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Richart Grey, capitaine de la garnison de Janville en 1429

Un seigneur anglais qui participa au siège d’Orléans et y trouva la mort.

Le vendredi 8 janvier 2021, par Jean-Pierre Bernard

La prise de Janville par les troupes anglaises.

Le comte de Salisbury, venu d’Angleterre, entrait en campagne.

Il commença par mettre en l’obéissance du roi d’Angleterre "aucunes meschantes places que tenoient ses adversaires."

Il explore d’abord le terrain entre Dreux et Chartres. La première ville prise, d’après tous les historiens, est Nogent-le-Roi, suivie bientôt de Rambouillet, Brethencourt, Rochefort, Chateauneuf-en-Thimerais et Courville.

Chartres, depuis longtemps anglais, avait augmenté sa garnison depuis le mois de février 1428 et réparé ses fortifications. Salisbury reçut dans cette ville un brillant accueil, et y employa quelques jours à concentrer et reposer ses troupes.

De Chartres, il se rend à Janville. Frontière du pays Chartrain, cette petite ville était une des châtellenies royales de l’Orléanais.
A ce titre, elle avait son capitaine permanent et une petite garnison dans son château et sa grosse tour, qui avait jadis servi de prison d’état.
Elle était entourée d’une double enceinte, de profonds fossés et de murailles flanquées de tourelles, et percées de quatre portes.

A distance rapprochée, se trouvaient Le Puiset, Toury, lieux défendables, et de petites paroisses qui avaient fortifié les châteaux et les tours des églises : Trancrainville, Oinville, Saint-Liphard, Tillay-le-Péneux, Santilly-le-Moutier, Tivernon, Bazoches-les-Gallerandes et, dans un rayon plus éloigné, Patay, Terminiers, Sougy, Poupry, Artenay.
Salisbury donne d’abord l’assaut au Puiset, et fait pendre tous les soldats qui s’y trouvaient.

Toury, d’où Giraud de La Pallière s’enfuit, malgré sa bravoure habituelle, se rend, mais est néanmoins incendié.
Puis le gros de l’armée entoure Janville qui fait plus de défense et se laisse bombarder. Prégent de Coëtivy s’y était jeté avec sa compagnie pour organiser la résistance.

Salisbury lui-même, dans sa fameuse lettre écrite au Maire et aux Aldermen de Londres, et datée de Janville le 5 septembre 1428, rapporte qu’il s’approcha plusieurs fois de la ville, et que le dimanche précédent, "il y a huit jours", il s’empara de Janville "par le plus fort assaut qu’il vit jamais."

Huit jours avant le 5 septembre, c’est le 29 août. Ces deux dates sont citées exactement par la Chronique de la Pucelle.
Une quittance de Lancelot de Lisle, donnée le 28 août, "au siège devant Yenville", indique que les anglais n’en étaient pas encore maîtres ce jour-là.
Les défenseurs s’étaient retirés dans la tour, avant de se rendre à discrétion.

Là sont pris, entre autres, Prégent de Coëtivy, le Gallois de Villiers, Gilles des Ormes, seigneur de Saint-Germain-en-Chartrain, et Simon Davy, seigneur de Saint-Péravy-Espreux, qui fut enfermé à la bastille de Saint-Antoine à Paris.

Salisbury mit la ville à rançon, comme prise d’assaut, et chacun dut contribuer au rachat pour une somme importante.
Il eut, de sa tierce, 13 livres 6 sols 8 deniers tournois pour sa part sur neuf prisonniers. Le pillage et l’incendie se mirent de la partie. Les papiers du receveur et du contrôleur du grenier à sel furent dispersés ou brûlés.

Janville devint pour un temps le siège de l’armée anglaise, le lieu de concentration et d’approvisionnement.
Du 20 au 28 août 1428, 191 hommes d’armes et 545 hommes de trait (archers et arbalétriers) y font leurs revues, et d’autres les jours suivants.

