Le nom de ma mère m’a toujours semblé étrange : PERCHERANCIER.
La mémoire familiale étant résolument bretonne, mon grand père et ma grand mère nés l’une à Pontivy, l’autre à Brest, tous deux mariés à Vannes, la question semblait entendue. Pourtant c’est en Bourgogne que ce nom a ses plus anciens représentants, du moins à ma connaissance, et plus précisément dans trois villages voisins, Pressy sous Dondin, Saint-André-le-Désert et Saint-Bonnet-de-Joux, aux confins du Charollais et du Mâconnais.
La signification de ce nom n’est pas certaine : côté chanvre ou côté perception d’impôt, en tout cas il reste que ce devait être un nom qui n’a pas toujours été transcrit tel qu’il est écrit ici. Tant que ce nom figure dans les registres paroissiaux des villages cités plus haut, pas de problème. Il y a suffisamment d’individus qui le portent pour que le curé puis l’officier d’état civil n’aient aucune hésitation. Mais il arrive qu’une Percherancier se marie loin de chez elle (relativement, on reste en Saône et Loire) et sur son acte de décès son nom a été modifié, ce qui n’a pas grande importance, puisqu’avec elle le nom s’éteint.
C’est ce qui arrive à Françoise Percherancier, née à Pressy sous Dondin en 1774, mariée en secondes noces sous ce nom en 1815, à Fontaines (71) où elle décède en 1846 sous le nom de Persancier (née à Sercy !).
Cela m’a incitée à faire une recherche sur Généanet avec le nom de Persancier. Il y avait trois Persancier, Jean, Nicolas, François. De prime abord, ils ne semblaient pas avoir d’autre relation entre eux que ce nom et, tout de même une localisation géographique à et autour de Chalon sur Saône. J’y suis allée voir de plus près et, ô joie ! cela m’a permis de retrouver un Percherancier dont j’étais persuadée qu’il était décédé à la naissance, car il n’y avait plus aucune mention de lui ensuite.
Pas de doute :
Jean Persancier, né le 2 août 1859 à Saint Marcel (71) est le fils de
François Persancier, né le 23 août 1834 à Chalon sur Saône (71), fils de
Nicolas Percencier, né le 12 octobre 1799 à Buxy (71), fils de
Jacques Perciencier, maréchal à Buxy et de Françoise Champion.
Poursuivant mes recherches dans l’état civil de Buxy, et prévenue de la fantaisie orthographique de l’officier d’état civil, j’y trouve la naissance de Marguerite Sancy, le 18 juillet 1798, fille de Jacques Sancy, maréchal, et de Françoise Champion. C’est la sœur du Nicolas qui sera l’année suivante nommé Percencier !
Lorsque Marguerite se marie, à Chalon sur Saône, le 18 mai 1819, c’est sous le nom de Sancier et c’est aussi sous ce nom qu’est inscrit le décès de Jacques, son père, le 31 janvier 1826, à Chalon sur Saône.
En voici le texte :
Acte de décès de Jacques Sancier, époux de Françoise Champion, âgé de cinquante sept ans, né à Percy( !) sous Dondin, département de Saône et Loire, maréchal demeurant audit Chalon, décédé le jour d’hier, heure de neuf du soir, en son domicile place ronde, maison de son gendre, fils de Dominique Sancier, cultivateur audit Percy sous Dondin et de défunte Denise Paney…
Source : AD 71 Chalon/Saône décès 1826 5 E 76/98)
Pourtant Jacques est bel et bien né Percherancier :
(Source : Pressy-sous-Dondin-Baptêmes, Mariages, Sépultures 1771 coll. Communale)
Que s’est-il passé ?
Je ne le sais pas encore exactement, mais il me semble, au vu des documents notariaux que j’ai pu consulter, que la famille Percherancier, laboureurs assez à l’aise au début du siècle (le mariage du grand père, Jacques, est qualifié de mariage de 1300 livres) connaisse des revers de fortune. Dominique, quitte Pressy pour Saint-André-le-Désert où habite sa seconde épouse. Aucun de ses fils ne possédera de terres à Pressy, et lui même décède chez son gendre, manœuvre à Saint Ythaire (71).
Est-ce pour cela que Jacques n’est pas le laboureur que son rang d’aîné aurait dû faire de lui et qu’il s’en va exercer au loin le métier de maréchal ?
En tout cas, il s’éloigne nettement de Pressy. Ce qui ne signifie pas une rupture avec son père, qui est présent à son mariage, le 12 novembre 1797.
Un mariage que j’ai cru ne jamais trouver, et si je l’ai trouvé, à Buxy, bien sûr, ce n’est pas avant d’avoir compris qu’il valait mieux chercher de préférence le nom de la mariée. Bien m’en a pris. Dans la table décennale de 1792 à 1802, le nom de Jacques est devenu Porcher.
Quant à son nom sur l’acte de mariage lui-même, il est incompréhensible, aussi je livre cet extrait du document pour vous permettre de profiter de la graphie et de l’orthographe si particulière :
- (source : AD 71 Buxy mariages 1793-1802 5 E 70/2)
Est-ce une question de prononciation ? Comment prononçait-on Percherancier ? Est-ce qu’on sifflait le « ch » ? Mais comment arrive-t-on à Sancier ?
Jacques appartient à une branche des Percherancier qui ne se soucie pas d’apprendre à lire, il lui était donc impossible de rectifier l’écriture défectueuse de son nom.
(J’imagine l’officier d’état civil : Et vous écrivez ça comment ? Et Jacques incapable d’épeler…)
Claude Jacques avait un frère et une sœur, un demi-frère et une demi-sœur. Tous s’appellent Percherancier. Seule Françoise a connu une transformation de son nom. Elle aussi a « émigré » dans la région de Chalon sur Saône, à Fontaines. Les autres sont restés dans le Mâconnais/Charollais, où ce nom n’était pas inconnu.
D’autres Percherancier ont gagné d’autres parties de la Bourgogne, puis de la France. Ils sont allés au Creusot, à Lyon, à Paris, en Bretagne, sans perdre l’orthographe de leur nom.
Mais peut-être y a-t-il eu, parmi ceux que je n’ai pas trouvés, des Percherancier introuvables parce que leur nom s’est trouvé radicalement modifié ?