Pierre d’Arc, puis du Lys, après avoir suivi sa soeur dans son épopée, restera dans la région d’Orléans. Les bontés du duc d’Orléans furent nombreuses à son égard.
Entre autres, le duc lui donna l’usufruit d’une île, située sur la Loire, face à Orléans : l’Ile-aux-Boeufs, afin de lui créer des revenus supplémentaires.
Le fils de Pierre, Jehan du Lys, à la suite de son père, recevra lui aussi, en 1443, l’usufruit de cette île.
Il la loua aux bouchers d’Orléans pour que ceux-ci puissent y élever leur bétail destiné à nourrir les habitants de la cité. C’est probablement ainsi que le nom d’Ile-aux-Boeufs restera l’appellation donnée à cette île.
Cette île appartenait en propre à la famille d’Orléans. Le tenancier précédent était un nommé Bourdon. Il semble que Pierre en tira quelques revenus, essentiellement du forestage.
Jehan du Lys son fils, lui aussi, touchera des droits de forestage sur cet endroit, comme en témoignent les comptes de la ville :
- 1477 : "Payé 77 sous à Jehan Dulars, laboureur, pour la façon de 2.300 fagots faits de saules, pris sur l’Isle-aux-Boeufs, appartenante à Jehan du Lis, escuier."
- "Payé 115 sous à Jehan du Lis, escuier, pour le forestage (droit de péage) de 2.300 fagots, à raison de 5 sous le cent ."
Ce qui faisait 5 livres 15 sols, somme minime comme revenu.
Jehan du Lys, outre le forestage, tirera d’autres revenus de cette île, ainsi qu’on va le voir dans cet acte de 1481.
Etude de l’acte
"Ledict jour 15 octobre (1481)... noble homme Jehan du Lis, dit La Pucelle, seigneur de Villiers, en la parroisse d’Ardon, confessa avoir baillé à ferme et pencion de la Toussainct prouchaine venans, à Estienne Mignon, Jacques Mignon et Berthier Mignon, marchans bouchers du grant bourch (bourg ?) d’Orliens, à ce présens et acceptans pour eulx, leurs hoirs, etc... les ysles que ledit bailleur a, assises sur le coustau (coteau) de la rivière de relevée (la Loire ) appelée l’Isle-aux-Boeufs, ainsy que ladicte isle se comporte et poursuit au regard de ce qui est encieux en eaue (de ce qui est immergé), a tenir..., pour la somme de diz escus d’or aient (ayant) de présens cours de ferme et pencion, chascun an, paiable audict bailleur ou au porteur de ces lectres, franchement et quictement, au terme de Toussainct prouchains venans, le premier paiement commençans de la Toussainct prouchaine venans en ung an, ainsi chascun an durant ledict temps ;"
Jehan du Lys se réserve une partie des pâturages, avec le droit d’y élever jusqu’à 12 bêtes ; chaque année, il vendra les petits qui en naîtront, pour conserver ce nombre à demeure :
"par ainsi que ledict bailleur pourra mectre en pasture, à son prouffit, esdictes ysles, jusque à XII chefs (têtes) de beste à corne et leur suite d’un an, sans aulcun contredit, pendant ledict temps ; et au bout de l’an oustera (enlèvera) touziours la suite."
Il est précisé que Jehan du Lys se réserve un pré pour son propre élevage, mais aussi quelques terres labourables de l’île. Il s’engage à clôturer tout cela.
Les frères Mignon seront tenus de réparer ou rembourser si leurs bêtes occasionnent du dégât et détériorent cette clôture :
"Et en ce bail n’est pas compris le pré, ne les terres qui sont à présent en labour que ledict bailleur recent (garde) à soy, moyennant que ledict bailleur sera tenu de faire cloure (clôre, fermer) ledit pré et terres labourables à ses despens."
"Et s’il advient que le bestial des diz preneurs feron aucun dommaige audit pré et labouraige dudict bailleur, après que ledit bailleur les aura faict cloure deument, audit cas seront tenuz de réparer et admender le dommaige, au dit de gens de bien et ce cognoissans."
