Les carrières du Chemin des Dames
« …L’hiver 1914 prend les soldats au dépourvu. Personne n’avait prévu que les combats se prolongeraient après l’automne… Les poilus trouvent un abri inespéré contre l’hiver dans les carrières du Soissonnais. Chaque vallée, chaque village, chaque paysan possède ici sa « creute » dédale de ramifications souvent étendues. Il y règne en toute saison une température stable d’environ 10° C.
Les soldats transforment vite ces souterrains en casernements, en y installant des postes de secours, des liaisons téléphoniques, des chambrées, des cuisines, des lieux de culte… » [1].
- Bonnon et Lefèvre préparent leur cacao
- Septembre 1915
Le cacao dans la grotte des Boves ; Bonnon lit le journal ; Lefèvre prépare le chocolat ; dans le fond le projecteur
"C’est dans la région de l’Aisne, où l’ennemi s’est accroché depuis des mois aux falaises rocheuses. En face de lui, autant et mieux que lui, nos troupes se sont adaptées à l’étrange vie souterraine des troglodytes...
Un tournant brusque et voici qu’une gueule sombre s’ouvre devant nous, dans un chaos de blocs de pierres. La grande carrière est là. Elle abrite maintenant deux compagnies d’infanterie française.
Comme dans les catacombes romaines, des galeries s’ouvrent. L’allée principale se ramifie en couloirs irréguliers qui descendent jusqu’aux salles profondes, voici à notre droite le cercle des officiers, à gauche la cambuse du fourrier...
Un abri sec, de la paille, quelques meubles, du feu, c’est le grand luxe pour ceux qui reviennent des tranchées. A l’issue d’un couloir, soudain apparaît une des grandes salles.
Sur la paille, abondamment jetée, des hommes reposent déjà. C’est la compagnie qui a veillé et combattu dans les tranchées de première ligne.
Les soldats ont sombré dans le sommeil... D’autres jouent aux cartes. Des bougies piquées ça et là éclairent leur visage... Quelques-uns profitant d’un rai de lumière, écrivent, ayant leur sac comme pupitre sur les genoux."
[2].
« Fournissant les mœllons et la pierre de taille, le gypse, le gravier, la pierre à chaux, le sable et la craie, les carrières du Chemin des Dames connaissent un essor intéressant dès les 12e-13e siècles avec la construction des cathédrales, églises, abbayes et châteaux de la région…/…
La plupart ont été ouvertes au 18e siècle. Exploitées selon la méthode des piliers tournés, de superficie très variable, les creutes ou boves sont bien souvent inactives au moment de la mobilisation.
- carte de Cassini
- Sur cette carte du XVIIIe siècle est indiqué la Grande Carrière
Investies par les habitants et les soldats lors des multiples invasions que connut le Chemin des Dames, elles connaissent pour la première fois entre 1914 et 1918 une occupation prolongée.
Les alliés, qui souhaitent voir les Allemands quitter le terrain, les utilisent comme simples abris, ne profitant pas des avantages stratégiques qu´elles offrent. Présentes sous toute la longueur du plateau, elles constituent pour l´ennemi, qui les investit amplement, une forteresse imprenable pour l´observation, la défense et l´attaque.
Protégées par l´épaisseur de la roche, la température de 12° y est constante. Pendant toute la durée des conflits, elles subissent d´importants aménagements (multiples sorties, tunnels permettant le ravitaillement, l´introduction d´hommes à des points tactiques du plateau, réseau de chemin de fer, consolidations des entrées).
Elles permettent ainsi le stockage des munitions, la protection des chevaux et des hommes, qui sont relevés tous les 5 à 10 jours (les plus grandes pouvaient abriter 3000 soldats). Afin de pouvoir se diriger, une signalétique est établie, l´éclairage facilitant également les déplacements »
[3]
La creute de la ferme des Bovettes
- La ferme des Bovettes
- " Cette ferme masque l’entrée d’une grotte qui nous servait d’abri (août 1915)"
Au dos de la cette photo, le "plan de la S.A.P N° 4" , c’est à dire la Section Automobile de Projecteurs N° 4, au 31 juillet 1915.
- Au dos de la vue de la ferme des Bovettes
- Plan de situation de la S.A.P N° 4 le 31/7/1915
Un "panorama tiré à hauteur des grottes" permet de préciser la localisation de cette grotte. Située au dessus du village de Presles et Boves, du côté français, cette ferme est appuyée sur la falaise qui domine le canal latéral et l’Aisne, face au village de Chavonne, du côté "boche" [4].
A 7 kms en arrière, sur le plateau, la ville de Braine sert de repli et de cantonnement.
- Panorama tiré à hauteur des grottes
- Octobre 1915 : photo du secteur prise d’un ancien poste d’observation d’artillerie face à la grotte des B.
Sur le forum de Pages 14-18 [5], j’ai déniché cette superbe carte d’Etat Major, de 1918 me semble-t’il (voir document ci-dessus), du secteur de Vailly sur Aisne, au pied du Chemin des Dames.
En zoomant, j’ai sélectionné le coin entre Chassemy et Chavonne.
Entre le village de Presles et Boves et le N° 66 au sud, on peut situer l’emplacement de la Ferme des Bovettes.
"Le camarade Bonnon" a pris beaucoup de photographies à l’intérieur et autour de la grotte de la ferme des Bovettes. Les commentaires au dos des photos sont tous de la main de Charles Bourcet.
- Entrée de la grotte des Bovettes (cour de la ferme)
1er novembre 1915. Photo de l’entrée de nos grottes à la ferme des B. :
- entrée de gauche sous les feuilles, notre cantonnement
- entrée à droite, cuisine des artilleurs
- petite entrée, forge des artilleurs (cette forge est là où le baguiste des tranchées travaille avec art)
De chaque côté, commencement des bâtiments de la ferme.
Personnages, de gauche à droite : - cabot d’ordinaire des artilleurs [6]
- moi, un artilleur, Forest, Louis Tisserand, un artilleur, Blainville, Fondart, des artilleurs.
- Cour de la ferme des Bovettes
1er novembre 1915 ; photo de la ferme des B. où se trouve notre poste : Notre poste se trouve en face, à environ 30 m de la façade. Le petit bâtiment de gauche s’appuie contre la grotte à l’entrée de droite (cf. photo de la grotte).
Personnages :
- juché sur le pignon démoli, un artilleur.
- en bas : Bonnon, Blainville, Forest, moi appuyé contre un travail pour ferrer les boeufs.