Du même auteur
Réagir à l'article
Quelle est cette "chère Clémence" à qui est adressée, en 1884, une lettre rédigée au dos d’une affiche ?L’affiche
En triant, récemment, de « vieux » papiers, je retrouve [1], parmi les papiers « hérités » de ma grand-mère maternelle, Palmyre BALLOT, décédée en 1958, une affiche [2] comportant la liste des miliciens de la classe 1884 de la commune de Forchies-la-Marche [3].
Que cette affiche se soit finalement trouvée chez ma grand-mère est probablement lié au fait que le n° 4 de la liste, Clément BALLOT, qui a tiré le n° 165 [4], est un de ses frères.
Mais c’est surtout la lettre manuscrite, au verso de cette affiche, datée du 2 février 1884 [5], qui m’interpelle à nouveau. L’écriture nerveuse, l’orthographe plutôt mauvaise, le français sans doute teinté de régionalisme et un malencontreux pli rendent fâcheusement la lecture malaisée [6].
- Affiche "Miliciens 1884", recto
- Lettre au verso de l’affiche "Miliciens 1884"
Le texte de la lettre
L’orthographe a été adaptée dans la mesure du possible...
Nous vous envoyons la liste des con(s)crits de Forchies et les numéros. Comme (...?...) à vous faire remarque(r) que le bidet est le n° 58 c’est-à-dire qu’il n y a cinquante sept réajournés des années dernières ou réformés.
Donc le n° 58 est le 1er (?) soldat qui ont cruis ? que pour être échappé il faut avoir le n° 160 à 170.
Nous sommes bien portants tous, nous vous embrassons tous ainsi que tous les intéressés à la famille et vous font bien leurs compliments
Ci joint ?...? texte illisible dû à l’usure du pli... vous seriez assez forte pour apprendre le chant de la musique ou le temps propice (? propre ?) pour ne pas vous entrave(r) dans vos études, vous pouvez, faite à votre goût.
Veuillez présenter nos amitiés à les sœurs(?) de notre part s.v.p. ainsi que votre oncle
Lebeau Auguste
Forchies le 2 février 1884
Ton papa est bien gueri de toux
Et au dos : "Le fils Alexandre Gamache de Trazegnies notre cousin est tombé aussi.
Le numéro, 165, tiré par Clément BALLOT, était un « bon » numéro
Le certificat de milice, modèle n° 60, que Clément BALLOT a dû fournir pour son mariage, le 6 octobre 1890, est explicite : « (...) BALLOT Clément né à Forchies-la-Marche, le 13 septembre 1864, fils de Louis Joseph et de LIGNY Elisa, inscrit dans la commune de Forchies-la-Marche pour la levée de 1884, ayant obtenu au tirage au sort le n° 165, doit être considéré comme ayant COMPLÈTEMENT satisfait aux obligations qui lui étaient imposées par la loi sur la milice. Position du prénommé sous le rapport de la Milice : non appelé. Délivré à Mons le 12 juin 1890 (...) [7] ».
À la recherche d’Auguste LEBEAU
Auguste termine sa lettre par « Forchies, le 2 février 1884 ». On peut donc supposer qu’il habite à Forchies et qu’il y est très probablement né. Le parcours des tables de naissances de Forchies-la-Marche, et ensuite le registre ad hoc des naissances, me fournissent effectivement un Auguste LEBEAU qui semble convenir, y né le 25 novembre 1829, fils de Michel Albert et de Séraphine Émerante LECLERCQ, native de Trazegnies [8].
À la recherche du « fils Alexandre GAMACHE de Trazegnies, notre cousin »
Cette mention, au bas à gauche du recto de l’affiche, écrite de la main d’Auguste LEBEAU, précise en outre que ce jeune homme, habitant Trazegnies, « est tombé aussi », c’est-à-dire dans le jargon du tirage au sort, qu’il avait tiré un mauvais numéro l’obligeant donc à "aller soldat".
Il s’agit donc de trouver un GAMACHE, habitant Trazegnies (et y né très probablement), âgé en 1884 de 20 ans, ou éventuellement un peu moins [9], dont le père se prénomme Alexandre, et qui est un cousin d’Auguste LEBEAU. À moins que ce soit Alexandre qui soit le cousin d’Auguste... De toute façon, dans le langage courant, le terme "cousin" possède souvent une acception plus large que "cousin germain".
La consultation des registres de naissance de Trazegnies me donne un Clément Ghislain GAMACHE, né à Trazegnies le 1er janvier 1864, fils de Grégoire Alexandre, 43 ans, et de Rosalie ORBAN [10].
Clément a-t-il appelé sous les drapeaux ?
Il reste à vérifier si Clément est bien "tombé"... Le certificat de milice, présent, s’il échet, dans les pièces de mariage, peut me donner la réponse... Mais Clément s’est-il marié ? Aidé [11] par Geneanet, j’obtiens le mariage de Clément GAMACHE avec Catherine DUBOIS à Trazegnies, le 2 mars 1889 [12]. L’acte de mariage indique : « lequel comparant a satisfait à ses obligations de la milice nationale selon certificat ci annexé ». Le certificat de milice [13] de Clément est plus explicite : « (...) inscrit dans la commune de Trazegnies pour la levée de 1884, ayant obtenu au tirage au sort le n° 133, doit être considéré comme ayant COMPLÈTEMENT satisfait aux obligations qui lui étaient imposées par la loi sur la milice. Position du prénommé sous le rapport de la Milice : De 1884 à 1887 inclus, exempté pour un an ». Clément a donc bien été "appelé", mais a bénéficié d’une exemption reconduite pendant quatre années.
