus, dont le point culminant est de 612 mètres, en redescendant en pente douce sur la vallée de la Saône, il est là mon Curis.
Il est là, tout blotti, enserré dans sa ceinture de verdure, avec son clocher en pierres dorées, qui veille sur ses ouailles, en sonnant les heures de la vie. Chère petite église où j’ai été baptisée !
Si l’on redescend par la route, on arrive sur la petite place méridionale, avec sa fontaine et ses platanes, où j’allais, enfant, participer aux fêtes ou aux bals.
D’ailleurs à la veillée, lorsque nous nous promenions, nous nous y arrêtions toujours pour regarder les joueurs de boules. Ils arrosaient les points gagnés, à grands coups de "fillettes" (petits verres de vin blanc), pendant que le perdant allait embrasser "le cul de la Fanny" dans les rires et les quolibets.
Voulez-vous voir le château ? Enfoui dans les arbres séculaires, il faut monter vers les carrières, par le chemin du Chêne, pour l’apercevoir. A bonne hauteur, on peut le distinguer avec ses donjons à vieilles tours pointues.
Mais retournons vers le village où maisons et villas se succèdent avec leurs petits jardins fleuris. Prenons la jolie route du lavoir, petit chemin creux montant en grappille. Cette route ombragée menant à Saint-Germain, est bordée à gauche par les hauts murs de la propriété des "de Lagarde", et à droite par de larges prés, dévalants les pentes, jusqu’à la Saône. En bordure de ces champs, se dressent des noyers, dont les noix ramassées pour les provisions d’hiver, ont parfumé toute mon enfance.
Les "Cornières", par leurs chemins creux, cachés sous les frondaisons de noisetiers, nous mènent "aux Places", bois de jonquilles et de muguets.
Les pâturages des "Machot", le verger des "Vessot", regorgeant d’arbres fruitiers, aux cerises, pommes vermeilles, poires juteuses et pêches de vigne, veloutées, témoignent encore du bonheur des après-midi d’été de mon enfance.
Mais si vous préférez, on peut également accéder à Curis par les bords de Saône.
La route bien droite, mais riante, nous promène, en passant par l’île Barbe, ravissante et luxuriante petite terre insulaire. Avec ses saules pleureurs, ses teintes d’automne, ses vielles maisons bourgeoises rustiques, croulant sous la vigne vierge rougeoyante et ses coins romantiques pour les promenades en amoureux, elle règne sur son domaine fluvial.
Chaque fois que j’y passe, je ne peux m’empêcher d’imaginer des couples d’un autre âge et de jolies jeunes femmes en crinolines et ombrelles blanches, sorties tout droit d’un roman de Maupassant.
Voici maintenant Rochetaillée. avec son château de poupée, perché sur la hauteur, devenu un musée de vieilles automobiles.
Puis se succèdent Saint-Romain, Couzon, toujours baignés par la Saône, Albigny avec sa carrière déchiquetée, et enfin Neuville dont le pont est en arcades.
Enfin, il faut tourner à gauche, passer Villevers, prendre le grand virage et monter, monter, sans s’essouffler. Arrêtons-nous un peu, et prenons le temps de regarder...
Attention nous voici à l’embranchement... Hop ! Prenons à gauche, l’ancienne route sur laquelle, un poteau indique "Curis" et suivons le mur rond, en pierres du pays.
Après avoir dépassé la Mairie, on ne peut pas se tromper. On compte une maison et elle est là, toute grisette, avec ses volets de bois, surplombant la route comme une sentinelle. Elle est là, la maison de mon enfance, la maison de Pépé.