De Mantes, le trésorier demanda à Salisbury une escorte pour venir payer ses gens d’armes. Eustace Gaudin et ses gens vinrent au-devant de lui.
Au même moment, un voiturier de Rouen, Martin Foulon, apportait sur "trois chevaulx à bast" (sorte de coffre qui se mettait à dos de cheval), une partie des 8.000 livres que Pierre Surreau destinait à la solde de la moitié de l’armée anglo-normande assemblée à Janville.

On peut se livrer ici à un calcul approximatif, mais sans doute néanmoins assez proche de la réalité.
On trouve beaucoup de quittances pour le "groupe de base" de l’armée anglaise, qui est de un homme d’armes et 3 archers, soit 4 hommes (plus les pages et les coutilliers, ou armuriers, qui ne sont pas indiqués dans les calculs pour les soldes).
Leur solde était de 29 livres 15 sols 10 deniers tournois, que nous arrondissons à 30 livres.
Donc, 267 hommes d’armes + 801 archers (3 fois plus) font 1.068 hommes. Si cela représente la moitié de l’armée, c’est donc plus de 2.000 hommes environ qui se tinrent alors regroupés à Janville à la fin du siège de cette ville.

Le neveu de Salisbury, lord Richart GREY, fut un peu plus tard nommé capitaine de Janville, avec 7 hommes d’armes à cheval, 8 hommes d’armes "à pié" et 43 archers, troupe qui restera quasi identique depuis sa prise de fonction, le 27 décembre 1428, jusqu’au 3 mai 1429, jour de sa mort au siège d’Orléans.

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Blason de Richart Grey

De Janville sont lancées, dans plusieurs directions, des colonnes volantes. L’une d’elle, par Artenay, Poupry, Terminiers et Patay, alla soumettre quelques petites places entre cette dernière ville et Châteaudun, Sougy, Saint-Sigismond, Porcheresse, Machelainville et la Rainville, pour aboutir à Marchenoir, où Mondot de Lansac et George Snyllington font revue de leurs 30 hommes d’armes et 87 archers.

Une autre colonne, conduite par Richard Hankford, alla chevaucher, vers le 5 septembre, devant la ville et le château de Meung, qui se rendirent à l’obéissance du roi d’Angleterre.
De Meung, les anglais se rendent à Montpipeau, où ils entretiendront une garnison pendant la durée du siège (voir article "Richard Waller, capitaine de Montpipeau" sur ce site).

Plus tard ils entrent à Beaugency, dont la garnison se retire au château et aux fortifications du pont, pour se rendre le 25 septembre 1428.
Salisbury eut encore là, pour sa tierce, le profit du rachat de 5 prisonniers et 11 livres 2 sols et 2 deniers tournois pour le prix de la vente du froment et de l’avoine trouvés au château de Beaugency, à l’instant de sa reddition.

En amont de la Loire, les villes de Jargeau, Sully et Châteauneuf-sur-Loire étaient soumises. L’étau se refermait, et le siège de la ville d’Orléans pouvait commencer.

Richart GREY (aussi lord Richart GRAY, GRèS)

Chevalier - Seigneur de Grey - Neveu de Salisbury le chef de l’armée anglaise.

Capitaine des ville, tour et forteresse d’Yenville (Janville, en Beauce).

Tué au siège d’Orléans le 3 mai 1429.

Nous avons quelques renseignements sur sa troupe :

  • Endenture (contrat d’engagement) avec le Régent Anglais Bedford, le 20 janvier 1429, pour la durée du siège d’Orléans, "pour sauvegarde d’Yenville".

A payer de mois en mois, au début de chaque mois, aux "gaiges" (gages, solde) de :

  • homme d’armes à cheval : 12 deniers d’esterlins le jour,
  • homme d’armes "à pié" : 8 deniers d’esterlins le jour,
  • archer : 6 dernier d’esterlins le jour,

pour 7 hommes d’armes à cheval, lui non compris, 8 hommes d’armes à pied et 45 archers.
(nb : les soldes étaient exprimées en monnaie anglaise, mais les hommes étaient payés en monnaie française tournois.)

Pour le premier mois, du 27/12/1428 au 26/01/1429.
Montre (revue militaire de contrôle) devant Jehan Popham et Jehan Hanneford, chevaliers, commissaires.
Quittance à Chartres, le 21/01/1429, pour 381 livres 17 sols 6 deniers tournois.

