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L’hiver 1879-1880 (2e partie)

Le jeudi 28 mai 2009, par Claude Beaubestre, Francine Bardant

Dans la précédente partie, nous avons évoqué le terrible hiver 1879-1880, en terminant sur la création d’une station d’observation parisienne.
Avant de passer aux premiers résultats obtenus à la Mairie du IVe arrondissement, résumons ce que Miquel considérait comme des « faits solidement établis ».

Il observe, en premier lieu, que les spores bactériennes présentent une grande variabilité due à la saison et/ou aux conditions météorologiques. Ensuite, il constate que leur distribution est inégale selon que l’on se trouve en ville, à la campagne, dans un appartement, au fond des égouts ou bien à l’hôpital. Ainsi, « à Montsouris, l’air se montre cinq à six fois plus pur qu’au centre de Paris, et l’atmosphère des salles des hôpitaux les mieux tenus est cinq à six fois plus impure que l’atmosphère humide des égouts ». Pour affirmer ceci, il se fonde, non plus sur des données vagues et contradictoires, mais sur des statistiques précises. « Un litre d’air puisé dans [les] salles [d’hôpitaux] renferme 6 à 7 [bactéries], alors qu’un mètre cube d’air pris à l’Observatoire de Montsouris peut parfois n’en pas contenir davantage et se montre par conséquent mille fois plus pur ». Miquel développe ensuite une série de recommandations sur l’hygiène à promouvoir dans les hôpitaux et au cours des opérations chirurgicales pour éviter ce qu’on n’appelait pas encore les infections nosocomiales. Il est vrai, qu’à l’époque, la théorie des germes de Pasteur n’avait pas rallié à elle l’ensemble du monde médical.

Dans l’annuaire de 1882, Miquel revient sur la question de « l’étude de la relation existant entre les recrudescences des bactéries et des décès causés par les maladies zymotiques ». Cette fois, il s’agit de considérer des données obtenues au centre de Paris, à la Mairie du IVe arrondissement, et non plus en dehors des quartiers habités.

Miquel commence par indiquer que dans notre organisme les voies de pénétration des microbes les plus sensibles sont la muqueuse respiratoire et celle du tube digestif, un troisième accès étant possible par accident ou traumatisme chirurgical. La peau est considérée comme une barrière efficace, avec juste raison. La muqueuse respiratoire est baignée constamment par l’air atmosphérique et les impuretés qu’il contient, « aussi voit-on une classe d’affections très graves, l’érysipèle, la diphtérie, etc., y prendre journellement naissance ; la scarlatine, la rougeole qui s’annoncent par le catarrhe des voies pharyngiennes et pulmonaires n’ont peut-être pas d’autre point de départ ».

Mais l’invasion de la maladie présuppose une inoculation consécutive au transport des ferments qui en sont responsables. Il importe peu finalement que ce ferment soit connu, trouvé ou non. Pour Miquel, il existe « aussi réellement que les virus de la variole, de la vaccine, de la syphilis, de la rage, de la morve, de la septicémie, de l’infection purulente, sur la nature desquels le premier mot reste encore à dire ».

Considérant que les méthodes d’observation sont encore trop imparfaites, il rappelle que l’isolement, dans les hôpitaux, des malades atteints de la variole, par exemple, a pour « seul but […] de circonscrire le foyer d’infection dont les émanations morbides, du reste parfaitement inconnues, sont seulement pressenties et surtout démontrées par le contage ».

Après avoir rappelé les différents modes de contagion possibles (inoculation directe, piqûre, morsure, inoculation indirecte) il démontre que l’air, comme l’eau, est un véhicule permettant la transmission des germes. Dans ce milieu, les ferments peuvent voyager, subsister longtemps rendant ainsi plus grande la difficulté de s’y soustraire efficacement. La purification de l’air est alors loin d’être un problème résolu (d’ailleurs, l’est-il vraiment aujourd’hui ?).

Cependant, Miquel ne croit pas que les germes des maladies puissent se transmettre sur de grandes distances, en raison d’une trop grande diffusion. Il admet plutôt qu’une transmission efficace se passe d’individu à individu, de salle à salle, de maison à maison ; mais pas de ville à ville.

Sur ce dernier point, il cite des travaux qu’il a effectués à Gaillac (dans le Tarn) qui « prouvent bien que, […], le mode de transmission par les poussières atmosphériques peut être singulièrement aidé par un agent détourné dont le rôle n’était pas de prime abord remarqué ». Au cours des expériences qu’il a menées à Gaillac, Miquel démontre que la fermentation du moût de raisin stérilisé et exposé à l’air résulte bien de la présence de levure alcoolique dans l’atmosphère, mais « ces cas si fréquents de fermentation alcoolique sont dus aux moucherons de la vendange, qui transportent à travers l’espace la levure du vin attachée à leurs trompes et à diverses parties de leur corps » [1]. Les mêmes expériences refaites à Montsouris ne donnèrent lieu à aucune fermentation, mais au développement de moisissures dans les ballons remplis de moût de raisin.