Les trois frères versent à Jehan du Lys, en forme de caution, d’avance ou de dépôt de garantie, la somme de 40 livres tournois :
" Et moyennans ces présentes, lesdiz preneurs ont paié et avancé audit bailleur qui a rente d’eulx contant, en présence... la somme de quarante livres tournois ; et laquelle somme ledit bailleur promect et sera tenu desduire et rabatre ausdiz preneurs à chaque année huit francs deux solz parisis sur ladicte pencion de diz escus d’or jusques affin desdiz quarante francs ; promectant garentir... et lesdiz preneurs paier ..."
Les bouchers purent ainsi élever le bétail destiné à être ensuite débité et vendu sur les étals d’Orléans, juste en face sur l’autre rive, principalement dans le quartier de Saint-Pierre-le-Puellier, où la "rue des Bouchers" rappelle leur présence.
Jehan du Lys tirait donc des revenus de plusieurs sources sur l’Ile-aux-Boeufs :
- le forestage (voir plus haut),
- le labourage des terres qui le permettent (et aussi sans doute les arbres fruitiers),
- l’élevage d’un petit troupeau de bêtes à cornes,
- la location de la plus grande partie des pâturages.
A cette date, il semble qu’il ait exploité cette île au maximum des possibilités de celle-ci.
En 1501, après le décès de Jehan du Lys, l’usufruit de l’Ile-aux-Boeufs reviendra à Antoine de Brunet, par l’épouse de celui-ci, Marguerite du Lys, fille de Jehan du Lys.
A son tour, Antoine de Brunet la donnera à bail, à d’autres conditions, pour en tirer lui aussi des revenus. (voir l’article : "Marguerite du Lys, petite-nièce de Jehanne, hérite de l’usufruit de l’Ile-aux-Boeufs", sur ce même site.)
Sources :
- Bull. SAHO - Médiathèque Orléans.
- Comptes de la ville d’Orléans.
Ajout à l’article :
L’Ile-aux-Boeufs.
L’Ile-aux-Boeufs subsiste encore aujourd’hui ; mais, par suite du changement survenu dans le cours de la Loire, elle est, comme beaucoup d’autres atterrissements, soudée au val de la rive gauche. Située en aval de l’ancien château de l’Ile dont elle dépend, elle est presque entièrement plantée en bois et habituellement connue sous le nom de " Bois de l’Ile ".
Quelques personnes ont confondu, à tort, l’Ile-aux-Boeufs dont il s’agit ici, assise, d’après les lettres-patentes de 1443, près de la Salle, au droit de Chécy, avec une autre île du même nom située beaucoup plus près d’Orléans, presque en face de l’ancien couvent de Saint-Loup. Ces deux îles n’ont de commun que la dénomination.
Aucune équivoque n’est possible à cet égard : non seulement l’Ile-aux-Boeufs est constamment désignée sous ce nom dans les titres du château de l’Ile, mais l’ancien fief de la Salle , situé sur la rive droite de la Loire, vis-à-vis l’Ile-aux-Boeufs, existe actuellement encore en la commune de Chécy. Il a pris, depuis la création du canal, le nom de Pont-Tournant , en souvenir d’un pont, sur le canal, construit à cet endroit vers 1720.
L’Ile-aux-Boeufs, donnée en jouissance au frère de Jeanne d’Arc, avec droit de survivance en faveur de son fils, Jean du Lis, resta en leurs mains jusqu’à la mort de Jean du Lis, en 1501. Elle fit alors retour au domaine [1].
En 1526, François 1er la donna de nouveau en usufruit à Raoul et François Burgensis, ses sommeliers, à charge d’une minime redevance au domaine.
Trois ans après, Jacques Groslot, bailli d’Orléans, désirant annexer l’Ile-aux-Boeufs aux dépendances du château de l’Ile, qu’il se préparait à construire, obtint des Burgensis la cession de leur usufruit ; puis, en 1539, il acquit la propriété même de l’Ile-aux-Boeufs, par échange avec le domaine, moyennant l’abandon de cent quarante arpents de bois qui lui appartenaient en la forêt d’Orléans (garde de Neuville).
L’Ile-aux-Boeufs contenait, en 1443, plus de deux cents arpents. Dans un des titres relatifs à l’échange de 1539, conservés aux archives du Loiret, Jacques Groslot affirme que cette contenance avait été notablement diminuée, du côté du nord, par les érosions du fleuve.
Source :
- Archives du Loiret, série A,462, et Titres particuliers du château de l’Isle.