Cette troupe de 60 combattants forma la garnison anglaise de Janville, pendant la durée du siège d’Orléans, jusqu’à ce que cette ville soit reprise par les troupes françaises.

  • Richart Grey avait reçu une autre endenture, le 22/12/1428, "pour servir au siège d’Orliens", pour une troupe identique, prévue pour 20 hommes d’armes à cheval, lui compris, et 40 archers. Il commandait donc en fait, avec les deux troupes, 120 hommes.
  • "Gaiges" de lui, 14 hommes d’armes et 46 archers à cheval.
    Pour un mois, du 21/12/1428 au 20/01/1429.
    Montre le 27/12/1428, devant Jehan Popham et Jehan "Hanford", commissaires.
    Quittance le 30/12/1428 pour 461 livres 16 sols 6 deniers tournois.
  • "Gaiges" de lui, 15 hommes d’armes et 40 archers à cheval. Pour service de 10 jours, du 20/01/1429 au 31/01/1429.
    Montre le 28/01/1429 devant Phillebert de "Molans" (Mollens), écuyer, et maître Raoul Parker, secrétaire du roi, commissaires.
    Quittance le 25/01/1429 pour 148 livres 17 sols 9 deniers tournois.

"Et du surplus de sondit service audit siège, a ou doit avoir esté paié par Andry d’Esparnon, trésorier des guerres en France, à ce ordonné, pour 610 livres 15 sols 3 deniers tournois."

Récapitulatif des deux troupes :

  • Troupe A - Affectée à la garde de Janville.

Du 27/12/1428 au 26/01/1429, pour le premier mois, 7 hommes d’armes à cheval, 8 à pied et 45 archers, soit 60 combattants.
Il semble que cette troupe, en garnison à Janville, reste avec un effectif constant.

Richart Grey avait dû laisser à l’un de ses lieutenants le commandement de cette troupe.
Il commandait lui-même la seconde troupe, stationnée au siège d’Orléans.

  • Troupe B - Au siège à Orléans.

Le nombre d’hommes dut varier un peu au fil du temps. Sans doute des soldats furent-ils blessés ou tués, ou affectés provisoirement aux escortes des convois de vivres et de munitions, auxquelles presque chaque troupe participait.

  • lui + 14 hommes d’armes + 46 archers, du 21/12/1428 au 20/01/1429 = 61 combattants.
  • lui + 15 hommes d’armes + 40 archers, pour les 10 jours qui restent, jusqu’au 31/01/1429 = 56 combattants.

Ces hommes stationnèrent au siège d’Orléans jusqu’à la prise d’assaut du fort des Tourelles, le 7 mai 1429, par Jehanne la Pucelle et les troupes françaises, et la retraite des anglais, le 8 mai, sur Meung et Beaugency.

Le chef était mort entre-temps, tué au siège.

La troupe fut alors probablement commandée par un autre lieutenant, ou bien incorporée à un détachement plus important, sous les ordres d’un autre chef.

Sans doute participèrent-ils aussi à la bataille de Patay, le 18 juin 1429, et au retrait sur Etampes, probablement avec ceux de Janville.

Tué le 3 mai 1429 à Orléans lors d’une escarmouche, la mort de Richart Grey est relatée ainsi dans le Journal du Siège :

"... Y tua maistre Jehan d’une couleuvrine cinq personnes à deux coups. Et desquelz cinq fust le seigneur de Grez... dont les anglois firent grans regretz, parce qu’il estoit de grant hardiesse et vaillance."

Richart Grey, en 1414, avait été l’un des négociateurs pour le mariage du roi anglais Henry V avec Catherine de France.

Le 5 décembre 1414, il avait reçu des pouvoirs pour la négociation des trêves et, en novembre 1418, il était délégué d’Henry V à la conférence d’Alençon.

Un chef militaire donc, doublé d’un diplomate, pour ce chevalier qui trouva la mort au siège d’Orléans.

(Médiathèque Orléans - Bull. SAHO - Divers)

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