Ainsi gît « . . . le corps d’un homme . . . trouvé tué au-dessous du pré de la guinguette de cette paroisse, hier sur les deux heures après midi ».
Je fais connaissance de Mathieu l’assassin au bagne de Brest [1]. Son forfait accompli, il a été rapidement confondu.
Son matricule me livre toutes informations sur son état-civil, sur le crime et sa répression.
Il est dit âgé de 30 ans, fils de feu Mathieu GRELLET et Toinette « Desbordes » [2], natif de Chatel Montagne [3].
Malgré la désignation approximative de sa mère, je n’ai guère de mal pour le retrouver dans sa paroisse, au milieu des siens.
Il a vu le jour le trois mai 1737 [4].
Un frère et quatre sœurs sont là pour l’accueillir, une petite dernière viendra compléter la fratrie.
Sur le registre pénitentiaire il est dit garçon et sans métier : est-ce la traduction de la déchirure familiale ?
Il est pourtant reconnu sabotier, comme son père, lorsqu’en bonne et due forme, le registre paroissial enregistre son mariage avec Vincente Saint-Jaunain [5], le 30 juin 1762 [6].
Mariage peut-être précipité, contrariant la belle-famille ?
Leur petit Claude naît trois mois plus tard [7]. Le pauvre enfant perd la vie à quatre ans, le 17 mars 1766.
Au moment de ce malheur, le contentieux avec un beau-frère est-il déjà amorcé ?
Conflit lié à l’héritage à la mort de son père ?
S’agit-il de Claude Boufferet, époux de sa sœur Antoinette, l’aînée. Mariage célébrée le 1er mars 1745 ?
Ou bien est-ce Claude Roche, marié l’année précédente le 29 septembre avec Benoîte ?
Ou bien encore Simon Breuil, époux de Michelle, alors servante à Molles. Secondes noces pour Simon célébrées le 27 janvier 1761 ?
Possible aussi que l’objet de sa haine soit Claude Moutet, le mari d’Antoinette la benjamine ? Ils se sont épousés le 8 février 1763.
Je ne peux négliger un sévère différent avec sa belle-famille les Saint-Jaunain.
Avec Augustin Mousserain ? Lors de leur mariage, il est témoin de Vincente en qualité d’époux de sa sœur Gilberte Saint-Jaunain.
Vincente a une autre sœur, Antoinette née le 22 janvier 1734, serait-elle mariée avec la victime ?
Les hypothèses sont nombreuses, les recherches peuvent s’engager.
Un homicide relève de la justice royale. Par jugement du 6 mars 1769, le Parlement de Paris condamne Mathieu à mort.
Toutefois la peine sera commuée. Le 25 avril, marqué des lettres G A L [8] sur les épaules, le même Parlement l’envoie au bagne de Brest pour y finir sa vie au service du Roi.
Cette perspective le rend sombre et songeur. Perpétuité, c’est bien long !
De la réflexion naît l’action : le 5 juin de l’année suivante, il s’évade !
Les enceintes du bagne franchies, où est-il allé se réfugier ?
A-t-il été repris et jugé à nouveau ? En liberté relative, est-il venu rôder sur les lieux de son crime, comme le veut le dicton ? S’est-il agrégé à une bande de malfrats, l’estampillage de ses épaules ne lui permettant guère de se fondre dans la société des honnêtes sujets de Sa Majesté ?
Amis généalogistes, l’épilogue de cette histoire vous intéresse-t-elle ? Partagez-vous ma curiosité satisfaite seulement pour partie : tout signalement du fugitif sera reçu avec gratitude !
Quant à l’identité du beau-frère homicidé, l’enquête est close, le défunt est enregistré : « le corps d’un homme que quelques paisans ont reconnu et dit être celui de... » .
Par pure coquetterie, je le confesse, mais aussi pour partager le plaisir de la quête, je propose à qui le souhaite de mettre ses pas dans les miens.
Bonne pioche ! ?