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La condition du journalier au temps d’Aubin Denizet, « paysan sans histoire » du XIXe siècle

Le jeudi 29 novembre 2018, par Alain Denizet

Avant d’écrire ce livre – dont la réédition est présentée par la Revue Française de Généalogie d’octobre-novembre 2018 [1] - j’ai d’abord reconstitué la généalogie d’Aubin, listé ses relations familiales et de voisinage. La connaissance de ses familiers était la garantie de sélectionner par la suite, les évènements et les affaires qu’il avait eu le plus de chance de connaître à leur contact. Les articles précédents évoquaient les disputes de voisinage, les violences conjugales et l’enfance d’Aubin marquée par les guerres napoléoniennes. Après les maîtresses de ferme et les domestiques, il est question aujourd’hui des journaliers.

Comme tous les cultivateurs, Aubin a eu recours à des journaliers pour le battage, la moisson au moins. Ces journaliers ont la situation la plus précaire et la plus sujette à l’incertitude du lendemain, au sens strict du terme. L’enquête agricole de 1852 de Germignonville en recense 85 – un tiers de la population active - et donne, par les chiffres, un aperçu saisissant de leurs conditions de vie. C’est un milieu connu d’Aubin, ne serait-ce que par ses liens familiaux car cinq de ses neveux sont dans cette situation.

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Deux journaliers en discussion. Messager de la Beauce et du Perche, 1886.

Parlons chiffres : leur salaire est de 1,75 franc et seulement d’1 franc s’ils sont nourris, précision qui donne au passage l’étendue des dépenses alimentaires. Le nombre des jours travaillés étant estimé à 270 par an, la multiplication donne selon l’option retenue un revenu annuel de 270 ou de 432 francs. Comme le salaire des femmes et des enfants est inférieur de 40 %, si l’épouse et un enfant trouvent à s’employer une centaine de jours par an, un ménage peut compter sur 650 francs par an.

Or, leurs charges annuelles sont évaluées à 540 francs pour une famille de cinq personnes. Les trois postes de dépenses principaux sont l’alimentation pour 340 francs – le pain à lui seul enlève 202 francs – l’habillement pour 100 francs, le logement et le chauffage pour 78 francs ; soit 518 francs pour satisfaire les besoins vitaux. À la rubrique « économie », le maire de Germignonville laisse tomber ce commentaire : « Elle [la famille] doit en faire si peu qu’elles ne peuvent être fixées. »

Il est vrai que ces revenus sont complétés par les récoltes faites au titre de fermier sur quelques ares, par les ressources du jardin et par les baux à cheptel qui permettent au journalier d’avoir du lait, par le glanage et autres menus ouvrages accomplis par femmes et enfants. Mais une fois payés les 5 francs d’impôt, la visite de l’officier de santé, un accouchement, l’écolage ou encore la charge d’une sixième personne, l’épargne potentielle tourne autour de quelques dizaines de francs. À condition que le journalier trouve à s’employer régulièrement et que la maladie ne l’immobilise pas.

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le battage. Messager de la Beauce et du Perche, 1867.

Nombre d’inventaires après décès montrent d’ailleurs que des dettes se sont accumulées depuis des mois, voire des années auprès du médecin, des marchands ou des artisans. Ainsi, la veuve Dorard est dans l’impossibilité de rembourser ses trente-cinq créanciers après le décès de son mari. En février 1844, le tribunal civil de Chartres la contraint à vendre « aux enchères publiques, sa maison pour acquitter ses dettes ». Au crépuscule de sa vie, elle a tout perdu à l’instar du beau-frère d’Aubin, Raphaël Gosme. Les journaliers transmettent difficilement les biens acquis, sombrent dans la misère ou sont soumis à la bonne volonté de leurs enfants.
Or, tout indique que les efforts d’une vie sont dirigés vers l’achat d’une vache pour 150 francs, d’une maison pour 400 francs et de deux ou trois arpents de terres contre quelques centaines de francs.. Pour tous, la terre a valeur d’assurance vieillesse afin de pouvoir, à la fin de sa vie, vivre de son bien, dans le respect des autres et de l’estime de soi. Sinon…. « Quante on n’est plus qu’à charge aux aut’ vaut ben mieux s’en aller », dit un dicton beauceron.

Enfin réédité !


[1RFG, n°238 : « Livre salué à sa parution (en 2007), il est proposé avec un texte revu et corrigé, complété par l’ajout d’un cahier de 20 pages d’illustration. Encore mieux ! ». Critique précédée d’une interview de Jean-Louis Beaucarnot. Revue de presse complète sur alaindenizet.fr

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