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Maladies épidémiques et bactéries (1880-1881)

Miquel rapproche ensuite les données expérimentales sur la distribution des bactéries dans l’atmosphère, obtenues en 1880-1881 dans l’air de la rue de Rivoli, des statistiques de décès enregistrées à Paris sur la même période.

Les maladies qui l’intéressent sont les plus meurtrières à l’époque : fièvre typhoïde, variole, rougeole, scarlatine, diphtérie, infection puerpérale et athrepsie.

Le diagramme ci-dessus, tiré des Annales de Montsouris, montre que les pics bactériens et les pics de mortalité (excepté celui de la troisième semaine d’avril 1881) coïncident exactement 3 fois sur 11 et sont en décalage d’une semaine 8 fois sur 11. L’année précédente, les mêmes coïncidences s’étaient rencontrées 9 fois sur 9. « En un mot, si, durant les deux années qui viennent de s’écouler, il nous avait été possible de posséder le jour même le résultat de nos analyses microscopiques, 19 fois sur 20 il nous aurait été facile d’annoncer exactement l’imminence d’une crue de décès par les maladies zymotiques et 20 fois sur 20 le dégrèvement de la mortalité par ces mêmes maladies ». Parmi les maladies étudiées, celles pour lesquelles la correspondance des pics est la meilleure sont la fièvre typhoïde, le choléra infantile puis les fièvres éruptives.

Pour terminer son exposé, Miquel rappelle que seulement 20 ans plus tôt la présence dans l’air de bactéries était purement et simplement niée (au mieux, traitée d’exceptionnelle) et il rend ainsi un hommage appuyé à Louis Pasteur, le véritable fondateur de la microbiologie.


[1Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences, Tome 87, p759-760, 1878.

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6 Messages

  • L’hiver 1879-1880 (2e partie) 1er août 2018 15:37, par Priya

    Bonjour,
    Je ne parle pas beaucoups Francais et vraisment pas de langue scientific en Francais mais je suis iteresse si vous pouvez m’envoyer des articles de M. Miquel sur l’etude des organismes de l’aire si ce sera possible. Ou peut etre des "links" ou titres des traveaux. Je prefere en Angalis, mais, si ce serrra pas possible, je peux essayer utilizer mon Francais de longtemps que j’ai etudie a l’eclole.
    Sil vous plait, excuzes mon mal grammaire etc....
    Merci.

    Répondre à ce message

    • L’hiver 1879-1880 (2e partie) 7 août 2018 08:54, par Claude Beaubestre

      Bonjour,

      Merci pour l’intérêt que vous avez porté à cet article.

      J’ai la chance de travailler dans le laboratoire "descendant" de l’Observatoire de Montsouris et nous avons dans notre bibliothèque les Annales de cet Observatoire, à partir desquelles j’ai travaillé.

      Vous pourrez trouver sur le site de la Bibliothèque Nationale 3 numéros numérisés de ces Annales (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32693723v/date).

      On peut aussi trouver sur internet des travaux du Dr Pierre Miquel, à condition de rajouter "Observatoire de Montsouris" dans la zone de recherche.

      Espérant vous avoir apporté quelques réponses. Bien cordialement,
      Claude.

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      • L’hiver 1879-1880 (2e partie) 30 novembre 2020 14:17, par lregnier

        Bonjour Monsieur,
        Je suis très intéressée par cet article. Existerait-il quelque part à votre connaissance un portrait du Docteur Pierre Miquel qui dirigea le service micrographique de l’Observatoire de Montsouris pendant 34 ans ?

        Répondre à ce message

      • L’hiver 1879-1880 (2e partie) 20 août 2018 22:26, par Priya

        Merci pour votre response. Je voudrais ecriver un reference pour cette article. Est-ce que vous pouvez me suggester quelquechose ? J’ai pas trouvez cette information sur le link que vous avez envoyez.
        P

        Répondre à ce message

  • L’hiver 1879-1880 (2e partie) 30 mai 2009 09:46, par gene04

    Très intéressant. J’aurais souhaité un commentaire au graphique. Je suis les articles avec attention. Merci.

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  • L’hiver 1879-1880 (2e partie) 29 mai 2009 12:23, par Mouilleseaux

    Bonjour !
    Toujours aussi interessant. J’aurais aimé avoir les légendes du graphique. D’autre part rappelons que selon nos connaissances actuelles, la typhoïde et le choléra sont des maladies qui ne sont pas a priori des maladies transmises par l’air.

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