Clément GAMACHE [ou son père] est-il bien un cousin d’Auguste LEBEAU ?
La note d’Auguste LEBEAU, en bas à gauche du recto de l’affiche peut en effet s’interpréter de deux manières : soit c’est le fils d’Alexandre Gamache qui est « notre cousin », soit c’est Alexandre. Il s’agit en tout cas de trouver, à la 2e génération, des ancêtres communs à Clément [ou à Grégoire Alexandre] et à Auguste.
Ancêtres de Clément GAMACHE
Selon l’acte de naissance de Clément, son père Grégoire Alexandre GAMACHE est né vers 1821, à Trazegnies je présume. Un coup d’oeil chez Geneanet va me faire gagner beaucoup de temps [14]. Sans cette information, je risquais de chercher longtemps la trace de Grégoire Alexandre GAMACHE, car il n’est pas répertorié sous ce patronyme dans les tables de naissance de Trazegnies. Son acte de naissance [15] indique simplement « LECLERCQ Grégoire Alexandre », « né, dans la maison de Jean Baptiste LECLERCQ, de demoiselle Marie Thérèse LECLERCQ ».
Cette Marie Thérèse se marie le 8 mai 1822 à Trazegnies, avec Alexandre Joseph GAMACHE, âgé de 24 ans, et, par leur mariage, ils reconnaissent Grégoire Alexandre comme leur fils légitime [16].
L’acte de mariage mentionne que Marie Thérèse est âgée de 28 ans, native de Trazegnies et que ses parents, y domiciliés, sont Jean Baptiste LECLERCQ et Marie Reine DEWEZ, sans autre précision à leur sujet.
Les tables de Trazegnies me fournissent la date du mariage de Jean Batiste LECLERCQ et Marie Reine DEWEZ, soit le 4 avril 1785, et l’acte de leur mariage [17], le 4 avril 1798.
Ancêtres d’Auguste LEBEAU
Les parents d’Auguste, nous l’avons vu plus haut, sont Michel Albert LEBEAU et Séraphine Émerante LECLERCQ, native de Trazegnies.
Un peu aidé par Geneanet [18], je mets la main sur l’acte de naissance [19] de Séraphine Emerande, daté du 12 frimaire an 7 (2 décembre 1798), qui mentionne qu’elle est née à Trazegnies le 18 Brumaire an 7 (8 novembre 1798), fille de Jean Baptiste LECLERCQ et de Marie Reine DEWAY.
Conclusion
Grégoire Alexandre GAMACHE, le père de Clément, est bien le cousin germain d’Auguste LEBEAU car leurs mères, respectivement Marie Thérèse LECLERCQ et Séraphine LECLERCQ sont deux sœurs. Clément, fils d’Alexandre, est le petit cousin d’Auguste LEBEAU.
Et alors, qui est cette "chère Clémence" ?
La petite phrase « Le fils Alexandre Gamache de Trazegnies notre cousin (...) » est, à mon avis, un indice à creuser. Si Auguste LEBEAU écrit ce petit message à l’attention de Clémence, c’est que "le fils Alexandre GAMACHE" est très probablement aussi un cousin, plus ou moins proche, de Clémence.
Il s’agit donc de trouver une Clémence, jeune en 1884, puisqu’encore aux études à cette époque, qui soit cousine ou petite-cousine de Clément GAMACHE.
En cherchant les descendants du couple Jean Baptiste LECLERCQ x Marie Reine DEWAY (DEWEZ), je tombe sur Clémence Séraphine BADOT, née le 6 mars 1867 à Forchies-la-Marche [20], fille de Henri Ghislain et de Marie Séraphine LEBEAU. Bingo ! La mère de cette Clémence BADOT et Alexandre GAMACHE sont cousins germains, enfants de deux sœurs, respectivement Séraphine LECLERCQ et Marie Thérèse LECLERCQ.
Cette Clémence est donc bien petite-cousine de Clément GAMACHE. Elle est aussi la nièce [21] de Auguste LEBEAU, puisque fille de Marie Séraphine LEBEAU, sœur d’Auguste.
Je me suis posé la question de savoir pourquoi Auguste envoie à Clémence l’affiche en question. Est-ce parce que dans cette liste de miliciens, se trouve un parent proche de Clémence ? La parenté de Joseph Édouard BADOT, le 2e de la liste, avec Clémence, trop lointaine [22] n’est probablement pas la raison.
Quelques remarques finales...
Dans sa lettre, Auguste LEBEAU écrit : « (...) pour être échappé il faut avoir les n° 160 à 170 (...) ». Auguste ne semble pas avoir reçu des informations correctes au sujet de ce tirage au sort. Parmi les 61 miliciens de la levée 1884, d’autres miliciens que ceux qui ont tiré les numéros de 160 à 170 n’ont pas été appelés [23]
Dans sa lettre, encore : « (...) veuillez présenter nos amitiés à les sœurs de notre part (...) ». S’il s’agit bien de "sœurs" et s’il s’agit de sœurs de Clémence, je n’en ai trouvé aucune qui serait née à Forchies-la-Marche et qui serait vivante en 1884...
RSS 2.0